ARTICULER, v . aft. en flyle de Palais , lignifie
■ avancer formellement, mettre en fait. ( # )
ARTI CULER, v . a â . On dit en Peinture & en Sculpture
, que les parties d’une figure, d’un animal, &c.
font bien articulées lorl'qu’elles font bien prononcées,
c’eft-à-dire que tout y eft certain, & non exprimé-
d’une maniéré équivoque. Il faut articuler ces parties;
cette figure articule bien. (R)
ARTIFICE, f. m. Ce mot fe dit des feux qui.fe
font avec art, foit pour le divertiffement, foit pour la
guerre. /^oye^PYROTECHNiE.
Pour travailler aux artifices, il faut avoir, certaines
commodités, qu’on ne trouve pas indifféremment
dans toutes les maifons. Premièrement le grand bruit
qu’on eft obligé de faire pour charger les fufées vo lantes
à grands coups de maillet, réitérés pendant
long-tems, demande une petite chambre fur terre ferme
qui en amortiffe le retentiffement : par la même
raifon, à-peu-près, qu’on place ainli les enclumes
des forgerons, auxquels on peut comparer les billots
de bois, fur lefquels on pôle les moules ou culots de
fufées pour les charger. Le même billot doit aufli lèr-
vir de bafe aux mortiers de fonte deftinés à piler les
matières dures.
Il faut de plus avoir en lieu fee une chambre fépa-
rée de celle qu’on habite, pour y faire les ouvrages-
moins bruyans ; comme broyer, tamifer & mêler les
matières, faire les cartouches, les étrangler, faire
les étoupilles & les petits artifices. Il convient d’avoir
dans celle-ci un poele à l’allemande, auquel on met
le feu par une chambre voifine, fur-tout fi l’on eft
obligé de travailler l’hyver, ou de coller & faire fé-
cher les cartouches pendant les tems humides.
On doit ménager dans cet attelier un petit coin
bien fermé, pour y mettre la poudre & les matières
combuftibles, qu’il faut conferver dans des barils &
des coffres bien fermés, ou fi l’on veut dans des pots
de terre vemiffés, couverts d’un linge, & par-defliis
d’un couvercle de bois, qui en le preffant, bouche
le paffage de l’air extérieur qui ne doit pas y entrer,
li l’on veut les conferver long-tems fans altération.
Malgré ces précautions, on doit éviter d’y travailler
de nuit à la chandelle, crainte d’incendie.
Le principal meuble de cet attelier eft une table de
bois dur de deux ou trois piés enquarré, garnie d’une
tringle arrondie débordant d’un pouce au-deffus,
pour y broyer la poudre & le charbon, fans que la
poufliere fe répande par les bords. Pour cet effet on
fe fert d’une mollette ou paumette de bois dur, faite
à peu-près comme une mollette à broyer les couleurs.
Pour ramaffer ces matières plus aifément, il convient
que les angles de cette table foient émouffés par
des pans coupés, & qu’on y faffe une ouverture au
milieu avec une.petite trappe qui s’y loge dans une
feuillure, de forte qu’on puiffe la lever lorfqu’on veut
pour y faire paffer la matière broyée : d’autres fe contentent
de laiffer un des côtés fans bordure ; mais il
femble que pour éviter les incommodités de chacune
de ces maniérés , il faut mettre la piece mobile
fur le milieu d’un des côtés , en la faifànt d’un grand
fegment de cercle qui ne puiffe être chaffé en dehors,
& conique par fon profil, pour ne s’enfoncer dans la
table qu’à la profondeur néceffaire pour la fleurer par
deffus ; au moyen de quoi ayant levé cette piece, on
tient la febille en-devant, & on y fait tomber le pouf-
fier avec une aile d’oifeau, ou une broffe de poil de
fanglier.
Cette table n’eft propre que pour broyer la poudre
& le charbon'; les autres matières dures, comme le
falpetre en roche, le foufre, les réfines, & autres,
doivent être pilées dans un mortier de fonte avec un
pilon de même métal ou de bois, fuppofé que l’on
craigne que les métaux ne s’échauffent trop par le
' broyement«
On doit enfuite être pourvû de quatre ou cinq tamis
; les uns de toile de crin, pour y paffer les matières
qui ne doivent pas être finement broyées ; les
autres de toile plus ferrée, pour celles qui doivent
l’être davantage ; & enfin les autres de gafe de foie,
pour les plus fines poulîieres : telle doit être ordinairement
celle de la poudre.
Afin d’empêcher l’évaporation de celles-ci en les
agitant pour les faire paffer, il faut que'le tamis foit
logé dans un tambour pareil à celui dont fe fervent
les Parfumeurs pour paffer la poudre à poudrer. Cette
précaution eft encore plus néceffaire pour le charbon
, qui s’exhale facilement, noircit tout ce qui eft
dans une chambre, & s’infinue dans les narines, de
maniéré qu’on en eft incommodé, & qu’on mouche
noir pendant plus d’un jour.
On fait aufii que la pouifiere mêlée de foufre & de
falpetre, gâte & noircit toutes, les dorures.
Ce qui refte de la poudre dans le tamis après que
le fin eft paffé, s’appelle chez les Artificiers le relien ,
peut-être du mot latin reliquice ; au lieu de le repiler,
on s’en fert pour les chaffes des artifices.
On éprouve en tamifant le falpetre, qu'il ne paffe
facilement qu’a.utant qu’il eft bien l'ec ; ainfi on doit
s’y préparer en le failant lécher au four s’il eft néceffaire.
Quant à la limaille de fer & d’acier, on fait qu’il
en faut de différentes groffeurs, fuivant les ulages :
la plus fine eft celle qui foifonne le plus , mais qui
fait des étincelles moins apparentes. Pour que l’une
& l’autre produifent tout l’effet dont elles font capables,
il faut qu’elles foient nouvellement limées,
ou du moins fans aucune rouille ; c ’eft pourquoi <i on
la garde quelque tems, il faut la tamifer à plufieurs
reprifes pour en ôter toute la rouille. Un moyen de
la conferver, c’eft de la pendre dans une veffie à une
cheminée où l’on fait journellement du feu.
Le refte des inftrumens dont on le lert, comme
maillet,battoir & autres, feront décrits aux mots qui
leur conviennent, avec les proportions qui conviennent
aux ufages auxquels on les deftine.
On fe fert auffi de différens poinçons, dont le plus
néceffaire eft celui qu’on appelle à-arrêt, c’eft-à-dire
dont la pointe ne peut percer que fuivant une profondeur
déterminée, comme eft celle d’un cartouche,
fans entamer la matière qu’il renft rme. Pour n’être
pas obligé d’en faire faire exprès pour chaque épaif-
ïeur, il faut que le côté du poinçon près du manche ,
foit à vis avec un écrou qu’on fait avancer ou reculer
d’un pas de vis ou deux, fuivant le befoin qu’on en a,
pour ne le point enfoncer plus avant qu’on ne veut.
Des artifices pour brûler fur l'eau & dans Veau. La
rareté des chofes, ou l’impoflibilité apparente de les
faire, en fait ordinairement le mérite. L’oppofition
de deux élémens aufli contraires que le feu & l’eau ,
femble les rendre incompatibles,& l’on ne peut s’empêcher
d’être furpris de voir le feu fubfifter quelque
tems fur l’eau & dans l’eau. Cette furprife caufe un
plaifir qui donne un grand relief aux artifices aquatiques
, quoique dans le fond ils n’ayent rien de plus
merveilleux que les autres, comme on le verra ci-
après.
Premièrement, l’expérience fait voir qu’une grande
partie des autres artifices étant bien allumés & jet-
tés dans l’eau, ne s’y éteignent pas lorfque la dofe de
falpetre & de foufre ou de quelque bitume, dominé
| fur les autres matières. J’entends fous le nom de bitume,
plufieurs huiles & matières réfineufes, parmi lesquelles
le camphre tient le premier rang. Il y a deux
maniérés d’unir ces matières pour donner del’aâivi-
té à leur feu : l’une eft de les réduire en pâte en les
pétrifiant avec de l’huile, qui empêche l’eau de s’in-
finuer dans les matières fur lefquelles elle peut agir
pour empêcher l’aélion du feu; l’autre eft de renfer»
mer ces matières réduites en poudre feche dans des
cartouches goudronnés par dehors, ou enduits de
c ire , de fuir, d’huile ou de matières réfineufes, de
maniéré que l’eau ne puiffe s’y infinuer.
Voici, un recueil de différentes compofitions des
anciens artificiers Semionowitz & Hanzelet, lefquelles
qupique différentes, font bonnes & éprouvées
pour brûler fur l’eau.
Différentes dofes de compojiùon pour les artifices qui
doivent brûler fur Veau & dans Veau, i . Sur trois parties
de poudre, deux de falpetre & une de foufre.
2. Deux parties de falpetre, une de poudre & une
de foufre.
3. Sur une livre de poudre, cinq livres de fciure de
bois, trois livres de foufre, & fix livres de falpetre.
4. Sur huit livres de falpetre, deux de foufre, deux
de fciure de bois bouillie dans de l’eau de falpetre &
puis féchée, un quart de livre de poudre, deux onces
de râpure d’ivoire.
5. Une livre de foufre, trois de falpetre, une once
& demie de camphre, une once de vif-argent pilé
avec le camphre & le foufre.
6. Sur trois livres de falpetre, deux livres & demie
de foufre, demi-livre de poulverin, une livre de limaille
de fer, un quart de livre de poix greque.
De Hanzelet. 7. Sur deux livres & demie de poudre
, trois livres & demie de falpetre, une livre de
poix blanche, une livre de foufre, un quarteron d’ambre
jaune râpé, demi-livre de verre groflierement
pilé , & demi-livre de camphre.
8. Une livre de fciure de bois, quatre livres de
falpetre & une de foufre.
Compofitions qui s'allument avec de Veau, de Hançe-
let. Prenez trois livres d’huile de lin, une livre d’huile
de brique, autant d’huile de jaune d’oe uf, huit livres
de chaux vive récente; mêlez ces matières, jettez
deffus un peu d’eau, & elles s’enflammeront.
Du même. Pierre qui s'allume avec de Veau. Prenez
de la chaux vive récente, de la tuthie non. préparée,
du falpetre en roche, de chacun une partie ; réduifez
le tout en poudre pour le mettre dans un fachet rond
de toile neuve ; placez-le entre deux creufets parmi
de la chaux vive en poudre ; les creufets étant bien
liés avec du fil de fer recuit, il faut encore les luter
& les mettre au four à chaux; cette mixtion s’y convertit
en une pierre qui s’allume lorfqu’on l’hume&e
avec de l’eau ou de la falive.
Maniéré de tenir les artifices plongés à fieur (Veau. La
plupart des artifices pour l’eau doivent y être enfoncés
jufqu’à leur orifice fans être fubmergés, afin que
leur gorge foit hors de l’eau, & que le refte y loit
caché fans couler à fond.
Comme les matières combuftibles dont on remplit
un cartouche, font plus legeres qu’un égal volume
d’eau, les artifices qu’on y jette flottent ordinairement
trop au-deffus ; c’eft pourquoi il faut leur ajouter un
poids qui augmente leur pefanteur au point de la rendre
prefque égale à celle de l’eau. La pefanteur de ce
poids peut être trouvée en tâtonnant, c’eft-à-dire en
effayantdansun feauou dans un tonneau plein d’eau, à quelle profondeur un poids, pris au hafard, peut le
faire enfoncer, pour y en ajouter un nouveau, fi le
premier ne pefe pas affez. Rien n’eft plus commode
pour cet effai, qu’un petit fac à mettre du fable,où
l’on en a joûte & l’on en retranche autant & fi peu que
Ton veut. Ce moyen eft le plus propre pour les artifi-
ces dont le contrepoids eft ajouté extérieurement :
mais fi l’on vouloit le mettre intérieurement au fond
du cartouche, avant que de le remplir des matières
combuftibles, il faudrait s’y prendre autrement.
Après avoir enduit le cartouche, il faut le remplir
d’un poids égal à celui des matières qui doivent y
entrer, & le plonger dans un pot ou feau d’eau plein
au ras de fes bords, pofé dans un grand baflin propre
à recevoir l’eau qui en tombera lorfqu’on y plongera
1 artifice jufqu’à la gorge ou à l’orifice de l’amorce.
Cette immerfion fera fortir du pot une certaine quantité
d eau qui retombera dans le baflin préparé pour
la recevoir, laquelle fera égale au volume de Vartifice*
On pefera cette eau : la différence de fon poids
avec celle du cartouche & des matières qu’il doit
contenir, donnera le poids qu’il faut y ajouter pour
le tenir enfonce à fleur d’eau, de maniéré qu’il refte
à flot fans s’enfoncer davantage. On pefera autant
de fable qu on mettra au fond du cartouche avant de
commencer à le remplir de matières combuftibles,
qui doivent achever la pefanteur requife.
Artifices^ fixes qui fervent de fanaux ou d'illuminations
fur Veau. Toutes les matières des artifices defti-
nes pour brûler dans l’air à fe c , peuvent être employées
de même fur l’eau par le moyen des enduits
dont on couvre les cartouches aquatiques pour les
rendre impénétrables à l’eau. On peut donc y faire
une illumination de lances à feu, & de tous les autres
artifices qu’on employé fur les théâtres, en les
affujeitiflant à quelque arrangement par des tringles
ou fils de fer caches dans l’eau ; on fait cependant
des artifices exprès pour l’eau, qui different entr’eux,
fuivant 1 effet qu on veut qu’ils produifent. Les premiers
font ces efpeces de fanaux que Semionowitz
appelle globes aquatiques, parce qu’il les faifoit en
forme de globes , quoique cette figure foit affez arbitraire
, & qu’elle n’ait d’autre avantage fur la cy lindrique
, qui eft la plus ordinaire, que celui de flo-
ter plus facilement & de ne pouvoir fe renverfer ;
mais aufli la figure de leurs cartouches eft plus difficile
à conftruire, & leur feu n’eft pas fi égal du commencement
à la fin : d’ailleurs les cylindriques étant
bien leftés, peuvent aufli balancer fans fe renverfer.
Voici la conftruÛionde ces globes aquatiques à l’ancienne
mode.
On fait faire par un Tourneur une boule creufe,''
dont l’épaiffeur extérieure eft la neuvième partie de
fon diamètre extérieur ; pour couvrir le trou qui a
fervi pour vuider le globe, on fait une piece en forme
d’écuelle, propre à s’adapter au refte , laquelle
eft percee au milieu d un trou, auquel on donne aufli
un neuvième du grand diamètre pour l’ouverture de
la gorge. On remplit le cartouche par la grande ouverture,
d’une de ces compofitions faites pour brûler
dans l’eau ; & après l’avoir bien foulée, on le couvre
de la piece où eft le trou de la gorge par où on
achevé de remplir le globe, après l’avoir bien collée
& cloiiée lur la première; & enfin on l’amorce avec
un peu de poudre comme tous les artifices. Il ne refte
plus cfu’à couvrir le tout de l’enduit néceffaire, pour
empêcher que l’eau n’y pénétré, & à lui ajoûter le
contrepoids de flotage, pour le faire enfoncer jufou’à
l’amorce.
Un globe fait ainfi, ne produit qu’un feu fixe ; mais
fi l’on veut lui faire jetter des ferpenteaux ou des fauchions
à mefure qu’il brûle, il faut qu’il foit d’un bois
çlus épais qu’on ne l’a dit, pour pratiquer dans fon
épaiffeur dés trous de la grandeur néceffaire pour y
faire entrer les gorges dé ces artifices poftiches qu’on
y veut ajouter, comme on voit en S s,fig. 81. Planche
I F , artific. dont un côté eft le profil du pot. Ces
trous ne doivent être pouffés que jufqu’à environ un
demi-pouce près de la furfaee intérieure, où l’on en
fait un fort petit, qui pénétré jufqu’au-dedans du
globe pour fervir de porte-feu de communication du
dedans au-dehors, comme on voit en F f .
Si l’on veut faire tirer des coups, on y met des fatr-
ciffons bien couverts de toile enduite de cire ou de
goudron, comme on voit au côté droit qui repréfente
le dehors d’une moitié. Il eft vifible que la variation
de pofition de ces trous peut produire des effets
différens, & varier Vartifice.