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Artifice hydraulique qui rend un jon de gdfo utilement.
O n fait creufer un cylindre de bois, dont la hauteur
eft d’un tiers plus grande que fon diamètre , laiffant
un fond d’une épaiffeur convenable.
1 On remplit ce cartouche d’une de ces compofi-
tions faites pour brûler dans l’eau ; onle couvre d un
couvercle qu?on y attache avec des clous dont
on goudronne la;jonftion pour empecher leau d y
entrer. Le milieu de ce couvercle eft perce d’un trou
conique, dont la largeur inférieure eft d’une neuvième
partie de la hauteur du cartouche ,& la fupérieu-
re moitié-plus que celle-ci, pour refferrer la flamme
à fon dégorgement.
On ajoute à cet artifice le poids néceffaire pour le
faire enfoncer jufqu’à fleur d’ea-u, fans qu’il coule à
fond, après l’avoir enveloppé d’une toile goudronnée
pu trempée dans de la poix pour la garantir de
l’eau. L'artifice étant dans cet état , on lui ajoute par
dehors une poire à feu ou un èolipile, ou boule de
cuivre mince £ , faite de deux hemifpheres bien fondés
, à laquelle font aufli foudés deux tuyaux Cr, Co
prefque capillaires , c’eft-à-dire, .perces d’un trou
prefqu’aufli petit qu’on le peut, 6c replies en forme
de cornes, comme on le voit à la figure 8 2 , pour
çru’ils -viennent s’emboîter dans deux autres canaux
de plomb N , ou ajuftés 6c attachés aux côtés du cartouche
de Vartifice.
. L’éolipile étant préparé comme il faut, on le met
au feu fous des charbons ardens dont on le couvre
pour le chauffer au point qu’il commence à rougir ;
alors on plonge dans l’éau fes branches ou cornes
par où l’eau s’efforce d’entrer par la compreflion de
fa colonne d’air dont elle eft chargée ; parce que l’air
enfermé dans l’éolipile étant extrêmement raréfié par
le feu, 6c venant à fe condenfer par le froid, laiffe-
roit un vuide ,.fi l’eau ne venoit occuper l’elpace que
l ’air rempliffoit pendant fa dilatation. Sans cette précaution,
il feroit impoflible d’introduire de l’eau dans
- l ’éolipile par fes embouchures. On connoît qu’il ne
peut plus y entrer d’eau, lorfque le métal eft entièrement
refroidi. Voye^ E o l ip il e .
Pour faire ufage de cet èolipile, il faut l’attacher
fortement à côté de l’embouchure du pot avec des
clous paffés au travers d’une anfe qui a dû être fou-
dée au-deffous de l’éolipile, & faire entrer les bouts
de fes deux cornes ou tuyaux dans les canaux de
plomb rN , ou qui doivent aufli être cloués fur le
cartouche du pot par le moyen des petites bandes de
plomb qui les embraflent en haut 6c en bas. Tout
Y artifice étant ainfi difpofé, lorfqu’on veut en faire
ufage pour en voir l’effet, on met le feu à l’amorce
de la gorge ; & lorfqu’il a pénétré jufqu’à la matière
intérieure, ce que l’on connoît par un bruit de fiffle-
nient., on jette le tout dans l’eau , où l’éolipile fur-
nage étant pofé fur le pot qui doit flotter ; là le feu
de la gorge qui frappe contre l’éolipile échauffe aufli-
tôt le métal qui eft mince , 6c par conféquent l’eau
qu’il renferme, laquelle venant à s’échauffer, & ne
pouvant fe dilater, eft forcée de fortiravec tant d’im-
pétuofité, qu’elle fe réfout en vapeur humide fem-
blable à un vent impétueux, lequel s’engorge dans
les tuyaux de plomb trempés dans l’eau extérieure,
qu’il agite avec tant de force, qu’il en réfulte un ga-
fouillement femblable à celui des oifeaux.
De laJlruBuredes théâtres d?artifices. Avant que de
former le deffein d’un feu d’artifice, on doit en fixer
la dépenfe, & fe régler fur la fomme qu’on y deftine,
tant pour la grandeur du théâtre, & de fes décorations,
que pour la quantité à?artifices néceffaires pour
le garnir convenablement, fans mefquinerie 6c fans
jconfufion; obfervant que ces deux parties font relatives
, fa voir que le théâtre doit être fait pour les artifices
, 6c réciproquement les artifices pour le théâtre ;
qu’ayant un .objet de dépenfe déterminée, ce que
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l’on prend pour les décorations eft autant de diminué
fur le nombre & la quantité des artifices.
Suppofant un deffein de théâtre arrêté, tant pour
l’invention du fujet que pour la décoration, il faut
faire des plans , des profils, S f des élévations de la
carcaffe de charpente qui-doit porter le genre d’édifice
qu’on veut imiter par des décorations poftiches,
comme peuvent être un arc de triomphe, un temple,,
un palais, un obélifque, une fontaine, 6c même un
rocher ou une montagne ; car toutes ces chofes font
mifes en oeuvre pour nos théâtres»
Il convient encore de faire en relief des modèles
de ces édifices, lorfqu’ils font un peu cômpofés, pour
mieux prévoir l ’arrangement des artifices dans la fituation
convenable, les moyens de les placer & d’y
communiquer pour les faire joiier à propos, 6c prévenir
les inconvéniens quipourroient arriver, fi l ’on
manquoit de ces commodités de communication pour
aller 6c venir où il eft néceffaire.
Les plans , les profils, & les élévations des théâtres
étant arrêtés, on choifit des ouvriers capables,
aftifs , 6c en grand nombre , pour qu’ils faffent l’ouvrage
en peu de tems, fi le fujet de la réjoüiffance
n’a pû être prévu de loin ; car la diligence dans l’exécution
eft néceffaire pour contenter le public, ordinairement
impatient de voir la fête promife, fur-
tout lorfqu’il s’agit d’un fujet de viûoire, de prife de
ville, ou de levée de fiége, parce que la joie fem-
ble fe rallentir 6c s’ufer en vieilliffant.
Quoique la charpente qui compofe la carcaffe des
théâtres foit un ouvrage deftinéà durer peu de jours,
on ne doit pas négliger la folidité de fon affemblage,
parce qu’étant recouverte de toile ou de planches
qui en forment les décorations & donnent prife au
vent, elle pourroit être culbutée par une bouffée im-
prévûe. On fait ces ouvrages dans des lieux particuliers
enfermés, pour y diriger l’affemblage ; 6c lorfque
toutes.les pièces font bien faites, prélentées, 6c
numérotées, on les démonte pour les apporter fur la
place où le fpe&acle doit fe donner, où on les raf-
femble en très-peu de tems. Les revêtemens de la
carcaffe de charpente fe font ordinairement de toile
peinte à la détrempe. On en termine les bords par
des chaffis de planches contournées comme le deffein
l’exige, en arcades, en feftons, en confoles, en
trophées, en vafes, &c.
Les colonnes de relief ifolées fe font de plufieurs
maniérés à leur fuperficie ; car le noyau eft toûjours
néceffairement une piece de bois debout. Lorfqu’el-
les font d’un petit diamètre, comme de 12 à 15 pouces
, on peut revêtir ce noyau avec quatre ou cinq
dojfies, c’eft-à-dire, de ces croûtes de planches convexes
que laiffe le premier trait de la fcie, lefquelles
on donne à bon marché.. Si au contraire la colonne
eft d’un grand diamètre, comme de 4 piés, on peut
les revêtir de différentes matières ; premièrement de
planches arrondies en portion convexe, en diminuant
un peu de leur épaiffeur vers les bords , fuivant l’exigence
de l’arc de cercle que leur largeur occupe ,
dont la fléché n’eft alors que de quelques lignes,
parce que cet arc n’eft que de 20 ou 30 degrés. Secondement
, de planches minces refciées , appellées
voliches, lefquelles fe peuvent plier, en les clouant fur
des cintres circulaires pofés d’efpace e n e fp à c e hori-
fontalement le long de la hauteur de la colonne, 6c
prendre ainfi la convexité qui leur convient. Troifie-
mement, on peut les revêtir de toile clouée, en rapprochant
un peu les cintres qui embraflent le noyau
de la colonne. Quatrièmement, on peut les revêtir
de plâtre, ou de torchis, fi l’on eft en un lieu où le plâtre
foit rare : lorfque les revêtemens font de planches
ou de voliches, il convient, pour en cacher les joints,
d’y peindre des cannelures à cônes ou à vives arrêtes,
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fuivant la nature de Tordre de la colonne , ou même
des rudentures. On peut aufli y peindre des bandes
de boflage, s’il s’agit de couvrir des joints horifon-
taux. Il eft vifible que les colonnes de relief coûtent
beaucoup plus que celles en flatte peinture, qu’on
employé ordinairement aux décorations des théâtres:
mais aufli l’effet en eft incomparablement plus beau,
& imite plus parfaitement un fomptueux édifice.
De la diflrihution des artifices fur les théâtres, & de
l ’ordonnance des f e u x . La premiere attention que doit
avoir un artificier avant que d’arranger fes pièces
d ’artifice fur un théâtre , eft de prévenir les accidens
d’incendie ; je ne parle pas feulement pour la ville
où fe donne le fpeâacle, c’eft l’affaire de la police,
mais de ces incendies prématurés qui mettent de la
confufion dans le jeu des artifices> 6c troublent l’ordre
& la beauté du fpefracle.
Pour prévenir ces accidens on doit couvrir les
•planchers qui forment les plattes-formes, galeries,
corridors & autres parties dont la fituation eft de niveau
,. d’une couche de terre graffe recouverte d’un
-peu de fable répandu, pour pouvoir marcher deffus
fans gliflèr, comme il arriveroit fi elle étoit humide,
6c bien remplir les gerçures , fi elle eft feche ; au
moyen de quoi les artificesxpi peuvent tomber avant
que d’être conftimés, & s’arrêter fur ces lieux p lats,
ne peuvent y mettre le feu.
Outre ces précautions, on doit toûjours avoir fur
le théâtre des baquets pleins d’eau, & des gens aâifs
pour les cas où il faudroit s’en fervir ; & pour qu’ils
ne craignent pas de brûler leurs habits, il faut qu’ils
foient vêtus de peau, & toûjours prêts à éteindre le
feu, en cas qu’il vînt à s’attacher à quelques endroits
du théâtre.
Pour les mettre enfûreté on doit leur ménager une
retraite à couvert dans quelque partie de l’architeâu-
r e , comme dans une attique ; ou fous une pyramide,
s’il y en a une, pour l’amortiffement du milieu ; ou
enfin dans les foûbaffemens ou pié-d’eftaux desftatues
& groupes , pour qu’ils puiffent s’y retirer pendant
le Jeu de certains artifices dont les feux fortent en
grand nombre, & y être enfermés de maniéré que
les artifices qui fe détachent ne puiffent y entrer. Il
faut de plus que ces retraites communiquent aux ef-
caliers ou échelles par où on y monte.
Ce n’eft pas affez de fe munir de toutes ces précautions,
il eft encore de la prudence d’éloigner du théâtre
les caiffesde gerbes qui contiennent beaucoup de
moyennes fufées qu’on fait partir enfemble , ou des
fufees volantes de gros calibre, qui jettent de groffes
colonnes de feu : c’eft pour cette raifon qu’on ne tire |
point de deffus les théâtres celles qu’on appelle fu fées
d’honneur, par lefquelles on commence ordinai- i
rement le fpeétacle ; mais on les apporte à l’entrée
de la nuit à quelques cinq ou fix toiles de-là à platte l
terre, où on les fufpend lur de petits chevalets faits I
exprès pour en contenir un certain nombre, comme
de deux jufqu’à douze, qu’on fait partir enfemble.
On les place ordinairement derrière le milieu du
théâtre, eu égard à la face qui eft expofée à la vûe
de la perfonne la plus diftingué parmi les fpe&ateurs,
afin qu’elles lui paroiffent fortir du milieu du théâtre
ou à quelque diftance de ce milieu, lorfqu’on les
fait partir en lymmétrie par paires de chevalets placés
de part 6c d’autre.
La figure des chevalets peut varier fuivant l’ufage
qu’on fe propofe ; fi l’on en veut faire partir une douzaine
en même tems, il faut qu’il porte un cercle
pofé de niveau par le haut, 6c un autre par le bas ;
l’un pour les fulpendre, l’autre pour tenir leurs baguettes
en fituation d’à-plomb, par des anneaux ou
des têtes de clous. Si l’on veut qu’elles partent à quelque
diftance les unes des autres, on doit faire la tête
du chevalet en triangle à-plomb parle haut, 6c met-
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tre une tringle avec des anneaux ou des clous par le
bas, pour y fajre paffer les queues des baguettes ,
comme on le voit à la figure y5 . PI. I II.
Lprf^u on veut les tuer fucceflivement fans beaucoup
d intervalle , il faut que les chevalets foient
plus étendus : alors un poteau montant ne fuffit pas >
il en faut au moins deux, trois ou quatre plantés en
terre, pour y attacher des traverfes, l’une à la hauteur
de fix ou neuf piés, & l’autre à un pié de terre ,
auxquelles on plante des clous efpacés à un pié de
diftance les uns des autres, plus ou moins fuivant
la groffeuf des fufées.
Ces clous, pour plus de commodité, doivent être
plantés par paires, faillans d’un pouce. Ceux d’en-
haut fervent à foûtenir la gorge de la fufée ; 6c ceux
de la traverfe d’embas, pour faire paffer entre-deux
le bout de la baguette: c’eft pourquoi ceux-ci doivent
être pofés à-plomb fous les autres, 6c n’être
éloignés que de l’épaiffeur de la baguette, pour y
faire la fonction d’un anneau dans lequel on l’engage
pour la tenir à-plomp fous la fufée ; au moyen de
quoi ori tire les fufées fucceflivement, 6c pendant
aufli long tems qu’on en a pour remplacer celles qui
ont parti ; fur quoi il y a une précaution à prendre
pour prévenir la confufion 6c le defordre ; c’eft d’écarter
un peu du chevalet, 6c de couvrir foigneufe-
ment les caiffes où l’on va prendre les fufées pour
les y fufpendre & les faire partir. On doit ufer de
pareilles précautions pour ces groupes de fufées de
caiffes qu’on fait partir enfemble pour former de
grandes gerbes. Lorfque les fufées font petites, du
nombre de celles qu’on appelle de caijfe, qui n’ont
que neuf lignes de diamètre , 6c que la caiffe n’en
contient que trois ou quatre douzaines, on peut les
placer fur les angles faillans des théâtres, & les faire
partir feulement à la fin, après que les autres artifices
ont joüé ; mais lorfqu’elles font plus groffes & en plus
grand nombre, il faut écarter les caiffes du théâtre ,
parce qu’il en fort une fi prodigieufe colonne de flan?-*
me, qu’elle eft capable d’embrafer tout ce qui eft
aux environs.
La fécondé attention que doit avoir un artificier
dans l’exécution d’un feu , eft de bien arranger les
pièces d’artifices dont il a fait provifion, pour qu’elles
offrent aux yeux une belle fymmétrie de feux aâuels
& de feux fucceflifs. On a coutume de border de
lances à feu les parties faiüantes des entablemens,
particulièrement les corniches, en les pofant près à
près de huit à dix pouces, pour en tracer le contour
par des filets de lumière qui éclairent les faces d’un
feu brillant : on en borde aufli les baluftrades & les
angles faillans des parties d’architeâure.
Pour empêcher que le feu qui fort des lances ne
s’attache au théâtre, on les met quelquefois fur des
bras de bois faillans & dans des bobeche^de fer blanc,
comme fi c’étoient des chandelles pu des bougies ,
auxquelles elles reffemblent beaucoup par la figure &
la couleur de leur cartouche. Si l’on veut épargner
cette dépenfe, on fe contente de les attacher par le
moyen d’un pié de bois, qui n’eft autre chofe qu’une
efpece de cheville qu’on introduit un peu à force
dans le bout du cartouche, de la longueur d’un pouce
, qu’on laiffe vuide pour le recevoir ; 6c l’on plante
cette cheville dans des trous pratiqués dans les pièces
de bois qui doivent les porter ; ou bien on applatit
l’autre bout de cette cheville, 6c l’on y fait un trou
pour la clouer fur la piece de bois où elle doit être
attachée.
Comme toutes ces lances à feu doivent faire une
illumination fubite, quand on veut les allumer il
fau faire paffer une étoupille bien allurée fur leurs
gorges, qu’on arrête avec deux épingles enfoncées
dans le cartouche, & on leur donne le feu par le milieu
de chaque face. Les appuis des baluftrades des