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montagne de Nebo, fameufe par la mort & par la
fçpulture de Moyfe ; & qu’ayant fait retirer tous
ceux qui l’accompagnoient, Dieu lui découvrit une
caverne profonde, oii il plaça Y arche &c l ’àutel des
parfums, & en ferma fi bien l’entrée, que fans une
révélation particulière, il n’étoit pas poflible de la
connoître : que fes compagnons s’en étant approchés
dans ce deffein, le proptiete leur déclara que l’autel
& Y arche demeureroient en dépôt dans cette caverne
inconnue, jufqu’à ce qu’il plût au Seigneur de raflem-
bler fon peuple de tous les pays où ils étoient dilper-
des : qu’alors il leur rendroit l’un & l’autre avec une
grande magnificence, & qu’on verroit alors fe renouveler
les merveilles opérées du tems de Moyfe
& de Salomon. Cet oracle n’étant pdint encore accompli
, les interprètes penfent qu’il ne le fera qu’à
i ’entiere réunion des Juifs, qui doit précéder le jugement
dernier. (G )
A r c h e d e N o é lignifie, félon le langage de
l’Ecriture, une forte de bateau ou de vafte bâtiment
flotant qui fut confirait par Noé, afin de préferver
du déluge les diverfes efpeces d’animaux que Dieu
avoit ordonné à ce patriarche d’y faire entrer. Foye^
D é lu g e .
Les Naturaliftes & les Critiques ont fait diverfes
recherches & imaginé différens fyfièmes fur Y arche
de Noé, liir fa forme, fa grandeur, fa capacité, fur
les matériaux employés à fa conftruôion, fur le tems
qufil a fallu pour la bâtir, & fur le lieu où elle s’arrêta
quand les eaux du déluge fe retirèrent. Nous
parcourrons tous ces points avec l’étendue que comportent
les bornes de cet ouvrage.
i° . On croit que Noé employa cent ans à bâtir
Y arche ; fa voir, depuis l’an du monde 1555 jufqu’en
1656 qu’arriva le déluge. C ’eft l’opinion d’Origene,
lib. IF . contra Celf. de S. Auguftin, de civil. Dei, lib.
X F . cap. xxvij. & cône. Faüji. lib. X I I . cap. x v ’iij. &
dans fes quejl. 5 . & 23 .fur la Genefe; & de Rupert,
lib. 1F. fur la Genefe , chap. xxij. en quoi ils ont été
fuivis par Salien, Sponde , le Pelletier, & c. D ’autres
interprètes prolongent ce terme jufqu’à fix vingts ans.
Berole affûre que Noé ne commença à bâtir Y arche
que 78 ans avant le déluge : Tanchuma n’en compté
que cinquante-deux ; & les Mahométans ne donnent
à ce patriarche'que deux ans pour la conftruire. Il eft
certain d’un côté par le texte de la Genefe , que le
déluge arriva l'an f ix cents de Noé; & d’un autre, que
Noé étoit âgé de cinq cents ans ,lorfqu'il eut Sém, Chant,
& Japhet; d’où il s’enfuit que l’opinion de Berofe pa-
roît la plus probable ; car félon le P. Fournier dans
fon Hydrographie, qui fuit en cela le fentiment des
peres, Noé fut aidé dans fon ouvrage par fes trois
fils ; & le même auteur ajoûte que ces quatre perfon-
nes fuffirent pourle finir ; ce qu’il prouve par l’exemple
d’Archias lé Corinthien, qui avec le fecours de
trois cents ouvriers, conftruifit en un an le grand
vaifleau d’Hieron roi de Syracufe. Quand on fuppo-
feroit Y arche beaucoup plus grande , & bâtie en 78
ans, il faudrait faire attention aux forces des hommes
des premiers tems , qu’on a toûjours regardées
comme de beaucoup fupérieures à celles des hommes
qui vivoient long-tems après. Par ces confidérations,
on peut répondre aux objections de ceux qui prétendent
que l’aîné des enfans de Noé ne naquit qu’en-
viron dans le tems où Y arche fut commencée, & que
lé plus jeune ne vint au monde qu’après que l’ouvrage
eut été mis en train ; enforte qu’il fepaffa un tems
confidérable avant qu’ils fuflent en état de rendre
fervice à leur pere. On détrait également ce que d’autres
objectent, qu’il eft impoflible que trois ou quatre
hommes ayent pu fuffire à conftruire un bâtiment où
il falloit employer une prodigieufe quantité d’arbres
qui demandoient un nombre infini d’ouvriers pour
les exploiter.
1 . Le bois qui fervit à bâtir Y arche, éft âppellé
dans l’Ecriture >2fy , & fe gopher, bois de gophers
que les Septante traduifent par ÇvXov Tirpctyavov, bois
equarri. Onkelos & Jonathan & quelques autres ont
eftimé que ce bois étoit le cedre. S. Jerome dans la
vulgate employé le mot ligna levigata, bois taillé
ou poli ; & ailleurs ligna bituminata, bois enduit de
bitume ou gaudronné. Kimki dit que c’étoit du bois
propre à aller fur l’eau : Vatable l’entend d’un bois
léger, <^ui demeure dans l’eau fans fe corrompre ,
ce qui n’explique pas de quelle efpece étoit ce bois.
JuniusTremellius & Buxtorf prétendent que c’étoit
, une efpece de cedre, appellé par les Grecs r.t J'ptxâ.T».
M. Pelletier de Rouen panche pour cette opinion,
& en donne pour raifon l’incorruptibilité de ce bois,
& la grande quantité de fon efpece en Afie ; puifque
félon Hérodote & Ariftophane, les rois d’Egypte &
de Syrie employoient le cedre, au lieu de lapin , à
la conftrudion de leurs flottes ; & que c’eft une tradition
reçûe dans tout l’Orient, que Y arche s’eft con-
fervée toute entière jufqu’à préfent fur le mont Ara*
rath. Bochar au contraire foûtient que gopher lignifie
le cyprès, parce que dans l’Arménie & dans l’Af-
fyrie où l’on fuppofe avec raifon que Y arche fut conf-
truite, il n’y a que le cyprès propre à faire un long
vaifleau tel qu’étoit Y arche; ce qu’on prouve par l’autorité
d’Arrien , liv. F II. & de Strabon, liv. X F I .
qui racontent qu’Alexandre étant dans la Babylonie ,
& voulant faire conftruire une flotte, fut obligé de
faire venir des cyprès d’Aflyrie. Ce dernier fentiment
paroît d’autant plus fondé, qu’il n’eft pas vraiffem-
blable que Noé avec l’aide de fes feuls enfans, & le
peu de tems qu’il eut pour bâtir un vaifleau aufli
vafte, dût encore tirer de loin les bois de conftruc-
tion. Enfin quelques auteurs croyent que l’hébreu
gopher fignifie en général des bois gras & réfineux , •
comme le pin, le fapin, le terebinthe. Les Mahométans
difent que c’étoit le fag ou le platane des Indes,
que Dieu indiqua à N oé, qui le planta de fa main ,
& le vit croître fi prodigieufement en vingt ans, qu’il
en tira toute la charpente & les autres bois néceifai-
res à la conftruéfion àe Yarche.
3°. Ce.bâtiment, félon M o y fe, avoit trois cents
coudées de longueur, cinquante de largeur, & trente
de hauteur, ce qui paroît d’abordinfuffifant pour
contenir toutes les chofes dont Y arche a dû néceffai-
rement être remplie ; & c’eft cette proportion inégale
qui a fait révoquer en doute à quelques-uns l’autorité
de cette relation de Moyfe. C e lle , entr’autres,
s’en eft moqué, & l’a nommée kiGuIov àhxôxojov, Yar-
che d’abfurdité. Pour réfoudre cette difficulté, les SS.
Peres & les critiques modernes fe font efforcés de
déterminer l’efpece de coudée dont Moyfe a voulu
parler. Origene, S. Auguftin, & d’autres , ont pen-
ieque par ces coudées il falloit entendre les coudées
géométriques des Egyptiens, qui contenoient \ félon
eux, fix coudées vulgaires ou neufpiés. Mais où trouve
t-on que ces coudées géométriques des Egyptiens
fuflent en ufage parmi les Hébreux } D ’ailleurs dans
cette fuppofition, Yarche aurait eu 2700 piés de longueur;
ce qui, joint aux autres dimenfions; lui eût
donné une capacitiiénorme & tout-à-fait fuperflue,
tant pour les efpeore d’animaux qui dévoient y être'
renfermées, que pour les prOvifions deftinées à leur
nourriture. D ’autres difent que leshommesétantplus
grands dans le premier âge qti’ils ne font maintenant,7
la coudée qui eft une mefure humaine ; devoir être
proportionnément plus grande : mais cette raifon éft
Foible; car les animaux dévoient être aufli plus grands
& occuper plus de place. D'autres ënfinffuppofent-
que Moyfe parle de la coudée facrée, qui étoit de la
largeur de la main plus grande que la coudée ordinaire,
opinion qui n’eft pas encore folidement appuyée;
car il ne paroît pas qu’on ait jamais employé
« t te mefure, fi ce n’eft dans les édifices facrés, comme
le temple & le tabernacle. Cette difficulté a été
mieux réfolue par Buteo & par Kircher, qui en fup-
pofant la coudée de la longueur d’un pie & demi,
prouvent géométriquement que Yarche étoit très-fuf-
fifante pour contenir tous les animaux. On eft encore
moins gêné à cet égard dans le fyftème de ceux
qui, comme Meflieurs le Pelletier, Graves, Cumberland
& Newton , donnent à l’ancienne coudée
hébraïque la même longueur qu’à l’ancienne coudée
de Memphis, c’eft-à-dire vingt pouces & demi environ
mefure de Paris. Les dimenfions de Y arche,
prifes fuivant cette mefure , donnent une capacité
fuffifante pour loger commodément non-feulement
lés hommes & les animaux, mais aufli les provifions
iléceffaireS, & l’eau douce pour les entretenir pendant
un an & plus, comme on le verra ci-delfous
par l’expofition des fyftèmes de M. le Pelletier & du
P. Buteo.
Snellius a prétendu que Y arche avoit plus d’un arpent
& demi : Cuneus, Budée, & d’autres ont aufli
calculé la capacité de Y arche. Le dofteur Arbuthnot
compte qu’elle avoit quarante fois 81062 piés cubiques.
Le P. Lami dit qu’elle étoit de cent dix piés
plus longue que l’églife de S. Merry à Paris , & de
foixante-quatre piés plus étroite ; à quoi fon traducteur
Anglois ajoûte qu’elle étoit plus longue que l’églife
de S. Paul à Londres ne l’eft de l’eft à l’oueft,
& qu’elle avoit foixante-quatre piés de haut félon la
mefure Angloife.
40. Varche contenoit, outre les huit perfonnes qui
compofoient la famille de N oé, une paire de chaque
efpece d’animaux impurs, & fept d’animaux purs,
avec leur provifion d’alimens pour un an ; ce qui du
premier coup d’oeil paroît impoflible : mais fi l’on
aefcend aü calcul, on trouve que le nombre des animaux
n’eft pas fi grand qu’on fe l’étoit d’abord imaginé.
Nous ne connoiffons guere qu’environ cent,
ou tout au plus cent trente efpeces de quadrupèdes,
environ autant des oifeaux, & quarante efpeces de
ceux qui vivent dans l’eau. Les Zoologiftes comptent
ordinairement cent foixante & dix efpeces d’oi-
feaux en tout. Wilkins évêque de Chefter, prétend
qu’il n’y avoit que foixante & douze efpeces de quadrupèdes
qui fuflent néceflairement dans Y arche.
50. Selon la defcription que Moyfe fait de Y arche,
il femble qu’elle étoit divifée en trois étages, qui
avoient chacun dix coudées ou quinze piés de hauteur.
On ajoûte que l’étage le plus bas étoit occupé
par les quadrupèdes & les reptiles; que celui du milieu
renfermoit les provifions, que celui d’en-haut
contenoit les oifeaux avec Noé & fa famille ; enfin
que chaque étagé étoit fubdivifé en plulieurs loges.
Mais Jofeph, Philon , & d’autres commentateurs
imaginent encore une efpece de quatrième étage qui
étoit fous les autres , & qu’ils regardent comme le
fond de cale du vaifleau, lequel contenoit le left &
les excrémens des animaux. Drexelius croit que Y arche
contenoit trois cens loges où appartenons ; le P.
Fournier en compte trois cens trente-trois ; l’auteur
anonyme des queftïons fur la Genefe, en met jufqu’à
quatre cens. Budée, Temporarius, Arias Montanus,
Wilkins, le P. Lami, & quelques autres fuppofent
autant de loges qu’il y avoit d’efpeces d’animaux.
M. le Pelletier & le P. Buteo en mettent beaucoup
moins, comme on le verra : la raifon qu’ils en apportent
eft que fi l’dn fuppofe un grand nombre de
loges, comme trois cens trente-trois ou quatre cens,
chacune des huit perfonnes qui étoient dans Yarche,
auroient eu 37, ou 4 1 , ou 50 loges à pourvoir & à
nettoyer par jour, ce qui eft impoflible. Peut-être y
à-t-il autant de difficulté à diminuer le nombre des
loges, à moins qu’on ne diminue le nombre des animaux
; car il ferait peut-être plus difficile de prendre
foin de 300 animaux en 72 lo g e s q u e s’ils ôccu-
poient chacun la leur. Budée a calculé que tous les
animaux qui étoient contenus dans Y arche, ne dévoient
pas tenir plus de place que cinq cens chevaux
, ce qu’il réduit à la dimenfion de cinquante-fix
paires de boeufs. Le P. Lami augmente ce nombre
jufqu’à foixante-quatre paires ou cent vingt-huit
boeufs ; de forte qu’en fuppofant que deux chevaux
tiennent autant de place qu’un boeuf, fi Y arche a eu
de l’efpace pour deux cens cinquante-fix chevaux ,
elle a pu contenir tous les animaux ; & le même auteur
démontre qu’un feul éfage pouvoit contenir cinq
cens chevaux, en comptant neuf piés quarrés pour
un cheval.
Pour ce qui regarde les alimens contenus dans le
fécond étage, Budée a obfervé que 30 ou 40 livres
de foin fuffifent ordinairement à un boeuf pour fa
nourriture journalière, & qu’une coudée folide de
foin preffée comme elle l’eft dans les greniers ou
magafins, pefe environ 40 livres. De forte qu’une
coudée quarrée de foin eft plus que fuffifante pour
la nourriture journalière d’un boeuf : or il paroît que
le fécond étage avoit 150000 coudées folides. Si on
les divife entre 206 boeufs, il y aura deux tiers de
foin plus qu’ils n’en pourront manger dans un an.
L’évêque Wilkins calcule tous les animaux carna-
ciers équivalens tant par rapport à leur volume, que
par rapport à leur nourriture, à 27 loups, & tous les
autres a 208 boeufs. Pour l’équivalent de la nourriture
des premiers, il met celle de 1825 brebis, & pouf
celle des féconds 109500 coudées de foin : or les deux
premiers étages étoient plus que fuffifans pour contenir
ces chofes. Quant au troifieme étage, il n’y a
point de difficulté ; tout le monde; convient qu’il y
avoit plus de place qu’il n’en falloit pour les oifeaux,
pour Noé & pour fa famille.
Enfuite le favant évêque obferve qu’il eft infiniment
plus difficile d’évaluer en nombre la capacité
de Y arche, que de trouver une place fuffifante pour
les différentes efpeces d’animaux connus. Il attribue
cette différence à l’imperfeftion de nos liftes d’animaux
, fur-tout des animaux des parties du monde
ue nous n’avons pas encore fréquentées : il ajoûte
urefte que le plus habile mathématicien de nos jours
ne déterminerait pas mieux les dimenfions d’un vaif-
feau, tel que celui dont il s’agit ic i, qu’elles ne le
font dans l’Ecriture , relativement à l’ufage auquel
il étoit deftiné. D ’où il conclut que Yarche dont on a
prétendu faire une obje&ion contre la vérité des écritures
divines, en devient une preuve; puifqu’il eft à
préfumer que dans des premiers âges du monde, les
hommes moins verfés dans les Sciences & dans les
Arts, dévoient être infiniment plus fejets à des erreurs
, que nous ne le ferions aujourd’hui : que cependant
fi l’on avoit aujourd’hui à proportionner la
capacité d’un vaifleau à la mafle des animaux & de
leur nourriture, on ne s’en acquiteroit pas mieux ; &
que par conféquent Y arche ne peut être une invention
humaine; car l’efprit humain étant expofé en pareil
cas à fe grofîir prodigieufement les objets, il ferait
arrivé indubitablement dans les dimenfions de Yarche
de Noé, ce qui arrive dans l’eftimation du nombre
des étoiles par la feule vue ; c’eft que de même qu’on
en juge le nombre infini, on eût pouffé les dimenfions
de Yarche à des grandeurs demefurées, & qu’on
eût ainfi engendré un bâtiment infiniment plus grand
qu’il ne le falloit ; & péchant plus par fon excès de
capacité dans l’hiftorien, que ceux qui attaquent
Fhiftoire ne prétendent qu’il peche par défaut.
Mais pour donner au lefteur une idée plus jufte
des dimenfions de Y arche, de fa capacité, de fa distribution
intérieure, autres proportions, nous allons
lui faire part de l’extrait des fyftèmes de M. le
Pelletier de Rouen & du P. Buteo, fur cette matière,