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1 7 2 UÉLlMlTATIOiN DES ESPÈCES.
de 10°,A à 10",6, TAmygdalus nana peut ordinairement subsister. Mais
ce laps de trois mois est arbitraire ; il, ne répond à aucune période
physiologique, et rien ne prouve que l'accord avec la limite ne soit pas
l'effet d'un hasard qui serait déjoué dans d'autres localités.
Si nous savions exactement quand l'espèce commence à pousser à Moscou
et à Casan, et quelle est la température de jour en jour depuis ce moment,
nous aurions probablement le chiffre décisif.
A Casan, la végétation commence, en général, le 15 avril (Wirtzen, l, c.,
p. 20). A Moscou, elle doit commencer vers le avril, si l'on en juge
par les moyennes de mars et d'avril. Comme les amandiers fleurissent très
"vite, on pourrait baser là-dessus les conditions du commencement de la
végétation de l'espèce ; mais rien ne nous apprend à quelle époque finit la
maturation et quand les feuilles tombent aux environs de la limite. Du
reste, cette connaissance aurait peu d'utilité, si, comme j e le pense,
l'espèce n'est arrêtée ni par le défaut de chaleur, ni par les froids de l'hiver.
La preuve que les conditions de température ne sont pas ce qui
détermine sa présence ou son absence, c'est la comparaison de Moscou
avec Casan. Dans la première de ces villes, l'espèce manque, et cependant
les sommes de chaleur au-dessus de tous les degrés sont plus considérables
(voy. le tableau des concordances de climat, p. 63).-
On ne comprend guère pourquoi l'Amandier nain, qui croît près de
Casan, ne s'étend pas du côté de Moscou. Peut-être ne trouve-t-il pas des
localités assez sèches, analogues à celle de Culajeva elev a tus siccus),
dans la province de Casan, où M. Wirtzen indique l'espèce. La fonte
des neiges est si rapide en Russie que des espaces immenses sont submergés
au printemps. Cela doit nuire à l'Amygdalus nana, qui commence
alors à végéter.
En Allemagne, sauf aux environs de Vienne, et en Suisse, la moyenne du
printemps ne dépasse pas 10°. Elle est ordinairement de 9' à lO*" ; mais en
revanche, la chaleur de l'été est souvent prolongée et devrait. favoriser
l'espèce.
L'intensité des rayons solaires joue probablement un rôle dans le cas
actuel. On sait combien les rosacées sont sensibles aux premières impressions
de chaleur du printemps. Si le climat est brumeux dans cette saison,
l'Amandier nain doit en être retardé; s'il est clair, il doit avancer plus
vite, indépendamment de la température accusée par les thermomètres à
l'ombre. Or, en général, plus on marche vers l'orient de l'Europe, plus le
ciel est serein. La présence de l'espèce à Casan, et son exclusion de Moscou,
tient peut-être à cette circonstance ou à des pluies plus fréquentes
au printemps. Si la température, déjà basse dans cette saison,
LIMITES POLAIRES DES ESPÈCES SPONTANÉES, 17 3
devient plus nuisible par la coïncidence de pluies habituelles, ou par un
temps brumeux, l'espèce est décidément exclue. Je m'explique ainsi pourquoi
de la Hongrie elle n'avance pas vers l'Autriche, ni des environs de
Kharkow vers la Lithuanie. Pour preuve, il suffit de voir, dans le tableau,
page 63, combien les sommes de chaleur au-dessus de 2% par exemple,
sont plus fortes en France et en Hollande qu'à Bude et Odessa, où croît
l'espèce, et d'étudier en regard le nombre des jours de pluie dans l'Europe
orientale, en dedans et en dehors de la limite de l'espèbe.
JOURS DE PLUIE (a).
VILLES. ^«i.
Mars. AvriL j Mai. Juin. Juillet. Août. Sept.
l** En dedans de la limite.
!
1
1
1
7,5 7,2 8,0 6,8 5,8 5,8 7,5
4,3 3,6 8,3 8,6 5,0 4,3 3,6
11,3 0,8 8,9
1
10/1 8,5 7,8 7,7
En dehors. i
7,0 7,7 ' 9,3 12,3 8,3 8,3 8;3
12,6 11,8 i 11,5 11,7 H , 9 14,1 10,0
17,4 ! i3,0 13,7 14,3 12,2 12,2
4,6 4,5 ! 2,3
1
1,5 2,0 1,3 2,2
Ecatherinenbourg, situé au nord de la limite, présente un peu plus de
jours de pluie pendant la belle saison, et la différence devient considérable
dans le mois de juin. Le climat, d'ailleurs, favorise moins l'évaporation. Il
se pourrait cependant que la diminution de chaleur en été, ou les froids
plus rigoureux de l'hiver, fussent la cause de la limite au nord de Casan.
Je regarde ceci comme probable; mais les moyens de comparaison, qu'il
faudrait pouvoir chercher en Sibérie, manquent dans le cas actuel.
Vers l'ouest, évidemment, les différences d'humidité sont la cause de la
présence ou de l'absence de l'espèce. Elles sont marquées dans le tableau
qui précède, tandis que les moyennes et les sommes de température sont
souvent identiques, et même paraissent plus favorables hors de la limite.
Enfin, au midi, vers Trieste, et en Grèce, où l'espèce manque également,
ce n'est pas l'humidité qui peut l'exclure, du moins pendant la saison
chaude; mais l'hiver y est très doux : l'Amandier nain y végéterait de
bonne heure et recevrait alors une quantité énorme de pluie. Du reste,
ceci n'appartient plus à la question des limites polaires, dont j e m'occupe
actuellement.
(a) De Gasparin, Cours d'agriculture, v. II. Les quantités de pluie ne sont pas connues
dans plusieurs de ces localités.
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