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Depuis M. de Gasparin, iin géologue botanisle, M. Thurniann, dans uu
hvre remarquable sur la végétation de la chaîne jurassique, a établi une
distinction des sols fondée sur le degré et le mode de désagrégation. Les
roches qui se subdivisent à l'infini et deviennent des terres ou limon sont
désignées par lui sous le nom de pélogènes. Ce sont, par exemple, les
marnes oxfordiennes, les argiles keupériennes, les kaolins purs, les calcaires
marno-compactes, etc. Les roches psammogènes ne se divisent pas
à l'infini, mais deviennent des sables dont les grains sont évidents : ainsi le
quartz, les molasses, les grès, certaines dolomies. Il y a ensuite des roches
intermédiaires sous ce point de vue, pélopsarnmogènes, qui sont des porphyres,
certains granites, etc. Cette division étant compliquée, l'auteur
groupe de préférence les roches en deux catégories, les eugéogènes qui se
divisent facilement en terre ou sable, et les disgéogènes qui se divisent
lentement et imparfaitement. Les roches où domine la silice sont souvent
de la première catégorie; les roches où domine le calcaire sont souvent de
la seconde (a).
Quoi qu'il en soit de la valeur de ces classifications du sol au point de
vue physique, le résultat, dans le sujet qui nous occupe, est simplement
de faire admettre un nombre plus faible ou plus grand de ces causes d'importance
accessoire, qui influent sur la répartition des espèces. Lorsqu'on
a énuméré les causes locales de divers degrés d'importance, qui sont toutes
des causes physiques, on arrive cà la question de savoir si les substances
minérales, dont les fragments plus ou moins purs composent les sols, ont
une action particulière sur les plantes en raison de leur nature chimique.
La question ainsi précisée devient délicate et heureusement peu importante.
Une foule de botanistes en parlent sans la bien comprendre. Il ne
suffit pas, en eflèt, de j)rouver que telle espèce croît sur les sols calcaires
et non sur les sols granitiques. Il faut prouver que la différence, d'abord
est constante, et ensuite qu'elle tient à la prédominance dans l'un des sols
du carbonate de chaux, dans l'autre de la silice. On peut toujours soupçonner
à priori que la différence résulte des propriétés physiques des deux
substances, car on sait à n'en pouvoir douter combien est grand le rôle des
propriétés physiques des roches.
Quatre moyens s'offrent pour résoudre la question.
L'un est de cultiver des plantes de même espèce dans diverses substances
{a] Les personnes qui désirent étudier l'ouvrage de M. Thurniaun feront bien peut-être
de commencer par lire Texposé que j'en ai donné dans la lUbliolhèque universelle de
Geneve (u,,, 1850, bull, scientii'.). Je eite cet extrait parce que l'auteur iVa atuf é
1 avoir trouve clan- et conforme à ses idées, et que l'ouvrage lui-même est un peu diflieue
a aborder a cause de la masse des détails et du nombre des mots techniques.
CAUSES LOCALES DÉTEHMIRVAINT LES STATIONS. à'2^
réduites en poudre et arrosées de la même manière, par exemple dans de
la silice, dans du carbonate de chaux, dans un composé magnésien, etc.
Or, l'observation démontre que les qualités physiques de certaines substances
reparaissent très vite, malgré la pulvérisation, et dérangent l'expérience.
Ainsi, l'arrosement donne à la matière calcaire une croûte superficielle;
l'eau traverse le sable siliceux, s'incorpore avec l'alumine, etc.
En outre, si les substances sont pures, toutes les plantes viennent mal ; si
elles sont altérées par des mélanges, l'expérience perd de sa valeur. Enfin,
l'analyse des cendres de végétaux de même espèce, venus sur des sols
calcaires, granitiques, etc., faite déjà par Théodore de Saussure, a prouvé
depuis longtemps que d'ordinaire le tissu se charge indifféremment de la
substance la plus répandue et la plus soluble qui se trouve autour des racines,
de sorte qu'une terre se substitue à l'autre dans la plante sans inconvénient
manifeste. On sait aussi que dans les jardins, il est aisé de faire vivre
une infinité de plantes à côté les unes des autres dans le même terrain.
Les expériences et les cultures ne conduisent donc pas à des conclusions
satisfaisantes. Elles prouvent seulement que les substances les plus répandues
ne sont jamais des poisons pour la très grande majorité des espèces
végétales, mais qu'elles s'en arrangent, si ce n'est pour prospérer au moins
pour vivre quelque temps.
Le second moyen serait de chercher dans la nature des sols rapprochés,
ayant la même ténacité, la même humidité, pendant toute l'année, le même
sous-sol, le même degré de lumière, et néanmoins formés de deux substances
minérales différentes. Ce sont des cas, pour ainsi dire, impossibles
à trouver dans leur rigueur absolue, à cause du mélange habituel des
terres dans le sol de végétation, et de la diversité des diverses roches au
point de vue des conditions physiques. Cependant si l'on découvre des
exemples qui en approchent, la comparaison des espèces spontanées dans
les deux localités serait extrêmement curieuse.
Le troisième moyen est de comparer la végétation de localités ayant une
composition minérale semblable, avec un degré différent de ténacité,
d'humidité, etc. M. Thurmann (Essaiphyt., I, p. 270) a fait des observations
de ce genre, qui sont bien opposées à une influence chimique des
minéraux sur les plantes. Selon lui, quand un sol calcaire cesse d'être
compacte, il perd les espèces qui caractérisent ordinairement dans le pays
les sols calcaires, et en reçoit d'autres qui caractérisent les sols siliceux.
Réciproquement lorsqu'un sol siliceux devient compacte, il prend les
espèces qui abondent ordinairement sur le calcaire. Ainsi dans l'Albe, en
Wurtemberg, on rencontre çà et là au milieu du calcaire jurassique compacte,
de petits affleurements de calcaires magnésiens ou de calcaire coral-
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