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2Ü/I DÉLIMITATION DES ESPÈCES.
dessus du minimum qui permet à chaque plante de végéter, les faits se
sont manifestés comme si le temps compensait la chaleur ou la chaleur le
temps, c'est-à-dire qu'il était égal qu'un climat offrît, par exemple, dix
jours de 20° ou vingt jours de 10°, pour que telle espèce pût y vivre, cette
espèce étant supposée commencer et finir sa vie active lorsque la température
tombe au-dessous de 10°. Je conviens que mes recherches et mes
calculs ne pouvaient pas conduire directement à une preuve de l'utilité ou
de l'inutilité des hautes températures pour certaines fonctions ; mais il
aurait pu s'en présenter quelques indices, et cela n'est pas arrivé. Je n'ai
jamais rencontré, par exemple, deux localités, l'une ayant telle espèce,
l'autre ne la possédant pas, dont le climat offrît cette seule différence que,'
dans l'une, le thermomètre s'élèverait par fois à 25°, tandis que dans l'autre
on aurait la même somme de chaleur sans toucher à 25°. Certaines observations
physiologiques et agricoles peuvent faire croire à l'utilité des
hautes températures dans un moment donné ; mais l'étude des faits géographiques
ne l'indique en aucune manière; elle ne révèle rien à cet égard.
Les preuves négatives ont peu de valeur, je le sais. Cependant, à vrai
dire, la surface terrestre n'est qu'un vaste champ d'expériences physiologiques,
et quand il s'est agi, soit des effets de températures trop froides,
soit de la nécessité de températures initiales, soit de sommes de température
à partir des minima, la géographie botanique nous a conduit à des
conclusions très positives. Par d'autres méthodes, on prouvera peut-être
l'avantage des maxima agissant sur les plantes à la manière de forces vives;
mais l'étude des limites naturelles des espèces n'y conduit pas, et elle crée
par cela même une présomption défavorable.
ARTICLE II.
LIMITES ÉQUATORIALES DES ESPÈCES SPONTANÉES.
§ I. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES.
Les espèces de nos régions tempérées peuvent être limitées du côté de
l'équateur par deux causes : la chaleur et la sécheresse.
La première augmente selon des lois et dans des proportions bien connues.
La seconde résulte, ou de l'absence de pluie et de rosée dans certaines
régions, ou de l'évaporation rapide déterminée par la chaleur, ou
encore d'un défaut dans la quantité de pluie et de rosée combiné avec une
évaporation rapide. La chaleur se manifeste rarement sans être accompagnée
de sécheresse. De là une difficulté pour bien apprécier l'action spéciale
de la chaleur et pour déterminer, par exemple, si l'exclusion d'une
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LIMITES ÉQUATOIUALES DES ESPÈCES SPOiNTANÉES. 205
espèce, dans tel cas particulier, vient de l'une de ces causes ou de Tautre.
Leur réunion produit, sur la plupart des plantes, les effets les plus nuisibles.
A une certaine intensité, la germination en est empêchée, et l'expérience
a montré que cela provient de Tabsence d'humidité plutôt que de
la chaleur extrême (a). Si la plante est déjà développée, elle peut se faner,
se dessécher, les feuilles ont de la peine à venir et les graines avortent
facilement (b). La chaleur et la sécheresse de l'air, la chaleur et la sécheresse
du sol n'agissent pas delà même manière sur les plantes. Certaines espèces
des pays humides périssent dans les climats secs, lors môme qu'on les arrose
abondamment, et celles des pays secs vont mal dans les pays humides, même
quand on les arrose peu. La température de l'eau en contact avec les racines
paraît avoir aussi de l'importance, puisque certaines espèces vivent dans le
voisinage de neiges fondantes ou de ruisseaux frais, sans s'inquiéter d'un
soleil quelquefois ardent sur leurs feuilles et leurs fleurs. L'observation
des plantes alpines dans leur lieu natal et dans nos jardins montre combien
il est difficile de préciser le mode d'action d'une haute température combinée
avec la sécheresse, et combien les espèces peuvent différer à cet égard.
Une trop grande chaleur avec beaucoup d'humidité, produit, comme
nous le voyons dans les serres, de la faiblesse dans le tissu, un demi-étiolement
qui ne permet pas à l'espèce d'accomplir d'une manière satisfaisante
les diverses phases de sa vie végétative.
Enfin, une trop grande chaleur combinée avec une dose convenable
d'humidité, présente aussi des inconvénients, ou modifie assez notablement
la manière de vivre d'une espèce. Les expériences curieuses de MM. Edwards
et Colin (c), sur des céréales semées en été, ont jeté du jour sur
cette question. Elles montrent qu'à un certain degré de chaleur et arrosées,
des graminées annuelles ne peuvent plus former de tiges florales et deviennent
comme un gazon qui fleurit seulement Tannée suivante. On
avait déjà remarqué (d), sans faire d'expériences directes, que l'humidité
combinée avec la chaleur détermine les plantes à pousser trop de feuilles,
ce qui constitue h phyllomanie, état qu'on considère comme la perfection
de la culture quand il s'agit de fourrages, et comme une maladie lorsqu'il
s'agit de plantes cultivées pour leurs fleurs ou leurs fruits. Dans les expériences
de MM. Edwards et Colin, l'impossibilité où étaient les céréales
semées en été de pousser des fleurs, tenait probablement à un arrosement
trop considérable qui développait les feuilles aux dépens des fleurs. En
(a) Edwards et Colin, Ann, se. nat., série, v. I, p. 268.
(b) DeCandoIIe, Phys. végét.,p. 1110.
(c) Ann, se. nai.,1836, série, v, V, p. 1, coiiiîrmées par ua fait agricole cité par
les mêmes, dans le Compte rend, de VAead. se. du 4 juillet 1836.
{d) De Candolle, Physiol, 1832, p. 1113.