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S90 DÉLIMITATION DES ESPÈCES.
1er les procédés qui permetlraieiit d'y réussir. Leur indolence, leurs préjugés
et la niuUilude des produits dont ils disposent aisément, les empêchent
d'essayer des nouveautés dont le résultat serait souvent plus curieux
que profitable. Les causes économiques et morales qui font faire tant d'efforts
pour reculer les limites polaires n'existent presque jamais du côté des
limites équatoriales. Pourquoi cultiver du blé quand on a du riz, du manioc,
des bananes, je dirai même, jusqu'à un certain point, du maïs? Et
pourquoi introduire l'olivier, qiuind on a, au moyen de palmiers sauvages,
de l'huile de palme, dans les jardins de l'huile de cocotier, ou avec une
culture annuelle, de l'huile de sésame, d'arachnide et d'autres plantes
extrêmement productives?
A l'appui de ces réflexions générales, je citerai seulement quelques
faits : ils serviront d'exemples, et ils montreront combien ce serait difficile
et souvent inutile d'entrer à cet égard dans des détails plus spéciaux.
En Europe, nos grandes cultures ne présentent, pour ainsi dire, pas de
limites inférieures et méridionales, je veux dire de limites imposées par la
nature. Si l'on cultive plus de Lin, par exemple, dans les pays de montagnes
que dans les plaines du Midi, c'est à cause de l'humidité favorable à
cette plante; mais rien n'empêche d'en cultiver dans des pays très chauds
quand on peut arroser, témoin l'Egypte. Les cultures de Pommes de terre
diminuent en descendant des pays montagneux et en marchant vers le
Midi ; mais aucune limite n'est absolue à cet égard. Le Colza, les Pavots se
cultivent peu dans le Midi et hors des pays de montagnes ; mais on serait
bien embarrassé de citer une limite positive, et il est clair que la concurrence
de l'olivier est pour beaucoup dans la question. On cultive la Pomme
de terre en Italie; les Anglais l'ont même essayée dans l'Lide; mais alors
on se contente d'une qualité médiocre et d'un produit jénal assez mauvais
en comparaison des récoltes de maïs ou de riz. Les pluies continuelles et la
chaleur humide des régions basses près de l'équateur empêcheraient cette
culture sans doute; mais où placer la limite, et qui peut avoir l'idée de
cultiver en grand la Pomme de terre dans des contrées où il y a tant
d'autres produits ?
En Amérique, par exemple au Mexique, et dans toute la chaîne des
Andes, on a introduit des cultures européennes. Elles doivent, ainsi que la
Pomme de terre, le Quinoa et d'autres plantes originaires des régions élevées
de cette partie du monde, oiirir des limites inférieures assez précises.
Malheureusement, la plupart des voyageurs ont négligé ce genre de faits,
sur lequel M. de Humboldt avait cependant attiré l'attention et fourni quelques
renseignements positifs. Il avait remarqué la culture du Froment à
Caracas, près de la Victoria (lat. 10° 3') à 500- ou 600'" seulement de
LIMITES INFÉRIEURES ET ÉQUATORIALES DES ESPÈCES CULTIVÉES. 391
hauteur absolue, et dans l'île de Cuba (lat. 21° 58'), presipie au niveau de
la mer, à 150" (Tabl. phys. des rég. equal:., p. 13/i), tandis qu'au
Blexiijue, dans les environs de Xalapa,ii n'avait vu le Froment cultivé que
comme fourrage. La réunion de l'humidité et d'une grande chaleur détermijie
les céréales à pousser des feuilles uniquement, ainsi qu'on l'a vu
dans les expériences de MM. Edwards et Colin (a); il n'est donc pas surprenant
que, dans la localité humide de Xalapa, le Froment ne donne pas
des épis. Dans d'autres points, ayant peut-être une température plus
chaude, on verrait un autre résultat. Rien ne prouve jusqu'à présent que
tel ou tel maximum de température, telle ou telle somme de degrés accumulés
soit un obstacle à la réussite du Blé ; mais une humidité continuelle
exclut certainement celte culture. S'il y a des alternatives de sécheresse et
d'humidité, de grande chaleur et de temps frais, ce qui est le cas le ])lus
fréquent dans le voisinage des tropiques", la culture des céréales est possil)
le, en semant dans une saison convenable.
En général, pour les cultures annuelles, les é[)oques de semis sont
inverses de nos usages. On sème dans la saison humide, suivie ordinairement
de fraîcheur, et la récolte se fait quand la sécheresse devient favorable
à la maturation des graines. Tous les auteurs ont signalé celte transposition
des époques agricoles pour la culture des céréales, des haricots,
y
des lentilles, du lin, et d'autres plantes annuelles en Egypte, dans l'Inde,
aux îles Philippines et ailleurs (h). S'il s'agit de contrées en deçà
de l'équateur, la récolte se fait dans les premiers mois de Tannée;
si le pays est dans riiémisplière austral, c'est en automne, parce que
la saison fraîche toml)e sur les mois de juin, juillet et août. Dans Fîle de
Bourbon, le Blé se récolte en octol)re et novembre {Not. sta(\ colon,
franc., Il, p. 88), à peu près comme dans le nord île l'Europe; mais on a
semé en mai et juin (Thomas, Statist, Bourbon, p. 12), époque la moins
chaude, c'est-à-dire qu'on a cherclié la température la plus basse avec le
même soin qui fait rechercher dajis le Nord la saison la plus chaude.
Les cultures de plantes vivaces ou ligneuses ne peuvent pas se prêter à
ces combinaisons avantageuses. Leurs limites équatoriales doivent être
plus réelles et plus difficiles à modifier. On sait combien la culture de nos
Bonmiiers, Poiriers, Cerisiers, etc., devient languissante vers le Midi et
s'arrête à l'approche de pays voisins des tropiques. Les espèces de la famille
des Rosacées présentent, en général, celte dis])Osition d'éprouver
vivement les effets de la clialeur au printemps et de souffrir d'une tempé-
(a) Ann. se, nal., janvier 1836.
(Ò) Royle, ni of Himal bot., introd. , p. x.; Mcycn, Pflans, Geogr. p. 3-i'2.
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