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/ i 5 8 HKPAKTITION DES INDIVIDUS DANS L'IIABITATION DE L'KSPÉCE.
eu partie des faits et en partie de l'impression de ces laits sur notre esprit.
Pour fixer une notion aussi vague, les chiffres ne peuvent être pris que
comme des moyens de classement approximatifs. Ils n'auront jamais une
valeur numérique ou statistique.
Voyons de quelle manière on peut estimer les degrés de fréquence et le
mode de fréquence, car sous ce mot se cachent divers systèmes de groupement
des espèces.
La difficulté n'est pas très grande lorsqu'on veut apprécier et caractériser
le degré de fréquence d'une espèce à l'égard des autres espèces, dans
une certaine localité, qui est ordinairement une station, comme une prairie,
un marais, etc.
Dans ce cas, il est aisé d'adopter certains termes relatifs, par exemple :
espèce très commune, commune, peu commune, rare, très rare. Le
langage se prête même à des degrés plus nombreux, et à défaut de mots,
on peut caractériser chaque degré par un chiffre, compris entre 10 et 1, ou
6 et 1, peu importe.
Mais s'il s'agit de l'abondance ou de la rareté dans un pays étendu, la
question se complique, car une espèce peut avoir un degré différent de fréquence
dans chaque localité.
On pourrait résoudre le problème assez bien si l'on connaissait dans le
pays dont on s'occupe, comme on connaît dans certaines parties de l'Europe,
la proportion de surface occupée par les marais, les forêts, les prairies,
les cultures, en un mot, par les principales stations. Le nombre des
espèces répandues à la fois dans plusieurs de ces stations, est si faible qu'on
peutle négliger. Ainsi, en estimant le degré de fréquence d'une espèce
dans deux ou trois marais éloignés, si elle habite dans les marais, dans deux
ou trois prairies éloignées, si c'est une plante des prairies, etc., et en combinant
ce résultat avec le nombre des lieues carrées de marais, de prairies,
etc., on aurait une estimation assez bonne. Mais, l'absence ordinaire
de ces données statistiques, oblige presque toujours à suivre des procédés
moins sûrs ou plutôt moins logiques. S'ils sont bien appliqués, ils peuvent
encore satisfaire. Deux botanistes les ont essayés : l'amiral d'Urville et
M. Heer. D'Urville a été le premier. Dans sa Flore des îles Malouines{a),
il a appliqué (p. 27) un système ingénieux aux phanérogames, peu nombreuses,
il est vrai, de ce petit archipel. Le système consiste à exprimer le
degré de fréquence d'une espèce : par le nombre des localités où l'espèce
a été trouvée, le chiffre total des localités différentes étant supposé de
100 ; et 2o par la fréquence dans ces mêmes localités, fréquence exprimée
[a) Paris, 1825, dans les Mémoires de la Sociélé linnéenne, vol. IV.
DU DEGRÉ DE FRÉQUENCE DES ESPÈCES, /|59
par un autre chiffre compris entre 100 et i . Ainsi, le Festuca erecta étant
marqué des chiffres 20 et 10, cela signifie qu'il a été trouvé dans 20/100,
soit la cinquième partie de l'archipel, et que, dans chaque localité, il forme
10/100, soit la dixième de la végétation. Les chiffres adoptés sont évidemment
trop hauts pour être commodes. Il est impossible d'estimer si une
espèce, dans une localité, a une fréquence comme 30 ou 35 0/0, même
comme 30 ou /lO 0/0, Des chiffres compris entre 1 et 10 seraient plus
que suffisants. La considération, assez arbitraire, des localités visitées par
les voyageurs, avait, dans le cas actuel, peu d'inconvénients, parce que les
îles Malouines offrent une nature physique et une végétation très uniformes.
Dans un pays différent, le choix des localités servant de base à l'appréciation,
devient d'une importance bien plus grave. Une bonne subdivision par
districts, à peu près égaux d'étendue, serai! un travail préliminaire indispensable.
La division de la Grande-Bretagne, par M. H. G. Watson,
pourrait servir de base pour cette île (a), et avec elle, on pourrait appliquer
le procédé de d'Urville aux plantes anglaises.
M. Heer (h) a employé un procédé différent dans un travail remarquable
sur la végétation de la partie sud-estdu canton deGlaris, en Suisse.
Il indique, par un chiffre de 1 à 10, le degré de fréquence dans l'étendue
de chacune des zones d'altitude de ce petit pays, et par d'autres chiffres de
l à lO*" aussi, le degré de fréquence dans les endroits même où se trouve
l'espèce. Ainsi, une plante marquée pour la zone alpine des chiffres let
10, est une plante très rare dans la zone alpine en général, mais très abondante
là où elle existe; une plante marquée 10 et 1, est, au contraire,
très répandue dans la zone alpine, mais représentée dans chaque endroit
par un très petit nombre d'individus. Le maximum, dans la première série
de chiffres, s'applique à une espèce très répandue ; dans la seconde, à une
espèce très sociale. M. Thurmanna adopté ce mode dans son Essai phytostatique
sur la chaîne du Jura{l, p. 25), seulement, il remplace les
chiffres par des mots. Les espèces sont : ou, 1% excessivement répandues,
très répandues, répandues, etc , assez rares, rares, très rares, excessivement
rares; — ou, 2'', excessivement abondantes (sociales), très abondantes,
abondantes, etc , distantes, très distantes, comme isolées.
L'emploi de dix chiffres ou de dix termes différents pour chacune des
séries, me paraît trop compliqué. Je me contenterais volontiers de 5 ou
6 degrés pour exprimer des faits qui, de leur nature, sont vagues et difficiles
à apprécier, et quant à l'estimation de la diffusion générale, je prendrais
(a) Cyhèle britann.
(b) Dans Frôbel et Heer, 3îittheilungen theor. Erdkunde, 1 vol. in-8, Zurich, 1836,
p. 423.
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