s!
200 DÉLIMITATION DES ESPÈCES.
dans l'Asie Mineure et la Géorgie, surtout pendant les saisons autres que
Tété. Une connaissance exacte de la hauteur à laquelle descend l'espèce
dans les deux pays ferait voir peut-être des conditions moins dissemblables.
Si le Rhododendron manque au nord des Algarves, on peut l'expliquer en
voyant que la température des trois mois d'été, à Lisbonne^n'est pas même
de S'il manque à Constantinople, on peut présumer que l'hiver y est
trop rigoureux. Les conditions indispensables seraient alors : un été de
22 à 23° au moins; 2''un hiver de 5 à en minimum.
En partant de ces-données assez probables, pourquoi le Rhododendron
manque-t-il dans tout l'espace entre l'extrémité de la péninsule espagnole
et la Turquie d'Asie? Voilà ce que rien ne peut expliquer. L'Algérie, le côté
oriental de l'Espagne, le midi de la Sardaigne, la Sicile, Naples, l'île de
Crête, offrent généralement les deux conditions énoncées ci-dessus. L'hiver,
même à Barcelone, présente une moyenne de 10\ L'été à Cagliari,
Naples et Palermo, est de 23 à U \ A Catane, il dépasse 26«.
La répartition des pluies est moins connue; mais on ne peut pas supposer
que dans les îles montueuses, intermédiaires entre les deux habitations,
il n'existe pas une foule de points où l'humidité se trouve analogue à
celle, soit des montagnes de Portugal, soit des montagnes de Syrie et de
Turquie.
Il y a donc pour la distribution de cette espèce des causes étrangères aux
climats actuels, des causes tenant à l'état antérieur des pays et des climats,
ou à la position originelle des espèces. La suite de l'ouvrage montrera
combien ces causes sont importantes, quoique leur nature soit difficile à
reconnaître.
C. Sur les limites polaires des espèces ligneuses en général
J'ai étudié complètement la délimitation polaire de treize espèces
ligneuses.
Les limites des Evonymus europa^us, Rhamnus Frangula, Chama^rops
humilis, sont déterminées par une certaine somme de chaleur, à partir
d'un certain degré jusqu'au moment où cesse ce même de^ré (2600 dès
5°, 1800 dès 7% 2800 dès 19").
Le Daboecia est arrêté dans son expansion par le froid des hivers.
Les Ilex Aquifolium, Fagus sylvatica, Fraxinus excelsior. Coronilla Emerus,
Abies pectinata,Jasminum fruticans, Rhododendron ponticum, sont
arrêtes du côté du nord-est ou de l'est de l'Europe, par les froids excessifs
de 1 hiver, et aussi, dans la plupart des cas, par la sécheresse trop grande
LIMITES POLAIRES DES ESPECES SPONTANEES. 201
de l'été ; du côté du nord-ouest ou de l'ouest, par des causes de plusieurs natures,
savoir : pour les Ilex, Fagifl, Fraxinus, Rhododendron, parle défaut
de chaleur suffisante en été (quoique souvent on ne puisse pas préciser les chiffres);
pour les Coronilla, Abies pectinata, Jasminum, par trop d'humidité.
Les Amygdalus nana et Caragana frutescens, dont les limites orientales
sont mal connues, ou difficiles à préciser, sont arrêtés à l'ouest, le premier,
par la température et l'humidité du printemps, le second, par l'humidité
générale.
Cette même cause, surtout l'humidité du sol, paraît exclure l'Abies pectinata
des plaines du nord-ouest de l'Allemagne. Cependant, il y a pour
cette espèce, comme pour l'Abies excelsa, des causes antérieures à l'ordre
de choses, actuel, qui ont exclu de certaines régions occidentales, en particulier,
des îles Rritanniques. L'exclusion du Rhododendron ponticum de
certaines régions intermédiaires entre ses deux habitations, ne peut pas
s'expliquer non plus, d'une manière complète, par les causes connues, et
doit remonter à des causes antérieures.
Lorsque la somme de température est essentielle, ce n'est pas la
somme déduite de la moyenne d'une saison de l'année qu'il faut envisager,
c'est la somme comprise entre le jour où commence une température
déterminée jusqu'au jour où elle s'arrête, c'est-à-dire dans un laps
de temps qui varie selon les climats.
§ V. CONCLUSIONS SUR LES CAUSES DES LIMITES POLAIRES EN GÉNÉRAL.
L'étude minutieuse des faits, en Europe, sur quelques espèces bien connues,
non contestées, avec des faits de géographie physique jusqu'à un certain
point suffisants, confirme les idées que j'avais émises d'après des considérations
générales et des expériences purement physiologiques. En voici le
résumé :
Les espèces annuelles sont arrêtées vers le nord d'un continent presque
toujours par le défaut d'une somme de température, calculée soit entre le
jour où commence et celui où finit un certain degré nécessaire à chaque
espèce, soit entre l'époque où règne et celle où cesse une quantité d'humidité
exigée aussi par chaque espèce. En d'autres termes, le froid de l'hiver
ou la sécheresse de l'été empêchent momentanément la végétation de ces
plantes; mais elle s'établit lorsque, entre les époques faisant obstacle, la
somme de température est suffisante. L'interruption par le froid est ordinaire
dans l'Europe tempérée et probablement dans les régions analogues ;
celle par la sécheresse se présente surtout sur les bords de lamer Méditerranée,
et probablement dans tous les pays où il règne une époque de sèche