le nom d’Académie, & qui a pour objet des matières
qui demandent de l’étude & de l’application. Mais
les Sciences & le bel efprit font le partage de Y Académicien
, & les exercices du corps occupent Y Aca-
dérnifie. L’un travaille & compofe des ouvrages pour
l’avancement & la perfeâion de la littérature : l’autre
acquiert des talens purement perfonnels.
A cadémiciens , L m. pl. feâe de Philofophes
qui luivoient la doctrine de Socrate & de Platon,
quant à l’incertitude de nos connoiflances &c à l’in-
compréhenfibilité du vrai. Académicien pris en ce
fens revient à peu près à ce que l’on appelle Platonicien
, n’y ayant d’autre différence entr’euxque le tems
où ils ont commencé. Ceux des anciens qui embraf-
foient le fyftème de Platon étoient appelles Academici
, Académiciens ; au lieu que ceux qui ont fuivi les
mêmes opinions depuis le retabliffement des Lettres,
ont pris le nom de Platoniciens.
On peut dire que Socrate &. Platon qui ont jetté
les premiers fondemens de l’Académie, n’ont pas été
à beaucoup près fi loin que ceux qui leur ont fuccé-
d é , je yeux dire Arcéfilas, Carnéade, Clitomaque,
& Philon. Socrate, il eft v ra i, fit profeflîon de ne
rien favoir : mais fon doute ne tomboit que fur la
Phyfique, qu’il avoit d’abord cultivée diligemment,
& qu’il reconnut enfin furpaffer la portée de l’efprit
humain. Si quelquefois il parloit le langage des Sceptiques
, c’étoit par ironie ou par modeftie, pour rabattre
la vanité des Sophiftes qui fe vantoient fortement
de ne rien ignorer, & dfêtre toujours prêts à
difcourir fur toutes fortes de matières.
Platon, pere & inftituteür de l’Académie, inflruit
par Socrate dans l’art de douter, & s’avoiiant fon
leâateur, s’en tint à fa maniéré de traiter les matières
, &c entreprit de combattre tous les Philofophes
qui l’avoient précédé. Mais en recommandant à fes
difciples de fe défier & de douter de fout, il avoit
moins en vue de les laiffer flotans & fufpendus entre
la vérité & l’erreur, que de les mettre en garde contre
ces décifions téméraires & précipitées, pour lef-
quelles on a tant de penchant dans la jeunefle, & de
les faire parvenir à une difpofition d’efprit qui leur
f ît prendre des mefures contre ces furprifes de Terreur
, en examinant tout, libres de tout préjugé.
Arcéfilas entreprit de réformer l’ancienne Académie
, & de former la nouvelle. On dit qu’il imita Pyr-
rhon, & qu’il coiiverfa avec Timon ; deforte que
ayant enrichi Yépoque, c’eft-à-dire l’art de douter de
Pyrrhon, de l’élégante érudition de Platon ; & l’ayant
armée de la dialeâique de Diodore, Arifton le com-
paroit à la chimere, & lui appliquoit plaifamment les
vers oùHomere dit qu’elle; étoit lion par-devant, dragon
par-derriere , & chevre par le milieu. Ainfi Arcéfilas
étoit, félon lui, Platon par-devant, Pyrrhon
par-derriere, & Diodore par le milieu. C’en pourquoi
quelques-uns le rangent au nombre des Sceptiques
, & Sextus Empiricus foûtient qu’il y a fort peu
de différence entre la f e â e , qui eft la Sceptique, &
celle d’Arcéfilas, qui eft celle de la nouvelle Académie.
Voye^ les SCEPTICIENS.
En effet il enfeignoit que nous ne favons pas même
fi nous ne favons rien ; que la nature ne nous a
donné aucune regie de vérité ; que les fens & l’entendement
humain ne peuvent rien comprendre de vrai ;
que dans toutes les chofes il fe trouve des raifons op-
pofées d’une force égale : en un mot que tout eft enveloppé
de ténèbres, & que par conléquent il faut
toujours fufpendre fon confentement. Sa doârine ne
fut pas fort goûtée, parce qu’il fembloit vouloir
éteindre toute la lumière de là- Science, jetter des ténèbres
dans l’efprit, & renverfer les fondemens de la
Philofophie. Lacyde fut le feul qui défendit la doctrine
d’Arcéfilas : il la tranfmit à Evandre, qui fi.it
fon difciple ayec beaucoup d’autres. Evandre la fit
pàfTer à Hégefime, & Hégefime à Carnéade.’
Carnéade ne luivoit pas pourtant en toutes çho-
fes la doârine d’Arcéfilas, quoiqu’il en retînt le gros
& le fommaire. Cela le fit paffer pour auteur d’une
nouvelle Académie , qui fut nommée la troijieme.
Sans jamais découvrir Ion fentiment, il combattoit
avec beaucoup d’efprit & d’éloquence toutes les opinions
qu’on lui propofoit ; car il avoit apporté à l’étude
de la Philolophie une force d’efprit admirable,'
une mémoire fidele,une grande facilité de parler,
& un long ufage de la Dialeâique.. C e fut lui qui fit
le premier connoître à Rome le pouvoir de l’éloquence
& le mérite de la Philofophie ; & cette florif-
fante jeunefle quiméditoitdès lors l’Empire de l’Univers,
attirée parla nouveauté & l’excellence de cette
noble lcience , dont Carnéade faifoit profeflion, le
fui voit avec tant d’empreffement, que Caton, homme
d’ailleurs d’un excellent jugement, mais rude, un
peu fauvage, & manquant de cette politeffe que
donnent les Lettres , eut pour fufpeâ ce nouveau
genre d’érudition, avec lequel on perfuadoit tout ce
qu’on vouloit. Caton fut d’avis dans le Sénat qu’on
accordât à Carnéade, & aux Députés qui l’accom-
pagnoient, ce qu’ils demandoient, & qu’on les renvoyât
promptement &c avec honneur.
Avec une éloquence aufli féduifante il renverfoit
tout ce qu’i l avoit entrepris de combattre, confon-
doit la railon par la raifon même, & demeuroit invincible
dans les opinions qu’il foûtenoit. Les Stoïciens,
gens contentieux & fubtils dans ladifpute,
avec qui Carnéade &c Arcéfilas avoient de fréquentes
conteftations, avoient peine à fe débarraffer des
pièges qu’il leur tendoit. Aufli difoient-ils, pour diminuer
là réputation, qu’il n’apportoit rien contre
eux dont il fut l’inventeur, & qu’il avoit pris fes ob-
jeâions dans les Livres du Stoïcien Chryfippe. Carnéade
, cet homme à qui Cicéron accorde l’art de
tout réfuter, n’en ufoit point dans cette occafion qui
fembloit fi fort intérefler fon amour propre : il con-
venoit modeftement que, fans le feçours de Chryfippe
, il n’auroitrien fait, &c qu’il combattoit Chryfippe
par les propres armes de Chryfippe.
Les correâifs que Carnéade apporta à la doârine
d’Arcéfilas font très-legers. 11 eft aifé de concilier ce
que difoit Arcéfilas, qu’il ne fe trouve aucune vérité
dans les chofes, avec ce que difoit Carnéade, qu’il
ne nioit point qu’il n’y eût quelque vérité dans les
chofes, mais que nous n’avons aucune réglé pour les
difcerner. Car il y a deux fortes de vérité ; Tune que
l’on appelle vérité d'exijlence, l’autre que Ton appelle
vérité de jugement. Or il eft clair que ces deux pro-
pofitions d’Arcéfilas & de Carnéade regardent la vérité
de jugement : mais la vérité de jugement eft du
nombre des chofes relatives qui doivent être confi-.
dérées comme ayant rapport à notre efprit; donc
quand Arcéfilas a dit qu’il n’y a rien de vrai dans les
chofes, il a voulu dire qu’il n’y a rien dans les chofes
que l’efprit humain puiffe connoître avec certitude
; & c’eft cela même que Carnéade foûtenoit.
Arcéfilas difoit que rien ne pouvoit être compris,’
& que toutes chofes étoient obfcures. Carnéade çonr
venoit que rien ne pouvoit être compris : mais il ne
convenoit pas pour cela que toutes chofes fuflent
obfcures, parce que les chofes probables auxquelles
il vouloit que l’homme s’attachât, n’étoient pas obfr.
cures, félon lui. Mais encore qu’il fe trouve en celu
quelque différence d’expreflion, il ne s’y trouve au- .
cune différence en effet ; car Arcéfilas ne foûtenoit
que les chofes font obfcures, qu’autant qu’elles ne
peuvent être comprifes : mais il ne les dépoiiilloit
pas de toute vraiffemblance ou de toute probabilité :
c’étoit-là le fentiment de Carnéade ; car quand il dir
foit que les chofes n’étoient pas aflez obfcures pour
qu’on ne pût pas difcerner celles qui doivent être préfet
I ne prétendoit pâ$ qu*eî-
pouvoir être comprifes*
y avoit pas même de di-
rées dansTufâgede la vie ; i
les fuflent aflez claires pour
Il s'enfuit de-là qu il n’’
verfité de fentimens entr’eux, lorfque Carneade per-
mettoit à l’homme fage d’avoir desopinions, & peutêtre
même de donner quelquefois fon confentement;
& lorfqu’Arcéfilas défendoit l’un & l’autre, Carneade
prétendoit feulement que l’homme fage devoit fefer-
vir des chofes probables dans le commun ufage de la
v i e , & fans lefquelles on ne pourroit v iv re , mais
non pas dans la conduite de l’efprit, & dans la recherche
de la v érité, d’où feulement Arcéfilas ban-
ni (Toit l’opinion & le confentement. Tous leurs différends
ne confiftoient donc que dans les expreflions,
mais non dans les chofes, mêmes.
Philon difciple de Clitomaque , qui l’ayoit été de
Carnéade, pour s’être éloigné fur de certains points
des fentimens de ce mêméfearneade , mérita d’etre
appellé avec Charmide , fondateur de la quatrième
Académie. Il difoit que les chofes font compréhenfi-
blés par elles-mêmes , mais que nous ne pouvons
pas toutefois les comprendre.
Antiochus fiit fondateur de la cinquième Académie
: il avoit été difciple de Philon pendant plusieurs
années, & il avoit foûtenu la doârine de: Carnéade :
mais enfin il quitta le parti de fes Maîtres fur fes
vieux jours , & fit repaffer dans l’Académie les dogmes
des Stoïciens qu’il attribuoit à Platon ,,foûtenant
que la doârine des Stoïciens n’étoit point nouvelle ,
mais qu’elle étoit une réformation de l’ancienne Académie.
Cette cinquième Académie ne frit donc autre
bhofe qu’une aflbciation de l’ancienne Académie &
de la Philofophie des Stoïciens ; ou plutôt c’étoit la
Philofophie même des Stoïciens, avec l’habit & les
livrées de l’ancienne Académie, je veux dire, de
çelle qui frit floriffante fous Platon & fous Arcéfilas.
Quelques-uns ont prétendu qu’il n’y a eu qu’une
feulé Académie ; car ,difent-ils, comme plufieurs
branches qui fortent d’un même tronc, & qui s’étendent
vers différens côtés, ne font pas des arbres dif-
férens ; de même toutes ces feâes, qui font forties de
çe tronc unique de la doârine de Socrate , que l'homme
ne fait rien » quoique partagées en diverfes écoles
, ne font cependant qu’une feule Académie. Mais
fi nous y regardons de plus près , il fe trouve une
telle différence entre l'ancienne & la nouvelle Académie,
qu’il faut néceffairement reconnoître deux
Académies ; l’ancienne , qui fut celle de Socrate &
d’Antiochus; & la nouvelle „ qui fut celle d’Areéfi-
las, de Carnéade, & de Philon. La première frit dogmatique
dans.quelques points ; on y refpeâa du moins
les premiers principes & quelques vérités morales,
au lieu que la nouvelle fe rapprocha prefque entièrement
du Scepticifme. Vaye{SCEPTICIENS. (AT)
ACADÉMIE, f. f. C ’étoit dans l’antiquité un jardin
ou une maifon fituée dans le Céramique , un des
fauxbourgs d’Athènes , à un mille ou environ de la
v ille ,,où Platon & fes feâateurs tenoient des affem-
blées pour converfer fur des matières philofophiques.
Çet endroit donna le nom à la feâe des Académiciens.
Voye^ Académicien?.
. Le nom Académie fut donné à cette maifon, à
caufe d’un nommé Académus. ou Écadémus , citoyen
d’Athènes, qui en étoit poffeffeur & y tenoit une
efpece de gymnafe. Il vivoit du tems de Théfée.
Quelques-uns ont rapporté le nom d’Académie à
Cadmus qui introduifit le premier en Greee les Lettres
&c les Sciences des Phéniciens : mais cette étymologie
eft d’autant moins fondée, que les Lettres
dans cette première origine furent trop foiblement
cultivées.pour qu’il y eût de nombreufes afîemblées
de Savans.
. Cimon embellit Y Académie & la décora de fontaines,.
d’arbres., & de promenades , en faveur des
Tome I.
Philofophes & des Gens de Lettres qui s’y raflent-
bloient pour conférer enfemble &: pour dilputer fur
différentes matières, &c. C’étoit aufli l’endroit oü
l’on enterroit les Hommes illuftres qui avoient rendu
de grands fervices à la République. Mais dans le
fiége d’Athènes , Sylla ne refpeâa point cet afyle
des beaux arts ; & des arbres qui formoient les promenades,
il fit faire des machines de guerre pour
battre la place.
Cicéron eut aitfli une maifon de campagne ou un
lieu de retraite près de Pouzole , auquel il donna le
nom à?Académie , où il avoit coûtume de converfer
avec fes amis qui avoient du goût pour les entretiens
philofophiques. Ce frit-là qu’il compofa fes
Queftions académiques, & fes Livres fur la nature
des Dieux.
Le mot Académie fignifie aufli une feâe de Philofophes
qui foûtenoient que la vérité eft inacceflîblé
à notre intelligence , que toutes les connoiflances
font incertaines, & que le fage doit toûjours douter
& fufpendre fon jugement, lans jamais rien affirmer
ou nier pofitivement. En ce fens Y Académie eft la
même chofe que la feâe des Académiciens* Voyez
Académicien»
On compte ordinairement trois Académies ou trois
fortes d’Académiciens, quoiqu’il y en ait cinq fui-*
vant quelques-uns. L’ancienne Académie eft celle
dont Platon étoit le chef. Voye{ Platonisme.
Arcéfilas, un de fes fuceeffeurs , en introduifant
quelques changemens ou quelques altérations dans
la Philofophie de cette feâe , fonda ce que l’on ap-
pelleJafécondé Académie. C ’eft cet Arcéfilas principalement
qui introduifit dans Y Académie le doute ef-
ïe â if & univerfel.
On attribue à Lacyde , ou plûtôt à Carnéade ,
Tétabliflement de la troifieme, âppellée aufli la nouvelle
Académie, qui reconnoiflant que non-feulement
il y avoit. beaucoup de chofes probables , mais aufli
qu’il y en avoit de vraies & d’autres faufles, avoiioit'
néanmoins que Tefprit humain ne pouvoit pas bien
les difcerner.
Quelques-autres en ajoûtent une quatrième fondée
par Philon ,. & une cinquième par Antiochus ,
âppellée YAntiochèene , qui tempéra l’ancienne Académie
avec les opinions du Stoïcifme. Voyez Stoïcisme.
L’ancienne Académie doutoit de tout ; elle porta
même fi loin ce principe , qu’elle douta fi elle devoit
douter. Ceux qui la compofoient eurent toûjours
pour maxime de n’être jamais certains , ou de
n’avoir jamais Tefprit fatisfait fur la vérité des chofes
, de ne jamais rien affirmer, ou de ne jamais rien
nier, foit que les chofes leur paruflent vraies, foit
qu’elles leur panifient faufles. En effet, ils foûtenoient
une açatalepfie abfolue , c’eft-à -d ire , que
quant à la nature ou à Tefl’ence des chofes, Ton de-
.voit fe retrancher fur un doute abfolu. Voye^ A catalepsie,:
Les feâateurs de la nouvelle Académie étoient
un peu plus traitables, : ils reconnoiffoient plufieurs
chofes comme vraies, mais fans y adhérer avec une
entière affûrance. Usa voient approuvé que le commerce
de la vie & de la fociété étoit incompatible
avec le doute univerfel & abfolu qu’affeâoit l’ancienne
Academie. Cependant il eft vifible que ces
chofes mêmes dont ils eonvenoient, ils les regar-
doient plûtôt comme probables que comme certaines
déterminément vraies : par ces correâifs, ils
.comptaient du moins éviter les reproches d’abfur-
dité faits à l’ancienne Académie. Voyei D o u t e .
Voye[ aufjî les Quejlions Académiques de Cicéron ,
pù eet auteur réfute avec autant de force que de
netteté les fentimens des Philofophes de fon tems,
qui prenoient le titre de feâateurs de l’ancienne &ç~
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