réfraéte ou les incline vers fon axe ; & ces rayons
ainfi rompus & rapprochés de l’axe, fe réunifient en
un point ou à peu près en un point, & ont allez de
force en cet état pour brûler les corps qui leur font
présentés. Ainfi il y a cette différence entre les miroirs
& les verres ardens', que les premiers réunifient
les rayons en les réfléchiffant, & les autres en les
brifant ou en les réfraftant. Les rayons tombent fur
la furface des miroirs ardens, & en font renvoyés,
au lieu qu’ils pénètrent la fubftance des verres ardens.
Le point de réunion des rayons dans les miroirs &
les verres ardens , s’appelle le foyer. On appelle cependant
quelquefois du nom général de miroir ardent
les miroirs & les verres ardens. Voye^ L e n t il l e &
R é f r a c t io n .
Les miroirs ardens dont on fe fert font concaves ;
ils font ordinairement de métal : ils réfléchiffent les
rayons de lumière, & par cette réflexion il les inclinent
vers un point de leur axe. Vlye^ M i r o i r ,
R é f l e x io n . Quelques auteurs croyentque les verres
convexes étoient inconnus aux anciens : mais on
a cru qu’ils connoifloient les miroirs concaves. Les
hiftoriens nous difent que ce fut par le moyen d’un
miroir concave qu’Archimede brûla toute une flote ;
& quoique le fait ait été fort contefté, on en peut toujours
tirer cette conclufion, que les anciens avoient
connoiflance de cette forte de miroirs. On ne doute
nullement que ces miroirs ne fuffent concaves & métalliques
, & on eft perfuadé qu’ils avoient leur foyer
par réflexion. A l’égard des verres brûlans, M. de la
Hire fait mention d’une comédie d’Ariftophane ap-
pellée les Nuées, dans laquelle Strepfiade fait part à
Socrate d’un expédient qu’il a trouvé pouf ne point
payer fes dettes, qui eft de fe fervir d’une pierre
tranfparente & ronde, & d’expofer cette pierre, ati
foleil, afin de fondre l’aflignation, qui dans ces tems
s’écrivoit fur de la cire. M. de la Hire prétend que
la pierre ou le verre dont il eft parlé dans cet endroit
, qui fervoit à allumer du feu & à fondre la cire
, ne peut avoir été concave, parce qu’un foyer de
réflexion venant de bas en-haut, n’auroit pas été
propre, félon lu i, pour l’effet dont on a parlé ic i,
car l’ufage en auroit été trop incommode ; au lieu
qu’avec un foyer de réfra&ion venant de haut en-
bas , on pouvoit aifément brûler l’afîignation. Voye^
Hifi. acad. 1708. Ce fentiment eft confirmé par le
fcholiafte d’Ariftophane. Pline fait mention de certains
globes de verre & de cryftal, qui, expôfés au
foleil, brûloient les habits, & même le dos de ceux
fur qui tomboient les rayons. Et Laétetnce ajoûte
qu’un verre fphérique plein d’eau & expofé au fo-
leil, allumé du feu, même dans le plus grand hyver,
ce qui paroît prouver que les effets des verres convexes
etoient connus des anciens.
Cependant il eft difficile de concevoir comment
les anciens, qui avoient connoiflance de ces fortes de
Verres ardens, ne fe font pas apperçûs en même tems
que ces verres grofliffent les objets. Car tout le monde
convient que ce ne fut que vers la fin du treizième
fiecle que les lunettes furent inventées. M. de la
Hire remarque que les paflages de Plaute qui fem-
blent infinuer que les anciens avoient connoiflance
des lunettes , ne prouvent rien de femblable : & il
donne la folution de ces paflages, en prouvant que
les verres ardens des anciens étant des fpheres , ou
folides, ou pleines d’eau, le foyer n’étoit pas plus
loin qu’à un quart de leur diamètre. Si donc on fup-
pofe que leur diamètre étoit d’un demi-pié, qui e ft ,
félon M. de la Hire, la plus grande étendue qu’on
puifle donner ; il auroit fallu que l’objet fût à un
pouce & demi d’éloignement pour qu’il parût groffi ;
car les objets qui feront plus éloignés ne paroîtront
pas plus grands, mais on les verra plus confufément
à travers le^verre, qu’avec les yeux. C’eft-pourquoi
il n’eft pas furprenant que la propriété qu’ont les
verrès convexes de groflîr les objets ait échappé aux!
anciens, quoiqu’ils connuflent peut-être la propriété
que ces mêmes verres avoient de brûler : il eft bien
plus extraordinaire qu’il y ait eu 300 ans d’intervalle
entre l’invention des lunettes à lire & célle des télef-
copes. Voye^_ T élescope.
Tout verre ou miroir concave raffemble les rayons
qui font tombés fur fa furface ; & après les avoir rapprochés
, foit par réfraûion, foit par réflexion, il les
réunit dans un point ou foyer ; & par ce moyen, il
devient verre ou miroir ardent,• ainfi le foyer étant
l’endroit où les rayons font le plus raffemblés, il
s’enfuit que fi le verre ou le miroir eft un fegment
d’une grande fphere, fa'largeur ne doit pas contenir
un arc de plus de dix-huit degrés ; & fi le verre ou
le miroir eft un fegment d’une plus petite fphere, fa
largeur ne doit pas être de plus de trente; parce que
le foyer contiendroit un efpace trop grand, fi le miroir
étoit plus étendu : ce qui eft vérifié par l’expérience.
La furface d’un miroir, qui eft un fegment d’une
plus grande fphere, reçoit plus de rayons que la fur-
face d’un plus petit : donc fi la largeur de chacun
contient un arc de dix-huit degrés, ou même plus ou
moins, pourvû que le nombre de degrés foit égal,
les effets du plus grand miroir feront plus grands que
ceux du plus petit; & comme le foyer eft vers la
quatrième partie du diamètre, les miroirs qui font
des fegmens de plus grandes fpheres, brûlent à une
plus grande diftance que ceux qui font des fegmens
d’une plus petite fphere : ainfi puifque l’aftion de brûler
dépend de l’union des rayons, & que les rayons
font réunis, étant réfléchis par une furface concave
fphérique quelle qu’elle puifle être, il n’eft pas étonnant
que même les miroirs de bois doré, ou ceux qui
font faits d’autres matières, puiflent brûler. Zahn
rapporte dans fon livre intitulé Oculus artificialis,
que l’an 1699 ün certain Neumann fit à. Vienne un
miroir ardent de carton, & que ce miroir avoit tant
de force qu’il liquéfioit tous les métaux.
Les miroirs ardens d’Archimede & de Proclus font
célébrés parmi les anciens. Par leur moyen Archimède,
dit-on, brûla la flotte des Romains qui aflié-
geoient Syracufe, fous la conduite de Marcellus,
félon le rapport de Zonàre, de Galieh, d’Euftathe,
&c. & Proclus fit la même chofe à la flotte de Vita-
lien qui alfiégeoit Byfance ; félon le rapport du même
Zonare. Cependant quelque atteftés que foient
ces faits, ils ne laiffent pas d’être fujets à de fort
grandes difficultés. Car la diftance du foyer d’un miroir
concave eft au quart de fon diamètre : or le pere
Kircher paffant à Syracufe, & ayant examiné la distancé
à laquelle pouvoient être les vaiffeaux des Romains
, trouva que le foyer du miroir d’Archimede
étoit au moins à 30 pas ; a’où il s’enfuit que le rayon
du miroir devoit être fort grand. De plus, le foyer
de ce miroir devoit avoir peu de largeur. Ainfi il pa?
roît difficile, félon plufieurs auteurs, que les miroirs
d’Archimede & ceux de Proclus puffent avoir l’effet
qu’on leur attribué.
L’hiftoire d’Archimede deviendra encore plus difficile
à croire , fi on s’en rapporte au récit pur &
fimple que nous en ontdonne les anciens. Ca r, félon
Diodore , ce grand géomètre brûlôit les vail-
feaux des Romains à la diftance de trois ftades ; &
félon.d’ai\tres , à la diftance de 3000 pas. Le pere
Cavalieri ; pour foûtenir la vérité de cette hiftoirè,
dit, que fi des rayons réunis par la furface d’un miroir
concave fphérique , tombent fur la concavité
d’un connoïde parabolique tronqué, dont le foyer foit
le même que celui du miroir fphérique, ces rayons
réfléchis parallèlement à l’axe de la parabole, formeront
une efpece de foyer linéaire ou cylmdrir
que
mie M. Dufay ayant voulu tenter cette expérience ÿ
y trouva de grandes difficultés ; le petit miroir parabolique
s’échauffe en un moment, & il eft prefque
impoffible de le placer où il doit être. D ’ailleurs l’éclat
de ces rayons réunis qui tombent fur le miroir
parabolique , incommode extrêmement la vûe.
M. Delcartes a attaqifé dans fa Dioptrique l’hiftoire
d’Archimede : il y dit pofitivement, que fi l’éloignement
du foyer eft à la largeur du verre ou du
miroir, comme la diftance de la terre au foleil eft
au diamètre du foleil ( c’eft-à-dire environ comme
io o eft à 1 ) , quand ce miroir feroit travaillé par la
main des anges, la chaleur n’en feroit pas plus fen-
fible que celle des rayons du foleil qui traverferoiént
un verre plan. Le pere Niceron ioûtient la même
opinion. Voici fa preuve. Il convient que les rayons
qui partent d’une portion du difque du foleil égalé
au verre ou au miroir qu’on y expofe, feront exactement
réunis à fon foy er, s’il eft elleptique ou parabolique
: mais les rayons qui partent de tous les
autres points du difque du lôleil ne peuvent être
réunis dans le même point, & forment autour de ce
point une image du difque du foleil, proportionnée
à la longueur du foyer du verre. Lorfque ce foyer
eft très-court, c’eft-à-dire fort près du verre, l’image
du foleil eft fort petite , prefque tous les rayons
paffent fi proche du foyer qu’ils femblent né faire
qu’un point lumineux : mais à mefure que le foyer
s’éloignera, l’image s’aggrandira par la difperfion de
tous les rayons qui ne partent pas du centre du fo-
ïe il, que je fuppofe répondre dire&ement au foyer
du miroir ; & par conlequent cet amas de rayons,
qui étant réunis dans un très-petit efpace faifoient un
effet confiderable, n’en fera pas plus que les rayons
diretts du foleil, lorfque l’éloignement du foyer fera
tel qu’ils feront aufli écartés les uns des autres, qu’ils
l’étoient avant que de rencontrer le verre. Ainfi parle
le pere Niceron.
Cela peut être vrai, ditM. Dufay ; mais eft-il fûr
que les rayons qui viennent d’une portion du difque
du foleil égale à la furface du verre, étant réunis.au
foy e r , ne fuffifent pas pour brûler indépendamment
des autres ? M. Dufay reçut fur un miroir plan d’un
pié en quarré l’image du foleil, & la dirigea de façon
qu’elle allât tomber fur un miroir fphérique concave
aflez éloigné, qui réunifloit à fon foyer tous les
ràyons qu’il recevoit parallèles ou prefque parallèles
; & ces rayons dévoient allumer quelque matière
combuftible ; le miroir fphérique a été porté à la diftance
de 600 piés, & fon foyer a encore été brûlant.
Cependant le miroir plan qui recevoit le premier les
rayons du foleil, étoit aflez petit pour ne recçvoir de
rayons parallèles que d’une petite partie dé fa furface
ou de fon difque ; les inégalités inévitables de la fur-
face du miroir faifoient perdre beaucoup de rayons ;
ceux qui portoiènt l’image du foleil du miroir plan
fur le miroir concave étoient fi divergens, que cette
image étoit peut - être dix fois plus grande & plus
foible fur le concave que fur le plan ; & par confé-
quent ces rayons étoient fort éloignés du parallélif-
me ; enfin ils étoient affoiblis par deux réflexions con-
fécutives. Il paroît par-là que les rayons du foleil,
tels qu’ils font répandus dans l’air, confervent une
grande force , malgré un grand nombre de circonf-
tancès defavantageufes ; & peut-être, ajoûte M. Dufay
, feroit-il permis d’appeller du jugement que Def-
cartes a porté contre l’hiftoire d’Archimede. Il eft
vrai qu’afin qu’un miroir fût capable de brûler à une
grande diftance, ilfaudroit, s’il étoit parabolique,
que la parabole fût d’une grandeur énorme & impraticable,
puifque le paramétré de cette parabole de-
vroit être quadruple de cette diftance; & fi le miroir
«toit fphérique , fon rayon devroit être double de
cette diftance ; 8c de plus, fon foyer auroit beaucoup
Tome I.
, d etendue. Mais l’expérience dé M. Dufay prouve.
qu’on peut porter avec un miroir plan à une aflez
■ «grande diftance l’image du foleil, dont les rayons feront
peu affoiblis ; & fi plufieurs miroirs plans étoient
pofés oü tournés de façon qu’ils portaffent cette ima-.
ge vers un même point, il fe pourroit faire en ce
point une efpece dé foyer artificiel qui auroit de la.
force. Ce fut ainfi, au rapport deTzetzes, poète
' G re c, mais fort poftérieur à Archimede , que ce célébré
Mathématicien brûla les vaiffeaux des Romains.
Ce poète fait une defeription fort détaillée'
: de la maniéré dont Archimede s’y prit pour cela. Il
dit que ce grand Géomètre difpola les uns auprès des
autres plufieurs miroirs plans, dont il forma une efpece
de miroir pdlygone à plufieurs faces ; & que par
. le moyen des charnières qui uniffoient ces miroirs ,
il pouvoit leur faire faire tels angles qu’il vouloir;
qu’il les difpofa donc de maniéré qu’ils renvoyaffent
tous vers un même lieu l’image du foleil, & que ce
fut ainfi qu’il brûla les vaiffeaux des Romains. Tzet-
: zes vivoit dans le douzième fiecle ; & il pourroit fe
faire que Proclus qui vivoit dans le cinquième , eût
employé une méthode femblable pour détruire la flot-
te de Vitalien. M. de Buffon, de l’académie royale
des Sciences de Paris, vient d’exécuter ce que Tzet-
zes n’avoit fait que raconter; ou plûtôt, comme il
n’en avoit aucune connoiflance, il l’a exécuté d’une
maniéré différente. Il a formé un grand miroir com-
pofé de plufieurs miroirs plans d’environ un demi-
pié en quarré ; chacun de ces miroirs eft garni par
derrière dé trois vis , par le moyen defquelles on
peut en moins d’un quart-d’heure les difpofer tous
de maniéré qu’ils renvoyent vers un feul endroit l’image
du foleil. M. de Buffon par le moyen de ce mi£
roir compofé, a déjà brûlé à zoo piés de diftance ;
& par cette belle expérience , a donné un nouveau
degré de vraiffemblance à l’hiftoire d’Archimede ,
dont la plupart des Mathématiciens doutoient depuis
le jugement de Defcartes. M. de Buffon pourra , félon
toutes les apparences , brûler encore plus loin
avec dés glaces plus polies ; & nous favons qu’il travaille
à perfectionner de plus en plus une invention
fi curieufe, fi utile même, & à laquelle les Phyficiens
ne fauroient trop s’intéreffer. Voye£ les Mémoires de
U Acad. 1747.
Les plus célébrés miroirs ardtns parmi les modernes
, font ceux de Septala, de Villette, de Tfchirn-
haufen. Le miroir ardent de Manfredus Septala chanoine
de-Milan, étoit un miroir parabolique qui, félon
Schot, mettoit le feu à des morceaux de bois, à
diftance de î 5 ou 16 pas. Le miroir ardent de Tfchirn-
haufen égale au moins le miroir de Septala pour la
grandeur & pour l’effet. Voici ce qu’on trouve fur
ce fujet dans lès Acta eruditorum de Leipfic.
Ce miroir- allume du bois vert en un moment, en-
forte qu’on ne peut éteindre le feu en foufflant violemment
deffus.
20. Il fait bouillir l’eau , enforte qu’on peut très-
promptement y faire cuire des oeufs ; & fi on laiffe
cette eau un peu de tems au foy er, elle s’évapore.
30. Il fait fondre en un moment un mélange d’étain
& de plomb de trois pouces d’épais : Ces métaux
commencent à fondre goutte à goutte, enfuite ils
coulent continuement, & en deux ou trois minutes
la maffe eft entièrement percée. Il fait auffi rougir
promptement des morceaux de fer ou d’acier, & peu
après il s’y forme des trous par la force du feu. Une
lame de ces métaux fut percée de trois trous en fix
minutes. Le cuivre, l’argent, &c. fe liquéfient aufli
quand on les approche du foyer.
40. Il fait auffi rougir comme le fer les matières
qui ne peuvent fondre, comme la pierre, la brique
, &c.
5°. Il blanchit l’ardoife en un moment, & enfuite
K k k k