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600 DE L'AIRE DES espèces.
autrefois entre les terrains marécageux, à des transports peut-être par de
grandes inondations, ou à la répartition primitive des espèces de cette
nature. Je reviendrai sur cette question au sujet des naturalisations
(chap. VIII) des espèces disjointes (chap. X) et de l'origine probable
des espèces (chap. XI). La station dans les marais et dans l'eau douce ne
serait ainsi que la preuve de causes probablement importantes; elle ne
serait pas, en elle-même, une cause de diffusion.
Enfin, l'organisation des espèces indiquée par leur famille doit offrir
plusieurs des causes les plus réelles de l'extension. Ce n'est pas par hasard
que les espèces à graines petites et nombreuses sont, en moyenne, plus
répandues. Comme le fait se présente sur de grandes masses d'espèces
groupées ensemble, et sur des plantes de pays, de stations et de classes
diverses, il faut que le transport des petites graines soit en moyenne
plus facile et plus fréquent. Les plantes annuelles ayant d'ordinaire des
graines petites et nombreuses, on peut s'expliquer ainsi l'extension dont
elles jouissent, d'autant plus que leur station dans les cultures est assez
fréquente. La présence de crochets, d'épines, de poils recourbés ou visqueux
sur les fruits ou les graines, est une cause bien évidente de transport
pour quelques plantes. Les aigrettes des Composées ne peuvent que favoriser
la dispersion; mais les calculs montrent que c'est une cause très
secondaire, annulée souvent par des causes opposées plus puissantes (voy.
p. 535). Enfin, si les plantes phanérogames, dont l'organisation est la plus
parfaite, c'est-à-dire la plus compliquée, paraissent avoir une aire moyenne
restreinte, on peut soupçonner que la complication de leur structure les
rend plus délicates, plus exigeantes à l'égard du climat et des stations. Les
espèces ligneuses sont également dans ce cas. Elles demandent des conditions
d'humidité, de temps et d'espace assez rares, du moins à l'époque
actuelle.
Le raisonnement et l'observation nous ont ainsi conduit à reconnaître
les causes directes de l'aire des espèces, sous l'empire des circonstances
dont nous sommes témoins à notre époque, et quelquefois par l'eifet de
causes antérieui'es cachées, mais importantes. La réunion de plusieurs
causes peut amener fortuitement, dans certains cas, une très grande extension,
ou, au contraire, une aire excessivement limitée. Il peut arriver aussi
que plusieurs causes opposées se balancent. Les Cryptogames ont les
graines les plus nombreuses çt les plus petites ; elles se trouvent jetées en
grande quantité dans les pays où l'aire est la plus vaste; ce sont deux
causes réunies d'extension. Les Protéacées sont des plantes ligneuses,
habitant surtout la Nouvelle-Hollande et le Cap, et ne vivant jamais dans
les eaux, rarement sur les côtes ; par tous ces motifs, elles sont au nomhr§
CAUSES DE l'Étendue relative des aires. 601
des plantes dont l'aire est la plus restreinte. Les Composées ont, pour la
plupart des aigrettes ; mais elles sont nombreuses au Cap, à la Nouvelle-
Hollande et dans l'Amérique méridionale ; ces deux causes agissant en sens
opposé, l'aire moyenne est à peu près celle de l'ensemble des Phanérogames.
A voir le jeu de toutes ces causes, celles qui sont antérieures paraissent
avoir le plus de gravité, iieut-être parce qu'elles sont variées et
qu'elles ont agi pendant une plus longue série de siècles. Je ne sais si nous
parviendrons à reconnaître la nature et la portée de ces diverses causes
antérieures, mais j'estime contribuer aux progrès de la géologie en montrant,
toutes les fois que l'occasion s'en présentera, ce qui, dans la distribution
géographique des végétaux de notre époque, peut s'expliquer par
les causes actuelles, et ce qui doit être attribué à des causes antérieures.
Je reviendrai fréquemment sur ces questions, à cause de leur nouveauté et
de leur importance (a).
Maintenant, je vais résumer les causes qui déterminent l'aire relative des
espèces, et dans ce but, je présenterai celles-ci, comme d'ordinaire, sous les
trois points de vue de leur habitation, de leur station, et de leur structure,
ou aiTinité botanique, au moyen de laquelle on peut présumer les dispositions
physiologiques. Ce sera une manière de condenser et d'appliquer les
considérations qui précèdent.
Pour éviter de longues répétitions dans le tableau HI, j'ai rappelé en
quelques mots certaines circonstances qui se rattachent aux causes reconnues
précédemment. Ainsi, l'habitation dans des pays septentrionaux n'est
pas, en elle-même, une cause d'extension; mais nous avons vu qu'un ensemble
de causes rend les aires plus vastes dans la région arctique et même
dans les régions tempérées voisines. Ce n'est pas en soi une cause restrictive
qu'une plante soit ligneuse ; mais il en résulte ordinairement l'existence
de causes restrictives, comme d'avoir de grosses graines, de s'établir
difficilement au milieu d'autres plantes, etc. J'ai mis en italiques le fait
d'habiter dans telle ou telle région du globe, parce qu'il tient à une cause
antérieure, l'origine même des espèces et leur histoire dans les époques
géologiques successives. De même pour la station dans l'eau ou dans les
lieux humides, parce que l'extension des plantes de ces stations paraît provenir
surtout de phénomènes antérieurs à notre époque.
H n'échappera pas au lecteur que la plupart des causes marquées comme
actuelles, par exemple la nature des graines, la faculté de résister à l'immersion,
etc., ont commencé à agir avant notre époque, depuis la date de
l'existence de chaque espèce; de sorte que si l'on veut prendre les mots
{a) Chapitre X, sur les espèces disjointes, et chapitre XI, sur l'origine des espèces.
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