
de ceux qui penfent. C ’ejl à eux qu’il appartient de célébrer, fans
s’avilir par des motifs méprifables, la conftdération diftinguée que
Vous marque^ pour les talens i conjideration qui leur rend précieux
un homme d’E ta t, quand il fa it, comme Vous, leur fairefentir que ce
n’ejl point par vanité, mais pour eux-mêmes qu’il les honore. Puiffe,
M O N S E I G N E U R , cet Ouvrage, auquel plufieurs Savons
& Artiftes célébrés ont bien voulu concourir avec nous, & que nous
Vous préfentons en leur nom, être un monument durable de la
reconnoiffance que les Lettres Vous doivent, & qu elles cherchent a
Vous témoigner. Les fiecles futurs, f i notre Encyclopédie a le bonheur
d’y parvenir, parleront avec éloge de la protection que Vous lui ave^
accordée dès fanaijfance, moins fans doute pour ce qu elle eji aujourd’hui
, qu’en faveur de ce quelle peut devenir un jour. Nous fommes
avec un profond refpecl,
M O N S E I G N E U R ,
Vos très-humbles 8c très-obéiffans Serviteurs,
D I D E R O T 8c D ’A L E M B E R T .
D i s c o u r s
DISCOURS PRÉLIMINAIRE
D E S É D I T E U R S .
’En c y c l o p é d ie que nous préfentotis au Publie b e f t , comme Ton titre l’annonce
, l’Ouvrage d’une fociété de Gens de Lettres. Nous croirions pouvoir
affûrer, fi nous n’étions pas du. nombre, qu’ils font tous avantageufement
connus, ou dignes de l’être. Mais fans vouloir prévenir un jugement qu’il
n’appartient qu’aux Sa vans de porter, il eft au moins de notre devoir d’é*
carter avant toutes chofes l'objeélion la plus capable de nuire au fuccès
IEl M ■ IB Kinr il n u 11 *
d’une fi grande enrreprifè. Nous déclarons donc que nous n’avons point eu la témérité de
nous charger feuls d’un poids fi fupérieur à nos Forces, & que notre fonétion d’Editeurs
confifte principalement à mettre en ordre des matériaux dont la partie la plus confidérable
nous a été entièrement fournie. Nous avions fait expreffément la même déclaration dans le
corps du Profpeclus * $ mais elle auroit peut-être dû fe trouver à la tête. Par cette précaution
, nous euffions apparemment répondu d’avance à une foule de gens du monde, & même
à quelques gens de Lettres, qui nous ont demandé comment deux perfonnes pouvoient traiter
de toutes les Sciences & de tous les A rts, 8c qui néanmoins avoient jetté fans doute les
yeux fur le Profpeclus, puifqu’ils ont bieu voulu l’honorer de leurs éloges. A infi, le feul moyen
d’empêcher fans retour leur obje&ion de reparoître , c’eft d’employer, comme nous faifons
i c i , les premières lignes de notre Ouvrage à la détruire. Ce début eft donc uniquement def-
tiné à ceux de nos Leâeurs qui ne jugeront pas à propos d’aller plus loin: nous devons aux
autres un détail beaucoup plus étendu fur l’exécution de 1 'E n c y c l o p é d ie : ils le trouveront
dans la fuite de ce Difcours, avec les noms de chacun de nos collègues ; mais ce détail
fi important par fa nature & par fa matière, demande à être précédé de quelques réflexions
philofopniques.
L ’O u v r âg e dont nous donnons aujourd’hui le premier volume, a deux objets : comme
Encyclopédie, il doit expofer, autant qu’il eft poffible, l’ordre & l’enchaînement des connoiffances
humaines : comme Dictionnaire raifonnédes Sciences 9 des Arts & des Métiers, il doit
contenir fur chaque Science & fur chaque A r t , foit libéral, foit méchanique, les principes
généraux qui en font la bafe * & les détails les plus effentiels qui en font le corps & la fub-
ftance. Ces deux points de vue , ÜEncyclopédie 8c de Dictionnaire raifonné, formeront donc
le plan 8c la divifion de notre Difcours préliminaire. Nous allons ies envifager, les fuivrè
l’un après l’autre, & rendre compte des moyens par lefquels on a tâché de fatisfaire à ce
double objet. . .
Pour peu qu’on ait réfléchi fur la liaifon que les découvertes ont entre elles, il eft facile
de s’appercevoir que les Sciences 8c les Arts fe prêtent mutuellement des fècours, & qu’il
y a par conféquent une chaîne qui les unit. Mais s’il eft fouvent difficile de réduire à un
Î>etit nombre de regies ou de notions générales, chaque Science ou chaque Art en particu-
ier, il ne i’eft pas moins de renfermer en un fyftème qui foit un , les branches infiniment variées
de la fcience humaine. ,
Le premier pas que nous ayons à faire dans cette recherche, eft d’examiner, qu4on nous
permette ce terme, la généalogie 8c la filiation de nos connoiffances, les caufes qui ont dû
les faire naître, & les cara&eres qui les diftinguent 5 en un m o t, de remonter jufqu a l’origine
& à la génération de nos idées. Indépendamment ^des fecours que nous tirerons de
cet examen , pour l’énumération encyclopédique des Sciences 8c des Arts , il ne fauroit
être déplacé à la tête d’un ouvrage tel que celui-ci.
On peut divifer toutes nos connoiffances en dire&es & en refléchies. Les directes font
celles que nous recevons immédiatement fans aucune opération de notre volonté , ç[ui
trouvant ouvertes, fi on peut parler ainfi, toutes les portes de notre ame , y entrent fans
* Ce Profpeflus a été publié au mois de Novembre 1750.
Tome I. A