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X rilÉFACK.
gneurs, vérital)le écuoil du style descriptif, je serais tombé probablement
dans des tableaux interminables de cliiffres et de noms de
plantes, bons à être consultés seulement, et qui se seraient trouvés
incomplets au bout de peu d'années.
J'ai repoussé volontairement toute description de pays. Je laisse
les voyageurs s'en occuper, et je leur souluiite à tous le coup d'oeil
et la plume des Humboldt, des Martius, des Auguste de Saint-Hilaire.
J'ai renoncé également à accumuler des faits, pour le plaisir de
citer des faits. Mon but, je le répète, a été de chercher les lois de la
distribution des plantes sur la terre^ au moyen d'un nombre limité
de faits servant de base et de preuves.
Mais, parvenu à comprendre les limites de la géographie botanique
sous ce point de vue à la fois général et restreint, je sentais
une difficulté bien plus grave, qui m'a fait renvoyer d'année en année
de commencer une rédaction.
J\avais beau consulter les auteurs, lirè et relire les ouvrages les
plus estimés, je ne voyais aucune solution à des questions très importantes
(jui s'ofiVaient les premières à mon esprit. En général, on
se contentait de rapprocher les faits, sans les discuter, sans s'efforcer
de remonter aux causes, et cependant le rerum cognoscere cattsas
doit être le but dans toute véritable science. Lorsqu'en géographie
botanique on essayait de deviner les causes, on errait dans les ténèbres.
J'ai dû faire bien des recherches, bien des réflexions, et surtout
il m'a fallu les lumières résultant du progrès des sciences voisines,
pour me faire entrevoir des explications. Avant cette heureuse
époque, je n'osais écrire.
Qu'on me permette de citer un ou deux exemples.
Pour Faction delà température sur les végétaux, action importante
et évidente, que faisait-on? On s'est contenté d'abord de rapprocher
des moyennes de température et des faits de géographie
botanique: sous telle moyenne annuelle, dans telle contrée, telles
espèces, tels genres, telles familles principales. Ensuite, on a mieux
caractérisé les climats; on a parlé des moyennes de saisons, des
moyennes mensuelles, des extrêmes de température, mais on ne
s'est guère demandé si ce sont les moyennes qui influent, ou Tes
sommes de chaleur, ou les extrêmes; ni comment et sur ([uelles
plantes ces circonstances de température influent. Wahlenberg avait
fait quelques tentatives sur ces questions; malheureusement, il
n'avait guère réussi. Pour les espèces cultivées, M. Boussingault a
imaginé une meilleure méthode. En la perfectionnant et en Tappli-
PREFACE. XI
quant aux plantes spontanées, elle m'a conduit à de bons résultats,
que j'étais loin d'espérer à l'origine.
L'action de la lumière était admise également; elle était prouvée
par des expériences de physiologie; mais elle n'entrait pas dans les
études de géographie botanique, ou plutôt on mentionnait cette inlluence,
en passant, d'une manière toute générale et dépourvue de
preuves. Je suis parvenu à la démontrer, et souvent j'ai pu en donner
une sorte de mesure. C'est en étudiant, sur des exemples spéciaux,
l'influence combinée de la température et de la lumière pour limiter
des espèces vers le nord et sur les montagnes, que je suis arrivé à
ce résultat intéressant.
Un grand nombre des phénomènes de la distribution géographique
des plantes demeuraient, il y a quelques années, à l'état de faits dont
l'explication n'était pas même tentée; je veux parler de la position
et de l'extension des espèces et des genres à la surface de la terre.
Une plante se trouve en Amérique, une autre en Europe, une troisième
en Europe et en Amérique : pour(juoi? Une espèce existe
sur un très petit territoire, une autre s'étend sur dévastés contrées:
pourquoi? C'est sans doute le climat, disait-on, ou bien leurs moyens
de propagation permettent aux unes et défendent aux autres de se
répandre très loin. Mais est-ce vrai dans chaque cas particulier?
En aucune façon; puisque souvent une espèce 'd'Amérique, transportée
en Europe, y devient sauvage, et s'y répand comme si elle
était originaire de cette partie du monde; de môme que beaucoup
d'espèces d'Europe se sont propagées récen-ïment en Amérique, et
des espèces du Brésil au Congo, des espèces du Cap à Sainte-Hélène,
des espèces d'Afrique dans l'Înde, etc., etc. Les plantes n'ont une
habitation conforme au climat que dans certaines circonstances, dans
certains pays ; mais aucun botaniste n'ignore qu'une espèce peut
ordinairement vivre et se reproduire loin de son lieu natal, et que
cliaque pays ne contient pas toutes les espèces (jui peuvent y
vivre sans la protection de l'homme. Ce sont des faits, disait-on
autrefois. Oui, ce sont des faits, mais pourquoi ces faits? Quelles
sont leurs causes possibles, probables ou certaines ? La distribution
première? Peut-être. —Cependant il faudrait prouver que d'autres
causes ultérieures n'ont pas inilué. Et si, au moyen de la distribution
actuelle des espèces et de la connaissance des conditions des
chmats on pouvait arriver à comprendre ce qui tient à la distribution
première, ne serait-ce pas une belle conquête de la science?
Ces grandes questions ont été longtemps pour moi un mystère.
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