des attaques , afin d’avoir toute l’ étendue néceflaire
pour placer les batteries fur le prolongement des faces
des pièces attaque.es.
X. Eviter avec foin d’attaquer par des lieux ferrés,
comme auffi par des angles rentrans, qui donneroient
lieu à l’ennemi de croiler fes feux fur les attaques.
On attaque ordinairement les placesdu côté le plus
foible : mais il n’eft pas toujours aifé de le remarquer.
On a beau reconnoître une place de jour & de nuit,
on ne voit pas ce qu’elle renferme : il faut donc tâcher
d’en être inftruit par quelqu’un à qui elle foit parfaitement
connue. Il ne faut rien négliger pour prendre
à cet égard tous les éclairciflemens poffibles.
Il n’y a point de place qui n’ait fon fort & fon foi-
b le , à moins qu’elle ne foit régulière & fituée au milieu
d’une plaine, qui n’avantage en rien une partie
plus que l’autre; telle qu’eft le Neuf-Brifach. En ce
cas il n’eft plus queftion d’en réfoudre les attaques
que par rapport aux commodités, c’eft-à-dire par le
côté le plus à portée du quartier du roi, du parc d’artillerie
, & des lieux les plus propres à tirer des fafcines
, des gabions, &c. Comme il fe trouve peu de
places fortifiées régulièrement, la diverfité de leur
fortification & du terrein fur lequel elles font fituées
demande autant de différentes obfervations particulières
pour leur attaque.
Si la fortification d’une place a quelque côté fur
un rocher de 2 5 ,3 0 ,4 0 , 50 ou 60 piés de haut, que
ce rocher foit fain & bien efcarpé, nous la dirons
inaççeffibie par ce côté ; fi ce rocher bat auprès d’une
riviere d’eau courante ou dormante, ce fera encore
pis : fi quelque côté en plein terrein eft bordé par une
riviere qui ne foit pas guéable, & qui ne puiffe être
détourné ; que cette riviere foit bordée du côté de la
place d’une bonne fortification capable d’en défendre
le paflage, on pourra la dire inattaquable par ce
côté: fi fon cours eft accompagné de prairies baffes
& marécageufes en tout tems , elle le fera encore
davantage.
Si la place eft environnée en partie d’eau & de marais,
qui ne fe puiffent deflecher, & en partie accef-
fible par des terreins fecs qui bordent ces marais ;
que ces avenues foient bien fortifiées, & qu’il y ait
des pièces dans le marais qui ne foient pas abordables,
& qui puiffent voir de revers les attaques du
terrein férme qui les joint ; ce ne doit pas être un lieu
avantageux aux attaques, à caufe de ces pièces inac-
ccfïibles , parce qu’il faut pouvoir embraffer ce que
l’on attaque. Si la place eft toute environnée de terres
baffes & de marais, comme il s?en trouve aux
Pays-bas, & qu’elle ne foit abordable que par des
chauffées ; il faut i° . confidérer fi on ne peut point
deffécher les marais, s’il n’y a point de tems dans
l’année oit ils fe deffechent d’eux-mêmes, & en quelle
faifon ; èn un mot, fi on ne peut pas les faire écouler
les mettre à feç.
Si les chauffées font droites ou tortues, enfilées
en tout ou en partie de la place, & de quelle
étendue eft la partie qui ne l’eft pas, &ç à quelle distance
de la place ; quelle en eft la largeur, & fi l’on
peut y tournoyer une tranchée en la défilant.
30. Si on peut affeoir des batteries au-deffus ou à
côté fur quelque te'rrein moins bas que les autres,
qui puiffent croifer fur les parties attaquées de la
place.
40. Voir fi les chauffées font fi fort enfilées, qu’il
n’y ait point de tranfverfales un peu confidérables,
qui faffent front à la place d’affez près ; & s’il n’y a
point quelqù’endroit qui puiffe faire un couvert con-
fidérablç contre elle, en relevant une partie de leur
épaiffeur fur l’autre, & à quelle diftance de la place
elles fe trouvent.
50. Si des chauffées voifines Tune de l’autre abou-
fcifient à la p lace, fe joignent, & en quel endroit ; &
fi étant occupées par les attaques, elles fe peuvent
entre-iecourir par des vûes de canon croifés, ou dé
revers furies pièces attaquées.
6°. De quelle nature eu le rempart de la place, &
de fes dehors ; fi elle a des chemins couverts ; fi les
chauffées qui les abordent y font jointes ; & s’il n’y
a point quelqu’avant-fofte plein d’eau courante ou
dormante qui les fépare : où cela fe rencontre, nous
concluons qu’il ne faut jamais attaquer par-là, pour
peu qu’il y ait d’apparence d’approcher de la place
par ailleurs, parce qu’on eft prelque toujours enfilé
& continuellement écharpé du canon, fans moyen'
de s’en pouvoir défendre, ni de s’en rendre maître ,
ni embraffer les parties attaquées de la place.
A l’égard de la plaine, il faut i° . examiner par où
on peut embraffer les fronts de l'attaque ; parce que
ceux-là font toujours à préférer aux autaes.
2°. La quantité de pièces à prendre avant de pouvoir
attirer au corps de la p lace, leur qualité & celle
du terrein fur lequel elles font fituées.
3.0. Si la place eft baftionnée & revêtue.
40. Si la fortification eft régulière, où à-peu-près
équivalente.
50. Si elle eft couverte par quantité de dehors,’
quels & combien ; parce qu’il faut s’attendre à autant
d’affaires qu’il y aura de pièces à prendre.
6°. Si les chemins couverts font bien faits, contre-;
minés & paliffadés ; fi les glacis en font roides, & non
commandés des pièces fupérieures de la place.
70. S’il y a des avant-foffés, & de quelle nature.-
8°. Si les foffés font revêtus ou profonds, fecs ou
pleins d’eau, & de quelle profondeur ; fi elle eft dormante
ou courante, & s’il y a des éclufes, & la pente
qu’il y peut avoir de l’entrée de l’eau à leur fortie.
o°. S’ils font fecs, & quelle en eft la profondeur ;
& fi les bords en font bas & non revêtus : au refte on
doit compter que les plus mauvais de tous font les
foffés pleins d’eau quand elle eft dormante.
Les foffés qui font fecs, profonds & revêtus, font
bons : mais les meilleurs font ceux qui étant fecs,,
peuvent être inondés, quand on le veut, d’une groffe
eau courante ou dormante ; parce qu’on peut les défendre
fecs, & enfuite les inonder, & y exciter des
torrens qui en rendent le trajet impoffible. Tels font
les foffés de Valenciennes du côté du Quefnoy, qui
font fecs, mais dans lefquels on peut mettre telle
quantité d’eau dormante ou courante qu’on voudra ,
fans qu’on le puiffe empêcher. Tels font encore les
foffés de Landau, place moderne, dont le mérite n’eft
pas encore bien connu.
Les places qui ont de tels foftes, avec des réfer-
voirs d’eau qu’on ne peut ôter, font très-difficiles à
forcer, quand ceux qui les défendent favent en faire
ufage.
Les foffés revêtus, dès qu’ils ont 10 ,1 2 , 1 f , 20,'
& 25 piés de profondeur, font auffi fort bons ; parce
que les bombes ni le canon ne peuvent rien contre ’
ces revêtemens, & que l’on n’y peut entrer que par -
lés defeentes, c’eft-à-dire en défilant un à un, ou
deux à deux au plus ; ce qui eft fujet à bien des in-
convéniens : car on vous chicane par différentes for-
ties fur votre paffage & vos logemens de mineurs ;
ce qui caufe beaucoup de retardement & de perte ;
outre que quand il s’agit d’une attaque, on ne la peut
fôutenir que foiblement, parce qu’il faut que tout
paffe par un trou ou deux, & toujours en défilant
avec beaucoup d ’incommodité. *
Il faut encore examiner fi les foffés font taillés dans
le roc, fi ce roc eft continué & dur ; car s’il eft dur
& mal-aifé à miner, vous ferez obligé de combler
ces foffés jufqu’au rez du chemin couvert pour faire
votre paffage ; ce qui eft un long travail & difficile ,
fur-tout fi lé foffé eft profond : car ces manoeuvres
demandent beaucoup d’çrdre & de tems, pendant lequel
l’ennemi qüi fonge à fe défendre, voiis fait beaucoup
fouffrir par. fes chicanes. Il détourne les matériaux
, arrache les fafcines, y met le feu , vous inquiété
par fes forties, & par le feu de fon canon, de
les bombes & de fa moufqueterie, contre lequel vous
.êtes obligé de prendre de grandes précautions ; parce
qu’un grand feu de près eft fort dangereux : c’eft
pourquoi il faut de néceffité l’éteindre par un plus
grand, & bien difpofé.
Après s’être inftruit de la qualité des fortifications
de la place que Ton doit attaquer, il faut examiner
les accès, & voir fi quelque rideau, chemin c reux,
ou inégalité du terrein, peut fa vorifer vos approches
& vous épargner quelque bout de tranchée ; s’il n’y
a point de commandement qui puiffe vous, fervir ;
fi le terrein par où fe doivent conduire les attaques
éft doux & aifé à renverfer ; s’il eft dur & mêlé de
pierres, cailloux & roquailles, ou dé roches pelées,
dans lequel on ne puiffe que peu ou point s’enfoncer.
Toutes ces différences font confidérables ; car fi
c ’eft un terrein aifé à manier, il fera facile d’y faire
de bonnes tranchées en peu de tems, & on y court
bien moins de rifque. S’il eft mêlé de pierres & de
Cailloux, il fera beaucoup plus difficile, & les éclats
de canon y feront dangereux.
Si c’eft un roc dur & pelé, dans lequel on ne puiffe
s’enfoncer, il faut compter d’y apporter toutes les
terres & matériaux dont on aura befoin ; de faire les
trois quarts de la tranchée de fafcines &c de gabions,
■ même de ballots de bourre & de laine, ce qui produit
un long & mauvais travail, quin’eft jamais à l’épreu-
y e du canon, & rarement du moufquet, & dont on
ne vient à bout qu’avec du tems, du péril & beaucoup
de dépenfe ; c’eft pourquoi il faut éviter tant
que Ton peut d’attaquer par de telles avenues.
Choix d’un front de place en terrein égal le plus favorable
pour rattaque. Il faut examiner & compter le
nombre des pièces à prendre ; car celui qui en aura
Je moins, ou de plus mauvaifes, doit être confidéré
Comme le plus foible, fi la qualité des foffés ne s’y
pppofe point.
Il y a beaucoup de places fituées fur des rivières
qui n’en occupent que l’un des côtés, ou fi elles occupent
l’autre, ce n’eft que par des petits forts, ou
des dehors peu confidérables, avec lefquels on communique
par un pont, ou par des bateaux au défaut
de pont. T el étoit autrefois Stenay, & tels font encore
Sedan > Mézieres, Charlemont, & Namur, fur
la Meufe ; Mets & Thionville, fur la Mofelle ; Hu-
ftingue, Strasbourg & Philisbourg, fur le Rhin; &
plufieurs autres.
Où cela fe rencontre, il eft plus avantageux d’attaquer
le long des rivières, au-deffus ou au-deffous,
appuyant la droite ou la gauche fur un de leurs bords,
& pouffant une autre tranchée vis - à - v is ,. le long de
l ’autre bord, tendant à fe rendre maître de ce dehors;
ou bien on peut occuper une fituation propre à placer
des batteries de revers, fur le côté oppofé aux
grandes attaques.
Comme les batteries de cette petite attaque peuvent
auffi voir le pont fervant de communication
de place à « dehors, les grandes attaques de leur
côté en pourroient faire autant ; moyennant quoi il
feroit difficile que la place y pût communiquer long-
tems ; d’où s’enfuivroit que pour peu que ce dehors
fut preffé, l’ennemi l’abandonneroit, ou n’y feroit
. pas grande réfiftance, principalement s’il eft petit,
& peu contenant : mais ce ne feroit pas la même
chofe, fi c’étoit une partie de la ville, ou quelque
grand dehors, à-peu-près de la capacité de V i c k ,
qui fait partie de là ville de Maftrick. Tout cela mér
i d i e n d’être démêlé, & qu’ôn y faffe de bonnes
& férieufes réflexions ; car il eft certain qu’on en
peut tirer de grands avantages.
Apres cela il faut encore avoir égard aux rivières
& ruifleaux qui traverfent la v ille , & aux marais &
prairies qui accompagnent leurs cours ; car quand les
terreins propres aux attaques abôutiffent contre, ou
les avoifinent de près, foit par la droite ou par la
gauche, cela donne moyen, en prolongeant les places
d’armes jufque fur les bords, de barrer les forties
de ce côté-là , & de mettre toute la cavalerie
enfemble fur le côté des attaques qui n’eft point favo-
rifé de cet avantage; ce qui eft un avantage confi*
derable, parce que la cavalerie fe trouvant en état
de fe pouvoir porter tout enfemble à Taftion, elle
doit produire un plus grand effet que quand elle eft
féparee en deux parties Tune de l’autre.
Outre ce que Ton vient de dire, il eft bon encore
de commander journellement un piquet de cavalerie
& de dragons , dans les quartiers plus voifins des
attaques t pour les pouffer de ce côté-là, s’il arrivoit
quelque fortie extraordinaire qui bouleversât la tranchée.
Pour conclufion , on doit toûjours chercher le
foible des places, & les attaquer par-là par préférence
aux autres endroits, à moins que quelque
confideration extraordinaire n’oblige d en ufer autrement.
Quand on a bien reconnu la place, on doit
faire un petit recueil de ces remarques avec un plan,
& le propofer au général & à.celui qui commande
1 artillerie, avec qui on doit agir de concert, &c con*
venir apres cela du nombre des attaques qu’on peut
faire : cela dépend de la force de l’armée & de Ta*
bondance des munitions.
Je ne crois pas qu’il foit avantageux de faire de
fauffes attaques , parce que l’ennemi s’appercevant
de la fauffeté dès le troifieme ou quatrième tour de
la tranchée, il n ’en fait plus de cas, & les méprife;
ainfi c eft de la fatigue &c de la dépenfe inutile.
* L ’on ne doit point faire non plus d'attaques fépa-
rees, à moins que la garnifon ne foit très-foible, ou
l’armée très-forte, parce qu’elles vous obligent à
monter auffi fort à une feule qu’à toutes les deux,
& que la féparation les rend plus foibles & plus difficiles
à feryir.
Mais les attaques les meilleures & les plus faciles ,
font les attaques doubles qui font liées, parce qu’elles
peuvent s’entre-fecourir : elles font plus aifées à fervir,
fe concertent mieux & plus facilement pour tout
ce qu’ elles entreprennent, & ne laiffent pas de faire
diverfion des forces de la garnifon.
II n’y a donc que dans certains cas extraordinaires
& neceffités, pour lefquels je pourrois être d’avis de
n’en faire qu’une, qui font quand les fronts attaqués
font fi étroits, qu’il n’y a pas àffez d’efpace pour pou*
voir développer deux attaques.
Il faut encore faire entrer dans la reconnoiffance
des places , celle des couverts pour l’établiflement
du petit p arc, d’un petit hôpital, & d’un champ de
bataille pour l’affemblée des troupes qui doivent
monter à la tranchée, & des endroits les plus propres
à placer les gardes de cavalerie*
Le petit parc fe place en quelque lieu couvert, à
la queue des tranchées de chaque attaque ; il doit être
garni d’une certaine quantité de poudre, de balles,
grenades, meches, pierres à fufil, ferpes, haches,
blindes, martelets, outils, &c. pour les cas furve-
nans & preffans, afin qu’on n’ait pas la peine de les
aller chercher au grand parc quand on en a befoin.
Près de lui fe range le petit hôpital, c’eft-à-dire
les Chirurgiens & Aumôniers avec des tentes, pail-
lalfes , matelats, & des remedes pour les premiers
appareils des bleffiires. Outre cela, chaque bataillon
mene avec foi fes Aumôniers, Chirurgiens majors
, les Fraters, qui ne doivent point quitter la
queue de leur troupe.
A l’égard, du champ de bataille pour l’affemblée