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598 DE L'AlltE DES ESPÈCES.
antérieures qui auraient restreint certaines limites d'espèces ont pu se
réparer sous l'empire des causes actuelles, à la surface des continents;
mais ceux des causes antérieures qui ont répandu quelques espèces peuvent
subsister malgré des circonstances différentes. 11 faut donc se contenter
d'expliquer les aires très vastes à la surface des continents, d'abord par
des considérations de structure et de physiologie, si l'on peut, et ensuite
recourir à l'hypothèse de causes antérieures, comme une dernière ressource,
le plus souvent indispensable.
§ J V. APPLICATION I)K CES PRINCIPES AUX FAITS CONNUS.
Pour appliquer ces méthodes de raisonnement aux espèces, il faut nécessairement
les grouper, selon leurs Iiabitations dans diverses régions, leurs
stations, et les classer en familles qui représentent leur structure et leurs
qualités physiologiques. Sans cela, on serait obligéd'étudier les 150,000 espèces
une à une. Je vais donc reprendre les groupes dont je me suis servi
précédemment.
Quant aux plantes de divers pays, lorsqu'on voit les espèces d'une même
famille et de stations ordinaires, comme les prairies, les forets, etc., avoir
une aire restreinte dans certaines régions, une aire plus étendue dans
d'autres régions, il est impossible de nier que le fait antérieur d'avoir été,
dès l'origine, ou au travers de révolutions géologiques, dans tel pays plutôt
que dans tel autre, a empêché ou a favorisé l'extension. Le Cap, la Nouvelle
Hollande, les îles éloignées, l'extrémité australe de TAmérique, sont
aes pays qui doivent avoir offert, de tout temps, peu de facilités aux émigrations
ou immigrations d'espèces, ou qui, dès l'origine, ont reçu une
Flore plus particulière, si l'on veut supposer que les mêmes formes spéci-
Oques ont existé simultanément dans plusieurs localités dès l'origine. Les
régions tempérées, et surtout les régions arctiques, sont dans des conditions
inverses. La disposition actuelle des continents explique ces faits jusqu'à
un certain point; mais, il y a au fond quelque chose qui tient à des
conditions antérieures. Sans cela, pourquoi l'île de Ceylan, les îles de la
Sonde; Madagascar, Bourbon et Maurice, auraient-elles un si grand
nombre d'espèces différentes de celles des continents voisins, tandis que les
îles Britanniques, Shetland, Feroë, l'Islande, les îles Aleutiennes en ont si
peu? Les causes actuelles de transport, comme le vent, les courants, les
oiseaux, ne sont pas exclusives aux régions septentrionales; de même, et à
plus forte raison, sur les continents. Les moyens de transport sont aussi
nombreux, aussi actifs, dans l'intérieur du Brésil et de la Colombie que dans
les Etats-Unis ou la Sibérie; les climats y sont moins variés. Cependant,
les espèces y sont beaucoup plus cantonnées. Ainsi, pour expliquer i'uni-
CAUSES DE l 'Ét e n d u e relat ive des aires. 599
formité de végétation de certaines régions et la diversité dans d'autres, les
causes géographiques actuelles ne suffisent pas. Il faut recourir tantôt à la
considération de la nature des plantes qui croissent dans les contrées équatoriales,
tempérées ou boréales, tantôt à des causes géologiques antérieures
à notre époque et même à la position primitive des espèces.
Voyons maintenant les espèces selon leurs stations.
Les plantes d'une même région et de même famille ont une aire plus
vaste quand elles vivent près des habitations de l'homme, dans les décombres,
au bord des chemins ou dans les cultures. La cause en est actuelle
et évidente. L'homme et les animaux domestiques transportent continuellement
avec eux les graines de certaines espèces de leur voisinage, et
comme ces espèces sont propres à vivre dans les localités où l'homme
séjourne, elles y prospèrent dès qu'elles y sont introduites. Leur extension
était jadis moins grande, elle sera une fois beaucoup plus considérable qu'à
présent.
Les plantes des marais et des eaux douces ont, dans chaque famille et
dans tous les pays, une aire plus vaste que la moyenne. Il en est de même
des plantes du Uttoral de la mer et de l'embouchure des fleuves. Pour ces
dernières, il y a une cause d'extension fort évidente, le transport par les
courants et parles fleuves. On ne saurait en dire autant des espèces submergées
dans les eaux stagnantes, qui mûrissent assez ordinairement leurs
graines au fond de l'eau et que l'homme ne transporte guère. Les plantes
de marais sont à peu près dans les mêmes circonstances.
J'ai déjà dit que l'uniformité de température dans le milieu où elles
vivent n'est pas une explication suffisante de l'extension singulière de ces
espèces; elles sont exposées à des alternatives bien plus graves pour elles
que des différences de température, je veux parler des variations dans le
niveau des eaux. La seule cause apparente qui favorise eur extension est
la qualité nécessairement ferme et peu altérable du tissu de leurs graines.
Si une plante se trouve au bord de l'eau et que ses graines ne puissent pas
rester quelque temps submergées sans pourrir, cette plante est exclue dès
sa première génération du milieu liumide. Il ne peut rester là que des
plantes dont la graine a le test couvert de concrétions minérales, ou lisse et
dur comme celui des Cypéracées. Beaucoup de plantes aquatiques se multiplient
aussi, très rapidement, par le moyen de divisions spontanées
(Anacharis, Ranunculus, Utricularia, Yillarsia, etc.).
Malgré ces causes, les eaux douces étant séparées les unes des autre
par des montagnes ou par la mer, je ne puis voir, dans l'aire immense des
phanérogames aquatiques et de marais, qu'un fait essentiellement antérieur
aux causes actuelles, c'est-à-dire tenant à des communications plus faciles
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