If:;
iV '
l()/l DÉLIMITATION DES ESPÈCES.
Excepté les trois premières localités, toutes ont certaines moyennes de
saisons semblables à celles de villes situées sur la limite. Ce n'est donc pas
dans la température moyenne par saisons qu'il faut, en général, chercher
la cause qui admet ou exclut l'espèce dans la plus grande étendue de l'Europe.
On peut croire que vers le nord de l'Ecosse, l'été manque de chaleur,
puisque la différence du climat de Moray à celui des Orcades est
seulement en été; mais, dans les autres pays où manque l'espèce, les températures
d'été sont bien plus chaudes qu'en Ecosse, et l'on pourrait faire
le même raisonnement sur d'autres saisons. Probablement, les froids
excessifs des climats continentaux sont le véritable obstacle, car la direction
générale de la limite est du nord-ouest au sud-est, de sorte que le
Houx se trouve dans la moitié de l'Europe qui jouit d'un climat maritime.
Le géologue deBuch l'avait déjà indiqué (a). « Cet arbuste, dit-il, donne
une limite assez prononcée du climat des côtes avec le climat continental.
Que les instruments nous donnent des chiffres pour ces limites! » Le voeu
de l'illustre savant est en partie exaucé; les chiffres existent, mais jusqu'à
présent ils n'ont pas été extraits sous une forme convenable des tableaux
météorologiques, les rédacteurs s'inquiétant assez peu des phénomènes
de végétation.
Les moyennes hibernales expriment mal l'effet du froid sur le Houx.
Elles sont plus basses à Sôndmôr, à Prestoe, à Fulda, où il végète, qu'à
Copenhague, à Berlin, et dans plusieurs autres localités, d'où il est
exclu très certainement par le froid, puisque l'été dépasse 16\ Les
moyennes de janvier sont plus significatives. Le Houx n'existe dans aucune
localité, dont la moyenne de ce mois, le plus froid de l'année, dépasse
— disons— à — b% vu l'incertitude des moyennes sur la côte de
Norvvége. Les extrêmes absolus de froid donneraient un meilleur moyen de
comparaison. Malheureusement, on les connaît fort peu, et ce qu'on en
sait rend la comparaison imparfaite. Les minima absolus donnés pour une
très longue période ont une signification différente des minima pour une
période moins longue. Quelquefois on cite les années célèbres par l'intensité
du froid, et les autres sont passées sous silence; il vaudrait mieux
avoir les moyennes des minima absolus de vingt années, exemple;
mais je ne les trouve calculées nulle part, et il faudrait d'immenses recherches
pour les établir au moyen des tableaux originaux. Un froid extraordinaire,
tel qu'il s'en présente, par hasard, un dans un demi-siècle ou un
siècle, ne peut pas régler la limite d'une espèce, car s'il détruit presque
tous les pieds existant dans un pays, les localités abritées et les pays voi-
(a) Qiietelet, Ohs. des phén. périod., p. 17.
LIMITES POLAIRES DES ESPÈCES SPONTANÉES. J65
sins rétablissent peu à peu la plante dans son domaine primitif. Les froids
vifs, tels qu'ils arrivent communément chaque hiver, ou au moins tous les
trois ou quatre ans en moyenne, sont une cause permanente qui renouvelle
l'action à mesure qu'elle se répare. On devrait donc s'attacher à la
moyenne des minima absolus, ou peut-être indiquer dans les résumés météorologiques
combien de fois en dix ans, en quinze ans, etc., tels degrés
minima ont été atteints. A défaut de documents pareils, on peut s'en rapporter
à l'ensemble des faits bien connus des physiciens, d'après lesquels
l'orient de l'Europe a un climat excessif, comparé à l'occident. Cette notion
générale, et les moyennes de janvier indiquées ci-dessus, expliquent suffisamment
la cause qui rend la limite du Houx plus analogue à un degré de
longitude qu'à un degré de latitude.
Si les minima agissaient toujours également et infailliblement sur un
arbre quand ils atteignent un certain degré, il serait essentiel de préciser
davantage et de chercher, par exemple, si le Houx est détruit dans un pays
à'—30^ ou à — Heureusement, les observations faites sur cet
arbuste et sur plusieurs autres ont appris combien de causes modifient
l'action des froids rigoureux et momentanés. La durée de ce froid, le
moment où il arrive, l'humidité de l'air, la présence de la neige sur le sol,
l'effet du soleil frappant les organes gelés, la localité plus ou moins basse
où se trouvent les arbres, sont autant de circonstances qui font que, dans
tel cas, une espèce périt à — 30%tandis que dans tel autre, elle résiste;
que telle année une espèce meurt à — 20% telle autre à — 25° ou à
—16'^; enfin, que tel pied souffre et que tel autre de la même espèce ne
souffre pas dans un moment donné. Ce serait un travail inutile de chercher
une précision qui n'existe pas dans la nature. On approcherait un peu
plus de la vérité en déterminant : l'' quelle est la moyenne des minima
annuels dans diverses localités ; 2" quel est le degré de fréquence de certains
minima pour chaque localité; 3® à quel minimum les espèces périssent
ordinairement, sur un sol dépourvu de neige et dans des conditions
moyennes de végétation et de dispositions locales. Nous sommes encore
loin de posséder de pareils documents sur les climats européens et sur nos
jrbres les plus communs.
Quant au Houx, j'ai observé que des froids rigoureux ne le chassent d'un
pays que par une répétition fréquente, de nature à empêcher l'arbre
d'atteindre la taille à laquelle il fleurit. A Genève, par exemple, il
perd ses branches et souvent une partie de sa tige, quand les froids
atteignent—20% et surtout—25% mais il repousse du pied, et l'espèce
ne diminue pas dans le pays, des froids aussi rigoureux étant fort
rares.
1 i
-M