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XVI PREFACE.
il m'a fallu revenir sur l'origine des plantes actuelles, dans diverses
parties de la terre, et sur d'autres questions traitées d'une manière
plus générale dans la botanique géographique. Ce nouveau point de
vue contrôle et confirme les opinions qui résultent du premier. Il se
prête mieux à certaines recherches, et j'ai eu souvent à me louer
d'avoir ainsi envisagé la même question sous deux faces très différentes.
Parmi les méthodes dont on abuse, il faut citer en première hgne
l'emploi des chiffres. H y a dans chaque science, art ou objet d'étude,
une partie statistique, soit numérique. On la retrouve en agriculture^
en médecine, dans toutes les branches de l'administration,
dans les sciences physiques, naturelles, et jusque dans les sciences
morales. Elle occupe une très grande place dans la géographie botanique.
Pour moi, j'en conviens, j'aime les chiffres autant que d'autres
les détestent-, mais ce qui me plaît, ce n'est pas d'accumuler des
chiffres, c'est de montrer à quel degré il est nécessaire de choisir
convenablement les valeurs, de les discuter, en d'autres termes, de
les subordonner aux lois delà logique et du bon sens, qui dominent
tout. Je me suis plu dans bien des occasions, et même dans des sciences
fort éloignées delà géographie botanique, à recueillir des chiffres de
la manière la plus exacte, à les disposer le plus claire.ment possible (a),
et aussi à discuter la portée de grands travaux de statistique, mal
compris dans le public (6), ou de nature à servir d'exemples comme
méthode (c). Souvent j'ai pensé de la statistique ce qu'on a dit de la
parole, quid pejus, quid melius^ et après des études variées sur l'emploi
des chiffres, je me suis senti plus en état que la moyenne des
botanistes d'en faire usage dans notre science.
J'ai dû éliminer beaucoup de chiffres qui ne tendent à aucune conclusion,
ou qui varient nécessairement avec le progrès des connaissances.
Je me suis attaché partout aux proportions, parce qu'elles
varient moins. Contraireaient aux habitudes de nos livres de botanique,
je les ai présentées sous la forme décimale ou de tant pour
cent, qui simplifie extrêmement et facilite les comparaisons. Pardessus
tout, j'ai regardé les chiffres, non comme un but, mais comme
(a) Hypsométrie des environs de Genève (Mem. de la Soc. de phys. et dliist, nat. de
Genève, 1839).— Les caisses d'épargìie de la Suisse, in-8. Genève, 1838 (Mém. Soc,
d'utilité pubi, suisse, xxiu).
(b) Consideratioiis sur la statistique des délits {Bibliothèque universelle de Genève,
février 1830). — D e la stadslique criminelle (ibid., janvier 1831).
(c) Des épidémies, par le docteur Villermé {BibL univ., janvier 1833).—A n a l y s e
critique du rapport officiel sur la marche et les effets du choléra-morbus à Paris {ibid.,
septembre 1834) ; et plusieurs autres articles dans le même journal.
PRÉFACE. XVII
un moyen, comme un auxiliaire très avantageux, si l'on sait l'employer
à propos.
J'ai visé constamment à introduire de nouvelles méthodes de
démonstration et à perfectionner les anciennes, car les méthodes
sont ce qui caractérise l'état de la science à chaque époque et ce qui
détermine le plus ses progrès. Leur choix et leur emploi supposent
du raisonnement.
Cette appréciation des méthodes, ainsi que la discussion des faits
et la tendance à rechercher les causes des phénomènes, m'ont paru
établir une assez grande différence entre mon travail et la plupart
des traités de géographie botanique, dans lesquels on se contente
de décrire des pays ou de citer des faits. Ceci explique pourquoi
j'ai intitulé mon livre Géographie botanique RAISONNÉE.
Il est divisé en vingt-sept chapitres, ayant tous un objet parfaitement
déterminé. Dans l'intérieur des chapitres la progression est
assez semblable : d'abord un aperçu de ce qu'il faut examiner, des
résultats les plus probables et des méthodes à employer; ensuite, l'exposé
des faits, indépendamment de toute idée préconçue; puis, la discussion
de ces faits ; et, enfin, les conclusions. Cette marche n'était pas
seulement logique, elle était forcée, car en commençant l'étude de
presque toutes les questions, j'ignorais véritablement à quelles conclusions
je serais conduit; de même qu'en disposant l'ordre général
des chapitres, j'ignorais quel serait pour moi le dernier mot de la
géographie botanique, résumé dans le chapitre XXVII.
Quelques chapitres ont pris une extension bien plus grande que
je ne le prévoyais : le chapitre IV, sur la délimitation des espèces,
à cause de la difficulté du sujet, et de la méthode d'application, et
pour ainsi dire de tâtonnement, qu'il a fallu employer 5 le chapitre
VIII, sur les changements dans les habitations des espèces, à
cause de son intérêt botanique et historique; et le chapitre IX, sur
l'origine géographique des espèces cultivées, à cause de son intérêt
pour le public en général, et des questions curieuses dliistoire et de
philologie qui s'y rattachent.
La pratique des livres de botanique descriptive donne une habitude,
qui devient comme une seconde nature, celle de citer complètement
les autorités à Tappui des faits. Il en résulte beaucoup
moins de longueurs qu'on ne pourrait le croire et des avantages qui
ne sauraient être contestés. La moitié, quelquefois toute la valeur
d'un fait est dans la date où il a été observé, dans l'exactitude de
Tobservateur ou dans les circonstances de l'observation. J'ai trop