PRÉFACE.
Leur nombre fat si considérable, que bientôt on eut de la peine à s'y
reconnaître.
^ J'éprouvai alors, plus que personne, le désir de faire un travail de
révision analogue à celui dont Scbouw avait donné l'exemple. Une
monographie (a) m'avait révélé des points de vue nouveaux sur la
distribution des genres et des espèces; un article assez étendu de
géographie botanique, dans un livre élémentaire (h), et des cours
donnés à Genève, m'avaient aussi encouragé dans cette voie. Je me
mis à recueillir des notes, et en peu de temps mes cartons furent
remplis. Je n'osais cependant prendre la plume. Je me sentais arrêté
par divers motifs, qu'il n'est pas inutile de mentionner, car ils touchent
aux bases mêmes de la géographie botanique.
Le premier de ces motifs était un certain vague, qui règne encore,
sur la nature et les limites de cette branche de la science. On la considère
souvent comme la réunion des faits, en nombre illimité, qui
concernent les rapports des végétaux avec les pays et les localités
où ils existent. Cette définition est trop vaste et n'est point analogue
à la manière dont on comprend les autres branches de la botanique.
Ainsi l'organographie ne se compose pas de la description des organes
de toutes les plantes, mais de l'étude des organes au moyen
d'un certain nombre d'exemples, choisis impartialement et judicieusement,
pour en déduire des lois générales. De même, dans un traité
de physiologie botanique, on se contente d'examiner un très petit
nombre d'espèces, quoique cliaque espèce, genre ou famille, présente
des faits physiologiques. Pourquoi faire autrement en géographie
botanique? Il y a aussi dans cette branche un nombre immense de
faits isolés, relatifs aux habitations de chaque espèce, genre ou
famille, et aux plantes de chaque locahté, contrée ou partie du
monde. Tous les jours on en découvre de nouveaux 5 mais la science
doit se dégager de cette multitude de détails. Elle est obligée d'en
éhminer le plus grand nombre, et d'étudier plus particulièrement
ceux qui se rattachent à quelque point de vue générai.
On objectera peut-être que les faits de peu d'importance doivent
cependant être consignés quelque part? Oui, sans doute, je le reconnais
; mais ils entrent naturellement dans les ouvrages qui traitent
de chaque pays et de chaque groupe de végétaux. Les Flores, qu'on
(a) Monographie des Campanulées, i vo\ in-4 Paris 1830
PREFACE. IX
ne saurait trop perfectionner, ont pour objet rénumération des
plantes par région, et siTauteur est instruit, s^il veut faire un livre
d'une utilité générale, il peut, dans sa préface, ou à l'occasion de
chaque espèce, indiquer des détails de géographie physique et botanique,
relatifs au pays dont il s'occupe. Dans une monographie d'un
genre ou d'une famille de plantes, on peut et Ton doit traiter de la
distribution géographique. Enfin, tous les faits de la science arrivent
à se classer dans les ouvrages immenses qui contiennent Ténumération
des espèces, genres et familles, c'est-à-dire dans ce qu'on
appelle des Species^ pour employer le nom technique. Là, chaque
groupe naturel, supérieur ou inférieur, est décrit, plus ou moins
complètement, sous le rapport de ses organes, de son habitation, cle
ses propriétés, de ses affinités, de sa nomenclature. On critique aisément
ces vastes entreprises : il n'en est pas moins vrai que depuis
Dioscoride jusqu'à Bauhin, jusqu'à Linné, et jusqu'à nos jours, elles
ont été regardées comme nécessaires et comme la représentation la
plus fidèle de l'état moyen des connaissances à une époque. Les
Species ne sont jamais complets, jamais aussi parfaits qu'une monographie,
mais ils sont indispensables, et la masse de leurs documents
fournit des renseignements précieux, en géographie botanique,
par exemple. On verra quel parti j'ai tiré, sous ce rapport,
du Prodromiis, quoique non achevé et déjà très incomplet dans les
premiers volumes. J'en ai été surpris moi-même, et après cela je
n'ai pas regretté d'avoir consacré, ainsi que mon père et plusieurs
de nos amis, bien des années à ce travail souvent aride.
Ainsi donc, les faits innombrables de botanique géographique se
classent dans les Flores, les narrations de voyages, les monographies,
et, finalement, dans les ouvrages généraux appelés Species;
mais la géographie botanique puise dans tous ces documents. Elle
compare les faits, les choisit, les discute, pour bien établir les méthodes
et pour arriver, en définitive, à des idées générales.
Cette manière de la considérer m'a soulagé d'un grand poids ; car,
en suivant les idées communes, je n'aurais pu faire qu'un ouvrage
de conq:)ilation, très médiocre et fort ennuyeux. Je serais tombé
aisément dans une espèce de bavardage botanique dont on trouve
trop d'exemples dans les journaux scientifiques de notre époque;
je veux parler de ces descriptions vagues et diffuses de végétations
de divers pays, hérissées de noms propres et entremêlées de tableaux
météorologiques incomplets, les seuls qu'on puisse avoir
maintenant pour la plupart des pays. Si j'avais su éviter les loni
j