tel qu’il fe trouve dans la differtation du P. Calmet
fur Y arche de Nos. .
M. le Pelletier fuppofe que Yarche étoit un bâtiment
de la figure d’un parallélépipède rectangle ,
dont on peut divifer la hauteur par dedans eh quatre
étages, donnant trois coudées & demie au premier,
fept au fécond, huit au troifieme, & fix & demie au
quatrième, & biffer les cinq coudées reliantes des
trente-cle la hauteur,. pour les épaiffeurs, du fond,
du comble & des trois ponts, ou planchers des trois
derniers étages..
Le,premier de ces étages auroit été le fond, ou
ce que l’on appelle caréné dans les navires : le fécond
pouvoit fervir de grenier ou de magafin : le troifieme
pouvoit contenir les étables ; & le quatrième les v o lières
: mais la caréné ne fe comptant point pour un
étage,, & ne fervant que de réfer voir d’eau douce,
Y arche n’en avoit proprement que trois, & l’Écriture
n’en met pas un plus grand nombre, bien que les interprètes
y en ayent mis quatre , en y ajoutant la
caréné. ; -
Il ne fuppofe que 36 etables pour les animaux de
terre, & autant pqur .lps oifeaux ; chaque étable
pouvoit être de quinze coudées de long , de dix-:
feptdç large, & de huit de haut ; par conféquent elle
avoit environ vingt-fix piés & demi de long, plus
de, vingt-neuf de large , &c plus de treize & demi de
haut.de notre mefure; car il faut fe fouvenir que
M. lè Pelletier donne à .fa coudée vingt pouces &
demi, ou environ.,,mefure de Paris. Les trente-fix
.volières étoient de même étendue que les étables.
Pour charger Y arche egalement, Noé pouvoit remplir
ces étables & ces volières, en commençant par
celles .du milieu, des plus gros animaux & des plus
gros oifeaux. Cet auteur fait voir par un calcul exaét,
que l ’eau qui étoit dans la çarene pouvoit être de plus
de 31174 muids, ce qui effplus que fuffifant pour
abreuver pendant un.an quatre fois autant d’hommes
& d- animaux qu’il y en avoit dans Y arche; il
montre.enfuite que le grenier pouvoit contenir plus
de, nourriture qu’il n’enfalloit à tous les animaux en
un an.
. Dans le troifieme étage Noé a pu conftruire 36
loges pour ferrer les uftenfiles de ménage, les inftru-
méns du labourage , les étoffes , les grains , les fe-
me.nces.; il s’y pouvoit ménager une cuifine , une
lalle, quatre chambres, & un efpace de 48 coudées
pour fe promener.
:, M." le Pelletier place la porte, non au côté de la
longueur, mais à l’un des bouts de Y arche, perfuadé
qu’à l’un des côtés de la longueur elle auroit gâté la
fymnjétrie de Y arche, & en auroit ôté l’équilibre.
Quelques-uns ont crû qu’il n’étoit pas néceffaire
dé faire .provifion d’eau douce dans Y arche , parce
que l’eau de la mer ayant été mêlée avec les eaux
dit déluge, pouvoit être affez deffalée pour être rendue,
potable , & qu’on en pouvoit tirer par la fenêtre
de Yarche pour abreuver les animaux : mais cette
prétention eff infoutenable ; l’eau de la mer eft en
bien plus grande quantité que l’eau qui tomba du ciel
pour inonder la terre : or l’expérience fait voir qu’un
tiers d’eau falée mêlée ayec deux tiers d’eau douce,
fait une potion qui n’eft point bonne à boire ; &
Yarçfi^ ayant ceffé de flotter fur les eaux dès le vingt-
feptiemè jour du feptieme mois, elle demeura à lec
fur les montagnes d’Arménie pendant prefque fept
mois; pendant lefquëls'on n’auroit pu puifer de l’eau
dé dehors. Tel eft lé fyftème de M. le Pelletier de
Rouen.’
-.Le pere Jean Buteo., natif de Dauphiné, & religieux
de Tordre de S. Antoine de Viennois, dans fon
traité d.e Y arche de Noé, de fa forme & de fa capacité,
fuppofe, que la coudée de Mbyfe n’étoit que de 18
poiiçes comme la nôtre ; & cependant il ne laiffe
pas- de trouver dans les dimenfions -marquées par
Moyfe, tout l’efpace convenable pour loger dans
Y arche; les hommes; les animaux, .& les. proyifxons
néceffaires. Il croit que \\arche étoit .çompofée de
plufieurs fortes de bois gras & réfineux , qu’elle
étpit enduite de bitume , qu’elle avoit la forme d’un
parallélépipède , avec les .dimenfions qu’en marque
l’Écriture., mefurées à notre coudée. .
Il divife le dedans en quatre étages, donnant au
premier quatre coudées de hauteur, huit au fécond,
dix au troifieme, & huit au dernier. Il place la fen-
tine dans le premier, les étables dans le fécond , les
provifions dans le troifieme, les hommes ,, les oifeaux
, & les uftenfiles de ménage dans le dernier. I!
met la porte à 20 coudées .près du bout d’un.des côtés
du fécond étage, & la .fait ouvrir .& fermer en
pont-levis. Il difpofe la fenêtre au haut dé. l’appartement
des hommesprétendant que, les animaux
n’avoient pas befoin de lumière. Il ferriie çètte fe-i
nêrre d’un double chaflis- à carreaux de crÿftal, de1
verre ou de pierre tranfparente, parce qù’illa croÿoit
très-grande. Il élève le milieu du comble d’une coudée
de hauteur fur toute la longueur,. prenant pour’
cette hauteur la coudée que les interprétés expliquent
de la hauteur do la fenêtre»
Ayant dans le fécond étage tiré du côté de là porte
une allée de fix coudées de large & de 300 coudées
de long, & conftruit deux efcaliers aux,deux bouts
pour monter aux troifieme & quatrième étages., il
prend fur le milieu du réfte de la largeur une autre
allée de douze coudées de large, tombant perpendiculairement
ou à angles droits fur le milieu de la première
, & de côté & d’autre de cette dernière ; il divife
un efpace de 15 coudées de large & de 44 dé
long, en trois parties égales fur la largeur, & en douze
parties fur la longueur, pour trouver par cette di-
vifion 36 cellules ou étables de chaque côté., dont fix
étant prifes pour deux allées traversantes, il en refte
30 de chaque côté qui forment trois re étang les, deux
qui en contiennent chacun neuf, & celuidu milieu
douze; & ces étables ou .cellules ont 15 coudées de
long & 3 y de large. Il prend encore fur le refte dé
cet étage de côté & d’autre un efpace de 15 coudées
de largeur, & de 44 coudées de longueur , dont il
retranche quatre coudées de côté & d’autre fur la
largeur pour faire deux allées; & il lui refte un rectangle
de fept coudées de largeur & de quarante-quatre
coudées de longueur, dont il divife la largeur en
deux, enforte qu’une moitié ait trois coudées de large
& l’autre quatre ; & la longueur en vingt parties
égales : & ces divifions lui donnent quarante petites
étables ou cellules en deux rangs, dont yingt ont
chacune trois coudées, & les vingt autres quatre de
long, & les unes & les autres deux coudées & demie
de large ; & par .ce moyen il fe trouve 60 grandes
érables, 40 moyennes & 40 petites, & outre cela
encore deux efpaces de côté. & d’autre de 114 coudées
de long, & de 44 coudées de large.
Or en reduifant tous les animaux qui entrent dans
Y‘cache à la grandeur du boeuf, du loup & du mouton,
il trouve qu’ils étoient égaux à 120 boeufs, 80 loups,
& 80 moutons ; de forte qu’ayant difpofé 60 grandes
étables, 40 moyennes & 40 petites j il prétend qu’elles
pouvoient contenir 60 paires de boèufs , 40 paires
de loups, & 40.paires de moutons.. Mais coinr
me il penfe qu’on de voit nourrir de chair les bêtes
carnacieres , il en conclut qu’on devoit avoir mis
dans Y arche 3656 moutons pour la fubfiftance de 40
paires de ces animaux, qu’il eftimôit de la grandeur
du loup, pour leur en donner dix par jou r, ou un à
quatre.
Il perce toutes les étables par le bas, afin que les
ëxcrémens des animaux tombent dans le premier
étage , ou fentine, qu’il difpofe auflî pour le leîb:
mais
mais de peur que l’infe&ion des fumiers n’incommode,
il conftruit en plufieurs endroits de cet étage des
foûpiraux, qu’il fait monter jufqu’au dernier, pour
y donner de l’air. \
' Il divife le troifieme étage en plufieurs féparations,
pour mettre à part le foin, les feuilles, les fruits &
les grains : il prétend même qu’on pouvoit conftruire
un réfervoir pour y nourrir du poiffon pour
les animaux & les oifeaux amphibies qui en vivent,
& un refervoir pour l’eau douce. De plus, il veut
que toutes les cellules ou étables qui étoient immédiatement
fous cet étage, ayent été percées par en-
haut , pour diftribuer par ces ouvertures la nourriture
dont les animaux auroient befoin ; & au moyen
de certains canaux qui alloient dans chaque étable,
on auroit pu leur donner de l’eau pour plufieurs
jours. . •
Il croit qu’au milieu du quatrième étage il devoit
fe trouver pour l’appartement des hommes une grande
chambre éclairée par la fenêtre de Y arche, une dé-
penfe, une cuifine dans laquelle il y auroit eu un
moulin à bras & un four, des chambres particulières
pour les hommes & pour les femmes, enfin des lieux
pour le bois, pour le charbon, pour les meubles &
uftenfiles du ménage & du labourage , & pour les
autres chofes qu’on vouloit garantir des eaux, &
que fur le refte de cet étage on avoit conftruit de
côté & d’autre des cages ou volières pour renfermer
les oifeaux, & des loges pour en ferrer les provir
fions.
Ayant accordé pour nourriture dix moutons chaque
jour aux animaux carnaciers, eftimés à 80 loups,
il en- auroit fallu 3650 pour un an : mais ce nombre
diminuant de dix par jour, ne devoit être compté que
comme un nombre fixe de 18:20: or ayant eftimé
les animaux qui vivent d’herbes, de graines, ou de
•fruits, égaux à .120 boeufs & à 80 moutons, ajoû-
tant 80 à: 1820, on reconnoît qu’il auroit eu 1900
moutons à nourrir, & 120 boeufs. Il trouve que lëpt
moutons mangent autant de fourage qu’un boeuf;
d’où il conclut qu’il falloit autant de nourriture à
tous ces animaux qu’ à 400 boeufs ; & parce qu’il ef-
time que 40 livres ou une coudée cube parifienne
de foin, pourroient nourrir un boeuf en un jour, il en
réfulte qu’il en auroit fallu 146000 coudées pour
un an. Le troifieme étage étoit de la capacité de
150000 coudées cubes. Le foin eft la nourriture qui
occupe le plus de place: mais 146000 coudées cubes
de foin fuflifoient pour nourrir les animaux pendant
un an ; ainfi, fuivant cet auteur, il y auroit eu
fuffifamment de place dans cet étage pour ferrer autant
de nourriture qu’il en falloit pour nourrir les
animaux pendant un an. Toute la capacité de Yar-
che, en prenant la coudée à 18 pouces; étoit de
450000 coudées ou 675000 piés : elle avoit 450
piés de long, 75.piés de large , & 45 de haut. Tel
eft le fyftème du P. Buteo, qui vivoit dans le x v ie
fiecle. ;
Quelque ingénieufes que paroiffent fes idées, &
quelque exaft que foit fon calcul, fon opinion fouffre
pourtant de grandes difficultés'. Les principales qu’y
remarque M. lé Pelletier, font i° . que la coudée
dont parle Moyfe étoit celle de Memphis, différente
de celle de Paris, & plus courte d’une feptieme partie:
20. qu’un bâtiment plat & quarré, plus long &
plus large que haut, n’a nul befoin de left pour l’empêcher
de tourner, de quelque maniéré qu’on le
charge : 30. qu’il eft ridicule de placer des animaux
entre des fumiers & des provifions pour les étouffer,
&■ de les mettre fous l’eau pour les priver de la lumière
; au lieu qu’on prévient tous ces inconvéniens
en les mettant au troifieme étage : 40. queda pefan-
teur du corps des animaux qui entrèrent dans Y arche
ne pouvant aller à foixante-dix milliers, & les pro-
Tome I,
vifions qu’on y enferma & qui étoient aU-deffus des
animaux, pouvant aller à plus de dix millions, il n’y
auroit pas de bon fens de mettre dix millions de charge
dans un étage placé au-deffus d’un autre qui n’en
auroit contenu que foixante-dix milliers : 5 . qu’en
plaçant la porte de Y arche à un des côtés pour laiffer
une allée vuide de trois cents coudées de long fur fix
de large,on auroit rendu cette arche plus pefante d’un
côté que d’un autre, & incommode en gâtant la fym-
niétrie des étables & des autres appartenons. Mais,
ajoute D. Calmet, il y a peu d?auteursqui ayent traité
cette matière, qui ne foient tombés dans quelques
inconvéniens.Les uns ont fait Yarche trop grande, les
autres trop petite ; d’autres trop peu folide : la plupart
n’ont apperçû d’autres difficultés dans l’hiftoire
du déluge, que celle qui regarde la capacité de 1W-
che, fans faire attention à une infinité d’autres inconvéniens
qui réfultent de fa forme, de la diftribution
des appartemens, des étages, des logemens des animaux,
de leur diftribution, de la maniéré dont on
pouvoit leur donner à boire & à manger, leur procurer
du jour & d e l’air ; les nettoyer & faire couler le
fumier & les immondices hors de Yarche ou dans la
fentine. On peut voir toutes ces difficultés éclaircies
par M. le Pelletier de Rouen , dans le chap, xxv. de
fa Differtation fur C arche de Noé.
. Nous terminerons cet article par quelques obfer-
vatiôns fur le lieu où s’arrêta Y arche après le déluge.
Quelques-uns ont crû que c’étoit près d’Apamée *
ville de Phrygie, fur le fleuve Marfyas, parce que
cette ville prenoit le furnom arche, & portoit la
figure d’une arche dans fes médailles, comme il pa-
roît par une piece frappée en l’honneur d’Adrien, où
l’on voit la figure d’un homme qui repréfente le fleuve
Marfyas , avec ces mots : AriAMEfiN kibotcjs
MAP2YA2 , c’eft-à-dire médaille déApamée , C arche ,
le fleuve Marfyas. Et dans les vers Sibyllins, on lit
que le mont Ararat, où s’arrêta Yarche, eft fur ies
confins de là Phrygie , aux foürces du fleuve Mar-
fpas : mais ce fentiment n’eft pas foûtenable ; le plus
fuivi, appuyé fur une tradition confiante des Orientaux
& fur la narration de Moyfe , eft que Y arche
s’arrêta fur le mont Ararat ; ce que faint Jérôme traduit
par les montagnes d'Arménie. Jofephe l’hiftorien
parlant d’izates i fils du roi de l’Adiabene, dit que
fon pere lui donna un canton dans l’Arménie, nommé
Kaeron, où l’on voyoit des reftes de Yarche de
Noé, & il cite encore Berofe le Chaldéen, qui dit
que de fon tems on voyoit des reftes de Yarche fur
les montagnes d’Arménie. Antiquit. Liv. I . ch, v. Lib.
X X . cap. ij.
Nicolas de Damas, Théophile d’Antioche, Ifidore
de Séville, racontent la même chofe ; Jean Struys ,
dans fes voyages, dit qu’en 1670 il monta fur là montagne
d’Ararat, & y trouva un hermite Italien, qui
l’affûra que Y arche étoit encore toute entière fur cette
montagne ; qu’il étoit entré dans ce bâtiment, & lut
montra une croix faite du bois qu’il en avoit lui-même
arrachée : mais M. de Tournefort qui a été fur les
lieux, aflure que la montagne d’Ararât eft inaccefli-
ble que depuis le milieu jufqu’au fommet elle efl:
perpétuellement couverte de neiges qui ne fondent
jamais, & au-travers defquelles on ne peut s’ouvrir
aucun paffage. Les Arméniens eux-mêmes tiennent
par tradition, qu’à caufe de cet obftacle, perfonne,
depuis Noé, n’a pû monter fur cette montagne, ni
par conféquent donner des nouvelles bien certaines
de l’état de Y arche ; c’eft donc fans aucune preuve folide
, que quelques voyageurs ont avancé qu’on en
voyoit encore des débris.- Calmet, Differt.fur l'arche
de Noé , & Dicl. de là Bible, tom. /. lettre A , aux mots
A p a m é e , A r a r a t , & A r c h e . ( £ )
A r c h e (la cour des arches') en Angleterre eft une
cour épifcopale à laquelle'reffortiffent les appels en
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