
qu’o n . lui adrefla, de toutes parts ., l’ ambition •
d’ être , mis au-deflus de fes concurrens , & fon
goût invincible pour la poéfie, lui firent abandonner
la jurifprudence , malgré la médiocrité
de fa fortune , & tous les efforts de ce même
père pour l’arracher à un penchant naturel, qui
ne produit d’ordinaire qu’une magnifique fumée.
A l'âge de 27 ans., il luivit en France, le cardinal
d’E ft, 8c fut reçu du roi Charles IX , ayec
une bienveillance fingulière.
Le Tafle de retour à Ferrare en 1573 , donna
VAminte , qui fut repréfentée avec un grand luc-
cès. Cette paftorale eft l’original du Berger fidèle
8c de' la Philis .de Sciros. On fut enchanté de
la nouveauté du fpeétacle, & de ce mélange de
bergers, de héros & de divinités qu’on n’avoit
pis vu encore enfemble fur le théâtre. Il parut"
a ix yeux des fpectatèurs comme un tableau brilla
n t, où l’imagination & la main d’un grand
peintre expoloient en même temps dans un beau
payfage la grandeur héroïque, 8c la douceur de
la vie champêtre. L’auteur s’étoit dépeint lui-
même dans ce poème, lous la perfbnne de Tircis ,
8c s’y montroit dans cet état tranquille où l’avoit
mis la protection du duc de Ferrare, & dans cet
heureux loifir qu’ il confacroit aux mufes. On y
voyoit le portrait du duc & de fa cour, touché
d’une manière aufii fine que fpirituelle -, tout cela
étoit rehauffé par. l’odieule peinture de Mopfe ,
fous le nom duquel le Tafle défigne un de fes
envieux. On prétend encore qu’il y a décrit l’amour
dont il brûloir en fecret pour la princefle
Léonore , foeur du. duc, paflion qu’il' a toujours
cachée avec beaucoup de foin ..
• Quoi qu’ il en fo it , cette paftorale eft d’une
grande beauté. L’ auteur y a fcrupuleufement ob-
fervé les règles prefcrites par Arifto'té fur l’unité
du lieu , & fur celle, des caraâères. Enfin , il
a fu foutenir l’intérêt de fa pièce en ménageant
dans fon fujet des fituations intéreffantes. On peut
cependant lui reprocher quelquefois de la féçhe-
r.efie , & fur-tout ce nombre de récits confecu?
t i f s , qui ne donnant rien à la repréfentation ,
laiflent fans occupation un des principaux fens ,
par l’organe duquel les hommes font plus facilement
touchés. Le père Bouhours condamne
avec raifon la Silvie du Tafle, qui en fe mirant
dans une fontaine, & en fe mettant des fleurs,
leur dit qu’elle ne les porte pas pour fe parer ,
mais pour leur faire honte. Cette penféé. n’eft
point naturelle à une bergère. Les fleurs font
les ajuftemens qu’elle emprunte de la nature,
elle s’en met lorfqu’elle veut être plus propre
plus parée qu’ à l’ ordinaire, J$c elle eft fcjen éloignée
de fonger qu’elle puifie leur faire .h o n te .-
’ L"'Amince fut imprimée pour la première lofs
en 1 5 8 1 , avec les Rimes du ’Tàfle^,. à,Yènifè,
par Aide le jeune, z/z-S°. , & dans, les’ autres
recueils des oeuvres de l’ auteur, qui parurent
£ufli à Venifè les années fuivantes en 1582 Sc
ï 583. Depuis-il s’en eft fait plufiçyrg. édiflonf
féparémènt. Ménage en donna une à Paris en
1055 -> zVi-40. avec des remarques, fur lefquelles
l’académie délia Crufca fit des obfervations que
le traducteur a inférées à la page 74 de fes Mef-
çolan[ey imprimées à Paris en 1.678', in-S°. I l
y a aufii une édition de l’Aminte fort jolie , faite
à Amfterdam en 1678. On en a des traduirions
en plufieurs langues , 8c même én latin. En 1734
& 1735 il y en a eu deux en françois ; la
première dé M. Pecquet , & la féconde de
M. i’Efcalopier. Il a paru aufii une traduâion
angloile de l’Aminte à Londres en 1628, z‘ft-40.
Jean de Xauregui en a publié une verfion efpa-
gnole à Séville en 16 1S , zn-40. en a donné
une traduction hollandoife à Amfterdam en 1715 ,
in-8°.
Le Tafle acheva en 15 7 4 , à l’âge de 30 ans,
fa Jérujalem délivrée. La première édition complète
de ce beau poème épique parut à Ferrare
l’an 1581 , chez Vittorio Baldini, zn-40. f l
s’eft fait quantité de traductions de la Jérufalem
délivrée dans toutes les langues. Scipion Gen-
tilis en a traduit les deux premiers livrés en vers
latins , fous ce titre. Solimcidos libri duo priores >
de Torquati Tafii italicis exprejji , Venife 1585 ,
in~/jP. Il y en a deux traduirions efpagnoles ,
l’une de Jean Sedeno , imprimée, à Madrid en
158 7 , in-8°. ; l’autre d’Antoine Sarmento de-
Mendofa , qui parut dans la même ville en 1.645? ?
in-8°. Fairfax a traduit ce poète en anglois avec,
beaucoup d’élégance 8c de naturel, & tout à la
fois avec une exairitude fcrupuleufe. Chaque ligné
de l’original eft rendue par une ligne correfponr
dante dans la traduilion -, c’eft dommagè qù’il
ait fervilement imité l’italien dans fes- ftances ,
dont la prolixe uniformité déplaît dans un long
ouvrage. M. Hill en a donné une nouvelle tra^-
duûion imprimée à Londres en 1713. Gabriel
Falàgno. en a fait une verfion en langue napolitaine
, imprimée à Naples en 1720'y in-fol. L&
poème & la verfion napolitaine font fur deux
colonnes.
Les François fe font aufii emprefles à donner
des traductions de ce poème-, la première & la
plus maufaile de toutes, eft celle dë Vigenère,
qui parut à Paris en 15515 , in - 40. & 1598 ?
in-8°. Les endroits qu’il a mis en vers1, déplaifeht
encore plus que fa profe. Depuis Vigenère, on
a vii plufieurs autres traductions en vers alexandrins
de la Jérufalem, mais aucune de ces traductions
n’a réiifli. En 1724 M. de Mirabaud
publia une traduction en profe de la Jérufalem
délivrée , & il en' donna une nouvelle édition
beaucoup meilleure.en 173,5..
Mais combien elle eft inférieure à là tradudion
élégante correcte' que vient de publier M. le
Bruni M^ Colardeau avoit tente dë nous en
donner une en vers françois > il avoit déjà at-
| teint aux deux .tiers d’une entreprife fi difficile*
perfonne peut-être n’étoit plus en état de-réufftr
que ce jeune, poète dont la mule harmonieufe
avoit exprimé fi heureufement les idées fortes
de Pope 8c d’Young -, mais un homme aufii
connu par fa grande fortune que par la médio-
ereté de fes talens poétiques , ayant ofé courir
la même carrière, a réufli, à force d’ intriguer,
a détourner M. Colardeau dë l'on entreprife -, &
ce jeune poète trop foible , a jeté au feu les
dix chants déjà finis de cetts tradudion. La plus
récente de toutes eft celle quia paru en 1785,
dédiée à M. le Comte de Vèrgennes.
On n’ignore point les jugemens qu’un grand
nombre de favans de tous les pays ont porté
de ■ ce célèbre poème', foit en fa faveur, foit à
Ion defavantage, & je ne crois pas devoir m’y
arrêter ici. La critique de M. Defpréaux a non-
feulement révolté les Italiens , mais prefque tous
lès François. Il eft vrai cependant que Defpréaux
cftimoit le Talfe, & qu’il en connoifioit le mérite
-, autrement comment auroit - il pu dire de
cet illuftre poète ?
Il n’eût point de fon livre illuftré l’Italie,
Si fon fage héros toujours en oraifon ,
N’eût fait que mettre enfin,Satan à la raifon;
Et fi Renaud, Argand, Tancrède & fa maîtrefle,
N’euffent de fon fujet égayé là trifteffe.
M. l’abbé d’Olivet, dans fon hiftoire de l’académie
françoife, aflure avoir -entendu tenir à
M. Defpréaux le difeours fuivant, peu de temps
avant fa mort, à une perfonne qui lui demanda
s’il n’avoit point changé d’avis fur- le Tafle :
cç J’en ai fi peu changé , d it- il, que le relifant
» dernièrement, je fus très-fâché de ne m’être
» pas expliqué un peu au long dans quelqu’une
» de mes réflexions fur Longin. J’aurois com-
» mencé par avouer que le Tafle a été un génie
» fublime, étendu, heureufement né à la poéfie
» & à l'a grande poéfie > mais enfuite venant à
» l’ufage„qu’ il a fait de fes talens, j’aurois montré
» que.le bon fens n’eft pas toujours ce qui do-
» mine chez lui; que dans la plupart de fes nar-
» rations. il s’attache bien moins au néceflaire
» qu’ à l’agréable -, que fes deferiptions font trop
» chargées d’ornemens fuperflus -, que dans la
» peinture des plus fortes palfions, 8c au milieu
» du trouble qu’elles venoient d’exciter , fouvent
» il dégénère en traits d’efprit qui font tout à -
» coup cefler le pathétique -, qu’il eft plein d’i-
» mages trop fleuries , de tours aftë&és , de x> pointes & de penfées frivoles , qui loin de
» pouvoir convenir à fa Jéralalem, pourroient
» à peine trouver place dans fon Aminte. O r ,
» conclut M. Defpréaux, tout cela oppofi à la
» fagefle , à la gravité, à la majefté de Virgile,
7) qu’eft -ce autre chofe que du clinquant oppofii
à de l’or » ? Cependant il eft toujours certain,
malgré les réflexions de Defpréaux, que la Jé-
vufalem du Tafle eft admirable par la conduite,
l’ in t é r ê t la variété, les grâces , 8c cette no-
blefle qui relève le fublime.
La tragédie de Torrifmond, i l Torrifmondo ;
parut à .Vérone en *58 7, in-8°. Mais le Tafle
lui-même n’étoit pas content de cette pièce, 8c
fe plaignoit de fes amis qui la lui avoient arrachée
des mains, 8c l’avoient publiée avant qu’ il
eût pu la mettre dans la perfection où il la fou-
haitoit. Dalibray, poète du dernier fiècle , en a
fait une tradudion libre en vers françois , au
devant de laquelle il a mis un difeours où l’on
trouve de bonnes réflexions fur le génie de la
tragédie , fur celui du Tafle, 8c fur la tragédie
de Torrifmond en particulier. Cette tradudion de
Dalibray, quoique pefante & profaïque , fut
jouée deux fois, & imprimée à Paris en 1636, z/z-40.
Le^ Tafle , lafle des critiques qu’on faifoit de
fa Jérufalem délivrée , fe propofa de faire un
nouvel ouvrage, fous le titre de la Jérufalem
conquife, la Gérufalemmc conquifiata, lib r iX X I
Ce poème parut à Rome en 1593, in-40,. mais
il n’a point été reçu avec le même applaudifle-
ment que. le premier, où l’auteur s’étoit abandonné
à fon génie, au lieu que dans la Jéru-
falem conquife il s’eft propofé de s’accommoder en
quelque manière au goût & aux idées de fes critiques.-
Toutes les oeuvres de ce beau génie ont ét°
imprimées enfemble avec fa vie par Jean-Baptifte
Manfo fon ami, à Florence en 16 24, en 6 vol.
m-fpL Les deux premiers tomes contiennent fes
poelies : la Jerufalem délivrée',, la Jérufalem con-
qufie , le Renaud, le poème fur la création ,
l omimond, l’Aminte les : autres poéfies fonî
div ifes en trois dalles. I». Poéfies niantes
* : héroïques. 3“. Poéfies facrées’ & mol
raies. Elles font lûmes de quelques pièces imparfaites
du M e , & de quelques-unes de celles
qm paffent fius fon nom. Les ouvrages en profe
forment les tomes III & IV . .Ils conf.ftent e n
vingt-cinq dialogues fur différens fujets , & environ
quarante dilcours ou autres pièces fur di-
verfes matières d’érudition , principalement fur
^ > f ” I e P ° ë m e épique ; tout cela
e f t fuivi de la defenfe de la Jérufalem délivrée.
Le tome V eft divife en deux parties ; dans la
première fe trouvent les lettres familières &
poétiques du Talfe ; dans la lèconde fept pièces
de 1 academie délia Crufca, & d’autres beaux-
efprtts d Italie , concernant les diiputes fur les
poefies de l’auteur, & celles de l’Ariofte. Le
VI- tome contient dix-fiuit pièces, dialogues ou
diicours iim le même fujet, c’ eft-à-dire pour ou
contre le Tafle. (A.) r
SORTA (cap) , cap d elà Méditerranée, fur
la cote de T rip oli, en barbarie , au fond du
golfe de Sidra. On prendre cap pour l’Hippium
promontorium des anciens. (R.)
SOATINO , petite ville de Sicile , dans le
val de N o to , au Dord de la rivière de Sortino ,