torifation n’a été introduite qu’en faveur du mineur.
royt^ Min e u r . (H )
* A U T O R IT É ,pouvoir,puiffance, empire, (Gram.)
L’autorité, dit M. l’abbé Girard dans fes Synonymes,
laifle plus de liberté dans le choix ; le pouvoir a plus
de force ; l'empire eft plus abfolu. On tient 1*autorité
de la fupériorité du rang & de la raifon ; le pouvoir,
de rattachement que les perfonnes ont pour nous ;
X empire, de l’art qu’on a defailir le foible. U autorité
perfuade;Ie pouvoir entraîne; l'empire fubjugue. U autorité
fuppofe du mérite dans celui qui l’a ; lu pouvoir,
des liaifons ; l'empire, de l’afcendant. Il faut fe fou-
mettre à Xautorité d’un homme fage ; on doit accorder
fur foi du pouvoir à fes amis ; il ne faut laiffer prendre
de X empire à perfonne. U autorité eft communiquée
par les lois ; le pouvoir , par ceux qui en font
dépofitaires ; la puiffance, par le confentement des
hommes ou la force des armes. On eft heureux de
vivre fous Xautorité d’un prince qui aime la juftice,
dont les miniftres ne s’arrogent pas un pouvoir au-
delà de celui qu’il leur donne , & qui regarde le zele
& l’amour de fes fujets comme les fondemens de fa
puiffance. Il n’y a point d’autorité fans loi ; il n’y a
point de loi qui donne une autorité fans bornes. Tout
pouvoir a fes limites. Il n’y a point de puiffance qui ne
doive être foûmife à celle de Dieu. Û autorité foible
attire le mépris ; le pouvoir aveugle choque l’équité ;
la puiffance jaloufe eft formidable. L’autorité eft relative
au droit ; la puiffance aux moyens d’en ufer ; le
pouvoir à l’ufage. U autorité réveille une idée de ref-
peri ; la puiffance une idée de grandeur ; le pouvoir
une idée de crainte. L’autorité de Dieu eft fans bornes
; fa puiffance éternelle ; & fon pouvoir abfolu. Les
peres ont de Xautorité fur leurs enfans ; les rois font
puiffans entre leurs femblables ; les hommes riches &
titrés font puiffans dans la fociété ; les magiftrats y
ont du pouvoir.
Au t o r i t é p o l it iq u e . Aucun homme n’ a reçu
de la nature le droit de commander aux autres. La
liberté eft un préfent du ciel, & chaque individu de
la même efpece a le droit d’en jouir auflitôt qu’il jouit
de la raifon. Si la nature a établi quelque autorité,
c’eft la puiffance paternelle: mais la puiffance paternelle
a fes bornes; & dans l’état de nature elle fini-
roit auffi-tôt que les enfans feroient en état de fe conduire.
Toute autre autorité vient d’une autre origine
que de la nature. Qu’on examine bien, & on la fera
toûjours remonter àTüne de ces deux fources : ou la
force & la violence de celui qui s’en eft emparé ; ou
le confentement de ceux qui s’y font fournis par un
contrat fait ou fuppofé entr’eu x , & celui à qui ils
ont déféré Xautorité.
La puiffance qui s’acquiert par la v iolence, n’eft
qu’une ufürpation, & nç dure qu’autant que la force
de celui qui commande l’emporte fur celle de
ceux qui obéïflent ; enforte que fi ces derniers deviennent
à leur tour les plus forts, & qu’ils fecouent
le joug, ils le font avec autant de droit & de juftice
que l’autre qui le leur avoit impofé. La même loi
qui a fait Xautorité, la défait alors : c’eft la loi du
plus fort.
Quelquefois Xautorité qui s’établit par la violence
change de nature ; c’eft lorfqu’elle continue & fe
maintient du confentement exprès de ceux qu’on a
foûmis : mais elle rentre par là dans la fécondé efpece
dont je vais parler ; & celui qui fe l’étoit arrogée
devenant alors prince , ceffe d’être tyran.
La puiffance qui vient du confentement des peuples
, fuppofe néceffairement des conditions qui en
rendent l’ufage légitime, utile à la fociété, avantageux
à la république, & qui la fixent & la reftrai-
gnent entre des limites : car l’homme ne doit ni ne
peut fe donner entièrement & fans referve à un aub
e homme ; parcequ’ila un maître fupérieur au-deffus
de tou t, à qui feul il appartient tout entier. C’eft:
D ieu , dont le pouvoir eft toujours immédiat fur la
créature, maître auffi jaloux qu’abfolu, qui ne perd
jamais de fes droits, & ne les communique point. Il
permet pour-le bien commun & pour le maintien de
la fociété, que les hommes établiffent entre eux un
ordre de fubordination, qu’ils obéiffent à l’un d’eux :
mais il veut que ce foit par raifon & avec mefure,
& non pas aveuglement & fans réferve, afin que la
créature ne s’arroge pas les droits du créateur.Toute
autre foûmiffion eft le véritable crime de l’idolâtrie.
Fléchir le genou devant un homme ou devant une
image, n’eft qu’une cérémonie extérieure, dont le
vrai Dieu qui demande le coeur & l’efprit, ne fe fou-
cie guere, & qu’il abandonne à l’inftitution des hommes
pour en faire , comme il leur conviendra, des
marques d’un culte civil & politique, ou d’un culte,
de religion. Ainfi ce ne font point ces cérémonies en
elles-mêmes’, mais l’efprit de leur établiffement, qui
en rend la pratique innocente ou criminelle. Un An-
glois n’a point de fcrupule à fervir le roi le genou en
terre ; le cérémonial ne lignifie que ce qu’on a voulu
qu’il lignifiât : mais livrer fon coeur, fon efprit & fa
conduite fans aucune réferve à la volonté & au caprice
d’une pure créature , en faire l’unique & le
dernier motif de fes allions , c’eft affurément un crime
de lefe-majefté divine au premier chef : autrement
ce pouvoir de Dieu , dont on parle tant, ne ferait
qu’un vain bruit dont la politique humaine ufe-
roit à fa fantailie, & dont l’elprit d’irreligion pourrait
fe joiier à fon tour ; de forte que toutes les idées
de puiffance & de fubordination venant à fe confondre
, le prince fe joiieroit de D ie u , & le fujet di»
prince.
La vraie & légitime puiffance a donc néceffaire-
ment des bornes. Aulîi l’Ecriture nous dit-elle : « que
» votre foûmiffion foit raifonnable » ; fit rationabilc
obfequium veflrum. « Toute puiffance qui vient de » Dieu eft une puiffance réglée » ; omnis poteflas à
Deo ordinata eft. Car c’eft ainfi qu’il faut entendre
ces paroles, conformément à la droite raifon & au
fens littéral, & non conformément à l’interprétation
de la baffeffe & de la flatterie, qui prétendent que
toute puiffance quelle qu’elle fo it , vient de Dieu,
Quoi donc; n’y a-t-il point depuiffances injuftes?
n’y a-t-il pas des autorités qui, loin de venir de Dieu,
s’établiffent contre fes ordres & contre fa volonté ?1
les ufurpateurs ont-ils D ieu pour eux ? faut-il obéir
en tout aux perfécuteurs de la vraie religion ? 8t
pour fermer la bouche à rimbécillité, la puiffance
de Tantechrift fera-t-elle légitime ? Ce fera pourtant
une grande puiffance. Enoch & Elie qui lui félifte-
ront, feront-ils des rébelles & des féditieux qui auront
oublié que toute puiffance vient de Dieu ; ou
des hommes raifonnables, fermes & pieux, qui fau»
ront que toute puiffance ceffe de l ’être, dès qu’elle
fort des bornes que la raifon lui a prefcrites, &
qu’elle s’écarte des réglés que le fouverain des princes
8c des fujets a établies ; des hommes enfin qui
penferont, comme S. Paul, que toute puiffance n’eft
de Dieu qu’autant qu’elle eft jufte & réglée.
Le prince tienù de fes fujets mêmes l 'autorité qu’il a
fur eux; & cette autorité eft bornée par les lois de la
nature & de l’état. Les lois de la nature & de l’état
font les conditions fouslefquelles ils fe font fournis,’
ou font cenfés s’être foûmis à fon gouvernement.
L’une de ces Conditions eft que n’ayant de pouvoir
& d’autorité fui* eux que parleur choix & de leur confentement,
il ne peut jamais employer cette autorité
pour caffer Tarie ou le contrat par lequel elle lui a
été déférée : il agirait dès-lors contre lui-même, puif-
que fon autorité ne peut fubfifter que par le titre qui
l’ a établie. Qui annulle l’un détruit l’autre. Le prince
ne peut donc pas difpofer de fon pouvoir & de fetf
fitjets -fans le confentement de la nation, & indépendamment
du choix marqué dans le contrat de foûmiffion.
S’il en ufoit autrement, tout ferait n ul, &
les lois le relèveraient des proméffes & des fermens
qu’il aurait pû faire, comme un mineur qui aurait
agi fans connoiffance de caufe, puifqu’il aurait prétendu
difpofer de ce qu’il n’avoit qu’en dépôt &
avec claufe de fubftitution, de la même maniéré
que s’il l’avoit eu en toute propriété & fans aucune
condition.
'D ’ailleurs le gouvernement, quoique héréditaire
dans une famille, & mis entre les mains d’un feul,
n’eft pas un bien particulier, mais un bien public,
qui par conféquent ne peut jamais être enlevé au
peuple, à qui feul il appartient effentiellement &
en pleine propriété. Auffi eft-ce toûjours lui qui en
fait le bail : il intervient toûjours dans le contrat qui
en adjuge l’exercice. Ce n’eft pas l’état qui appartient
au prince, c’eft le prince qui appartient à l’état :
mais il appartient au prince de gouverner dans l’état,
parce que l’état l’a choifi pour cela ; qu’il s’eft engagé
envers les peuples à l’adroiniftration des affaires,
& que ceux-ci de leur côté fe font engagés à lui
obéir conformément aux lois. Celui qui porte la couronne
peut bien s’en décharger abfolument s’il le
veut : mais il ne peut la remettre fur la tête d’un
autre fans le confentement de la nation qui l’a mife j
fur la fienne. En un mot, la couronne, le gouvernement
, & Xautorité publique, font des biens dont le
corps de la nation eft propriétaire, & dont les princes
font les ufufruitiers, les miniftres & les dépofitaires.
Quoique chefs de l’é ta t , ils n’en font pas
moins membres, à la vérité les premiers, les plus
vénérables & les plus puiffans , pouvant tout pour
gouverner, mais ne pouvant rien légitimement pour
changer le gouvernement établi, ni pour mettre un
autre chef à leur place. Le feeptre de Louis X V.
paffe néceffairement à fon fils aîné, & il n’y a aucune
puiffance qui puiffe s’y oppofer : ni celle de la
nation , parce que .c’ eft la condition du contrat; ni
celle de fon pere par la même raifon.
Le dépôt de l 'autorité n’eft quelquefois que pour
un tems limité, comme dans la république Romaine.
Il eft quelquefois pour la vie d’un feul homme,
comme en Pologne ; quelquefois pour tout le tems
que fubfiftera une famille, comme en Angleterre ;
quelquefois pour le tems que fubfiftera une famille
par les mâles feulement, comme en France.
Ce dépôt eft quelquefois confié à un certain ordre
dans la fociété ; quelquefois à plufiëürs choifis de
tous les ordres, & quelquefois à un feul.
Les conditions de ce parie font différentes dans les
différens états. Mais par-tout, la nation eft en droit
de maintenir envers & contre tous le contrat qu’elle
a fait ; aucune puiffance ne peut le changer ; & quand
il n’a plus lieu, elle rentre dans le droit & dans la
pleine liberté d’en paffer un nouveau avec q ui, &
comme il lui plaît. C’eft ce qui arriverait en France,
fi par le plus grand des malheurs la famille entière
régnante venoit à s’éteindre jufque dans fes moindres .
rejettons; alors le feeptre &c la couronne retourneraient
à la nation.
Il femble qu’il n’y ait que des efclaves dont l’efprit
ferait auffi borné que le coeür ferait bas, qui
.puffent penfer autrement. Ces fortes de gens ne font
nçs ni pour la gloire du prince , ni pour l ’avantage
de la fociété : ils n’ont ni vertu, ni grandeur d’ame.
La crainte & l’intérêt font les refforts de leur conduite.
Là nature ne les produit que pour fervir de
hiftre aux hommes vertueux ; & la Providence s’en
fert pour former les puiffances tyranniques, dont
elle châtie pour l’ordinaire les peuples & les fou-
veraîns qui offenfent Dieù ; ceux-ci en ufurpaht,
ceux-là en accordant trop à l’homme de ce pouvoir
Tom é f.
fuprèmeque le Créateur s’eft refervé fur la créa *
ture.
L’obfervation des lois, la confervation de la liberté
& l’amour de la patrie, font les fources fécondes
de toutes grandes chofes & de toutes belles actions.
Là fe trouvent le bonheur des peuples, & la
véritable illuftration des princes qui les gouvernent»
Là l’obeiffance eft glorieufe, & le commandement
augufte. Au contraire, la flaterie, l’intérêt particulier
, & l’efprit de fervitude font l’origine de tous les
maux qui accablent un état, & de toutes les lâchetés
qui le deshonorent. Là les fujets font miférables ,
& les princes haïs ; là le monarque ne s’eft jamais
entendu proclamer le bien-aimé; la foûmiffion y eft
honteufe , & la domination cruelle. Si je raffemble
fous un même point de vûe la France & la Turquie ,
j’apperçois d’un côté une fociété d’hommes que la
raifon unit, que la vertu fait agir, & qu’un chef également
fage & glorieux gouverne félon les lois de la
juftice ; jde l’autre, un troupeau d’animaux que l’habitude
affemble, que la loi de la verge fait marcher,
& qu’un maître abfolu mene félon fon caprice.
Mais pour donner.aux principes répandus dans cet
article toute Xautorité qu’ils peuvent recevoir, ap-
pUyons-les du témoignage d’un de nos plus grands
rois. Le difeours qu’il tint à l’ouverture de l’affem-
blée des notables de 1596, plein d’une fincérité que
les fouverains ne connoiflènt guere, étoit bien digne
des fentimens qu’il y porta. « Perfuadé, dit M.'
» de Sully, pag. 46y , in-40. tom. I. que les rois ont
>> deux fouverains , Dieu & la loi ; que la juftice
» doit préfider fur le throne, & que la douceur doit
» être affife à côté d’elle ; que Dieu étant le vrai pro-
» priétaire de fous les royaumes, & les rois n’en étant
» que les adminiftrateurs, ils doivent repréfenter aux
» peuples celui dont ils tiennent la place ; qu’ils ne
» régneront comme lu i, qu’autant qu’ils régneront
» en peres ; que dans les états monarchiques hérédi-
» taires, il y a une erreur qu’on peut appeller aufli
» Héréditaire, c’eft que le fouyerain eft maître de la
» vie & des biens de tous fes fujets ; que moyennant
» ces quatre mots, tel eft notre plaifir, il eft difpenfé
» de manifefter les raifons de fa conduite, ou même
» d’en avoir; que, quand cela ferait, il n’y a point
» d’imprudence pareille à celle de fe faire haïr de
» ceux auxquels on eft obligé de confier à chaque
» inftant fa v ie , & que c’eft tomber dans ce malheur
» que d’emporter tout de vive force. Ce grand hom-
» me , perfuadé, dis-je, de ces principes que tout
» l’artifice du courtifan ne bannira jamais du coeur
»de ceux qui lui reffembleront, déclara que pour
» éviter tout air de violence & de contrainte, il n’a*
» voit pas voulu que l’affemblée fe fit par des dépu-
» tés nommés par le fouverain, & toûjours aveugle*
» ment afférvis à toutes fes volontés ; mais que fon
» intention étoit qu’on y admît librement toutes for-
» tes de perfonnes, de quelqu’état & condition qu’el-
» les puffent être ; afin que les gens de. favoir & dé
» mérite euffent le moyen d’y propofer fans crainte,
» ce qu’ils croiraient néceffaire pour le bien public ;
» qu’il ne prétendoit encore en ce moment leur pref-
» crire aucunes bornes ; qu’il leur enjoignoit feule-
» ment de ne pas abufer de cette permiffion, pour
» l’abaiffement de Xautorité royale, qui eft le princi-
» pal nerf de l’état ; de rétablir l’union entre fes mem-
» bres ; de foulager les peuples ; de décharger le thré-
» for royal de quantité de dettes, auxquelles il fe
» voyoit fujet fans les avoir contrariées ; de modérer
» avec la même juftice les penfions exceffives, fans
» faire tort aux néceffaires, afin d’établir pour l’a-
» venir un fonds ftiffifant & clair pour l’entretien des
» gens de guerre. II ajoûta qu’il n’auroit aucune pei-
» ne à fe foumettre à des moyens qu’il n’auroit point
» imaginés lui-même, d’abord qu’il fentiroit qu’ils