au fond la même chofe, 8c ne different que de nom.“
Foyer Prieur. Fauchet obferve que dans le commencement de la
Monarchie Françoiie, les Ducs 8c les Comtes s appelaient
Abbés, 8c les Duchés & Comtés , Abbayes.
Plufleurs perfonnes de la première diftin&ion, fans
être en aucune forte engagées dans l’état Monafti-
que , prenoient la même qualité. Il y a meme quelques
Rois de France qui font traites d’Abbés dans
l’Hiftoire. Philippe. I. Louis VII. 8c enfuite les Ducs
d’Orléans, prirent le titre d’Abbés du Monaftere de
S. Agnan. Les Ducs d’Aquitaine font appellés Abbés
du Monaftere de S. Hilaire de Poitiers, & les Comtes
d’Anjou , de celui de S. Aubin, &c. mais c eft
qu’ils pofledoient en effet ces Abbayes, quoique laï-
ques. /^oyeçABBÉ. Abbaye fe prend aufll pour le bénéfice même, 8c
le revenu dont joiiit l’Abbé.
Le tiers des meilleurs Bénéfices d’Angleterre etoit
anciennement, par la conceffion des Papes, approprié
aux Abbayes 8c autres Maifons Religieufes : mais
fous Henri VIII. ils dirent abolis, 8c devinrent des
Fiefs féculiers. 190 de ces Bénéfices abolis, rappor-
toient annuellement entre 200 1. 8c 350001. ce q ui,
en prenant le milieu, fe monte à 2.8 5 3 0001. par an.
Les Abbayes de France font toutes à la nomination
du R o i, à l’exception d’un petit nombre ; favoir,
parmi les Abbayes d’Hommes, celles qui font Chefs
d’Ordre, comme Cluny , Cîteaux avec fes quatre
Filles , &c. 8c quelques autres de l’Ordre de Saint-
Benoît , & de celui des Prémontrés : 8c parmi les
Abbayes de Filles, celles de Sainte-Claire , où les
Religieufes , en vertu de leur Réglé , élifent leur
Abbeffe tous les trois ans. On peut joindre à ces dernières
celles de l’Ordre de Saint-Auguftin, qui ont
confervé l’ufage d’élire leur Abbeffe à v ie , comme
les Chanoineffes de S. Cernin à Touloufe.
01} yprtu <lu Concordat entre Léon X . &
François I. que les Rois de France ont la nomination
aux Abbayes de leur Royaume. (H )
ABBÉ, f. m. Supérieur d’un Monaftere de Religieux
, érigé en Abbaye ou Prélature. Vyye^ Abbaye
& Abbesse.
Le nom 8 Abbé tire fon origine du mot Hébreu
3K , qui fignifie pere j d’où les Chaldeens 8c les Syriens
ont formé abba : de là les Grecs abbas, que les
Latins ont retenu. T)’abbas vient en François le nom
à?Abbé, & c . S. Marc 8c S. Paul, dans leur Texte
grec, fe fervent dü Syriaque abba, parce que c etoit
un mot communément connu dans les Synagogues
8c dans les premières affemblées des Chrétiens. Ils y
ajoutent en forme d’interprétation , le nom de pere
abba, O IJamp, abba pere, comme s’ils difoient, abba
, c’eft-à-dire, pere. Mais ce nom ab 8c abba, qui
d’abord étoit un terme de tendreffe 8c d’affeûion en
Hébreu 8c en Chaldéen , devint enfuite un titre de
dignité & d’honneur. Les Dotteurs Juifs l’affe&oient ;
8c un de leurs plus anciens Livre s , qui contient les
Apophthegmes , ou fentences de plufieurs d’entre
e u x , eft intitulé Pirke abbo, ou avot ; c’eft-à-dire,
Chapitre des Peres. C’eft par allufion à cette affe&a-
tion que J. C. défendit à fes Difciples d’appeller peu
aucun homme fur la terre : 8c S. Jerome applique
cette défenfe aux Supérieurs des Monafteres de fon
tems, qui prenoient le titre d’Abbé ou de Pere.
Le nom d'Abbé par conféquent paroît aufli ancien
que l’Inftitution des Mômes eux-mêmes. Les Directeurs
des premiers Monafteres prenoient indifféremment
les titres d’Abbés ou dü Archimandrites. Foye[ Moine & Archimandrite. .
Les anciens Abbés étoient des Moines qui avoient
établi des Monafteres ou Communautés, qu’ils gou-
vernoient comme S. Antoine 8c S. Pacôme; ou qui
^voient été prépofés par les Inftituteursdelaviemonaftique
flOur gouverner une Communauté nom-
breule, refidente ailleurs que dans le chef-lieu dè
l’Ordre ; ou enfin , qui étoient choifis par les Moines
mêmes d’un Monaftere, qui fefoumettoient à l’autorité
d’un feul. Ces Abbés 8c leurs Monafteres, fui-
vant la difpofition du Concile de Chalcédoine ,
étoient fournis aux Evêques, tant en Orient qu’en
Occident. A l’égard de l’Orient, le quatrième Canon
de ce Concile en fait une loi ; 8c en O ccident, le 2 ie
Canon du premier Concile d’Orléans, le 19 du Concile
d’Epaune, le 22 du II. Concile d’Orléans, 8c les
Capitulaires de Charlemagne, en avoient réglé l’ufage,
furtout en France. Depuis ce tems-là quelques
Abbés ont obtenu des exemptions des Ordinaires
pour eux 8c pour leurs Abbayes , comme les Monafteres'
de Lérins , d’Agaune , 8c de Luxeuil. Ce
privilège leur étoit accordé du confentement des
Evêques, à la priere des Rois 8c des Fondateurs. Les
Abbés néanmoins étoient bénis par les Evêques, &
ont eu fouvent féance dans les Conciles apres eux :
quelques-uns ont obtenu la permiflion de porter la
Crofl'e 8c la Mitre ; d’autres de donner la Tonfure
8c les Ordres mineurs. Innocent VIII. a même accordé
à l'Abbé de Cîteaux le pouvoir d’ordonner des
Diacres 8c des Soûdiacres, 8c de faire diverfes Bé-
nédiftions, comme celles des Abbeffes, des Autels,
8c de Vafes facrés.
Mais le gouvernement des Abbés a été différent,
félon les différentes efpeces de Religieux. Parmi les
anciens Moines d’Egypte , quelque grande que fût
l’autorité des Abbés, leur première fupériorité étoit
celle du bon exemple 8c des vertus : ni eux ni leurs
inférieurs n’étoient Prêtres, 8c ils étoient parfaitement
fournis aux Evêques. En Occident, fuivant la
Réglé de Saint Benoît, chaque Monaftere étoit gouverné
par un Abbé, qui étoit le Dire&eur de tous fes
Moines pour le fpirituel 8c pour la conduite intérieure.
Il difpofoit aufli de tout le temporel \ mais
comme un bon pere de famille ; les Moines le choififi
foient d’entre eux , 8c l’Evêque diocéfain l’ordon-
noit Abbé par une Bénédidion folemnelle : cérémonie
formée à l’imitation de la Confécfation des Evêques.
Les Abbés étoient fouvent ordonnés Prêtres ,
mais non pas toûjours. L’Abbé affembloit les Moines
pour leur demander leur avis dans toutes les rencontres
importantes, mais il étoit le maître de la dé-
cifion ; il pouvoit établir un Prévôt pour le foulage?
dans le gouvernement ; 8c fi la Communauté étoit
nombreufe , il mettoit des Doyens pour avoir foin
chacun de dix Religieux, comme le marque le mot
Decanus. Au refte , l'Abbé v ivoit comme un autre
Moine, excepté qu’il étoit chargé de tout le foin de
la Maifon, 8c qu’il avoit fa Menfe, c’eft »à-dire, fa
table à part pour y recevoir les hôtes ; ce devoir
ayant été un des principaux motifs de la fondation
des Abbayes.
Ils étoient réellement diftingués du Clergé, quoique
fouvent confondus avec les Eccléfiaftiques , à
caufe de leur degré au-deffus des Laïques. S. Jerôme
écrivant à Héliôdore, dit expreffement : alla Mona-
chorum ejl caufa , alia Clericorurn. Voyc{ C L E R G É >
Prêtres , &c.
Dans ces premiers tems , les Abbés étoient fournis
aux Evêques 8c aux Pafteurs ordinaires. Leurs
Monafteres étant éloignés des Villes, 8c bâtis dans-
les folitudes les plus reculées , ils n’avoient aucune
part dans les affaires eccléfiaftiques, ils alloient les
Dimanches aux Eglifes Paroifliales avec le refte du
peuple ; ou s’ils étoient trop éloignés , on leur en-
voyoit un Prêtre pour leur administrer les Sacremenss
enfin on leur permit d’avoir des Prêtres de leur propre
corps. U Abbé lui - même, ou l’Archimandrite , étoit
ordinairement Prêtre : mais fes fondions ne s’éten-
doient qu’à l’aflxftançe fpirituelle de fon Monaftere,
8c il demeuroit toûjours foûmis à fon Evêque.'
Comme. il y avoit parmi les Abbés plufieurs Perfonnes
favantes , ils s’oppoferent vigoureufement
aux héréftes qui s’élevèrent de leur tems ; ce qui
donna occafion aux Evêques de les appeller de leurs
deferts, 8c de les établir d’abord aux environs des
Faubourgs des Villes, 8c enfuite dans les Villes mêmes.
C ’eft de ce tems qu’on doit dater l’époque de
leur relâchement. Ainfi les Abbés étant bientôt déchus
de leur première fimplicité, ils commencèrent
à être regardés comme une efpece de petits Prélats.
Enfuite, ils affe&erent l’indépendance de leurs Evêques
, 8c devinrent fi infupportables, que l’on fit contre
eux des fois fort féveres au Concile de Chalcédoine
& autres , dont on a parlé.
L’Ordre de Cluny , pour établir l’uniformité, ne
voulut avoir qu’un feul Abbé. Toutes les Maifons qui
en dépendoient, n’eurent que des Prieurs, quelques
grandes qu’elles fuffent, & cette forme de gouvernement
a fubfiftéjufqu’à préfent. Les Fondateurs de Cîteaux
crurent que le relâchement de Cluny venoit
en partie de l’autorité abfolue des Abbés : pour y remédier
, ils donnèrent des Abbés à tous les nouveaux
Monafteres qu’ils fondèrent, & voulurent qu’ils s’af-
femblaffent tous les ans en Chapitre général, pour
voir s’ils étoient uniformes 8c ndeles à obferver la
Réglé. Ils conferverènt une grande autorité à Cîteaux
fin fes quatre premières Filles , 8c à chacune
d’elles fur les Monafteres de fa filiation ; enforte que
V Abbé d’une mere Eglife préfidât à l’éle&ion des Abbés
des Filles ,8c qu’il pût avec le confeil de quelques
Abbés, les deftituer s’ils le méritoient.
Les Chanoines Réguliers, fuivirent à peu près le
gouvernement des Moines , 8c eurent des Abbés
dans leurs principales Maifons, de l’éleftion defquels
ils demeurèrent en poffeflion jufqu’au Concordat de
l ’an 1516, 'qui tranlporta aü R oi de France le droit
des élections .pourles Monafteres, aufli-bien que pour
les Evêchés. On a pourtant confervé l’éleâion aux
Monafteres qui font Chefs-d’Ordre, comme Cluny ,
Cîteaux 8c fes quatre Filles, Prémontré, Grammont,
& quelques autres ; ce qui eft regardé comme un
privilège, quoiqu’en effet ce foit un refte du Droit
commun.
Les biens des Monafteres étant devenus confidé-
Tables, excitèrent la cupidité des Séculiers pour les
envahir. Dès le V . fiecle en Italie 8c en France, les
Rois s’en emparerent, ou en gratifièrent leurs Officiers
8c leurs Courtifans. Én vain les Papes 8c les
Evêques s’y oppoferent-ils. Cette licence dura juf-
qu’au régné de Dagobert, qui fut plus favorable à
l’Eglife : mais elle recommença fous Charles Martel,
pendant le régné duquel les Laïques fe mirent en
poffeflion d’une partie des biens des Monafteres, 8c
prirent même le titre d’Abbés. Pépin 8c Charlemagne
réformèrent une partie de ces abus, mais ne les
détruifirent pas entièrement , puifque les Princes
leurs fucceffeurs donnoient eux-mêmes les revenus
des Monafteres à leurs Officiers , à titre de récom-
penfe pour leurs fervices, d’où eft venu le nom de
Bénéfice , 8c peut-être l’ancien m ot, Beneficium prop-
ter ofiicium ; quoiqu’on l’entende aujourd’hui dans
un fens très-différent, 8c qui eft le feul v ra i, favoir
■ des fervices rendus à l'Eglife. Charles le Chauve fit
des lois pour modérer cet ufage , qui ne laiffa pas
•de fubfiftcr fous fes fucceffeurs. Les Rois Philippe I.
,8c Louis VI. 8c enfuite les Ducs d’Orléans , font
appellés Abbés du Monaftere de S. Agnan d'Orléans.
Les Ducs d’Aquitaine prirent le titre dé Abbés de S.
Hilaire de Poitiers. Les Comtes d’Anjou, celui dé Abbés
de S. Aubin ; 8c les Comtes deVermandois, celui
dé Abbés de S . Quentin. Cette coutume ceffa pourtant
fous les premiers Rois de la troifieme race ; le Clergé
s’oppofant à ces innovations, 8c rentrant de tems
en tems dans fes droits.
Mais quoiqu’on n’abandonnât plus les revenus des
Abbayes aux Laïques, il s’introduifit , furtout pendant
le fchifme d’Occident , une autre coûtume ,
moins éloignée en général de l’efprit de l’Eglife, mais
également contraire au droit des Réguliers. Ce fut
de les donner en commende à des Clercs féculiers ;
8c les Papes eux-mêmes furent les premiers à en accorder
, toûjours pour de bonnes intentions, mais qui
manquèrent fouvent d’être remplies. Enfin par le
Concordat entre Léon X . 8c François I. la nomination
des Abbayes en France fut dévolue au R o i, à
l’exception d’un très-petit nombre, enforte que maintenant
prefque toutes font en commende.
Malgré les Reglemens des Conciles dont nous
avons parlé , les Abbés, furtout en Occident, prirent
le titre de Seigneur, 8c des marques de l’Epitco-
p a t , comme la Mitre. C’eft ce qui donna l’origine à
plufieurs nouvelles efpeces d’Abbés ; favoir aux Abbés
mitrés, croffés, 8c non croffés ; aux Abbés oecu-,
méniques, aux Abbés Cardinaux, &c.
Les Abbés mitrés font ceux qui ont' le privilège de
porter la M itre, 8c qui ont en même tems une autorité
pleinement épifoopale dans leurs divers territoires.
En Angleterre on les appelloit aufli Abbés fouve-
rains 8c Abbés généraux , 8c ils étoient Lords du Parlement.
Selon le Sr Edouard C o k e , il y en avoit en
Angleterre vingt-fept de cettç forte, fans compter
deux Prieurs mitrés. Voye^ Prieur. Les autres qui
n’étoient point mitrés , étoient foûmis à l’Evêque
diocéfain.
Le Pere H a y , Moine Bénédiûin, dans fon Livre
intitulé Aftrum inextinclum, foûtient que les Abbés de
fon Ordre ont non-feulement une Jurifdittion [ comme]
épifoopale, mais même une Jurifdiûion [com-
me ] papale , poteftatem quafi epifcopalem , imo quafe
papalem; 8c qu’en cette qualité ils peuvent conférer
les Ordres inférieurs de Diacres 8c de Soûdiacres.
Voye[ Ordination.
Lqrfqwo les .Âhhèx commencèrent à porter la Mitre
, les Evêques fe plaignirent amerementque leurs
privilèges étoient envahis par des Moines : ils étoient
principalement choqués de ce que dans les Conciles
8c dans les Synodes, il n’y avoit aucune diftinftion
entre eux. C ’eft à cette occafion que le Pape Clément
IV. ordonna que les Abbés porteroient feulement la
Mitre brodée en o r , 8c qu’ils laifferoient les pierres
précieufes aux Evêques. Voye^ Mitre.
Les Abbés croffés font ceux qui portent les Croffés ou le Bâton paftoral. Voye^ Crosse.
Il y en a quelques-uns qui font croffés & non mitrés
, comme l'Abbé d’une Abbaye de Bénédiélins à
Bourges ; 8c d’autres qui font l’un & l’autre.
Parmi les Grecs il y a des Abbés qui prennent même
la qualité déAbbes oecuméniques , ou dé Abbés uni*
verfels, à l’imitation des Patriarches de Conftantino-
ple. Fcye{ OEcuménique.
Les Latins n’ont pas été de beaucoup inférieurs
aux Grecs à cet égard, lé Abbé de Cluny dans un
Concile tenu à Rome, prend le titre dé Abbas Abba-
tum , Abbé des Abbés : 8c le Pape Calixte donne au
même Abbé le titre dé Abbé Cardinal. Voye{ Cluny.
( VAbbé de la Trinité de Vendôme fe qualifie aufli
1 Cardinal Abbé. ) pour ne rien dire des autres Abbés
Cardinaux, ainfi appellés , de ce qu’ils étoient les
principaux Abbés des Monafteres, qui dans la fuite
vinrent à être féparés.
Les Abbés Cardinaux qui font féculiers , ou qui
ne font point Chefs-d’Orarc, nont point de jurifdic-
tion fur les Religieux, ni d’autorité dans l’intérieur,
des Monafteres.
Les Abbés aujourd’hui fe divifent principalement
en Abbés Réguliers ( ou Titulaires ) , 8c en Abbés
Commendataires.
Les ^^w-Réguliersiontde véritables Moines ou