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' i' 116 DELIMITATION DES ESPÈCES.
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entre elles. Au contraire elles se croisent très souvent, et l'on en serait
bien plus frappé si, pour éviter de la confusion, je n'avais réparti les
espèces dans les deux cartes, de manière à éviter le plus possible la rencontre
des lignes de même couleur.
Par cela même, les limites d'espèces annuelles ne coïncident avec aucune
des lignes de même température calculées pour l'été, le printemps ou
l'automne, car ces lignes ne se croisent jamais et sont presque parallèles,
toutes les fois qu'elles expriment la température d'une même saison. Les
limites d'espèces annuelles ne peuvent pas davantage coïncider avec celles
qui exprimeraient la température de certains mois, ou de certaines combinaisons
de mois, comme seraient des lignes passant par tous les points
ayant même température en juillet, même température en juin et juillet,
en août et septembre, etc., car tout système de lignes fondé sur la température,
envisagée à un certain point de vue, sera nécessairement composé
de lignes approchant d'être parallèles. Que l'on essaie de tracer des lignes,
par exemple, par les points qui ont le même maximum de température en
été, ou par ceux qui ont le même minimum en hiver, ou par les points
qui ont les mêmes variations diurnes dans un [certain mois, ou par ceux
qui ont la même température souterraine (lignes isogéothermes), ou d'après
toute autre considération physique, on peut être certain que les lignes
fondées sur un seul et même genre de faits ne se croiseront pas, quoique
sans doute elles ne soient pas rigoureusement parallèles, et s'écartent
notablement, soit des degrés de latitude, soit des lignes isothermes, isothères
et isochimènes que l'on trace quelquefois dans les atlas de géographie
physique. Cela résulte de la croissance ou décroissance, nécessairement
progressive et à peu près régulière, des chiffres de température, en marchant
dans une direction quelconque dans un pays de plaines.
Or, nos limites d'espèces annuelles se croisent dans des pays tels que la
Russie, le nord de l'Allemagne et les bords de la mer, par conséquent
elles sont d'une tout autre nature que les lignes ordinaires de température^
par conséquent enfin ce ne sera pas la température d'un mois quelconque
de l'année, ou d'une combinaison de mois, ni les maxima et minima de
température qui pourront expliquer uniformément la délimitation de ces
espèces. Peut-être telle espèce, considérée à part, présente-t~elle une limite
conforme à une certaine ligne de température, mais ce sera un cas particulier,
dont il ne faudra rien conclure relativement à d'autres. Le seul
principe général dans cette matière, principe qui n'en est pour ainsi dire
pas un, c'est que chaque plante annuelle se trouve arrêtée dans sou
extension vers le nord par des causes qui lui sont propres.
On pourrait dire que les espèces annuelles sont peut-être influencées
LIMITES POLAIRES DES ESPECES SPONTANÉES. 117
principalement par le degré d'humidité et de sécheresse; mais l'humidité
diminue assez régulièrement en Europe de l'ouest à l'est, et des lignes qui
exprimeraient cette condition seraient sensiblement parallèles. Au contraire,
les limites d'espèces se croisent entre elles assez souvent dans des
pays qui sont également humides, comme le Danemark, ou également
secs, comme la Russie orientale. Il est donc évide-nt que l'humidité
et la sécheresse n'influent pas semblablement et régulièrement sur la
délimitation des espèces annuelles; mais comme cette considération est secondaire
et qu'elle devra être examinée plus tard, je reviens aux faits de
température.
Le raisonnement à leur égard me paraît rigoureux. Le voici en peu de
mots : les lignes isothermiques de même nature ne .se croisent jamais dans
les pays de même élévation au-dessus de la mer, les limites d'espèces
annuelles se croisent fréquemment, donc elles ne sont pas soumises à une
règle uniforme fondée sur la température. Je ne sais quelle objection on
pourrait faire, d'autant plus que l'examen des espèces, une à une, confirme
cette conclusion basée sur l'ensemble.
Quant aux deux méthodes que j'ai essayées pour constater les conditions
d'existence des espèces sur leur limite, voici les résultats groupés en peu
de mots.
Aucune espèce ne concorde exactement avec une ligne quelconque de
même température; par conséquent aucune n'exige une certaine moyenne,
ou si l'on veut, une certaine somme de chaleur au-dessus de pendant
une période semblable de l'année. En d'autres termes, la première
des deux méthodes, basée sur les moyennes des tableaux météorologiques
ordinaires, n'est pas bonne.
Les Alyssum calycinum, Radiola linoides et Mesembryanthemum nodiflorum
s'arrêtent sur une ligne où la somme de température, non pendant
line même période, mais au-dessus d'un certain degré du thermomètre
(6° et 9°), s'élève à un chiffre déterminé, dans la moyenne des années.
Le-Sedum Cepsea présente la même loi dans une partie de sa limite. Pour
ces quatre espèces, les chiffres ne donnent pas un accord rigoureux avec
la loi supposée, mais les différences sont assez légères pour s'expliquer au
moyen des erreurs d'observations, des circonstances locales de chaque
station autour du point dont on connaît la température, de l'influence
variable des rayons solaires, influence calorifique et chimique dont les
thermomètres à l'ombre ne donnent pas la mesure, etc.
LesSuccowiabalearica, Campanula Erinus et Atractylis cancellata, sont
limités par des combinaisons de température et d'humidité. Pour les plantes
annuelles de la région de la mer Méditerranée, il faut probablement une
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