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k è ! l lîÉPAUïlTION DES INDIVIDUS DANS L'IIABIÏATION DE L'ESPÈCE.
Quelquefois, les deux modes d'action, directe et indirecte, se combinent
et produisent, ou nne exclusion absolue, ou une abondance extraordinaire,
selon l'espèce qu'on envisage. Cela se présente surtout dans les stations
d'une nature très particulière. Ainsi, les marécages du bord delà mer, les
eaux douces ou l'eau salée, les prairies marécageuses, les forêts, offrent communément
une exclusion complète d'une foule d'espèces et une fréquence
remarquable des autres. Celles-ci prospèrent par l'effet de l'eau, du sel, de
l'ombre ; mais aussi, dans bien des cas, par l'effet indirect de l'absence de
concurrents.
Tels sont les principes généraux dont il est aisé de faire l'application à
chaque localité et à chaque espèce, au moyen d'une observation attentive et
d'une comparaison des diverses localités. J'y reviendrai en parlant de la
fréquence des espèces, en particulier des plantes sociales.
ARTICLE m.
DES STATIONS DIFFÉRENTES POUR UNE MÊME ESPÈCE.
Je me suis servi précédemment de la diversité de stations de certaines
espèces, comme d'une mesure pour apprécier le degré d'intensité et la différence
intime des causes locales. Évidemment, l'absence complète d'espèces
pouvant vivre à la fois dans les eaux douces et dans la mer, le petit
nombre de celles qui vivent dans les forêts et dans les marais en même
temps, le nombre considérable, au contraire, de celles qui vivent indifféremment
sur les sols calcaires et siliceux, sont des preuves de la valeur
intrinsèque, relative, de ces stations. Il est bon d'insister davantage sur
ces phénomènes, et de voir jusqu'à quel point les espèces vivent dans plusieurs
stations, soit dans le même pays, soit dans des pays différents.
Un assez grand nombre d'espèces existent dans une même région sur
des stations différentes d'ordre secondaire, et surtout tertiaire et quaternaire.
C'est une des causes pour lesquelles beaucoup de plantes sont dites
communes. Si les Flores ne permettent pas d'en indiquer la proportion,
cela tient à ce que les stations offrent des états intermédiaires et des modifications
nombreuses, et surtout à ce que les auteurs ont l'habitude d'indiquer
pour chaque espèce la station d'habitude, celle où la plante abonde
le plus. La moindre observation démontre que peu d'espèces vivent constamment,
et de la manière la plus absolue, sur une seule station, à moins
que ce ne soit une station d'ordre primaire, comme les eaux douces, les
eaux salées, etc.
Il est aisé de trouver quelques échantillons d'une plante de forêt dans
DES STATIONS DIFFÉRENTES POUR UNE MÊME ESPÈCE. /i55
des broussailles, même dans des prairies, ou d'une plante des terrains cultivés
dans les terrains incultes sablonneux, etc. De ces cas plus ou moins
exceptionnels à celui des espèces qui s'arrangent à peu près également de
deux ou trois stations, il y a des transitions si nombreuses, qu'en vérité il
est impossible d'essayer aucun calcul sur la proportion des unes et des
autres. Il me semble seulement, a priori, que plus une région estconstamment
humide ou habituellement froide, plus la proportion des espèces
indifférentes aux stations doit être considérable, car l'humidité excessive
et le froid deviennent des causes dominantes, qui réduisent la valeur des
causes locales. Dans un pays très humide, toutes les stations deviennent
humides, même les sommets de coteaux et les rochers; dans un pays froid,
le sol n'a pas le temps de sécher pendant la belle saison. Au contraire,
dans une région sèche et chaude, le bord de rivières, les marais, les forêts
mêmes, offrent des disparates considérables avec les autres localités;
sur une montagne, le côté du midi est desséché et celui du nord un peu
humide, etc. Peu d'espèces s'arrangent de stations tellement contraires,
aussi l'uniformité de végétation dans les pays froids et humides, comparés
aux pays d'une autre nature, est-elle assez frappante. Il faut que la même
station soit immense dans une région chaude, comme les déserts du Sahara
ou les pampas de Buenos-Ayres, pour que l'uniformité revienne, et alors
c'est par une cause d'une nature particulière.
Le fait d'une espèce ayant des stations bien différentes dans divers points
de son habitation, est toujours assez curieux. Il serait sans doute plus fréquent
si des causes tenant à l'histoire du globe et aux climats divers ne rendaient
les habitations assez restreintes; mais dans l'étendue de chaque habitation
d'espèce, les climats, ordinairement, ne sont pas assez différents
pour introduire une diversité de station, ou plutôt pour modifier notablement
la nature des stations.
En voici quelques exemples :
Papaver rliceas, L. — Nous sommes habitués dans toute l'Europe occidentale
et centrale à regarder ce pavot comme caractéristique des champs de blé ; en
Sicile (Guss., Syn., II, p. 8), on le trouve non-seulement dans les cultures, mais
aussi en abondance sur les prairies des collines exposées au soleil « in collihus
apricis herbosis ubique » (a).
(a) Cette spontanéité en Sicile d'une espèce de nos champs n'est pas unique. On y
trouve également à l'état spontané, d'après Gussone (Synopsis), les Sinapis arvensis, Valerianella
olitoria et Centaurea Cyanus (Guss. ibid.).
Je me suis demandé si ces plantes se sont naturalisées en Sicile, ou si, au contran-e,
elles y étaient originairement à l'état sauvage. La dernière alternative est plus probable,
car : 1" ces espèces ne se naturalisent pas facilement dans des pays même assez analogues
à la Sicile ; la Sicile est un des premiers pays où les peuples gréco-latins aient
cultivé les céréales, et l'on sait que Rome en tirait habituellement du blé.
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