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2 3 8 DÉLIMITATION DES ESPÈCES.
Dans le sud-ouest de la France, le Hêtre reçoit pendant onze mois
environ une somme de chaleur, à partir de 6°, bien plus élevée que
celle dont il a besoin, d'après sa limite dans le nord. La question est de
savoir si elle n'est pas trop élevée.
Le maximum de cette somme au-dessus de 5», dans la plaine au nord
des Pyrénées, doit être de ZiGOO", d'après Bordeaux, Pau, etc. (a). De
l'autre côté des Pyrénées, dans les parties basses de la péninsule, la
moyenne de tous les mois est supérieure à 5°, et la moyenne annuelle est
de 16" au moins, de sorte que le chiffre est de hSOO° ou davantage. Le
Hêtre ne s'y trouve pas dans la plaine. Il semble d'après cela que Zi600"
au-dessus de 5", exprimeraient à peu près le maximum de chaleur totale
dont il peut supporter les effets. Cependant, les chiiTres calculés de la
même manière à Odessa (b), où manque le Hêtre, ne s'élèvent qu'à 3/iOO°,
d'où il ressort que la chaleur n'est pas la seule cause qui fixe la limite.
On peut même douter qu'elle soit jamais celle qui exclut l'espèce dans
le midi de l'Europe. En effet, on cultive le Hêtre à Madère, où tous les
mois ont une moyenne de beaucoup supérieure à 5», et où la somme
annuelle de chaleur s'élève à plus de 7000". Les observations curieuses
de M. Heer (c) ont appris que, sous le climat méridional et très uniforme
de cette île, le Hêtre demeure sans feuilles près de cinq mois (ià9 jours),
et cela sous des températures mensuelles semblables à celles des pays du
centre de l'Europe, pendant la période où il porte ses feuilles. La moyenne
des trois mois d'hiver à Funchal est de 17% 5 ; alors le Hêtre est dans un
repos complet de végétation, tandis que pendant l'été, en Suisse, en Allemagne,
et surtout en Norwége, il est en pleine végétation sous des moyennes
de 18", i 7", et même 15". Le repos étant amené forcément par des causes
physiologiques intérieures de la plante, la même température qui, dans le
nord, provoque la végétation au printemps, ne produit aucun eff'et à Madère.
De cette façon, le Hêtre élude, pour ainsi dire, l'action des sommes de
temperature ün peu fortes, et ne prend de la chaleur d'un climat méridional
que la dose qui lui convient. C'est un motif pour attribuer à la température
une action assez faible dans la délimitation de l'espèce du côté dii
midi. Cependant, la circonstance qu'un arbre, planté dans un pays, résiste
au climat, n'est pas une preuve suffisante que les conditions lui conviennent
complètement. Le marronnier existe dans les promenades et les jaría)
Ch. Martins, dans Patria, part, météor., p. 255.
(fc) Le Hêtre manque aux environs d'Odessa, mais il est dans les montagnes à l'ouest
de la provmce (voyez ci-dessus, p. 154).
(c) Verhandl. der Schweiz, Naturf. Gesellsch., 1851, p. 54. J'en aidonnúim extrait
en français dans la Bibliothèque universelle de Genève, 1852, Arch., p. 325,
i i r p !
LIMITES ÉQUATORIÂLES DES ESPÈCES SPONTANÉES. 2B 9
dins de toute l'Europe centrale et méridionale, sans s'être naturalisé en
rase campagne. Il peut y avoir des causes qui empêchent un arbre de réussir
dans sa jeunesse, et ces causes on les évite en le plantant.
Voyons si la distribution des pluies ne serait point la circonstance la plus
importante pour la limite méridionale du Hêtre :
VILLES. ANNÉES
D'OBS.
MAI. JUIN. JUILLET. AOUT. SEPTEMB.
1° Près de la limite {en deç.à,
ou sti7' la limite). r >LUÎE EN MILLIMÈ TRES (a) •
18 55,2 67,2 47,8 43,6 41,3
7 63,8 77,1 41,4 35,5 G9,5
Rieux (Haule-Garonnc) 8 77,7 90,2 05,3 36,2 70,8
4G 86,1 72,0 89,9 64,4 86,2
17 7/1-,7 62,9 79,7 71,5 70,8
10 27,5 32,3 35,0 40,8 23,9
Hors de la limite.
Lisbonne G 45.0 4,2 7,5 9,8 ' 32,3
26 61,7 50,0 22,0 33,4 73,4
20 46,2 18,9 10,1 ' 26,1 51,5
15 112,6 119,4 94,4 70,6 1 68,4
68 94,7 80,6 74,0 77,9 83,1
IG 116,4 184,8 169,7 127,5 153,7
19 . 07,1 52,5 42,5 40,3 90,4
1" Près de la limite, en deçà,
ou sur la limite. JOURS DE PLUIlû {b).
12 12,0 14,0 11,0 ^ 9,0 11,0
? 9,0 9,9 9,9 7,6 6,5
G 14,0 13,0 9,0 9,0 10,0
3 16,0 13,0 7,3 10,3
8 7,0 8,0 7,0 6,0 9,0^
17 10,5 8,3 9,7 7,7 8,7
10 8,9 10,1 8,5 7,8 7,7
Hors de la limité.
26 8,0 5,5 4,0 4,6 6,5 "
17 5,0 3,0 2,0 3,0 5,0
30 13,0 13,0 8,0 7,0 8,0
26 10,5 9,5 7,6 7,6 7,8
10 10,2 5,8 6,8 10,2 14,7
33 : 10,1 7,6 4,8 i 4,7 . 10,3 .
1
3 : 8,3 8,6 5,G 4,3 3,6.
La quantité de pluie ne donne pas Texplication des faits. Ainsi, elle est
plus forte à Milan, à Turin, surtout à Udine, que dans plusieurs des localités
où croît le Hêtre. Laissons de côté Udine, dont le nombre des jours de
(a) De Gasparin, Cours d'agriç,, 11, p. 268.
p. 282.
(c) Je crois ce chïlire trop bas, le nombre des aiinéiSs étant insuffisant pour leâ lîïoyênnéâ
mensuelles. A Yillefranche il est de neuf, et à Vienne de huii (d'après quelques années
d'observations) dans le meme mois.
r ÎKii'.