dans fon propre fonds. Perfonne ne s’efl avancé fur le terrein d’autrui, & ne s’eft mêlé de ce
qu’il n’a peut-être jamais appris ; & nous avons eu plus de méthode, de certitude, d’étendue
, & de détails qu’il ne peut y en avoir dans la plûpart des Lexicographes. Il eft vrai que
ce plan a réduit le mérite d’Editeur à peu de chofe ; mais il a beaucoup ajouté à la perfection
de l’Ouvrage ; & nous penferons toujours nous être acquis affez de gloire, fi le Public
eft fatisfait. En un m o t , chacun de nos Collègues a fait un DiéHonnaire de la Partie dont
il s’eft chargé, & nous avons réuni ipus ces Diftionnaires enfemble.
Nous croyons avoir eu de bonnes raifons pour fuivre dans cet Ouvrage l’ordre alphabétique.
Il nous a paru plus commode & plus facile pour nos leâleurs, qui defirant de s’inftruire
fur la lignification d’un mot, le trouveront plus aifément dans un Dictionnaire alphabétique
que dans tout autre. Si nous euffions traité foutes les Sciences féparément, en faifant de chacune
un Diftionnaire particulier, non-feulement le prétendu defordre de la fucceffion alphabétique
auroiteu lieu dans ce nouvel arrangement, mais une telle méthode auroit été fujette à
des inconvéniens confidérables par le grand nombre de mots communs à différentes Sciences,
& qu’il auroit fallu répéter plufieurs fois ou placer au hafard. D ’un autre c ô té , fi nous euffions
traité de chaque Science féparément & dans un difcours fuivi, conforme à l’ordre des idées ,
& non à celui des mots, la forme de cet Ouvrage eût été encore moins commode pour le
plus grand nombre de nos lecteurs qui n’y auroient rien trouvé qu’avec peine ; l’ordre encyclopédique
des Sciences & des Arts y eût peu gagné, & l’ordre encyclopédique des mots ,
ou plutôt des objets parlefquels les Sciences fe communiquent & fe touchent, y auroit infiniment
perdu. Au contraire , rien de plus facile dans le plan que nous avons fuivi que de
fatisfaire à l’un & à l’autre : c’eft ce que nous avons détaillé ci-deffus. D ’ailleurs , s’il eût été
queftion de faire de chaque Science & de chaque Art un traité particulier dans la forme ordinaire,
& de réunir feulement ces différens traités fous le titre d’Encyclopédie, il eût été
bien plus difficile de raffembler pour cet Ouvrage un fi grand nombre de perfonnes, &
la plupart de nos Collègues auroient fans doute mieux aimé donner féparément leur O uvrage
, que de le voir confondu avec un grand nombre d’autres. D e plus, en fuivant ce dernier
plan, nous euffions été forcés, de renoncer prefque entièrement à l’ufage que nous voulions
faire de l’Encyclopédie Angloife, entraînes tant par la réputation de cet O uv rage, que
par l’ancien Profpeclus, approuvé du Public , & auquel nous délirions de nous conformer.
La Traduftion entière de cette Encyclopédie nous a été remife entre les mains par les L ibraires
' qui avoient entrepris de la publier ; nous l’avons diftribuée à nos Collègues, qui ont
mieux aimé fe charger de la revoir, de la corriger , dé l’augmenter, que de s’engager fans
a v o ir , pour ainfi dire , aucuns matériaux préparatoires. Il eft vrai qu’une grande partie de
ces matériaux leur a été inutile, mais du moins elle a fervi à leur faire entreprendre plus
volontiers le travail qu’on efpéroit d’eux ; travail auquel plufieurs fe feroient peut - être re-
fufé , s’ils avoient prévû ce qu’il devoit leur coûter de foins. D ’un autre côté , quelques-uns
de ces Savans, en poffeffion de leur Partie long-tems avant que nous fuffions Editeurs l’a-
voient déjà fort avancée en fuivant l’ancien projet de l’ordre alphabétique -, il nous eût par
conséquent été impoffible de changer ce projet, quand même nous aurions été moins dif-
pofés à l’approuver. Nous favions enfin, ou du moins nous avions lieu de croire qu’on n’a-
voit fait à l’Auteur Anglois, notre modèle, aucunes difficultés fur l’ordre alphabétique auquel
il s’etoit affujetti. 1 out fe reuniffoit donc pour nous obliger de rendre cet Ouvrage conforme
à un plan que nous aurions fuivi par choix, fi nous en euffions été les maîtres.
La feule opération dans notre travail qui fuppofe quelque intelligence, confifte à remplir
les vuides qui féparent deux Sciences ou deux A r ts , & à renouer la chaîne dans les
occafions où nos Collègues fe font repofés les uns fur les autres de certains articles , qui
paroiffant appartenir également à plufieurs d’entre eux , n’ont été faits par aucun. Mais afin
que la perfonne chargée d’une Partie ne foit point comptable des fautes qui pourraient fe
gliffer dans des morceaux furajoûtés , nous aurons l ’attention de diftinguer ces morceaux
par une étoile. Nous tiendrons exactement la parole que nous avons donnée? le travail d’autrui
fera facré pour nous, & nous ne manquerons pas de confulter l’Auteur , s’il arrive dans
le cours dé l’Edition que fon ouvrage nous paroiffe demander quelque changement confi-
dérable.
Les differentes mains que nous avons employées ont appofé à chaque article comme le
fceau de leur ftyle particulier , ainfi que celui du ftyle propre à la matière & à l’objet d’une
Partie. Un procédé de Chimie ne fera point du même ton que la delcription des bains &
des théâtres anciens ; ni la manoeuvre d’un Serrurier expofée comme les recherches d’un
Théologien fur un point de dogme ou de difcipline. Chaque chofe a fon coloris , & ce
feroit confondre les genres que de les réduire à une certaine uniformité. La pureté du ftyle ,
la clarté, & la precinon ,^font les feules qualités qui puiffent être communes à tous les articles
, & nous efpérons qu’on les y remarquera, S’en permettre davantage, ce feroit s’expofer
à la monotonie & au dégoût qui font prefque inféparables des Ouvrages étendus, & que
l’extrême variété des matières doit écarter de celui-ci.
Nous en avons dit affez pour inftruire le Public de la nature d’une entreprile à laquelle
il a paru s’intéreffer$ des avantages généraux qui en réfulteront fi elle eft bien exécutée $
du bon ou du mauvais fuccès de ceux qui l’ont tentée avant nous ; de l ’étendue de fon objet
i de l’ordre auquel nous nous fommes affujettis j de la diftribution qu’on a faite de chaque
Partie , & de nos fon&ions d’Editeurs. Nous allons maintenant paffer aux principaux détails
de l’exécution.
Toute la matière de l’EncycIodédie peut le réduire à trois chefs, les Sciences, les Arts
libéraux , & les Arts méchaniques. Nous commencerons par ce qui concerne les Sciences
& les Arts libéraux, & nous finirons par les Arts méchaniques.
On a beaucoup écrit fur les Sciences. Les traités fur les Arts libéraux fe font multipliés
fans nombre j la république des Lettres en eft inondée. Mais combien peu donnent les vrais
principes ? combien d’autres les noyent dans une affluence de paroles, ou les perdent dans
des ténèbres affeélées ? Combien dont l’autorité en impofe, & chez qui une erreur placée
à côté d’une vérité, ou décrédite celle-ci, ou s’accrédite elle-même à la faveur de ce voifi*
nage ? On eût mieux fait fans doute d’écrire moins & d’écrire mieux.
Entre tqus les Ecrivains, on a donné la préférence à ceux qui font généralement reconnus
pour les meilleurs. C ’eft de-là que les principes ont été tirés. A leur expofition claire &
précife , on a joint des exemples ou des autorités conftamment reçûes. La coûtume vulgaire
eft de renvoyer aux fources, ou de citer d’une maniéré vague, fouvent infidelle, &
prefque toûjours confufe ; enforte que dans les différentes Parties dont un article eft com-
p o fé , on ne fait exa&ement quel Auteur on doit confulter fur tel pu tel point, ou s’il faut
les confulter tous, ce qui rend la vérification longue & pénible. On s’eft attaché , autant
qu’il a été poflible, à éviter cet inconvénient, en citant dans le corps même des articles les
Auteurs fur le témoignage defquels on s’eft appuyé } rapportant leur propre texte quand il
eft néceffaire $ comparant par-tout les opinions ; balançant les raifons * propofant des moyens
de douter ou de fortir de doute ; décidant même quelquefois j détruifànt autant qu’il eft en
nous les erreurs & les préjugés ; & tâchant fur-tout de ne les pas multipliër, & de ne les
point perpétuer, en protégeant fans examen des fentimens rejettés, ou en profcrivant fans
raifon des opinions reçûes. Nous n’avons pas craint de nous étendre quand l’intérêt de la
vérité & l’importance de la matière le demandoient , facrifiant l’agrément toutes les fois
qu’il n’a pû s’accorder avec l’inftruéfion.
Nous ferons ici fur les définitions une remarque importante. Nous nous fommes conformés
dans les articles généraux des Sciences à i’ufage conftamment reçû dans les Diêfion-
naires & dans les autres Ouvrages, qui veut qu’on commence en traitant d’une Science , par
en donner la définition. Nous l’avons donnée auffi, la plus fimple même & la plus courte
qu’il nous a été poffible. Mais il ne faut pas croire que la définition d’une Science, fur - tout
d’une Science abftraite, en puiffe donner l’idée à ceux qui n’y font pas du moins initiés. En
• effet, qu’eft-ce qu’une Science, finon un lyftème de réglés ou de faits relatifs à un certain
objet j & comment peut-on donner l’idée de ce lyftème à quelqu’un qui feroit abfolument
ignorant de ce que le fyftème renferme ? Quand on dit de l'Arithmétique , que c’eft la
Science des propriétés des nombres, la fait-on mieux connoître à celui qui ne la fait pas ,
qu’on ne feroit connoître la pierre philofophale, en difant que c’eft le fecret de faire de
l’or ? La définition d’une Science ne confifte proprement que dans l’expofition détaillée des
chofes dont cette Science s’occupe , comme la définition d’un corps eft la defcription détaillée
de ce corps même; & il nous femble d’après ce principe, que ce qu’on appelle définition
de chaque Science feroit mieux placé à la fin qu’au commencement du livre qui en
traite : ce feroit alors le réfultat extrêmement réduit de toutes les notions qu’on auroit ac-
quifes. D ’ailleurs, que contiennent ces définitions pour la plûpart, finon des expreflions vagues
& abftraites, dont la notion eft fouvent plus difficile à fixer que celles de la Science
même ? Tels font les mots ,fcience9 nombre, & propriété, dans la définition déjà citée de l’A rithmétique.
Les termes généraux fans doute font néceffaires, & nous avons vû dans ce Difcours
quelle en eft l’utilité ; mais on pourroit les définir, un abus forcé des lignes , & la
plûpart des définitions, un abus tantôt volontaire , tantôt forcé des termes généraux. Au
refte, nous le répétons, nous nous fommes conformés fur ce point à l’ufage, parce que ce
n’eft pas à nous à le changer, & que la forme même de ce Diéfionnaire nous en empêchoit.
Mais en ménageant les préjugés, nous n’avons point dû appréhender d’expoferici des idées
que nous croyons faines. Continuons à rendre compte de notre Ouvrage.
L ’empire des Sciences & des Arts eft un monde éloigné du vulgaire, où l’on fait tous les jours
des découvertes, mais dont on a bien des relations fabuleufes. 11 étoit important d’affûrer les
vraies, de prévenir fur les fauffes, de fixer des points d’où l’on partît, & de faciliter ainfi la