Paracelfe & Vanhelmont, ces deux illuftres adeptes
, déclarent expreffément qu’il y a dans la nature
un certain fluide capable de réduire tous les corps
fublunaires, foit homogènes, foit hétérogènes, enla
matière primitive dont ils font compofés, ou en une
liqueur homogène & potable , qui s’unit avec l’eau
& les fucs du corps humain, & retient néanmoins fes
vertus féminales, & qui étant remêlée avec elle-même
, fe convertit par ce moyen en une eau pure &
élémentaire ; d’où , comme fe le font imaginés ces
deux auteurs, elle réduiroit enfin toutes chofes en
eau. V o y c i Eau.
Le témoignage de Paracelfe, appuyé de celui de
Vanhelmont, qui protefte avec ferment qu’il poffé-
doit le fecret de Yalkahejl, a excité les Chimiftes &
les Alchimiftes qui les ont fui v is , à chercher un fi
noble menftrue. Boyle en étoit fi entêté, qu’il avoue
franchement qu’il aimeroit mieux pofféder Yalka-
hcft, que la pierre philofophale même. /^ « {A lch im
ie .
En effet, il n’ eft pas difficile de concevoir que tous
les cor ps peuvent venir originairement d’une matière
primitive qui ait d’abord été fous une forme fluide.
Ainfi la matière primitive de l’or n’efl: peut-être autre
chofe qu’une liqueur pefante, qui par fa nature
ou par une forte attraction entre fes parties, acquiert
enfuite une forme folide. Foye^ Or. En conféquence
il ne paroît pas qu’il y ait rien d’abfurde dans l ’idée
d’un être ou matière univerfelle, qui réfout tous les
corps en leur être primitif.
L'alkahejl eft un fujet qui a été traité par une infinité
d’auteurs, tels que Pantaléon, Philalethe, Ta-
chenius, Ludovic, &c. Boerhaave dit qu’on en pourvoit
faire une bibliothèque. Veidenfelt, dans fon traité
defecmis adeptorum, rapporte toutes les opinions
que l’on a eues fur cette matière.
Le termed5alkahejl ne fe trouve dans aucune langue
en particulier : Vanhelmont dit l’avoir premièrement
remarqué dans Paracelfe, comme un terme
qui étoit inconnu avant cet auteur; lequel dans fon
II. livre de viribus membrorum, dit en parlant du foie :
ejl ttiam alkahejl liquor magnam hepatis confervandi &
confortandi, &c. c’eft - à - dire « il y a encore la li-
» queur alkahejl qui efl fort efficace pour conferver
fa le foie, comme aulfi pour guérir l’hydropifie, &
» toutes les autres maladies qui proviennent des vi-
» ces de ce vifeere, &c. ».
C ’eft ce Ample paffage de Paracelfe qui a excité
les Chimiftes à chercher Yalkahefi; car dans tous les
ouvrages de cet auteur, il n’y a qu’un autre endroit
où il en parle, & encore il ne le fait que d’une maniéré
indireûe.
Or comme il lui arrive fouvent de'tranfpofer les
lettres des mots, & de fe fervir d’abréviations, &
d’autres moyens de déguifer fa penfée, comme lorf-
qu’il écrit mutratar pour tartarum , mutrin pour ni-
irum; on croit qvYalkahejl peut bien être ainfi un mot
déguifé : de-là quelques-uns s ’imaginent qu’il eft formé
d'alkali ejl, & par conféquent que c’eft un fel alkali
de tartre volatilifé.Il femble que c’étoit l’opinion
de Glauber, lequel avec un pareil menftrue fit en
effet des chofes étonnantes fur des matières prifes
dans les trois genres des corps ; favoir, animaux,
végétaux & minéraux ; cet alkahejl de Glauber eft
le nitre qu’on a rendu alkali, en le fixant avec le
charbon.
D ’autres prétendent cptalkahejl vient du mot allemand
algucifi, comme qui diroit entièrement fpiri-
tueux ou volatil,• d’autres veulent qu’il foit pris de
falt^tgueifi, c’eft-à-dire efprit de fel ; car le menftrue
univerfel doit être, à ce qu’on prétend, tiré de l’eau \
& Paracelfe lui-même appelle le fe l, le centre de Veau
où les métaux doivent mourir, &c.
En effet, l’efprit de fel étoit le grand menftrue
dont il fe fervoit la plupart du tems. Le commentateur
de Paracelfe, qui a donné une édition latine de
fes oeuvres à Delft, aflùre que Y alkahejl eft le mercure
réduit en efprit. Zwelfer jugeoit que c’étoit un
efprit de vinaigre reCtifié du verd-de-gris ; & Starkey
croyoit l’avoir découvert dans fon favon.
On a employé pour exprimer Yalkahejl quelques
termes fynonymes & plus fignificatifs : Vanhelmont
le pere en parle fous le nom d’ignis aqua , feu eau s
mais il femble qu’en cet endroit il entend la liqueur
circulée de Paracelfe, qu’il nomme feu , à caufe de
la propriété qu’elle a de confumer toutes chofes, &
eau à caufe de fa forme liquide. Le même auteur
appelle 1 alkaheft ignis gelienncz, feu d’enfer, terme
dont fe fert auffi Paracelfe ; il le nomme auffi fum-
muni & felicijjimum omnium falium , << le plus excel-
» lent & le plus heureux de tous les fels, qui ayant
» acquis le plus haut degré de fimplicité, de pureté
» & de fubtilité , joiiit feul de la faculté de n’être
» point altéré ni affoibli par les fujets fur lefquels il
| f l l l & de difloudre les corps.Jes plus intraitables
>» & les plus rebelles, comme les caillous, le verre
» les pierres précieufes, la terre, le foufre les mé-
» taux, &c. St d’en faire un véritable fel de même
» poids cjue le corps diflbus ; & cela avec la même
» facilite que 1 eau chaude fait fondre la neige Ce
» fel, continue Vanhelmont, étantplufieurs fois co-
» hobe avec■. kfalcirculvumde Paracelfe, perd toute
» la fixité, & à la fin devient un eau infipide de mê-
» me poids que le fel d’oii elle a été produite » Van.
helmont déclaré expreffément « que ce menftrue eft
» entièrement une produftion de l’a r t , & non de la
; » nature. Quoique l’art, dit-il, puiffe convertir en
» eau une partie homogène de la terre élémentaire ■
» je me cependant que la nature feule puiffe faire là
» meme chofe ; car aucun agent naturel ne peut chan-
» ger un diement en un autre ». Et il donne cela comme
une raifon pourquoi les élémens demeurent toujours
les mêmes. Une chofe qui peut porter quelque
jour dans cette matière, c’eft d’obferver que Vanhelmont,
ainfi que Paracelfe, regardôitl’eau comme
1 infiniment univerfel de la Chimie & de la Philofo-
phie naturelle ; la terre comme la bafe immuable de
toutes chofes ; le feu comme leur caufe eificiente •
que, félon eux, les vertus féminales ont été placées
dans le meçhamfme de la terre; que l’eau, en diffol-
vant la terre, & fermentant avec elle comme elle
B H moyen du feu, produit chaque chofe ; que.
c elt-la I origine des animaux, des Végétaux & des
minéraux; & que l’homme même fut ainfi créé au
commencement, au récit de Moyfe.
Le caraûere effentiel de l'alkdhcft, comme nous
avons obferve, eft de difloudre & de changer tous
les corps fublunaires, excepté l’eau feule ; ?oici de
quelle maniéré ces changemens arrivent.
Le/Uiet expofé à l’Opération de l'alkakctl eft
réduit en fes trois principes, qui font le fe l, le foufre
& le mercure ; enfuite en fel feulement, qui alors
devient volatil, & à la fin il eft changé entièrement
en eau mfipide. La manière d’appliquer le corps qui
doit être diffous, par exemple, l’o r, le mercure, le
fable, & autres femblables, eft de le toucher une fois
ou deux avec le prétendu alkahejl ; & fi ce menftrue
eft véritable, le corps fera converti en fel d’un poids
égal. r
2.°. Valkahejl ne détruit pas les vertus féminales
des corps qu’il diffout : ainfi en agiflant fur l’o r , il
le réduit en fel d’or ; il réduit l’antimoine en fel d’antimoine
; le fafran en fel de fafran, &c. fels qui ont les
mêmes vertus féminales & les mêmes propriétés que
le concret d’où ils font formés.
Par vertus féminales , Vanhelmont entend les vertus
qui dépendent de la ftruûure ou méchanifme d’un
corps, & qui le conftituent ce qu’il eft par le moyen
de Yalkalejl. On pourroit facilement avoir un or potable
a&uel & véritable , puifque Yalkahejl change
tout le corps de l’or en un fel qui conferve les vertus
féminales de ce m étal, & qui eft en même tems fo-
luble dans l’eau.
3°. Tout ce que diffout Yalkahejl peut être volatilifé
par un feu de fable ; & fi après l’avoir volatilifé on
diftille Yalkahejl, le corps qui refte eft une eau pure
& infipide , de même poids que le corps primitif,
mais privée de fes vertus féminales. Par exemple ,
fi l’on diffout de l’or par Yalkahejl, le métal devient
d’abord un fel qui eft l’or potable : mais lorfqu’en
donnant plus de . feu on diftille le menftrue , û ne
refte qu’une pure eau élémentaire ; d’où il paroît que
l’eau fimple eft le dernier produit ou effet de Yalkahejl.
■ 4°. Valkahejl n’éprouve aucun changement ni diminution
de force endiffolvant les corps fur lefquels
il agit ; c’eft pourquoi il ne fouffre aucune réa&ion
de leur part, étant le feul menftrue inaltérable dans
la nature.
5°. Il eft incapable de mélange ; c’ eft pourquoi il
èft exemt de fermentation & de putréfaction ; en effet
il fort auffi pur du corps qu’il a diffous, que lorf-
qu’il y a été appliqué, & ne Iaiffe aucune impureté.
On peut dire que Yalkahejl eft un être de raifon,
c’eft-à-dire un être imaginaire ,fi on lui attribue toutes
les propriétés dont nous venons de parler d’après
les Alchimifté.s.
[ On ne doit pas dire que l’alkahejl eft les alkalis vo-
latilifés ou digérés dans les huiles ; puifque Vanhelmont
lui-même dit, que fi on ne peut pas atteindre
à la préparation de Yalkahejl ; il faut volatilifer les
alkalis, afin que par leur moyen on puifl'e faire les
diffolutions. (M)
A LK A L I, f. m. ( Chimie.) fignifie en général tout
fel dont les effets font différens & contraires à ceux
des acides. Il ne faut pas pour cela dire quedès alkalis
font d’une nature différente & oppofée à celle des
acides, puifqu’il eft de l’effence faline des alkalis de
contenir de l’àcide. Vrye{ Acide.
Alkali eft un mot arabe : les Arabes nomment kali
une plante que les François connoiffent fous le nom
de fonde ; on tire de la leffive des cendres de cette
plante , un fel qui fermente avec les acides , êc les
emouffe ; & parce que ce fel eft celui de cette efpece
qui eft le plus connu, on a donné le nom d'alkali à
tous les fels qui fermentent avec les acides , & leur
font perdre leur acidité.
Les propriétés de ces corps, par lefquelles on les
confidere comme alkalis , ne font que des rapports
de ces corps, comparés avec d’autres qui font acides
pour eux ; c’eft pourquoi il y a des matières qui font
alkalines pour quelques corps , & qui fe trouvent
acides pour d’autres.
Les alkalis font ou fluides, comme eft la liqueur
de nitre fixé ; ou folides, comme la foude.
Les alkalis, tant les fluides que les folides, font
ou fixes , comme font le fel alkali de tartre, & la liqueur
alkaline de tartre , qu’on nomme vulgairement
huile de tartre par défaillance j ou les alkalis font
volatils, comme font le fel & l’efprit de corne de
cerf. ' :
On peut diftinguer les alkalis fixes des alkalis volatils
, en ce que les fixes font prendre au fublimé
corrofif diffous dans de l’eau, ou à la diffolution de
mercure faite par l’efprit de nitre, une couleur rouge
orangée ; au lieu que les alkalis volatils donnent à
ces diffolutions une couleur blanche laiteufe.
Pour favoir dans l’inftant fi une matière eft alkaline
, on Féprouve avec une teinture violette : par
exemple , en les mêlant avec du firop de violette ,
diffous dans l’eau , les alkalis, tant les fixes que les
yolatils, verdiffent ces teintures violettes ; au lieu
que les acides les rougiffent,
Tome /,
Les alkalis ont la propriété de fe fondre aifément
au feu ; & plus un alkali eft pur, plus aifément il s’y
fond ; au contraire lorfqu’il contient de la terre, ou
quelqu’autre matière, il n’eft pas facile à fondre.
Les alkalis s’humeftent auffi fort aifément à l’air ;
ils s’imbibent de fon humidité lorfqu’ils ne font pas
exactement renfermés.
Ces trois genres de corps donnent des alkalis : le
genre des animaux fournit beaucoup à?alkalis volatils
, & prefque point de fixes ; le genre des végétaux
donne plus d’alkalis fixes que de volatils ; il y
a beaucoup dû alkalis fixes du genre minéral, & presque
point de volatils ; & même il n’y a pas long-
tems qu’on fait qu’on peut tirer des alkalis volatils
urineux du genre minéral. Voye{ les Mémoires de l'A cadémie
Royale des Scienc. de Vannée Analyfe
des eaux minérales de Plombières, par M. Maloiiin.
Il y a un alkali fixe naturel qui eft du genre minéral
, tel qu’eft le natrum ; cet alkali naturel eft peu
connu, & plus commun qu’on ne le croit ; c’eft pourquoi
on en trouve dans prefque toutes les eaux minérales
, parce qu’elles l’ont emporté des terres qu’elles
ont traverses : c’eft pourquoi auffi on trouve
dans la plupart de ces eaux du fel de Glauber dont
la bafe eft un alkali de la nature du natrum. Enfin
cet alkali naturel eft la bafe du fel le plus commun
par fes ufages & par la quantité qu’on en trouve ,
favoir le fel gemme & le fel marin.
Quoiqu’on n’admette point communément d?alcali
naturel dans le genre des végétaux, on conçoit
cependant qu’il n’eft pas impoffible qu’ils en ayent
tiré de la terre dont elles fe nourriffent ; il eft vrai
que la plus grande partie de cet alkali naturel change,
de nature dans la plupart des plantes.
Il y a encore moins dû alkali naturel dans les animaux,
que dans les végétaux : cependant on en tire
plus d?alkali, que des végétaux , parce que le feu
peut alkalifer plus aifément les principes des animaux.
Les fels fixes des plantes fontdes fels alkalis, qu’on
en tire après les avoir brûlées & avoir leffivé leurs
cendres : c’eft pourquoi on appelle ces fels, fels lixi-
viels. On n’entend communément fous le nom de fels
alkalis fixes, que les fels lixiviels des plantes.
Les fels naturels ou effentiels des plantes font le
plus fouvent ou de la nature du nitre , ou de la nature
du tartre, ou de la nature du fel commun ; de-
forte qu’en brûlant ces plantes , on fixe leurs fels
par leur charbon, & ces fels font aluns, ou de la
nature de nitre fixe , ou de la nature de Yalkali du
tartre, ou de la nature de Y alkali du fel commun,
qui eft une efpece .de foude , favoir le fel alkali
proprement dit. Quelques plantes ont de tous ces
fels enfemble.
La méthode de Tachtnius , pour faire les fels alkalis
fixes, eft de brûleries plantes en charbon avant
que de les convertir tout-.à-fait en cendres ; au lieu
qu’en les brûlant à feu ouvert , par la façon ordinaire
, elles tombent en cendres tout de fuite. Les fels
fixes , faits à la maniéré de Tachenius, font moins alkalis
& plus huileux que les fels faits à l’ordinaire.
Ce qui refte dans la cornue après la diftillation
des plantes , diminue environ des deux tiers, lorf-*
qu’on le calcine à feu ouvert. Cette partie qui s’évapore
eft une portion d’huile de la plante , qui
ayant été faifie par la chaleur & combinée avec la
partie terreufe & faline fixe de la plante , n’a pûen
être féparée, par le feu clos & plus foible, dans la
cornue.
Il entre dans la compofition des fels alkalis fixes
des plantes, une partie de leur huile, qui fait que
ces fels ont quelque chofe de doux au toucher. Le
nitre fixe contient un peu de la partie graffe de la
matière inflammable avec laquelle on 1 a fixé ; 6c
Mm