
du mot, c’eft ce qu’ils appellent nominis pôfi'tio : en-
fuite ils ont fait des oblèrvations particulières fur
cette pofition ou fubftance métaphyfique, & ce font
ces obfervations qui ont donné lieu a ce qu’ils ont
appelle accident des dirions, dictionum accidentia.
Ainfi par accident les Grammairiens entendent une
propriété, q u i, à la vérité, eft attachée au mot,
mais qui n’entre point dans la définition effentielle
du mot ; car de ce qu’un mot fera primitif, ou qu’il
fera dérivé, fimple ou compofé , il n’en fera pas
moins un terme ayant une lignification. Voici quels
font ces accidens.
1. Toute diction ou mot peut avoir un fens propre
ou un fens figuré. Un mot eft au propre, quand
il fignifie ce pourquoi il a été premièrement établi :
le mot lion a été d’abord deftiné à lignifier cet animal
qu’on appelle lion : je viens de la foire , j ’y ai
vû . un beau lion ; lion eft pris là dans le fens propre
: mais fi en parlant d’un homme emporté, je dis
que c’eft un lion , lion eft alors dans un fens figuré.
Quand par comparaifon ou analogie un mot fe prend
en quelque fens autre que celui de fa première defti-
nation, cet accident peut être appelle Y acception du
mot.
2. En fécond lieu , on peut obferver li un mot eft
primitif, ou s’il eft dérivé.
Un mot eft primitif , lorfqu’il n’eft tiré d’aucun
autre mot de la langue dans laquelle il eft en ufage.
Ainfi en François, ciel, roi > bon, font des mots primitifs.
Un mot eft dérivé lorfqu’il eft tiré de quelqu’autre
mot comme de fa fource : ainfi célefie, royal, royaume
, royauté, royalement, bonté , bonnement, font autant
de dérivés. Cet accident eft appellé par les Grammairiens
Yejpece du mot ; ils difent qu’un mot eft de
l’efpece primitive ou de l’efpece dérivée.
3. On peut obferver fi un mot eft fimple ou s’il eft
compofé : jufie, jujlice , font des mots fimples ; in-
jufle , injufiice , font compofés. En Latin res eft un
mot fimple, publica eft encore fimple ; mais refptiblica
eft un mot compofé.
Cet accident d’être fimple ou d’être compofé a été
appellé par les anciens Grammairiens la figure. Iis
dilént qu’un mot eft de la figure fimple ou qu’il eft
de la figure compofée ; en forte que figure vient ici
de fingere, & fe prend pour la forme ou conftitution
d’un mot qui peut être ou fimple ou compofé. C ’eft
ainfi que les anciens ont appellé vafa ficlilia , ces va-
fes qui fe font en ajoutant matière à matière, & fi-
giilus l’ouvrier qui les fait, à fingendo.
4. Un autre accident des mots regarde la prononciation
; fur quoi il faut diftinguer l’accent, qui eft
une élévation ou un abaiffement de la voix toûjours
invariable dans le même mot ; & le ton & l’emphafe
qui font des inflexions de voix qui varient félon les
diverfes pallions & les différentes circonfiances, un
ton fier, un ton fournis, un ton infolent, un ton piteux.
Foye{ A c c e n t .
Voilà quatre accidens qui fe trouvent en toutes
fortes de mots. Mais de plus chaque forte particulière
de mots a fes accidens qui lui font propres ;
ainfi le nom fubftantifa encore pour accidens le genre
( Voye^ Ge n r e ) , le cas , la déclinaifon , ’le nombre
, qui eft ou fingulier ou pluriel, fans parler du
duel des Grecs.
Le nom adjeCtif a un accident de plus, qui eft la
comparaifon ; doclus, doclior , doclijjimus ; favant,
plus favant, très-favant.
Les pronoms ont les mêmes accidens que les noms.
A l’égard des verbes, ils ont aulfi par accident l’acception
, qui eft ou propre ou figurée : ce vieillard
marche d'un pas ferme ; marche eft là au propre : celui
qui me fuit ne marche point dans les ténèbres , dit Jefus-
Chrift ; fuit & marche font pris dans un fens figuré,
c’eft-à-dire, que celui qui pratique les maximes de
l’Évangile a une bonne conduite, & n’a pas befoin
de fe. cacher ; il ne fuit point la lumière , il v it fans
crainte & fans remords.
2. L’efpece eft aufli im accident des verbes ; ils font
ou primitifs, comme parler , boire, fauter, trembler ;
ou dérivés, comme parlementer, buvoter, fautiller ,
trembloter. Cette efpece de verbes dérivés en renferme
plufieurs autres; tels font les inchoatifs, les fréquentatifs
, les augmentatifs, les diminutifs, les imitatifs
, les défidératifs.
3. Les verbes ont aufli la figure, c’eft-à-dire, qu’ils
font fimples , comme venir, tenir, faire ; ou compofés
, comme prévenir , convenir , refaire, & c.
4. La voix ou forme du verbe : elle eft de trois fortes
; la voix ou forme aCtive, la voix paflive, & la
forme neutre.
Les verbes de la voix aCtive, font ceux dont les
terminaifons expriment une aCtion qui paffe de l’agent
au patient, c’eft-à-dire, de celui qui fait l’aCtion
fur celui qui la reçoit : Pierre bat Paul ; bat eft uh verbe
de la forme active ; Pierre eft l ’agent, Paul eft le
patient,. ou le terme de l’aCtion de Pierre : Dieu ton-
ferve fes créatures ; conferve eft un verbe de la forme
aCtive.
Le verbe eft à la voix paflive, lorfqu’il fignifie
que le fujet de la propofition eft le patient, c’eft-à-
dire, qu’il eft le terme de l’aCtion ou du fentiment
d’un autre les médians font punis , vous fere%_ pris par
les ennemis ; font punis , fere^ pris , font de la forme
paflive.
Le verbe eft de la forme neutre, lorfqu’il fignifie
une aCtion ou un état quine paffepoint du fujet de la
propofition fur aucun autre objet extérieur ; comme
il pâlit, il engraijfe , il maigrit, nous courons, il badine
toujours, il rit y vous rajeuniffe%_, &c.
5. Le mode, c’eft-à-dire, les différentes maniérés
d’exprimer ce que le verbe fignifie, ou par l’indicatif
qui eft le mode direét & abfolu , ou par l’impératif
, ou par le fubjonCtif, ou enfin par l’infinitif.
6. Le fixieme accident des verbes , c’eft de marquer
le tems par des terminaifons particulières:'f a i -
me , j 'aimois , j'a i aimé , j'avois aimé3 j'aimerai.
7. Le feptieme accident eft de marquer les perfonnes
grammaticales, c’eft-à-dire, les perfonnes relativement
à l’ordre qu’elles tiennent dans la formation
du difeours ; & en ce fens il eft évident qu’il n’y
a que trois perfonnes.
La première eft celle qui fait le difeours, c’eft-à-
dire , celle qui parle, je chante ; j e eft la première
perfonne , & chante eft le verbe à la première per-
lonne , parce qu’il eft dit de cette première per^
fonne.
La fécondé perfonne eft celle à qui le difeours s’a-
dreffe ; tu chantes , vous chante^, c’eft la perfonne à
qui l’on parle.
Enfin lorfque la perfonne ou la chofe dont on parle
n’eft ni à la première ni à la fécondé perfonne ,
alors, le verbe eft dit être à la troifieme perfonne :
Pierre écrit, écrit eft à la troifieme perfonne ; le foleïl
luit, luit eft la troifieme perfonne du prêtent de l’indicatif
du verbe luire.
En Latin & en Grec les perfonnes grammaticales
font marquées , aufli bien que les tems , d’une maniéré
plus diftinCte , par des terminaifons particulières
; ti'nf]a , 'rv<ié}iiÇyTü7rlti, Tvdlopiv, TOTrhrt, tu-bAoi/j/ ;
canto y cantas y cantal, cantavi, cantavifii, cantavit 9
cantaveram, cantabo , &c. au lieu qu’en François la
différence des terminaifons n’eft pas fouvent bien fen-
fible ; & c’eft pour cela que nous joignons aux verbes
les pronoms qui marquent les perfonnes ; je chante
, tu chantes y il chante.
8. Le huitième accident du verbe eft la conjugai-
fon. La conjugaifon eft une diftribution ou lifte de.
toutes les parties & de toutes les inflexions du verbe
, félon une certaine analologie. Il y a quatre fortes
d’analogies en Latin par rapport à la conjugaifon ;
ainfi il y a quatre conjugaifons : chacune a fon paradigme,
c’efl-à-dire un modèle fur lequel chaque verbe
régulier doit être conjugué: ainfi amare, félon
d’autres cantare, eft le paradigme des verbes de la
première conjugaifon ; & ces verbes, félon leur analogie
■> gardent Y a long de l’infinitif dansprefque tous
leurs tems & dans prefque toutes les perfonnes. Amare
, amabam, amavi, amaveram , amabo , àmandum ,
amaturm, & c .
Les autres conjugaifons ont aulfi leur analogie &
leur paradigme.
Je crois qu’à ces quatre conjugaifons on doit en
ajouter une cinquième, qui eft une conjugaifon mixte
, en ce qu elle a des perfonnes qui luivent l’analogie
de la troifieme conjugaifon, & d’autres celle de
la quatrième ; tels font les verbes en ere, io , comme
capere, capio ; on dit à la première perfonne du
palïïf capior, je fuis pris, comme audior ; cependant
on dit caperis à la fécondé perfonne, & non capiris ,
quoiqu on difo audior, audiris. Comme il y a plufieurs
verbes en ere , io , fufeipere yfufcipio 3 interficeret
mterficio y elicere y io , excutere, io ,fugere, fugio , &c,
& que les commençans font embarraffés à les conjuguer
, je crois que ces verbes valent bien la peine
qu’on leur donne un paradigme ou modèle.
Nos Grammairiens comptent aufli quatre conjugaifons
de nos verbes François.
1. Les verbes de la première conjugaifon ont l’infinitif
en er , donner.
2. Ceux de la fécondé ont l’infinitif en ir , punir.
3. Ceux de la troifieme ont l’infinitif en oir, devoir.
4. Ceux de la quatrième ont l’infinitif en re, dre ,
tre , faire , rendre y mettre.
La Grammaire de la Touche voudroit une cinquième
conjugaifon des verbes en aindre, eindre,
oindre , tels que craindre , feindre, joindre , parce que
ces verbes ont une fingularité qui eft de prendre le
g pour donner un fon mouillé à Yn en certains tems,
nous craignons , je craignis , je craignijfe , craignant.
Mais le P. Buffier obferve qu’il y a tant de différentes
inflexions entre les verbes d’une même conjugaifon,
qu’il faut, ou nereconnoître qu’une feule
conjugaifon , ou en reconnoître autant que nous
avons de terminaifons différentes dans les infinitifs.
Or M. l’abbé Regnier obferve que la langue Françoise
a jufqu’à vingt-quatre terminaifons différentes
à l’infinitif.
9. Enfin le dernier accident des verbes eft l’analogie
ou l’anomalie, c’eft-à-dire d’être réguliers &
de fuivre l’analogie de leur paradigme, ou bien de
s en ecarter ; & alors on dit qu’ils font irréguliers ou
anomaux.
Que s il arrive qu’ils manquent de quelque mode,
de quelque tems, ou de quelque perfonne, on les
appelle défectifs.
A l’égard des prépofitions, elles font toutes primitives
& fimples, à , de, dans, avec , & c . fur quoi il
faut obferver qu’il y a des langues qui énoncent en
lin feul mot ces vûes de l’efprit, ces rapports, ces
maniérés d etre ; au lieu qu’en d’autres langues, ces
memes rapports font divifés par l’élocution & expri-
mespar plufieurs mots : par exemple, coram pâtre, en
prefence de fon pere ; ce mot coram , en Latin, eft un
mot primitif & fimple, qui n’exprime qu’une manière
d etre confidérée par une vue fimple de l’efprit.
L’élocution n’a point en François de terme pour
I exprimer ; on la divife entrois mots, enpréfence de.
II en eft de même àe.propter, pour l'amour de ; ainfi
de quelques autres exprefîions que nos Grammairiens
François ne mettent au nombre des prépofitions, que
parce qu elles repondent à des prépofitions Latines.
La prepofition ne fait qu’ajouter une circonftance
ou maniéré au mot qui précédé, & elle eft toûjours
confiderée fous le iheme point de vue ; c’eft toûjours
la meme maniéré ou circonftance qu’elle exprime ;
i l efi dans ; que ce foit dans la ville, ou dans la mai-
lon , ou dans le coffre, ce fera toûjours être dans.
v oilà pourquoi les prépofitions ne fe déclinent point.
Mais il faut obferver qu’il y a des prépofitions fé-
parables, telles que dans y fu r , avec, & c . & d’autres
qui font appellées inféparables, parce qu’elles entrent
dans la compofition des mots, de façon qu’ellesn’en
peuvent etre feparees fans changer la lignification
particulière du mot ; par exemple, refaire yfurfaire ,
défaire , contrefaire, ces mots, re, fur, dé,, contre, &c.
font alçrs des prépofitions inféparables , tirées du
Latin. Nous en parlerons plus en détail au mot Préposition.
A l’égard de l’adverbe, c’eft un mot qui, dans fa
valeur, vaut autant qu’une prépofition & fon complément.
Ainfi prudemment, c’eft avec prudence m,fage-
ment, aveefageffe, & c . Voye^ A d v e r b e .
Il y a trois accidens à remarquer dans l’adverbe
outre la lignification, comme dans tous les autres
mots. Ces trois accidens font,
1. L’efpece, qui eft ou primitive ou dérivative :
ici , la, ailleurs, quand, lors , hier, où, & c . font des
adverbes de l’efpece primitive, parce qu’ils ne viennent
d’aucun autre mot de la langue.
Au lieu quQjufiement, fenfément, poliment, abfolu-
ment, tellement, & c . font de l’efpece dérivative ; ils
viennent des noms adje&ifs jufie ,fenfé, poli, abfolu,
t e l & c .
2. La figure, c’eft d’être fimple ou compofé. Les
adverbes font delà figure fimple, quand aucun autre
mot ni aucune prepofition inféparable n’entre dans
leur compofition ; ainfi jufiement, lors, jamais, font
des adverbes de la figure fimple.
Mais injufiement, alors , aujourd'hui , & en Latin
hodie , font ae la figure compofée.
3. La comparaifon eft le troifieme accident des adverbes.
Les adverbes qui viennent des noms de qualité
fe comparent , jufiement, plus jufiement, très ou
fort jufiement, le plus jufiement, bien , mieux, le mieux,
mal, pis , le pis , plus mal, tris-mal, fort mal, &c.
A l’égard de la conjonction, c’eft-à-dire, de ces
petits mots qui fervent à exprimer la liaifon que l’efprit
met entre des mots & des mots, ou entre des
phrafes & des phrafes ; outre leur lignification particulière
, il y a encore leur figure & leur pofition.
1. Quant à la figure, il y en a de fimples, comme
O" , ou, mais ,Jîy car, ni , & c .
Il j en a beaucoup de compofées, & f i , mais , f i ,
& meme il y en a qui font compofées de nomsou de
verbes ; par exemple, à moins que , dejhzu que, bien
entendu que , pourvu que.
2. Pour ce qui eft de leur pofition, c’eft-à-dire de
l’ordre ou rang que les conjonctions doivent tenir
dans le difeours, il faut obferver qu’il n’y en a point
qui ne fuppofe au moins un fens précédent ; car ce
qui joint doit être entre deux termes. Mais ce fens
peut quelquefois être tranfpofé, ce qui arrive avec
la conditionnelle f i , qui peut fort bien commencer
un difeours ; f i vous êtes utile à lafociété, elle pourvoira
a vos befoins. Ces deux phrafes font liées par la conjonction
f i ; c’eft comme s’il y avoit, la fociété pourvoira
a vos befoins , f i vous y êtes utile.
Mais vous ne fauriez commencer un difeours par
mais, & , or, donc, &c. c’eft le plus ou moins de
liaifon qu’il y a entre la phrafe qui fuit une conjonction
& celle qui la précédé, qui doit fervir de réglé
pour la ponctuation.
* Ou s’il arrive qu’un difeours commence par un
or ou un donc, ce difeours eft cenfé la fuite d’un
autre qui s’eft tenu intérieurement, & que l’orateur