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 260  DÉLIMITATION  DES  ESPÈCES.  
 Sur  les  hautes  montagnes,  la  couche  de  la  surface  du  sol  doit  donc  
 éprouver  de  grandes  variations  de  température.  La  terre  végétale  esl  
 ordinairement  peu  profonde,  les  racines  y  sont  près  de  la  surfoce,  et,  
 ces  diverses  causes  réunies  doivent  influer  sur  les  limites  des  espèces.  
 Les  brouillards  stationnent  sur  les  hauteurs  surtout  pendant  la  nuit;  les  
 sommités  sont  souvent  dégarnies  de  nuages  aux  heures  les  plus  chaudes  
 de  la  journée  ;  enfin  la  neige  les  empêche  dans  beaucoup  de  cas  de  se  refroidir  
 pendant  l'hiver.  Il  en  résulte  que  la  couche  superficielle  du  sol  
 doit  en  général  être  plus  chaude  sur  les  montagnes  que  dans  la  plaine,  
 la  moyenne  extérieure  étant  supposée  semblable.  M.  Ch.  Martins  a  
 constaté,  au  sommet  du  Faulliorn,  une  température  moyenne  du  sol  bien  
 supérieure  à  celle  de  l'air  (a).  Ceci  doit  influer  surtout  du  côté  du  midi  et  
 à  de  grandes  élévations.  Malheureusement  la  science  ne  possède  pas  
 encore  les  séries  d'observations  qui  seraient  convenables  pour  tenir  compte  
 de  cette  chaleur  à  chaque  degré  d'altitude  et  dans  les  diverses  chaînes  de  
 montagnes.  
 L'intensité  de  la  lumière,  en  tant  que  source  d'actions  chimiques  sur  
 les  végétaux,  a  peut-être  un  effet  plus  grand  que  celui  de  la  chaleur.  On  
 sait  depuis  longtemps  (b)  combien  elle  influe  sur  la  coloration  des  végétaux, 
   sur  la  densité  de  leurs  tissus,  sur  la  direction  de  leurs  organes,  etc.  
 Les  plantes  des  hautes  montagnes  abritées  par  la  neige  en  hiver,  quelquefois  
 même  pendant  une  grande  partie  de  l'année,  exposées  ensuite  à  une  
 lumière  intense,  se  trouvent  soumises  à  peu  près  aux  mêmes  conditions  
 que  les  plantes  des  régions  polaires.  L'intensité  de  la  lumière  agit  sur  
 elles  dans  le  même  sens  que  les  jours  extrêmement  prolongés  des  pays  du  
 nord.  On  ne  peut  pas  deviner  cependant  si  ce  genre  d'action  influe  sur  
 les  limites  des  espèces  en  altitude  autant  que  sur  les  modifications  de  
 forme  et  de  couleur.  A  une  élévation  considérable,  les  fleurs  sont  plus  
 grandes,  plus  colorées;  les  plantes  sont  plus  trapues,  les  sucs  propres  
 plus  abondants;  mais  ce  sont  des  choses  difl'érentes  du  fait  de  la  présence  
 ou  de  l'abondance  d'une  espèce,  qui  tient  à  la  possibilité  de  mûrir  les  
 graines,  de  germer,  etc.  
 M.  de  Gasparin,  qui  met  beaucoup  de  sagacité  et  de  persévérance  i\  
 (a)  11 a  publie  les  chiffres  dans  le  memoire  intituló  :  Séries  météor,  au  sommet  du  
 Faulhorn,  par  Bravais,  MarUns,  etc.;  mais  les  moyennes  n'y  sont  pas  indiquées  et  
 iVaiWenvs  elles  auraient  besoin  d'etre  discutées,  ce  dont M.  Martins  s'occupe  actuellement  
 M.  de  Gasparin  {Mëm.  sur  la  radiation  solaire,  dans  Ami.  Soc.  météor,,  v.  ï)  dit  que  
 d'après  ces  observations  de  M.  Martins,  la  température  moyenne  du  sol  au  Faulhorn  est  
 égale  à  celle  des  maxima  extérieurs.  L'observation  se  faisait  sur  une  pente  an  midi  à  
 deux  profondeurs  différentes  et  en  été.  '  
 (p) A.  P.  de  Candolle,  Mém.  d'Arcueil,  III,  p.  281.  
 LIMITES  SUPÉRIEURES  ET  INFÉRIEURES  DES  ESPÈCES.  261  
 constater  l'action  directe  des  rayons  solaires  sur  la  température  et  sur  les  
 végétaux,  n'est  pas  parvenu  à  distinguer  les  divers  effets dont  les  résultats  
 se  mélangent  et  se  combinent  diversement.  Ainsi,  après  avoir  prouvé  par  
 des  chiffres  l'influence  du  soleil  sur  le  développement  de  feuilles de  mûrier  
 et de  plantes  de  fèves,  après  avoir  calculé  que  dans  l'expérience  les  rayons  
 du  soleil  avaient  ajouté  S%07  de  température  pendant  quatre-vingt-quatre  
 jours,  il dit  (a)  :  « Certainement  une  addition  semblable  de chaleur  obscure,  
 reçue  dans  une  serre  pendant  quatre-vingt-quatre  jours,  n'aurait  pas  produit  
 les  résultats  qu'on  a  obtenus  de  cette  addition  de  chaleur  lumineuse.  
 11 est  donc  impossible  de  ne  pas  attribuer  à la  lumière  la  plus  grande  part  
 dans  l'effet  qui  a  été  produit.  »  
 Les  mêmes  réflexions  se  présentent  à l'occasion  de  faits  analogues  observés  
 sur  les  montagnes.  Les  thermomètres,  placés  dans  le  sol,  sur  les  
 pentes  tournées  au  midi,  accusent  une  chaleur  additionnelle  assez  forte  
 causée  par  les  rayons  du  soleil;  les  thermomètres,  ou  des  instruments  
 spéciaux,  comme  la  boule  de  cuivre  employée  par M.  de  Gasparin,  donnent  
 une  appréciation  assez  exacte  de  la  chaleur  des  rayons  du  soleil  à  l'égard  
 des  corps  solides  qui  les  reçoivent;  mais,  pour  les  plantes  de  montagnes,  
 comme  pour  celles  des  plaines,  on  en  revient  toujours  à certaines  questions,  
 que  les  physiciens  ne  peuvent  nullement  résoudre  :  1"  Jusqu'à  quel  degré  
 la  chaleur  du  terrain  influe-'t-elle  sur  le  développement  des  végétaux?  
 2'  Quel  est  le  degré  d'échauffement  du  tissu  des  plantes  exposé  partiellement  
 aux  rayons  du  soleil;  ce  tissu  étant  de  couleur  variée,  de  consistance  
 variée,  sujet  à  évaporation,  et  par  conséquent  d'une  autre  nature  
 qu'un  thermomètre  quelconque?  o''L'échauffement,  soit  du  sol,  soit  des  
 plantes,  étant  reconnu,  et  mesuré  peut-être  exactement,  quelle  part  faut-il  
 faire  à  l'influence  lumineuse,  ou  plutôt  aux  rayons  chimiques  du  soleil,  
 sur  les  tiges,  les  feuilles  et  les  fleurs?  
 Toutes  ces  questions  appartiennent  au  domaine  de  la  physiologie.  On  
 est  loin  de  pouvoir  leur  donner  une  solution  par  la  physique,  ni  même  
 par  des  expériences  directes  sur  les plantes.  Ce  sera  plutôt  l'observation  
 de  certains  faits  de  géographie  botanique  sur  les  montagnes  qui  donnera  
 l'explication  et  la  mesure  des  phénomènes  physiologiques.  Ainsi,  
 les  physiciens  ayant  de  la  peine  à  constater  la  valeur  et  l'influence  des  
 rayons  du  soleil  à  une  élévation  déterminée,  nous  nous  contenterons  de  
 prendre  dans  leurs  documents  ce  qui  est  certain,  la  température  observée  
 ù  l'ombre;  ensuite  nous  tacherons  de  savoir,  par  l'observation  des  
 plantes  dans  les  plaines  et  sur  les  pentes septentrionales  des montagnes,  ce  
 (a)  Mémoire  sur  la  radiation  solaire,  dans  Ann.  Soc,  météor.,  1853.  
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