2 CE QU'EST UNE rLANTE A L'ÉGARD DES CONDITIONS EXTÉRIEURES.
En fait, une plante n'est point un instrument analogue au thermomètre,
qui soit de nature à marcher parallèlement avec celui-ci ; c'est plutôt une
sorte de machine faisant un travail, et un travail très varié, sous l'impulsion
des agents extérieurs, savoir, la chaleur et la lumière, et d'un agent intérieur,
la vie, dont il est difiicile de se passer pour rendre compte des phénomènes.
Si les fonctions accomplies par la plante donnent une mesure de
la chaleur, ce n'est que d'une manière indirecte, modifiée par une foule
de causes secondaires, à peu près comme la marche d'un vaisseau à voile
indique la force du vent, ou comme celle d'un bateau à vapeur indique
la somme de calorique développée dans le foyer. Sans doute le travail d'une
machine est jusqu'à un certain point en relation avec la force qui lui donne
l'impulsion, mais il n'est jamais.strictement proportionnel à cette force^ car
il dépend pour beaucoup des détails de construction de la machine, de la
manière dont les frottements sont diminués, et surtout de la possibilité où
est l'appareil de commencer à jouer sous une petite force et d'accélérer sa
marche régulièrement, même sous des forces beaucoup plus grandes. Les
machines construites par l'homme ne donnent pas des rapports exacts
avec les impulsions qu'elles reçoivent, et cependant elles sont simples, en
ce qu'elles sont mises en jeu, ordinairement, par une seule force, et ne
produisent qu'un seul genre d'effet. Combien donc les machines naturelles,
comme les plantes, doivent-elles être plus difficiles à étudier et plus irrégulières
dans leur marche, puisque les forces qui les mettent en mouvement
sont nombreuses, les détails de l'organisation en partie inconnus, et que les
produits du travail, c'est-à-dire, les feuilles, fleurs, fruits, graines, fécule,
sucre et autres matériaux, sont nombreux et variés! Un certain minimum
de chaleur sera nécessaire pour la germination, un autre pour telle ou
telle modification chimique, un troisième pour la floraison, etc.; puis il
faudra une certaine somme de chaleur pour chaque fonction, une certaine
intensité de lumière pour que la plante verdisse, et une certaine quantité
d'eau pour la plupart des phénomènes.
Tout cela est compliqué, mais c'est le seul point de vue qui soit juste-
La plante n'est pas du tout influencée par les agents extérieurs à la façon
d'un thermomètre par la température, ou d'un hygromètre par l'humidité.
Il y a une immense différence. Au-dessous d'une température déterminée,
la plante ne produit rien, ne donne aucun signe de vie, tandis que le liquide
du thermomètre s'élève et s'abaisse toujours. Chaque fois que la
chaleur diminue, le thermomètre recule; au'contraire, la plante, comme
une véritable machine, ne détruit jamais ce qu'elle a produit. Elle peut
s'arrêter de végéter, mais le germe ne rentre pas dans la graine, la feuille
ne rentre pas dans le bourgeon, ni la fleur dans la tige. Ce qui est produit
QUESTIONS A EXAMINER. 3
est produit. Il faut donc apprécier sa marche d'une tout autre manière,
et se défier des comparaisons qu'on pourrait établir entre les phénomènes
extérieurs, mesurés par les instruments de physique, et les phénomènes
de la vie végétative.
Malgré cela, il est impossible de renoncer complètement à l'emploi des
données fournies par les observations météorologiques. Nous n'avons pas
d'autres moyens pour comparer les climats, apprécier leurs effets sur les
végétaux, et juger des causes de faits importants, tels que, par exemple,
la délimitation des espèces à la surface de la terre. Nous devrons seulement
ne pas attribuer trop de valeur à certaines relations apparentes entre
les données météorologiques et les circonstances de géographie botanique.
Nous aurons aussi à examiner au préalable comment on peut observer les
instruments et modifier les tableaux d'observations, dans le but d'éviter
le plus possible les causes d'erreur qui sont inhérentes à ce genre de
rapprochements.
-CHAPITRE IL
DE QUELQUES EFFETS DE LA TEMPÉRATURE ET DE LA LUMIÈRE SUR I,ES
VÉGÉTAUX, ET DES DIVERSES MANIÈRES D'APPRÉCIER L'IISFLUENCE DE
CES AGENTS.
ARTICLE PREMIER.
QUESTIONS A EXAMINER.
On n'attend pas de moi, je suppose, un traité sur l'action si variée de la
température à l'égard des végétaux. Ce serait un ouvrage entier de physiologie,
et il faudrait m'écarter beaucoup du domaine de la géographie botanique.
Je dois nécessairement me contenter d'examiner deux ou trois questions,
en m'appuyant sur les principes établis dans le chapitre précédent.
Ces questions se rapportent aux températures les plus nécessaires à connaître
pour pouvoir apprécier l'inauence d'un climat, et à la manière de
combiner les températures avec la durée de leur action. A ce sujet, on me
permettra de citer quelques-unes des observations importantes des physiciens
ou agriculteurs modernes, tels que MM. Boussingault, de Gasparin et
Lindley, et plus particulièrement celles de M. Quetelet, qui s'occupe depuis
longtemps avec succès de cette branche de la science. J'aurai moi-même des
faits nouveaux à exposer sur l'influence des rayons directs du soleil. Je prie
cependant le lecteur de donner moins d'attention aux chiffres et aux résultats
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