toujours dans-une pareille divifion , pour-croire :que notre fyftèmefoit l’unique ou le rneil-
leur ; il nous luffira que notre travail ne (oit pas entièrement defapprouvé par les bons efprits
Nous ne voulons point reffembler à cette foule de Naturaliftes qu’un Philofophe moderne à
.euitant de raifon de cenfurer ; & qui occupés fans ceffe à divifer les produftions de la Nature
en genre & en efpeces, ont confumé dans ce travail un tems qu’ils auraient beaucoup
mieux employé à 1 étude de; ces produftions même. Que diroit-on d’un Architecte q u i
ayant à elever un édifice immenfe, pafferoir toute fa vie à en tracer le plan ; ou d’un Curieux
qui le propofant de parcourir un vafte palais, employeroit tout fon teins à en ob-
lerver 1 entree r ,
Les objets dont notre ame /o c cu p e , font ou fpirituels ou matértelsÿ& notre ame s’occupe
pe ces objets ou par des idées direâes ou par des idées réfléchies. Le M êm e des
connoillances direftes ne peut confiller que dans la colleftion purement paffive & comme
machinale de ces mêmes connoilfances ; c’eft ce qu’on appelle mémoire. La réflexion eft
de deux fortes, noas 1 avons déjà obfervé ;<>u elle raifonne fur les objets des idées direftes ,
ou elle les imite. Ainfi la mémoire , la raifon proprement dite , & l’imagination,-font les
-trois maniérés differentes dont notre ame opéré fur lès. objets de fes penlees. Nous ne prenons
point ic ü imagination pour la faculté qu’on a de fe repréfenter les objets ;-parce que
cette faculté n eft autre chofe que la mémoire même des objets fenfiblès, mémoire qui ferait
dans uncontinufelexercice-, fi elle n’étoit foulagée par l’invention des lignes. Nous prenons
1 imagination dans un fens plus noble & plus précis, pour le talent de créer en imitant.
y e s trois facultés forment d’abord les trois divifions générales de notre fyftème & les
m a m W È B Ê l f f l cônnoiffanees humaines ; l’Hiftoire qui fe rapporte H mémoire-
la fhilolophie, qui eft le fruit de la raifon ; & les Beaux-arts, que l’imagination fait naître,
bi nous plaçons la raifon avant l ’imagination, cet ordre nous paraît bien fondé, & conforme
?,ui >r.°£res naturel des opérations de l’efprit : l’imagination eft une faculté créatrice ; &
lelprit , avant de fonger à créer , commence par raifonner fur ce qu’il voit & ce qu’il
connoit. Un autre motif qui doit déterminer à placer la raifon avant l’imagination , c’eft
que dans cette dermere faculté de l’ame, les deux autres fe trouvent réunies jufqu’à un
certain point, & que la raifon s y joint à la mémoire. L ’efprit ne crée & n’imagine des
objets qu en tant qu i s font femblables à ceux qu’il a connus par des idées direéfes & par
des fenfations; plus il s éloigné de ces objets , plus les êtres qu’il forme font bifarres &
peu agréables. Ainfi dans 1 imitation de la Nature, l’invention même eft aflujettie à certaines
réglés ; & ce font ces réglés qui forment principalement la partie philofophique des Beaux-
arts, juiqua prefent aflez imparfaite, parce qu’elle ne peut être l ’ouvrage que du génie
& que le genie, aime mieux créer que difcuter.'- - - & »
Enfin, fi onexamine les progrès de la raifon dans fes opérations fucceflïves on fe convaincra
encore quelle doit précéder l’imagination dans l’ordre de nos facultés , puifque la
raifon , par les dermeres operations qu’elle fait fur les o b je ts I conduit -en quelque forte à
1 imagination ; car fes operations ne confiftent qu’à créer, pour ainfi dire, des êtres généraux
qtu-tepares-.de.leur fu)et parabftraffion, ne font plus du reflbrt immédiat de nos fèns. Aufli
fa Metaphyfique & la Geometrie font de toutes les Sciences qui appartiennent à la raifon
celles ou imagination a le plus de part. J’en demande pardon à nos beaux efprirs.détraéteuri
de la Geometrie ; ils ne fe croyent pas fans doute fi près d’elle, & il n’y a peut-être que la
-Metaphyfique qui les en fepare. L imagination dans un Géomètre qui crée n’agit pas moins
que dans un Poete qui invente. II eft vrai qu’ils opèrent différemment fur leur objet: le pre-
mier le dépouillé & J analyfe, le fécond le compofe & l’embellit. 1 eft encore vrai que cette
manière differente d opérer n appartient qu’à différentes fortes d’efprits ; & c’eft pour cela
que les talens du grand Geometre & du grand Poète ne fe trouveront peut-être jamlfis enfem-
ble. Mais foitqu ils s excluent ou ne s’excluent pas l’un de l’autre, ils ne font nullement en
droit de femepnfer réciproquement. D e tous les grands hommes de l’antiquité, Archimede
eft peut-être celui qui mente le plus d’être placé à côté d’Homere. J’efpere qu’on pardonnera
cette, digreffion à un Geometre qui aime fon art, mais qu’on n’accufera point d’en
erre,admirateur outre ; & je reviens à moTMÎiijet. ■
La diftribution générale des êtres en fpirituels & en matériels fournît la fous-divifion des
trois branches generales. L Hiftoire & la Philofophie s’occupent également de ces deux éf-
peces dettes : & 1 imagination ne travaille que d’après les êtres purement matériels ; nou-
yelte raifon pour placer a dermere dans l’ordre de nos facultés. A la tête des êtres fpirituels
P ltüieuI qui doit tenir le premier rang par famature, & par le befoin que nous avons de
le connaître. A u-delîous de cet Etre fuprême font les efprits créés ; dont la révélation nous
apprend 1 exiftence-Enfuite vient l’hommeI qui compofé de deux principes-, tient par fon
ame aux efpmts, & par fon corps au monde matériel ; & enfin ce vafte Univers que nous
appelions Je -Monde corporel ou, la Nature,tNous iguoronàpqurquoi l’Auteur célébré qui
nous fertde guide dans Cette diftribution , a placé la nature avant l’homme dans Ton fyftè-
me ; il femble au contraire que tout engage à placer l’homme fur le paffage qui fépare Dieu
& les efprits d’avec les corps.
L ’Hiftoire entant qu’elle fe rapporte à D ieu , renferme ou la révélation ou la tradition ,
8c fe divife fous ces deux points de vûe en hiftoire facrée & en hiftoire eccléfiaftique. L ’hif-
toire dé l’homme a pour ob jet, ou fes aftions ou fes connoilfances ; 8c elle eft par confisquent
civile ou littéraire , c’elt-à-dire , fe partage entre lés grandes nations 8c les grands
fénies, entre les Rois & les Gens de Lettres, entre les Conqüérans & les* Philôfophes. En-
n l’hiftoire de la Nature eft celle des productions innombrables qu’on y obferve, & forme
une quantité de branches prefque égale au nombre de ces diverfes productions. Parmi ces
différentes branches , doit être placée avec diftinCtion l’hiftoire des A r ts , qui n’eft autre
choie que l’hiftoire des ufages que les hommes ont faits des productions de la nature, pour
fatisfaire à leurs befoins ou à leur curiofité.
Tels font les objets principaux de la mémoire. Venons préfentement à la faculté qui réfléchit
& qui raifonne. Les êtres tant fpirituels que matériels fur lefquels elle s’exerce, ayant
quelques propriétés générales, comme l’exiftence, la poflibilité, la durée ; l’examen de ces
propriétés forme d’abord cette branche de la Philofophie, dont tous les autres empruntent
en partie leurs principes : on la nomme l’Ontologie ou Science de l’Etre, ou Métaphyfique
générale. Nous defcendons de-là aux différens êtres particuliers ; & les divifions que fournit
la Science de ces différens êtres , font formées fur le même plan que celles de l’Hiftoire.
La Science de Dieu appellée Théologie a deux branches ; la Théologie naturelle n’a dé
connoiffance de D ieu que celle que produit la raifon feule ; connoiffance qui n’eft pas d’unô
fort grande étendue : la Théologie révélée tire de l’hiftoire facrée une connoiffance beaucoup
plus parfaite de cet être. De cette même Théologie révélée, réfulte la Science des efprits
créés. Nous avons crû encore ici devoir nous écarter de notre Auteur. Il nous femble
que la Science , confidérée comme appartenant à la raifon , ne doit point être diviféë
comme elle l’a été par lui en Théologie & en Philofophie'; car la Théologie révélée n’eft autre
chofe que la railon appliquée aux faits révélés : on peut dire qu’elle tient à l’Hiftoire par
les dogmes qu’elle enfeigne, & à la Philofophie, par les conféquences qu’elle tire de ces dogmes.
Ainfi féparer la Théologie de la Philofophie , ce feroit arracher du tronc un rejettoil
qui de lui-même y eft uni. 11 ïemble aufli que la Science des efprits appartient bien plus intimement
à la Théologie révélée, qu’à la Théologie naturelle.
La première partie de la Science de l’homme eft celle de l’ame ; & cette Science a poüf
b u t, ou la connoiffapce fpéculative de l ’ame humaine, ou celle de fes opérations. La conj
noiffance fpéculative de l’ame dérive en partie de la Théologie naturelle , 8c en partie de
la Théologie révélée, & s’appelle Pneumatologie ou Métaphyfique particulière. La con-
noiffance de fes opérations fe fubdivife en deux branches , ces opérations pouvant avoir
pour ob jet, ou la découverte de la vérité, ou la pratique de la vertu. La découverte de
la vérité, qui eft le but de la Logique, produit l’art de la tranfmettre aux autres ; ainfi l’u-
fage que nous faifons de la Logique eft en partie pour notre propre avantage , en partie
pour celui des êtres femblables à nous ; les réglés de la morale fe rapportent moins à l’homme
ifolé , & le fuppofent néceffairement en fociété avec les autres hommes.
La Science de la nature n’eft autre que celle des corps : mais les corps ayant des propriétés
générales qui leur font communes, telles que l’impénétrabilité, la mobilité, & l’étendue,
c’eft encore par l’étude de ces propriétés que la Science d e là nature doit commencer;
elles ont, pour ainfi dire ,un côté purement intèlle&uel, par lequel elles ouvrent un champ
immenfe aux fpéculations de l’efprit, 8c un côté matériel 8c fenfible par lequel on peut les
mefurer. La fpéculation intelleftuelle appartient à la Phyfique générale , qui n’eft proprement
que la Métaphyfique des corps ; 8c la raefure eft l’objet des Mathématiques, dont les
divifions s’étendent prefque à l’infini.
Ces deux Sciences conduifent à la Phyfique particulière , qui étudie les corps en eux-
mêmes , 8c qui n’a que les individus pour objet. Parmi les corps dont il nous importe de
connoître les propriétés , le nôtre doit tenir le premier rang, 8c il eft immédiatement fui-
v i de ceux dont la connoiffance eft le plus méceffaire à notre confervation ; d’où réfultent
l’Anatomie, l’Agriculture, la Médecine, 8c leurs différentes branches. Enfin tous les corps
naturels fournis à notre examen produifént les autres parties innombrables de la Phyfique
raifonnée.
La Peinture, la Sculpture, l’Archite&ure, laPoëfie, la Mufique, & leurs différentes divifions
, compolent la troifieme diftribution générale qui naît de l’imagination, & dont les par*'
ties font comprifes fous le nom de Beaux-Arts. On pourroit aufli les renfermer fous le titre
général de Peinture, puifque tous les Beaux-Arts fe réduifent à peindre, & ne different que
par les moyens qu’ils employent ; enfin on pourroit les rapporter tous à la Poëfie, en pre*
Tome I. C