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ces plantes d'un manteau protecteur. Leurs limites géographiques doivent
dépendre des températures tantôt de Tété, tantôt de l'automne ou du printemps,
presque pas de l'hiver. Elles doivent se ressentir principalement
du printemps et de l'été, car les plantes vivaces peuvent se passer jusqu'à
un certain point de mûrir leurs graines. Si elles les mûrissent une année
sur deux ou sur trois, si des graines sont transportées fréquemment de
localités voisines plus chaudes, cela suffit pour que l'espèce se conserve.
Les arbres sont donc sous l'influence de toutes les saisons et des minima
de température, tandis que les plantes vivaces se trouvent ordinairement
sous rinlluence de deux ou de trois saisons, et les plantes annuelles de
quelques mois seulement.
L'étude des limites d'espèces sera toujours très compliquée. Voici pourquoi.
Une espèce peut être arrêtée dans un pays par le froid de l'hiver; plus
loin, du côté ouest par exemple, le froid sera rare et moins intense, mais
il ne fera pas assez chaud pour avancer la floraison, ou bien l'été ne sera
pas assez favorable pour que les graines puissent mûrir en automne, ou
enfin l'automne sera trop froid. Ainsi on conçoit qu'une même espèce
puisse être limitée dans un point par une cause, dans une autre direction
par une seconde cause, plus loin par une troisième, au delà par une quatrième,
etc. Ceci est d'autant plus vrai que l'humidité ou la sécheresse,
réparties diversement dans les mois de l'année, peuvent agir aussi comme
causes de délimitation, surtout dans les pays méridionaux, et se mélanger
avec les efl^ets de la température. De là des phénomènes bizarres dans les
limites d'espèce, et une foule d'exemples, qui paraissent des anomalies, et
qui cependant pourront peut-être s'expliquer, si l'on scrute chaque fait, et
si l'on compare attentivement les limites bien constatées d'une espèce
avec les conditions de température et d'humidité, dans toute l'étendue de
ces limites.
Je vais essayer ce travail. Si je réussis pour quelques espèces, la marche
sera tracée pour d'autres , et avec le progrès de la science on pourra
mieux la suivre. Ce sera aussi une manière de montrer combien nos livres
de botanique sont imparfaits, et combien la géographie physique est encore
éloignée de posséder les documents qu'elle devrait off'rir aux sciences naturelles.
Dans ce travail j'ai concentré mon attention sur une dizaine d'espèces
annuelles, sur neuf espèces vivaces, sur dix espèces ligneuses de petite
taille, et sur quatre de haute futaie. Il m'a paru plus utile d'étudier à fond
trente-trois espèces, que de jeter sur un grand nombre de plantes un coup
d'oeil superficiel. Dans le choix à faire, je ne pouvais penser qu'aux plantes
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LIMITES POLAIRES 1)KS ESPÈCES SPONTANÉES. 73
d'Europe, car il fallait des espèces bien connues, mentionnées dans un
grand nombre de Flores locales ou de catalogues, et ayant leurs limites
dans des pays dont la température et l'humidité pendant toutes les saisons
aient été suffisamment constatées. En effet, quand on se propose de
connaître une limite, au point de pouvoir la tracer sur une carte, il faut
consulter un nombre très considérable d'ouvrages, chercher des faits dans
les herbiers, et prendre des informations auprès de botanistes qui connaissent
très bien certaines localités. Je n'ai rien négligé à cet égard. Chacune
des espèces dont je vais parler m'a pris plusieurs jours à étudier et m'a
obligé à une correspondance étendue (a).
Les ouvrages généraux ne signifient à peu près rien, pour un travail
aussi minutieux. A peine quelques articles du Prodromus que j'avais
faits moi-même, récemment, et avec le désir d'indiquer exactement les
limites, ont-ils pu me satisfaire. Pour éviter des difficultés insurmontables
j'ai dù renoncer à examiner toute espèce dont la nomenclature dans les
Flores présente de l'ambiguïté, toutes celles qui ont des variétés nombreuses
dont l'extension géographique est probablement difl'érente, celles,
enfin, qui risquent d'échapper aux auteurs de Flores à cause de leur petitesse
ou de leur ressemblance avec d'autres. J'ai aussi négligé les espèces
dont l'habitation est très restreinte et celles dont l'habitation est très étendue,
car dans le premier cas j'aurais manqué de climats à comparer, et dans
le second j'en aurais eu trop et serais arrivé à des pays hors d'Europe, où
les Flores manquent, ainsi que les données météorologiques. Il m'a paru
de plus que les espèces cultivées, ou vivant presque toujours dans des terrains
cultivés, ou plantées fréquemment autour des habitations, devaient
être mises de côté. Par ce motif, un grand nombre d'arbres ne convenaient
pas, d'autant plus que si des forêts ont été créées, d'autres bien plus considérables
ont été détruites par la main de Thomme. Bref, en excluant ainsi
une foule d'espèces européennes par des motifs de quelque valeur, il n'en
restait véritablement qu'un petit nombre propres à l'étude que j'avais en
vue. Celles que j'ai choisies ont été prises dans diverses familles, dans
diverses parties de l'Europe, au hasard, pour ainsi dire, en tout ce qui
concerne leurs limites géographiques, et triées seulement en vue de l'exactitude
possible des résultats. Les faits relatifs aux limites se sont révélés à
moi graduellement, sans que j'aie pu les prévoir ni les choisir. Si quelques
limites se rapprochent de lignes isothères, isochimènes ou isothermes, ou
(a) Je dois des remerciements très particuliers à MM. Gay, Balfour, H.-G. Watson, Bernard,
Le Jolis, D"" Lemann, Parlatore, Gh. Des Moulins, Fischer ^de Saint-Pétersbourg),
Trautvetter et autres botanistes qui m'ont communiqué des faits précis sur les'plantes de
l'iuelques régions encore peu connues.
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