malice & «ne impiété plus dignes d’un démon que
d’un homme. Il en eft qui croyent qu’il doit naître
d’un Juif & d’une Juive de la tribu de Dan ; qu’il dé-
ployera tous fes artifices & fa cruauté contre l’Eglife
& l’Evangile ; s’élèvera contre Dieu même, fe fera
bâtir un palais fur la montagne d’Apadno, rétablira
la ville & le temple de Jerufalem, & là fe fera adorer*
publiant qu’il eft le vrai Dieu & le Meflie attendu des
Juifs ; fécondé par la puiftance du démon, il étonnera
& entraînera les peuples dans la fédu&ion par des
preftiges capables d’ébranler même les élûs.
Sa naiflance fera précédée de lignes extraordinaires
, tant au ciel que fur la terre. Son régné ne durera
que trois ans & demi : mais il fera fignalé par des
cruautés inoiiies. Enoch & Elie viendront le combattre
, & ce tyran les fera mettre à mort dans l’endroit
même où Jefus-Chrift fut crucifié. Leurs corps
feront expofés dans les rues de Jérufalem, fans que
perfonne ofe en approcher, ni leur donner la fépul-
fure : mais trois jours & demi après, l’efprit de vie
envoyé de Dieu entrera dans ces cadavres, Elie &
Enoch reflùfciteront & feront enlevés au ciel dans
une nuée. Enfin le Chrift ne pouvant plus fouffrir la
perverfité de fon ennemi, le tuera du fouffle de fa
bouche, & le perdra par l’éclat de fa puiftance.
Tel eft le tableau que l’Ecriture & les Peres nous
ont tracé de l'antechrifi. Il fuftit d’y jetter les yeux
pour fentir combien un grand nombre d’écrivains
proteftans fe font écartés de la vérité & du bon fens,
en appliquant au pape & à l’églife romaine tout ce
que l’Ecriture, & fur-tout l’Apocalypfe, dit de l'an-
tcchrijl. L’abfurdité de cette idée n’a pas empêché que
les Proteftans du dernier liecle ne Payent adoptée
comme un article de foi. Dans leur x v i i . fynode
national, tenn à Gap en 1603, ils affrétèrent même
de publier que Clément V I I I . qui décéda quelque
îems après, étoit mort de chagrin de cette deeifion :
mais ce pontife, aufli-bien que le roi HenrilV. qu’ils
avoient déclaré en plein fynode race de Yantechrijl,
n’oppoferent à leurs excès que la modération, le mépris,
& le filence.
Quoique le favant Grotius & le dofteur Hammond
fe fuflent attachés à détruire ces rêveries, on a vû
fur la fin du fiecle dernier Jofeph Mede en Angleterre
& le miniftre Jurieu en Hollande, les préfenter fous
une nouvelle forme, qui ne les a pas accréditées davantage.
Décriés dans leur propre feCte, ces écrivains
ont trouvé parmi les Catholiques des adverfai-
res qui ont démontré tout le fanatifme de leurs prophéties
& de leurs explications de l’Apocalypfe, par
Iefqirelles ils s’efforçoient de montrer que Yantechrijl
devoit paroître & fortir de l’Eglife Romaine vers l’an
1710. On peut confulter fur cette matière YHifloire
des Variations, par M. Boffùet, tome 11. liv. xiij. depuis
l’article 11. jufqu’à la fin du même livre.
Grotius a prétendu que Caligula avoit été Yanteckrijl
: mais ce fentiment ne s’accorde pas avec ce
que l’Ecriture & les Peres nous apprennent de la venue
de Yantechrijl à la fin du monde.
Il ferait inutile de s’arrêter fur les différens noms
que divers auteurs, tant anciens que modernes, ont
donnés à Yantechrijl, fondés fur un paflage du xiij.
chap. de l’Apocalypfe, oit il eft dit que les lettres du
nom de la bête, c’eft-à-dire de Y antechrijl, expriment
le nombre de 666 : car les lettres qui expriment ce
nombre étant fttfceptibles d’une multitude de com-
binaifons differentes, & ces diverfes combinaîfons
formant autant de noms différens, il paroît fort difficile,
pour ne pas dire impoffible, qu’on ait réufli à
trouver la véritable. Quoi qu’il en foit, on peut
voir dans la bibliothèque de Sixte de Sienne, liv. II.
une partie de ces noms, dont le plus probable paroît
être celui qu’ont imaginé S. Irenée & S. Hippolyte ;
fa voir t thav} mot grec qui lignifie géant, & qui eft
compofé de fix lettres dont la valeur numérale équivaut
à 666.
On trouve parmi les écrits de Raban-Maur, d’a*
bord abbé de Fulde, puis archevêque de Mayence ,
auteur fort célébré du neuvième fiecle, un traité, fur
la vie & les moeurs de Yantechrijl. Nous n’en citerons
qu’un endroit fingulier ; c ’eft celui où l’auteur, après
avoir prouvé par S. Paul que la ruine totale de l’empire
romain, qu’il fuppofe être celui d’Allemagne,
précédera la venue de Yantechrijl, il conclut de la
forte : « Ce terme fatal pour l’empire romain n’eft
» pas encore arrivé. Il eft vrai que nous le voyons
» aujourd’hui extrêmement diminué, & pour ainfi
» dire détruit dans fa plus grande étendue : mais il
» eft certain que fon éclat ne fera jamais entièrement
» eclipfé ; parce que tandis que les rois de France
» qui en doivent occuper le throne fubfifteront, ils
» en feront toûjours le ferme appui ». Hoc tempus non-
dum advenit; quia licet Romanurn imperiûm videamus
ex maximâ parte dejlructum, tamen quandiu Francorum
reges duraverint qui Romantim imperium tenere debent,
Romani imperii dignitas ex toto non peribit, quia in regibus
fuis Jlabit. Et rapportant enfuite le fentiment
de quelques do&eurs de bon fens, il ajoûte : « Quel-
» ques-uns de nos doCteurs afîurent que ce fera un
» roi de France qui à la fin du monde dominera fur
» tout l’empire Romain. Ce roi fera le dernier & le
» plus grand qui ait jamais porté le fceptre. Après le
» régné le plus brillant & le plus heureux, il ira à
» Jérufalem dépofer fon fceptre & fa couronne fur-
» la montagne des Oliviers ; le moment d’après l’em-
» pire Romain finira pour toûjours, & foudain s’ac-
» complira l’oracle de l’apôtre fur la venue de Yan-
» techrijl ». Quidam doctores noflri dicunt quod unus de
regibus Francorum y imperium Romanum ex integro tene-
bit y qui in novifjimo tempore erit, & ipfe erit maximus
& omnium regum ultimus , qui pojtquam regnum fuurrt
féliciter gubernaverit, ad ultimum Jerofolymam veniet,
& in monte Oliveti fceptrum & coronam fuam deponet.
Hic eritfinis & confummatio Romanorum Ch ri f i a no ru nique
regnorum ; fiatim fecundum prcediclam fententiam
apofioli Pauli antichriflum dicunt futurum. Si la dernière
prédiction de ces doCteurs n’eft pas plus exactement
accomplie que la première de Raban-Maur,
elles feront fauffes de tout point.
Malvenda, théologien efpagnol, a donné un long
& favant ouvrage fur Yantechrijl. Son traité eft divifé
en 13 livres. Il expofe dans le premier les différentes
opinions des Peres touchant Yantechrijl. Il détermine
dans le fécond le tems auquel il doit paroître, &
prouve que tous ceux qui ont afltiré que la venue de
Yantechrijl étoit proche, ont fuppofé en même tems
que la fin du mondé n’étoit pas éloignée. Le troi-
fieme eft une diflertation fur l’origine de Yantechrijl,
& fur la nation dont il doit être. L’auteur prétend
qu’il fera Juif & de la tribu de Dan , & il fe fonde
fur l’autorité des- Peres & fur le verfi 1y du ch. xljx.
de la Geneje , où Jacob mourant dit-à fes fils : Dan
ejl un ferpent dans le chemin , & un cérajte dans le fentier
ÿ & fur le chap. viij. verf. 16". de Jérémie , où il eft
dit que les armées' de Dan dévoreront la terre ; &
encore fur le chap. vij. de l 'Apocalypfe , où S. Jean
a omis la tribu de Dan dans l’énumération qu’il fait
des autres tribus. Il traite dans le quatrième & le
cinquième des earaCterés de Yantechrijl. Il parle dans
le fixieme de fon régné & de fe$ guerres ; dans le
feptieme, de fes vices ; dans le huitième, de fa doctrine
& de fes miracles; dans le neuvième, de fes
perféentions ; & dans le refte de l’ouvrage, de la
venue d’Enoch & d’Elie, de la converfion des Juifs,
du régné de Jefus-Chrift & de la mort de Yantechrijl,
qui arrivera après un régné de trois ans & demi.
Voye{ MILLENAIRES. ( G )
ANTECIENS, adj.pl. m. du greç
contre y & d*'lutta , j’habite. On appelle en Géographie
AntécienSy les peuples placés fous le même méridien
& à la même diftance de l’équateur ; les uns
vers le nord, & les autres vers le midi. Voyt[ T e rRe .
De-là il s’en fuit que les Antéciens ont la même longitude
& la même latitude, & qu’il n’y a que de la
dénomination de latitude feptentrionale ou méridionale
qui les diftingue. Voye^ LATITUDE.
Ils font fous la même demi-circonférei^ du méridien,
mais fur des paralleles placés de dmérens côtés
de l’équateur.
Les habitans du Péloponefe font à peu-près Antéciens
aux habitans du cap de Bonne-efpéranCe.
On confond aflfez fréquemment les Antéciens avec
les Antifciens Voye{ A n TISCIENS.
Les Antéciens ont la même longueur de jour & dé
nuit, mais en des faifons différentes : lorfque lés uns
ont midi du plus long jour d’été , les autres ont midi
du plus court jour pour l’hyver.
D ’où il s’en fu it que la nuit des uns eft toujours
égale au jour des autres. Voye{ Jo u r , Heur e , S a i -*
so n &c.
Il s’enfuit encore que les étoiles qui ne fe lèvent
jamais pour les uns, ne fe couchent pas pour les
autres. Voye^ ANTIPODES (O)
ANTÉDILUVIENNE, (Philofophie.) ou état de
la Philofophie avant le déluge. Quelques-uns de ceux
qui remontent à l’origine de la Philofophie rte s’arrêtent
pas au premier homme, qui fut formé à l’image
& reflemblance de Dieu: mais, comme fi la terre
n’étoit pas un féjour digne de fon origine, ils s’élancent
dans les cieux, & la Vont chercher jufque chez
les Anges, où ils nous la montrent toute brillante
de clarté. Cette opinion' paraît fondée fur ce
que nous dit l’Ecriture de la nature & de la fagefle
des Anges. Il eft naturel de penfer qu’étant d’une nature
bien fupérieure à la nôtre , ils ont eu par conséquent
des connoiflances plus parfaites des chofes,
& qu’ils font de bien meilleurs philöfopheS que nous
autres hommes. Quelques Savarts ont pouffe les chofes
plus loin ; Car pour nous prouver que les Anges
excelloient dans la Phyfique, ils ont dit que Dieu
s’étoit fervi de leur miniftere pour créer ce monde,
& former les différentes créatures qui le rempliffent.
Cette opinion, comme l’on voit , eft une fuite des
idées qu’ils avoient puifées dans ladottrinede Pÿtha-
gore & de Platon. Ces deux Philôfophes, embarraf-
lés de l’efpaee infini qui eft entre Dieu & les hommes
, jugèrent à propos de le remplir de génies &
de démons: mais,. comme dit judicieufement M. de
Fontenélie contre Platon , Hiß. des Oracles, de quoi
remplira-t-on l’efpace infini qui fera entre Dieu &
ces génies, ou ces démons mêmes ? car de Dieu à
quelque créature que ce foit, la diftance eft infinie.
Comme il faut que l’aftion de Dieu traverfe, pour
ainfi dire , ce vuide infini pour aller jufqu’atiX démons
, elle pourra bien aller aufïi jufqu’aüx hommes ;
puifqu’ils ne font plus éloignés que de quelques degrés
, qui n’ortt nulle proportion avec ce premier
eloignement. Lorfque D ieu traite avec les hommes
par le moyen des Anges, ce n’eft pas à dire que les
Anges fôient néceflaireS pour cette communication,
ainti que Platon le prétendoit ;• Dieu le$ y employé
par des raifons que la Philofophie ne pénétrera jamais
, & qui ne peuvent être parfaitement connues
que de lui feul. Platon avoitimaginé les démons pour
former une échelle par laquelle, de Créature plus
parfaite en créature plus parfaite , on montât enfin
jufqu’à Dieu, deforte que Dieu n’auroit que quelques
degrés de perfeftion par-deffus la première des
créatures. Mais il eft vifible que, comme elles font
toutes 3infiniment imparfaites à fon égard , parce ü elles font tontes infiniment éloignées de lui , les
ifférences de p’erfeûion qui font entr’elles difparoiffent
dès qu’on les compare avec Dieu : ce qui les
éleve les unes au-deffus des autres, ne les approche
guere de lui. Ainfi, à ne confulter que la raifon humaine
, on n’a befoin de démons, ni pour faire pafler
l’aftion de Dieu jufqu’aux hommes, ni pour mettre
entre Dieu & nous quelque chofe qui approche de
lui plus que nous ne pouvons en approcher.
Mais^ fi les bons Anges qui font les miniftres des
volontés de Dieu, & les meffagersauprès des hommes
, font ornes de plufieurs connoiflances philofo»
phiques ; pourquoi refuferoit-on cette prérogative
aux mauvais Anges? leur réprobation n’a rien changé
dans l’excellence de leur nature, ni dans la perfection
de leurs connoiflances ; on en voit la preuve
dans l’Aftrologie, les augures, & les arufpices. Ce
n’eft qu’aux artifices, d’une fine & d’une fubtile dialectique
y que le démon qui tenta nos premiers pa-
rens, doit la victoire qu’il remporta fur eux. Il n’y a
pas jnfqu’à quelques Pères de l’Eglife, qui imbus des
rêveries platoniciennes, ont écrit que les efprits réprouvés
Ont enfeigné aux hommes qu’ils avoient fu
charmer, & avec lefquels ils avoient eu commerce,
plufieurs feerets de la nature ; comme la métallurgie
, la vertu des fimples, la puiftance des enchan-
temens, & l’art de lire dans le ciel la deftinée des
hommes.
Je ne m’amuferai point à prouver ici combien font
pitoyables tous ces raifonrtemens par lefquels on
prétend démontrer que les Anges & les diables font
des Philofophes, & même de grands Philofophes.
Laiflbns cette philofophie des habitans du ciel & du
ténare ; elle eft trop au-deffus de nous : parlons de
celle qui convient proprement aux hommes, & qui
eft de notre refldrt.
Adam le premier de tous les hommes a-t-il été
philofophe ? c’eft une chofe dont bien des perfonnes
ne doutent nullement. En effet,- nous dit Hornius,
nous croyons qu’Adam avant fa chûte fut orné
non-feulement de foutes les qualités & de toutes les
connoiflances qui perfectionnent l’efprit, mais même
qu’après fa chûte il conferva quelques reftes de
fes premières connoiflances. Le fouvenir de ce qu’il
avoit perdu étant toûjours préfent à fort efprit, alluma
dans fon coeur un defir violent de rétablir en
lui les connoiflances que le péché lui avoit enlevées,
& de difliper les ténebfes qui les lui voiloient. C’eft
pour y fatisfaire , qu’il s’attacha toute fa vie à interroger
la nature, & à s’élever aux connoiflances les
plus lublimes ; il y a même tout lieu de penfer qu’il
n’aura pas laifle ignorer à fes enfans la plûpart de
fes découvertes, pnifqa’il a vécu fi long-tems avec
éüx. Tels font à peu-près les rai/onnemens du docteur
HôfniUs auquel nous joindrions volontiers les
doCteurs Juifs, fi leurs fables méritoient quelque attention
de notre part. Voici encore quelques raifon-
nemerts bien dignes du doÇtéur Hornius, pour prouver
qn’Adam a été Philofophe & même Philofophe
du premier ordre. S’il n’âvoit été Phyficién-, comment
auroit-il pu impofer à tous les animaux qui furent
amenés devant lu i , des noms qui paroiffent à
bien des perfonnes exprimer leur nature ? Eufebe
en a tiré une preuve pour la Logique d’Adam. Pour
les Mathématiques, il n’eft pas pofSble de douter
qu’il ne les ait fûes; car autrement comment auroit-
il pû fe faire des habits de peaux de bêtes, fe conf-
truire une maifon , obferver le mouvement des a ffres
, & régler l’année fur la eôurfe du foleil ? Enfin
ce qui met le comble à toutes ces preuves fi décifi-
ves en faveur de la philofophie d’Adam, c’eft qu’il
a écrit des livrés, & que ces livres contenoient
toutes les fublimes connoiflances qu’un travail infatigable
lui avoit acqüifes. 11 eft vrai qiie les livres
qu’on lui attribue font apocryphes ou perdus ; mais
cela n’y fait rien ; on ne les aura fuppofés à Adam ,