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202 DÉLIMITATION DES ESPÈCES.
resse bien caractérisée. S'il y avait dans une région une époque de froid
et une époque de sécheresse, ou encore une époque de trop grande humidité,
combinée avçc une époque trop froide ou trop sèche, il faudrait, pour
expliquer les limites d'espèces annuelles, considérer les sommes de tempéralure
entre les époques nuisibles, et calculer les sommes pour chaque
espèce au-dessus d'un certain degré de température et d'un certain degré
d'humidité ou de sécheresse particuliers à l'espèce. Malheureusement on
ne peut deviner le degré de froid, de sécheresse ou d'humidilé nuisible à
chaque espèce, ou au moins inutile à sa végétation, qu'au moyen de beaucoup
de recherches géographiques et physiologiques.
Pour les espèces vivaces et ligneuses, les circonstances qui influent sont
plus variées. Le froid habituel, ou au moins fréquent des hivers, détermine
souvent la limite du côté où les climats deviennent excessifs : en Europe,
du côté nord, nord-est ou est. La durée de la neige modifie cette cause'
principalement à l'égard des espèces vivaces. L'humidité et la sécheresse
influent aussi dans plusieurs circonstances et arrêtent souvent, en Europe,
l'extension des espèces, vers le nord-ouest ou le nord-est, vers l'ouest ou
l'est. Enfin, lorsque la température moyenne détermine une limite ou une
portion de limite pour ces plantes, c'est toujours la somme entre deux
époques trop fraîches qu'il convient d'envisager, et non la somme entre
deux jours fixes ou deux mois de l'année, et moins encore la moyenne de
toute l'année.
Les espèces qui échappent à ces diverses explications sont rares et
doivent être limitées par des causes exceptionnelles, comme la température
et l'humidité au moment de la floraison ou de la maturation, la nature
du sol, peut-être la présence de certains insectes nuisibles, peut-être des
causes géologiques antérieures à l'ordre de choses actuel; mais cette dernière
catégorie de causes ne peut guère être supposée que pour des îles,
et non à la surface d'un même continent où les transports de graines ont
agi librement depuis des siècles.
La méthode des moyennes de température par mois, par saisons, par
année surtout, ne mérite aucune confiance. Elle n'explique les délimitations
que par hasard, dans le cas où l'on compare des climats dans lesquels
la marche de la température est parallèle pendant les saisons dont il
s'agit. Sous ce point de vue la méthode est moins mauvaise dans les pays
méridionaux, par exemple dans la région de la mer Méditerranée, que dans
les pays septentrionaux. Elle peut même convenir à des pays équatoriaux
d'un climat très uniforme; mais elle est vicieuse pour les régions où l'est
et l'ouest, le centre et le littoral, offrent des conditions extrêmement différentes.
LIMITES POLAIRES DES ESPECES SPONTANEES. 0 3
Les ouvrages de géographie physique devraient donc, pour les applications
à la botanique et à l'agriculture, être complètement réformés, en ce
qui concerne les chiffres de température. Ils devraient donner les sommes
à partir de chaque degré du thermomètre, entre + et 20« par exemple.
J'ai fait ce calcul pour quelques villes, avec le procédé peu exact de déduire
la progression de jour en jour des moyennes mensuelles. Il faudrait pouvoir
le faire pour toutes les villes où l'on observe, et d'après les moyennes de
chaque jour fondées sur une longue série d'années, ou au moins de chaque
décade. Les physiciens devraient aussi s'attacher, plus qu'on ne le fait,
aux minima moyens des hivers, et, dans les pays du nord, à la durée de la
neige sur le terrain.
Quant aux températures utiles, je ferai une remarque, et celle-ci je ne
l'aurais pas devinée d'avance. D'après les exemples qui ont servi à mes
études, les espèces des régions tempérées commenceraient à végéter ordinairement
à la température de à 10", et bien rarement sous une température
inférieure. La végétation qui précède et celle qui suit les époques
où ces températures commencent et finissent paraît insignifiante. Je serais
arrivé peut-être à d'autres conclusions si j'avais examiné les limites d'autres
espèces, appartenant à d'autres familles et surtout à d'autres régions. J'en
conviens ; mais, pour l'intelligence de la végétation européenne, le fait me
paraît digne d'être noté.
L'effet d'une lumière prolongée pendant les jours d'été se montre assez
évidemment par les limites de certaines espèces en Ecosse et en Norwége,
Le Radiola s'arrête aux Orcades (50 degrés lat.) par une somme de température
de 2225" sur ; à Drontheim (63026^ par 1900% différence,
325«, répondant à ce fait que le jour le plus long présente 1 heure i/ h de
plus à Drontheim, et que, par conséquent, les fonctions chimiques de la
plante s'accomplissent mieux avec la même température calculée à l'ombre.
Les Ilex Aquifolium (ce), Rhamnus Frangula et Fraxinus excelsior, s'arrêtent
entre les 57^ et 58^ degrés de latitude en Ecosse, par 2015" environ de chaleur
totale, et près de Sôndmôr, en Norwége (62«30' lat.), par 1815^ environ,
différence de 200 degrés, répondant à 1 heure 3/Zi dans la longueur
du plus long jour. L'Aquilegia vulgaris s'arrête en Corse (56oi5' i^t. )
par 2560^^ sur et à Drontheim (63^26'), par 1960% différence de
600% répondant à 2 heures 1/2 dans le plus long jour (b).
Enfin, dans le cours de ces recherches, il ne s'est pas présenté un seul
cas dans lequel on pût supposer qu'un certain maximum de chaleur fût
nécessaire pour l'accomplissement des fonctions de la vie des espèces. Au-
(a) Je reviendrai sur cette espèce dans la section III, des limites en altitude.
(b) Voyez dans les sections III à V, des détails plus probants sur les effets de la lumière.
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