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310 DÉLIMITATION DES ESPÈCES.
Je suis obligé, en conséquencej de m'abstenir de considérations sur ces
deux catégories, et de me contenter de faits relatifs presque uniquement
à des espèces ligneuses.
Sur nos montagnes du centre et du midi de l'Europe, la cause la plus
générale des limites en altitude, est le défaut d'une somme suffisante de
chalenr, au-dessus du minimum propre à chaque espèce, et entre les
époques où le terrain est recouvert par la neige. Presque toutes les espèces
sont arrêtées, dans quelques points, par cette cause; mais tantôt cela arrive
sur une chaîne de montagnes, tantôt sur une autre, suivant les climats et
suivant les conditions physiologiques de la plante dont on s'occupe.
Les froids rigoureux de l'hiver limitent plusieurs espèces en Silésie, sur
les monts Carpathes, dans les Alpes et sur les chaînes voisines à des hauteurs
où la somme de température leur permettrait encore de vivre. Cette circonstance
ne peut guère se présenter dans les régions à climat très égal,
comme les îles Britanniques. Je n'en ai pas vu d'exemple sur les Pyrénées,
les Alpes méridionales, les Apennins, l'Etna; mais les espèces dont je
me suis occupé vivent dans des pays tempérés ou même septentrionaux, et
il est probable i{ue les espèces méditerranéennes, si on les étudiait de la
méaie manière, se trouveraient souvent arrêtées en altitude dans le midi de
TEurope, sur l'Atlas, ou sur le Pic de Ténérifle, par le froid, avant de
l'être par le défaut de chaleur.
La sécheresse des régions élevées et l'ardeur du soleil à de grandes hauteurs,
limitent quelquefois les espèces. Les Apennins, le Jura, les Vosges,
les Carpathes en offrent des exemples. Évidemment, l'absence de neiges
perpétuelles, la nature des roches, et le voisinage de plaines très chaudes
en été, contribuent à produire ce résultat, qui ressort de ce que les circonstances
de température n'expliquent pas suffisamment les faits relatifs
à certaines espèces.
J'appellerai secondaires les causes qui ne sont pas la somme de chaleur.
Cette dernière cause peut s'appeler à bon droit principale, et mérite de
fixer plus longtemps notre attention.
Elle comprend un mélange de trois actions, qui ressortent plus clairement
de ces dernières recherches que des précédentes (p. 203). Je veux
parier de la température observée à l'ombre, suivant les procédés ordiîiaires
météorologiques; de la chaleur donnée directement par le soleil ;
eniîn, de la lumière, ou plutôt des rayons cliimiques de la lumière, indépendamment
de toute action calorifique.
La comparaison des limites sur les montagnes prouve l'influence cumulée
de la chaleur et de l'action chimique des rayons directs du soleil,
suivani In position géographique et la hauteur absolue.
LIMITES SUPÉRIEURES D'ESPÈCES SPONTANÉES 31 1
Celle des limites sur les montagnes et des limites polaires au delà des
60® ou 65« degrés de latitude, démontre d'une manière inattendue l'in-»
(luence des mêmes agents dans des circonstances bien différentes.
Reprenons successivement ces deux points.
Voici les sommes de température pour celles des espèces étudiées ci-dessus
qui se trouvent limitées par le défaut de chaleur, soit en plaine au midi
du 60' degré, soit sur les montagnes. Je laisse de côté les chaînes où elles
sont limitées par des causes secondaires.
Aiyssum caiycinuni. — Sur le littoral, en Ecosse, 2/i50% dès comme
minimum. — Sur les Pyrénées (à 1566"'), au-dessus du même
minimum.
Hex Aquifoiium« — En Écosse, au niveau de la mer, 2200% à 320™
d'élévation, Ì 890% avec pour minimum. — Pyrénées (à 987^").,. 2[[00%
Etna (à 1787"")... 1620'' à partir du même minimum.
F a g u s syivatica. — Sur le littoral, en Ecosse, 2550«; en Norwége,
2500% minimum de chaleur nécessaire, 5^ — Mont Ventoux (à 1666"'),
i h i i jo „ YAm (à 2160™)... 10/i3".
Fraximis excelsior. — Sur le littoral, en Écosse, 2/i50% en Norwége^
1980% minimum supposé nécessaire, —Alpes orientales (à 1/|88"»)...
1610°; Alpes occidentales (à 1330"^)... ihOO\
Les trois espèces qui suivent s'arrêtent dans la plaine sous des latitudes
très avancées, où la prolongation de la lumière, en été, détermine des con«
ditions spéciales. Je les compare dans ce moment au point de vue de leurs
limites sur les montagnes.
Abies exceisa, ï)0. — Moutagnes (le Silésie (à 1300"^)... 1360^ —
Suisse centrale (à 188/|»')... 830°. — Revers méridional des Alpes (à
2111"^)... 705% toujours à partir de 6^
s o r b u s aucuparia, L. — Silésie (à 1120^1')... 1772°. — Suisse (à
1660«^)... 1355% à partir de 3^
Bciuia. — Silésie (à 1300"^)... 1308". — Suisse centrale (à 1786"%,.
H 3 0 ^ —Suisse occidentale (à 1980"^),... 731% à partir de 3%
Le lïoux, sur les Pyrénées, et le Bouleau, sur l'Etna, font exception,
sans doute parce qu'ils sont limités sur les montagnes du midi par des
causes secondaires. Sauf ces cas isolés, qui s'expliquent plus ou moins bien,
les chiffres varient d'une manière analogue. En avançant des plaines du
iiord-ouest, situées entre les 56' et 62" degrés de latitude, vers les sommités
du midi de l'Europe^ les espèces ont l'air de se contenter d'une somme de
chaleur moindre calculée au-dessus du même minimum, reconnu ou supposé
nécessaire à chacune selon sa nature. Comme il n'est guère possible
d'admettre qu'une plante exige tantôt une certaine somme de chaleur,
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