mais ensuite il faut énoncer l’objet qui eft le terme de
ce motif, & c’eft ce qu’on appelle le complément de .
U prépofition. Par exemple, il travaillepour la patrie, ;
la patrie eft le complément de pour, c ’eft le mot qui
détermine pour; ces deux mots pour la patrie font un
fens particulier qui a rapport à travaille , oc ce dernier
au fujet de la prépofition, le roi travaille pour
la patrie. Il en eft de même des p rép o f it io n s -OC
à . Leiivre.de Pierre e ft beau; Pierre eft le complément
de de & ces deux mots de Pierre fe rapportent à i-
vre qu’ils déterminent, c’eft-à -d ire , quus donnent
à ce mot le fens particulier qu’il a dans 1 el-
* prit & qui dans rénonciation le rend fujet de^l attribut
qui le fuit : c’eft de ce livre que je dis qu il eft
beau. , . r A eft auffi une prépofition qui, entre autres mages
, marque un rapport d’ attribution : donner Jon
coeur à Dieu, parler a quelqu'un, dmfapcnfce ajon
ami. . .
Cependant communément nos Grammairiens ne
regardent ces deux mots que comme des particules
qui fervent, difent - ils , à décliner nos noms ; 1 une
e ft, dit-on, la marque du génitif; & i’auîrc, celle
du datif. Mais n’eft-il pas plus fimple & plus analogue
au procédé des langues , dont les noms ne changent
point leur dernière fyllabe, de n'y admettre ni
casnidédinaifon, & d ’obferverfeulement comment
ees langues énoncent les mêmes vfies de l’efpnt, que
les Latins font connoître par la différence des termi-
naifonsî tout cela fe fait; ou par la place du mot, ou
par le fecours des prépofitfons;
Les Latins n’ont que fix cas, cependant il y a bien
plus de rapports à manquer; ce plus ; ils l’enoncent
par le fecours de leurs prépofitions, He bien, quand
la place du mot ne-peuf,pâS novÈtfervir à faire con-
noitre le rapport que nous avons a marquer, nous
feifons àlofs ce que les Latins faîfoièrit au defaut
d’une définence ou terminaifon particulière : comme
nous n’avons point de terminaifon deftinee à marquer
le génitif, nous avons recours à une prepofi-
tron; il- en eft de même du rapport d’attribution;
nous le marquons par la prépofition à , oupar la pre-
pofition.ponr, & même par quelques autres? & les
Latins marquoient ce rapport par une^ terminauon
particulière qui faifbit dire que le mot etoit alors au
datif. , -
Nos Grammairiens ne nous donnent que lix cas,
fans doute parce que les Latins n’en ont que fix,Notre
accufatif, dit-on, eft tofijours femblablçnu nominatif:
h é , y a-t-il autre chofe qui tes diftingue,
finoii la place i L’un fe met devant, & l’autre après
le verbe ; dans l’une & dans l’autre occafion le nom
n’éft qu’une fimple dénomination. Le génitif , félon
nos Grammaires, eft aufli toûjoiif Stemblable à l’ablatif
; le datif a le privilège d’être feul avec le prétendu
article <h mais de & à ont toujours un complément
comme les autres prépofitions, & ont egalement
des rapports particuliers à marquer ; par confisquent
fi de & à font des cas ,fur, par, pour, fous,
dans, avec, & les autres prépofitions, devraient en
faire aufli ; il n’y a que le nombre déterminé des fix
cas latins qui s’y oppofe : ce que je veux dire eft encore
plus fenfible en italien.
Les Grammaires italiennes ne comptent que fix
voit aîfément, &. les Grammairiens en conviennent^
que del, dello & dalla, font compofés de Y article, &
c e d i , qui en compofition fe change en de ; que al,
allô & alla, font aufli compofés de Y article &C de a ,
& qu’enfin dal, dallo & dalla, font formés de Yarti-
de & ded a, qui fignifie par, che, de.
cas. auffi, par la feule raifon que les Latins n’en ont
que fix. Il ne fera pas inutile de décliner ici au moins
le fingulier de nos Italiens , tels qu’ils font déclinés
dans la grammaire de Buommatei, celle qui avec
raifon a le plus de réputation.
i. l ir e , c’eft-à-dire le roi ; 2. del re, 3. aire, 4. il
re, j .o r e , 6.dalre. 1.L0abbate, l’abbé ; 2. delloab-
bâte y 3. allô abbate , 4. lo abbate , 5 .0 abbate, 6. dallo
abbate. 1. La donna, la dame; 2. délia donna, 3. alla
donna, 4. la donna,5 .0 donna , 6, dalla donna, On
Buommatei appelle ces trois mots d i, a , da, des
fegnaccaft, c’eft-à-dire des figues des cas. Mais ce ne
font pas ces feules prépofitions qui s unifient avec
Y article; en voici encore d’autres qui ont le même
privilège.
Con, co, avec ; col tempo , avec le tems ; colla h-,
berta, avec la liberté.
In , en , dans, qui en compofition fe change en
ne, ntllo fpecchio, dans le miroir ; nelgiardino, dans
le jardin; nelleftrade, dans les rues. ^
Per, pour, par rapport à , perd Yr;pyel giardino,
pour le jardin. ,
Sopra, fur, fe change en fu ,fiilprato, fur le pre ,
■ fulla tavola, fur la table. Infra ou intra fe change en
tra: on dit trcPl pour tra , il entre là.
La conjonction & s’unit aufli avec 1 article, la terra
e l cielo, la terre & le ciel. Faut-il pour cela l’ôter du
nombre des conjonctions ? Puifqu’on ne dit pas que
toutes ces prépofitions qui entrent en compofition
avec Y article, forment autant de nouveaux cas qu’elles
marquent de rapports différens ^pourquoi dit-on
que d i, a , da, ont ce privilège ? C ’eft qu’il juffifoit
d’égaler dans la langue vulgaire le nombre des fix
^ cas de la Grammaire latine, à quoi on étoit accoû-
tumé dès l’enfance. Cette correspondance étant une
fois trouvée, le furabondant n a pas mérité d attention
particulière’. , , / • « _ r ,
Buommatei a fenti cette difficulté ; fa bonne toi
eft remarquable ; je ne faurois condamner, dit-il,
ceux qui veulent que in , per, con, foient auffi bien
fignes de cas, que le font d i, a , da : mais il ne me
plaît pas à-préfent de les mettre au nombre des fignes
de cas ; il me pàroît plus utile de les laitier au
traité des prépofitions : io non danno in loro ragioni9
cke certo non f i pofton dannare ; ma non mi piace pér ora
mettere gli ultimi ntl numéro de fegnaccaft ;parendo'à me
piu utile lafciar gli al trattato dellepropojitioni. Buommatei,
délia ling. Tofcana. Del Segn. c. tr. 42. Cependant
une raifon égale doit faire tirer une confé-,
quence pareille;perratio, panajuradefiderat: co, ne,
pe, & c . n’en font pas moins prépofitions, quoiqu’elles
entrent en compofition avec Y article, ainfi d i, a ,
d a , n’en doivent pas moins être prépofitions pour être
unies à Y article. Les unes & les autres de ces prépofitions
n’entrent dans le difcours que pour marquer le
rapport particulier qu’elles doivent indiquer chacune
lelon la deftination que l’ufage leur a donnée, fauf
aux Latins à marquer un certain nombre de ces rapports
par des terminaifons particulières.
Encore un mot, pour faire voir que notre de Sc notre
a ne font que des prépofitions , c’eft qu’ elles viennent,
l’une de la prépofition latine de, &c l’autre de
. ad ou de a. A
Les Latins ont fait de leurpropofition de le meme
ufage que nous faifons de notre de ; or fi eni latin de
eft toujours prépofition, le de françois doit 1 être auffi
toujours. , . „ ,
i°. Le premier ufage de cette prépofition elt de
marquer l’extrattion, c’eft-à-dire d’oii une chofe eft
tirée, d’oîi elle vient, d’oît elle a pris fon nom ; ainfi
nous difons un temple de marbre, un pont de pierre , un
homme du peuple, les femmes de notre jiecle.
20. Et par extenfion cette prépofition fert à iuat*
quer la propriété : le livre de Pierre, c’eft-à-dire le livre
tiré d’entre les chofes qui appartiennent à Pierre.
C ’eft ifelon ces acceptions que les Latins ont d it,
templum de marmore ponam, Virg. Georg. liv. I II. vers
13. je ferai bâjir un temple de marbre : fuit in techs
de marmore templum , Virg. Æn. I V , v. 467. Il y avoit
dans fon palais un temple de marbre, tota de marmo-
re, Virg. Ecl. VII. v. 31. toute de marbre :
# folido de marmore templa
Inftituam ,feftofque die s de no mine Phoebi.
Virg. Æn. VI. v. 70. Je ferai bâtir des temples de
marbre, & j’établirai des fêtes du nom de Phxbus ,
en l’honneur de Phoebus.
Les Latins, au lieu de l’adjeétif, fe font fouvent
fervis de la prépofition de fuivie du nom, ainfi demàr-
more eft équivalent à marmoreum. C ’eft ainfi qu’O vi-
de I. met. v. 127. au lieu de dire cetas ferrea, a dit :
de duro eft ultima ferro, le dernier âge eft l’âge de fer.
Remarquez qu’il venoit de dire, aurea prima f ata eft
cetas; enfuite fubiit argentea proies.
Tertia poft illas fuccejjit Ahoenea proies :
& enfin il dit dans le même fens , de duro eft ultima
ferro.
Il eft évident que dans la phrafe d’O v id e , cetas de
ferro, de ferro n’eft point au génitif ; pourquoi donc
dans la phrafe françoife, Page de fe r, de fer feroit-il
au génitif? Dans cet exemple la prépofition de n’étant
point accompagnée de Y article , ne fert avec fer,
qu’à donner à âge une qualification adjeétive :
Ne partis expers effet de noftris bonis ,
Ter. Heaut. IV . /., 3$. afin qu’il ne fût pas privé
d’une partie de nos biens : non hoc de nihilo eft, Ter.
Mec. V. 1. 1. ce n’eft pas là une affaire de lien.
Reliquum de ratiuncula , Ter. Pkorm. I. 1. 2. un
refte de compte.
P orienta de genere hoc. Lucret. liv. V. v. 38. les
monftres de cette efpece.
Ccetera de genere hoc adfingere, imaginer des phantô-
mes de cette forte, id. ibid. v. iGS. & Horace, I. fat.
1. v. 13 . s’eft exprimé de la même maniéré, ccetera de
genere hoc adeo funt multa.
Deplebe Deo, Ovid. un dieu du commun.
Nec de plebedeo ,fedqui vaga fulmina mitto. Ovid.
Met. I. v. 6^5 . Je ne fuis pas un dieu du commun,
dit Jupiter à I o , je fuis le dieu puiffant qui lance la
foudre. Homo de fchola, Cic. de orat. ij. 7 . un homme
de l’école. Declamator de ludo, Cic. orat. c. xv.
déclamateur du lieu d’exercice. Rabula de forç , un
Triailleur, un braillard du Palais, Cic. ibid. Primus de
plebe , Tit. L iv. Hb. V II. c. xvij. le premier du peuple
Nous avons des élégies d’Ovide, qui font intitulées
de Ponto, c’eft-à-dire envoyées du Pont. Mulieres de
noftro feculo quafpont'epeccant, les femmes de notre
fiecle. Aufon , dans l'épitre qui eft à la tète de l'ydille
VII.
Cette couronne, que les foldats de Pilate mirent
fur la tête de Jefus-Chrift, S. Marc ( câ. xv. v. 17. )
l’appelle fpineam coronam, & S. Matth, ( ch. xv. v.
25).) auffi bien que S. Jean (cA. x jx . v. 2 .) la nomment
coronam de fpinis, une couronne d’épines.
Unusdecircumftantibus , Marc, ch. xjv. verf. 47.
un de ceux qui étoient là , l’un des affiftans. Nous difons
que les Romains ont été ainfi appelles de Romulus ;
& n’eft-ce pas dans le même lèns que Virgile a dit :
Romulus excipiet gentem , Romanofque fuo de nomine
dicet. I. Æneid. v. 281. & au vers 471. du même livre
, il dit que Didon acheta un terrein qui fut ap-
pellé byrfa , du nom d’un certain fait \facli de nomine
byrfam; & encore au vers 18. du III. liv. Enée
dit : Æneadafque meo nomen de nomine fingo. Ducis de
nomine , ibid. verf. 166. &c. de nihilo irafei; Plant. 1
fe fâcher d’une bagatelle, de rien, pour rien ; quer-
cus de calo taclas, Virg. des chênes frappés de la fou- 1
dre ; de more, Virg. félon l’ufage ; de mediopotare die, j
Horace , dès midi ; de tenero'ungui, Horace , dès
l’enfance ; de indufiriâ, Teren. de deffein prémédité ;
filins de fummo loco , Plaute , un enfant de bonne.
maifoii ; de meo , de tuo, Plaute, de mott bien, à mes.
dépens ; j’ai acheté une maîfon de Craffus , domurn
emi de Crafto ; Çic/fam. liv. V. Ep. vj. & pro. Flac-
co , c. xx. fundum mercatus &. de pupillo; il eft de la
troupe, de grege illo eft ; Ter, Adelp. III. iij. 3 8. je le
tiens de lui, de Davo audiyi; diminuer de l’amitié,
aliquidde nofiraconjunclione imminutum ; Cic. V. fiv.
epift. v.
3. De fe prend aufli en latin & en françois pour
pendant; de die , de nocte ; de jour , de nuit.
4. De pour touchant, au regard de; f i res de amon
: meo fecundæ efient ; fi les affaires de mon amour al-;
loient bien, Ter.
Legati de pace , Cé far, de Bello G ail, 2 .3 . des envoyés
touchant la paix , pour parler de paix ; de ar-
gento fomnium, Ter. Adelp. IL. j. 50. à l’égard de l’argent,
néant ; de captivis commutandis, pour l’échange
des prifonniers.
5. D e , à caufe de, pour, nos amas de fidicina ififiac ,
Ter. Eun. III. iij. 4. vous m’aimez à caufe de cette
muficienne ; latus eft de arnica, i l eft gai à caufe de,
fa maîtreffe ; rapto de fratre dolentis , Horace, I. ep.
xjv. 7. inconfolable de la mort de fon frere ; accu-
fare, arguere de ; accufer, reprendre de.
6. Enfin cette prépofition fert à former des façons
de parler adverbiales ; de integro, de nouveau. Cic.
Virg. de induftria , Teren. de propos délibéré, à deffein.
Si nous pallions aux auteurs de la baffe latinité ,
nous trouverions encore un plus grand nombre d’exemples
: de coelis Deus, Dieu des cieux ; pannus de
lanâ, un drap, une étoffe de laine.
Ainfi l’ufage que les Latins ont fait de cette prépofition
a donné lieu à celui que nous en faifons.
Les autorités que je viens de rapporter doivent fuf-
fire, cerne femble, pour détruire le préjugé répandu
dans toutes nos grammaires, que notre de eft la
marque du génitif : mais encore un coup, puifqu’eix
latin templum de marmore , pannus de lana, de n’eft
qu’une prépofition avec fon complément à l’ablatif,
pourquoi ce même de paffant dans la langue françoife
avec un pareil complément, fe trouverait-il
transformé en particule , & pourquoi ce complément
, qui eft à l’ablatif en latin, fe trouveroit-il au
génitif en françois.
Il n’y eft ni au génitif ni à l’ablatif ; nous n’avons
point de cas proprement dit en françois ; nous na
faifons que nommer : & à l’égard des rapports ou
vues différentes fous lefquels nous confidérons les
mots , nous marquons ces vûes , ou par la place du
mot, ou par le fecours de quelque prépofition.
• La prépofition de eft employée le plus fouvent à
la qualification & à la détermination ; c’eft - à - dire
qu’elle fert à mettre en rapport le motsqui qualifie ,
avec celui qui eft qualifié : un palais de roi, un courage
de héros.
. Lorfqu’il n’v a que la fimple prépofition de, fans
Y article, la prépofition 6c fon complément font pris
adjectivement ; un palais de roi , eu équivalent à un
palais royal ; une valeur de héros, équivaut à une valeur
héroïque ; c’ eft un fens fpécifique , pu de forte :
mais quand il y a un fens individuel ou perionnel,
foit univerfel, foit fingulier, c’eft-à-dire quand on
veut parler de tous les rois perfonnellement, comme
fi l’on difoit Y intérêt des rois , ou de quelque roi
particulier , la gloire du roi , la valeur du héros que
j'aime , alors on ajoute Y article à la prépofition ; car
d)is rois , c’eft de les rois ; & du héros , c’eft de le héros
.A
l’égard de notre à , il vient le plus fouvent dp
la prépofition latine ad , dont les Italiens fe fervent
encore aujourd’hui devant une voyelle : aduomo cPin-
télleclo, à un homme d’efprit ; ad uno ad uno, un à
un ; (S , Lu c, ch. j x % v, 13. ) pour dire que Jefus^ - .