de cette Encyclopédie, il eft tems enfin d’inftruire plus particulièrement le public fur l’Ô ü i
-vrage que nous lui préfentons. LeProfpeçlus qui a déjà été publié dans cette v û e , & dpiît
M. D id e r o t mon collègue eft l’auteur , ayant été reçu de toute l’Europe avec les plus
grands éloges, je vais en fon nom le remettre ici de nouveau fous les yeux du Public aved
les changemens & les additions qui nous ont paru convenables à l’un & à l’autre» ’
O n ne ? EttT d is c o n v en ir que depuis le renouvellement des Lettres parmi nous, bn ne
doive en partie aux Diâionnaires les lumières générales qui fe font répandues dans là fociété
& ce germe de Science qui difpofe infenfiblement les efprits à des connoiffances plus profondes.
L’utilité fenfible de ces fortes d’ouvrages les a rendus fi communs, que noùs femmes
plutôt aujourd’hui dans le cas de les juftifier que d’en faire l’éloge. On prétend qu’en multi-
pliant les fecours & la facilité de s’inftruire » ils contribueront à éteindre le, goût du travail
& de l’étude. Pour nous, nous crayons être bien fondés à foûtenir que c’eft à la manie du
bel efprit & à l’abus de la Philofephie, plutôt qu’à la multitude des Dictionnaires, qu’i l faut
attribuer notre pareffe & la décadence du bon goût. Ces fortes de cOlleétions peuvent tout
au plus fervir à donner quelques lumières à ceux qui fans ce fecours n’auroient pas eu le cour
g e de s’en procurer : mais elles ne tiendront jamais, lieu de Livres à ceux qui chercheront
à s’inftruire ; les Diâionnaires par leur forme même ne font propres qu’à être confultés, &
fe refufent à toute leâure fuivie. Quand nous apprendrons qu’un homme de Lettres, defi-
fant d’étudier ,1’Hiftoire à fond, aura choifi pour cet objet le Diélionnaire de Moreri ’ nous
conviendrons.du reproche que l’on.veut nous faire. Nous aurions peut-être plus de raifort
d’attribuer l’abus prétendu dont on fe pla int, à la multiplication des méthodes , des élé-.
Biens Ades abrégés , & des bibliothèques » fi nous n’étions perfuadés qu'on ne fauroit trop faciliter
lès moyens des ’inftruire. On abrégerait encore davantage ces moyens » en réduifant à
quelques volumes,tput ce que les hommes ont découvert jufqu’ànos jours dans les Sciences &
dans les Arts. Ce projet, en y comprenant même lés faits hiftoriques réellement utiles ne ferait
peut-être pas impoffible dans l’exécution; il feroit du moins à feuhaiter qu’on lé tentât
nous ne prétendons aujourd’hui que l’ébaucher ; & il nous débarrafferoit enfin de tant de Livres
, dont les Auteurs n’ont fait .que fe copier les _uns les autres- C e qui doit nous raffûrer
contre la fatyre des Diâionnaires,.c ’eft qu’on pourrait faire le même reproche, fur un fondement
auffi peu folide, aux Journaliftes les plus eftimables. Leur but n’eft-ilpas effentielle-
ment d’expofer en racourci ce que notre fiecle ajoute de lumières à celles des iïecles pré-
cédens ; d’apprendre à fe paffer des originaux, & d’arracher par conféquetit ces épines que
nos adyerfaires voudraient qu’on laifîàt? Combien deleélures inutiles dont nous nous fe-
rions difpenfés par de bons extraits l
Nous avons donc crû qu’il importoit d’avoir un Diâionnaire qu’on pût confulter fur toutes
les matières des Arts & des Sciences, & qui fervît autant à guider ceux qui fe fentent le
courage de travailler à l’inftruâion des autres , qu’à éclairer ceux qui ne s’inftruifent que
pour çux-mémes. 1
Jufqu ici perfonne n avoit conçu un Ouvrage auffi grand-, ou du moins perfonne ne 1 avoir execute. Leibnitz, de tous les Savans le plus capable d’en fentir lés difficultés défi-
roit qu’on les furmontât. Cependant on avoit des Encyclopédies ; & Leihni f , ne
pas, lorfqu’il en demandoit une. 6
La plupart de ces Ouvrages parurent avant le fiêcle dernier, & ne furent pas tout-à-fait
mepnfes. On trouva que s’ils n’annonçoient pas beaucoup de génie, ils marquoient au moins
du travail & des connoiffances. Mais que feroit-ce pour nous que ces Encyclopédies ? Quel
progrès n’a-t-on pas fait depuis dans les Sciences & dans les Arts ? Combien de vérités découvertes
aujourd’h ui, qu’on n’entre v o y oit pas alors ? La vraie Philofephie étoit au berceau -
la Géométrie de l’infini n’étoit pas encore ; la Phyfique expérimentale fe montrait à peine -
il n y avoit point de Dialeêlique $ les lois de la laine critique étoient entièrement ignorées
Les Auteurs célébrés en tout genre dont nous avons parlé dans ce Difcours, & leurs illuftres
difciples, ou n’exiftoient pas-, ou n’avoient pas écrit, L ’efprit de recherche 8c d’émulation
P n?*!? ^ ^?S ^es,^avans »un autre elprit, moins fécond peut-être, mais plus rare, celui de
jufteffe 8c de méthode, ne s’étoit point foûmis les différentes parties de la Littérature • &
les Academies, dont les travaux ont porté fi loin les Sciences & les Arts , n’étoient pas’ inf-
tituees. r
Il ^es ^couvertes des grands hommes 8c des compagnies favantes dont nous venons de
parler, offnrënt dans la fuite de puiffans fecours pour former un Diélionnaire encyclopédique
, il faut avouer auffi que l’augmentation prodigieufe des matières rendit , à d’autres
égards, un tel Ouvrage beaucoup plus difficile. Mais ce n’eft point à nous à juger fi les fuc-
celieurs des premiers Encyclopédiftes ont été hardis ou préfomptueux ; 8c nous les laiffe-
nons tous jouir de leur réputation, fans en excepter Ephraïm C hambers le plus connu
d’entre eux , fi nous n’avions des raifons particulières de peler le mérite de celui-ci.
L’Encyclopédie de Chambers dont on a publié à Londres un fi grand nombre d’éditions
rapides $ cette Encyclopédie qu’on vient de traduire tout récemment en Italien, & qui de
notre aveu mérite en Angleterre 8c chez l’étranger les honneurs qu’on lui rend, n’eût peut-
être jamais été faite, fi avant qu’elle parût en Anglois, nous n’avions eu dans notre Langue
des Ouvrages où Chambers a puifé fans mefure 8c fans choix la plus grande partie des chofes
dont il a compofé fon Diélionnaire. Q u ’en auroient donc penfé nos François fur une traduction
pure 8c fimple ? Il eût excité l’indignation des Savans 8c le cri du Public, à qui on n’eût
préfenté fous un titre faftueux 8c nouveau, que des richeffes qu’il poffédoit depuis long-
tems.
Nous ne refufons point à cet Auteur la juftice qui lui eft dûe. Il a bien fenti le mérite de
l’ordre encyclopédique , ou de la chaîne par laquelle on peut defcendre fans interruption
des premiers principes d’une Science ou d’un Art jufqu’à fes conféquences les plus éloignées ,
& remonter de fes conféquences les plus éloignées jufqu’à fes premiers principes ; paffer imperceptiblement
de cette Science ou de cet Art à un autre, & , s’il eft permis de s’exprimer
ainfi , faire fans s’égarer le tour du monde littéraire. Nous convenons avec lui que fe plan
8c le deffein de fon Diélionnaire font excellens, 8c que fi l’exécution en étoit portée à un
certain degré de perfeélion , il contribueroit plus lui foui aux progrès de la vraie Science ,
que la moitié des Livres connus. Mais, malgré toutes les obligations que nous avons à cet
Auteur, & l’utilité confidérable que nous avons retirée de fon travail, nous n’avons pû nous
empêcher de voir qu’il reftoit beaucoup à y ajouter. En e ffet, conçoit-on que tout ce qui
concerne les Sciences & les Arts puiffe être renfermé en deux volumes in-folio*. La nomenclature
d’une matière auffi étendue en fourniroit un elle feule, fi elle étoit complette.
Combien donc ne doit-il pas y avoir dans fon Ouvrage d’articles omis ou tronqués ?
C e ne font point ici des conjeéiures. La traduétion entière du Chambers nous a paffé
fous les y e u x , 8c nous avons trouvé une multitude prodigieufe de chofes à defirer dans
les Sciences ; dans les Arts libéraux, un mot où il falloit des pages 5 8c tout à fuppléer dans
les Arts méchaniques. Chambers a lû des Livres, mais il n’a guere vû d’artiftes $ cependant
il y a beaucoup de chofes qu’on n’apprend que dans les atteliers. D ’ailleurs il n’en eft pas ic i
des omiflions comme dans un autre Ouvrage. Un article omis dans un Diélionnaire commun
le rend feulement imparfait. Dans une Encyclopédie, il rompt l’enchaînement, & nuit à la
forme 8c au fond $ 8c il a fallu tout l’art d’Ephraïm Chambers pour pallier ce défaut.
Mais, fans nous étendre davantage fur l’Encyclopédie Angloife , nous annonçons que
l’Ouvrage de Chambers n’eft point la bafe unique fur laquelle nous.avons élevé -, que l ’on
a refait un grand nombre de fes articles ; que l’on n’a employé prefque aucun des autres fans
addition , correétion , ou retranchement, 8c qu’il rentre fimplement dans la claffe des Auteurs
que nous avons particulièrement confultés. Les éloges qui furent donnés il y a fix ans
au fimple projet de laTraduéfion de l’Encyclopédie Angloife , auroient été .pour nous un
motif fuffiîant d’avoir recours à cette Encyclopédie, autant que le bien de notre Ouvrage
n’en fouffriroit pas. -
La Partie mathématique eft celle qui nous a paru mériter le plus d’être confervée : mais
on jugera par les changemens confidérables qui y ont été faits, du befoin que cette Partie
& les autres avoient d’une exaéle révifion.
Le premier objet fur lequel nous nous fommes écartés de l’Auteur Anglois, c’eft l’Arbre
généalogique qu’il a dreffé des Sciences & des Arts , & auquel nous avons crû devoir en
fubftituer un autre. Cette partie de notre travail a été fuffîfamment développée plus haut.
Elle préfente à nos leéleurs le canevas d’un Ouvrage qui ne fe peut exécuter qu’en plufieurs
Volumes in-folio, & qui doit contenir un jour toutes les connoiffances des hommes.
A l’afpeé! d’une matière auffi étendue, il n’eft perfonne qui ne faffe avec nous la réflexion
fuivante. L ’expérience journalière n’apprend que trop combien il eft difficile à un Auteur
de traiter profondément de la Science ou de l’Art dont il a fait toute fa vie une étude particulière.
Quel homme peut donc être affez hardi & affez borné pour entreprendre de traiter
feul de toutes les Sciences & de tous les Arts ?
Nous avons inféré de-là que pour foûtenir un poids auffi grand que celui que nous avions
à porter, il étoit néceffaire de le partager ; & fur le champ nous avons jetté les yeux fur un
nombre fuflifant de Savans & d’Artiftes ; d’Artiftes habiles & connus par leurs talens $ de
Savans exercés dans les genres particuliers qu’on avoit à confier à leur travail. Nous avons
diftribué à chacun la partie qui lui convenoit j quelques-uns même étoient en poffeflion de
la leur, avant que nous nous chargeaflions de cet Ouvrage. Le Public verra bientôt leurs
noms, 8c nous ne craignons point qu’il nous les reproche. A infi, chacun n’ayant été occupé
que de ce qu’il entendoit, a été en état de juger fainement de ce qu’en ont écrit les Anciens
& les Modernes, & d’ajoûter aux fecours qu’il en a .tirés, des connoiffances puifées
Tome I. " E ij