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330 DÉLIMITATION DKS ESl'KCES.
Les phénomènes dont, je viens de parler répondent exactement aux
diversités qne j'ai signalées (p. 2/i7)dans l'ordre des limites polaires, eu
remontant la carte d'Europe dans le sens d'un certain degré de longitude
ou d'un autre. C'est encore une condamnation des méthodes qui reposent
sur l'emploi de moyennes mensuelles ou de saisons déterminées, pour
expliquer les faits de végétation, car les moyennes se suivent de place en
place à peu près régulièrement, au lieu de se croiser.
SECTION IV.
DÉLIMITATION DKS ESPÈCES CULTIVÉES, SOIT EN PLAINE,
SOIT SUR LES MONTAGNES.
A R T I C L E PRE:\r[EH.
LLMITES POLAIRES DES ESPÌSCES CULTIVÉES.
§ I. CAUSES g u i PEUVENT DÉTERMINER LES LIMITES DES CULTURIiS, SPÉCIALEMENT
LES LIMITES POLAIRES (ffl).
Les espèces cultivées sont soumises, comme les autres, à toutes les conditions
physiques des climats. En même temps, le hut que se propose
l'agriculteur en les cultivant, Vintellùjence avec laquelle il surmonte les
difficultés, et par-dessus tout, le profit qu'il en retire, sont des causes
variées et importantes qui modifient et qui font changer fréquemment les
limites de ces espèces.
Lorsqu'il s'agit de plantes spontanées, il faut nécessairement qu'elles
puissent vivre et se reproduire. Pour les espèces cultivées, on est quelquefois
moins exigeant, car si le but est d'obtenir des lleurs ou des fruits, il ne
sera pas nécessaire, pour que la plante se trouve dans un pays, que les
graines soient nombreuses et de bonne qualité. Au contraire, on verra préférer
les variétés ayant peu ou point de graines, car celles-ci se développent
aux dépens des fruits. Lorsqu'une plante est cultivée comme fourrage,
sa limite peut être avancée bien plus que si l'on voulait en obtenir des fleurs
et des graines. Ainsi, le maïs présente deux limites agricoles, l'une comme
plante nutritive, l'autre comme plante fourragère. Lorsqu'une espèce
est cultivée pour fournir des emblèmes dans certaines cérémonies, par
souvenir peut-être de l'origine de certains peuples, on se contente quelquefois
de végétations incomplètes, imparfaites; ainsi, le dattier ne donne
{a) ,1'ai traité cc sujet avccplus de détails, mais en suivant des méthodes moins satisaisantes,
dans un opuscule intitulé : Dislribulion géographique des plantes alimentaires,
[tsibkotheqiie universelle de Genève, avril et mai 1836.)
LIMITES POLAIKES DKS ESPÈCES CULTIVEES. 331
ses fruits régulièrement qu'au midi de l'Atlas, en Egypte et à Jéricho;
mais on le cultive plus au nord, par exemple, en Italie, pour ses palmes
qui servent dans les fêtes de l'Église romaine, et les Arabes en avaient semé
beaucoup en Espagne et en Sicile, comme souvenir de leur ancienne patrie.
Les espèces cultivées pour agrément ou par curiosité, n'ont, pour ainsi
dire, pas de limite, puisque l'horticulture s'en empare, et au moyen de
procédés minutieux et dispendieux, les propage indéfiniment.
L'intelligence de l'homme fait faire des prodiges clans les jardins. Elle a
aussi une influence immense sur la culture en grand, quoique les moyens
dont l'agriculteur dispose soient moins variés que ceux de l'horticulteur.
Les graines sont conservées en bon état, sont semées à propos, à une profondeur
convenable, c'est-à-dire tout autrement que dans le cours naturel
des choses. Si les graines mûrissent mal, on en fait venir de pays plus méridionaux.
Les variétés de chaque espèce les mieux adaptées au climat et
au but de l'agriculteur sont recherchées et propagées. Les emplacements
les plus favorables sont choisis pour chaque culture. La jeunesse des
plantes délicates est protégée par une foule de moyens, et même à l'égard
de plantes toutes développées, on élude les rigueurs de certains climats.
Ainsi, les colons de la Russie méridionale couchent et enterrent les ceps de
vignes pour les mettre à l'abri des très grands froids; et ailleurs, on traite
semblablement les figuiers pendant l'hiver. Les peuples civilisés luttent habilement
contre la nature. Ils savent reculer fort loin quelques limites
agricoles, et inversement, l'intelligence, substituée à la routine, les engage
à abandonner certaines cultures, lorsqu'elles sont devenues moins avantageuses.
Ils comprennent, en effet, comment le produit net, le profit, peut varier
selon les temps et les circonstances législatives et économiques. En Europe,
où depuis des siècles la culture est assez intelligente, les limites agricoles des
espèces sont établies essentiellement sur le profit,et ne varient plus guère que
par des causes qui affectent ce point de vue. Je laisse les agriculteurs développer
ce sujet(a), et l'appliquer à chaque pays et à chaque culture. Il me
suffit d'en rappeler en quelques mots les principes généraux, surtout en ce
qui concerne l'objet dont je m'occupe, c'est-à-dire les limites des espèces.
Le profit net à attendre d'une culture dépend beaucoup du nombre des
cultures possibles dans le pays. Plus on avance vers le nord, moins, en
général, les espèces que l'on peut cultiver sont nombreuses. On est alors
presque forcé de se borner à des plantes peu productives, négligées
(a) Voy. de Gasparin, Cotirs d'agric., in-8, v. II, dont il a paru une seconde édition,
sans date, chez Dusacq, libraire, à Paris.
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