» hommes le font de tous les corps dont elle eft com-
» pofée. Ainfi la formation de Varmée ne dépend que
» de l’arrangement des bataillons & des efcadrons :
» comme l’aâion la plus confidérable qu’elle puiffe
» faire, eft celle .de livrer bataille, on appelle.ordre
» de bataille celui qui s’obferve dans la pofition .des
» bataillons & des efcadrons de Varmée.
» On place les bataillons & les efcadrons à côté
» les uns des autres, par les mêmes motifs qui -font
» placer les hommes de cette maniéré dans les diffé-
» rentes troupes : mais ces troupes ainfi placées dans
» l’ordre de bataille, ne font point appellées troupes
» en rangj mais troupes en ligne ou en bataille; & l’on
» ne dit point non plus un rang de troupes, mais une
» ligne de troupes.
» On met les troupes les unes derrière les autres,
*> par les mêmes raifons qui font placer ainfi les hom-
» mes dont elles font compofées : mais on ne fe fert
» pas du terme de file par rapport à cet arrangement.
» Si celles qui font poftées les unes derrière les au-
» très font deftinées à fe fuivre, & qu’elles foient en
» grand nombre , on les appelle troupes en colonne ,
» l’on dit colonne de troupes, & non pas file de troupes.
» Si les troupes placées les unes derrière les autres
» ne font pas deftinées à fe fuivre , on ne les confi-
» dere point par rapport à l’arrangement précédent,
» mais feulement par rapport aux autres troupes avec
» lefquelles elles font en ligne. Ce dernier cas eft
» beaucoup plus commun dans l’ordre de bataille
» que le premier.
» Le nombre des lignes qu’on doit donner à Var-
» mée n’eft pas fixé, non plus que le refte de l’ordre
» de bataille : la différence des pays & des terreins
» où l’on doit combattre, & la difpofition des enne-
». mis, peuvent y occafionner des changemens confi-
» dérables. Ainfi il paroît qu’on doit définir l’ordre
» de bataille : l'ordre & l'arrangement des bataillons &
» des efcadrons d'une armée par rapport au terrein & aux
» dejfeins du général, & par rapport à l'arrangement que
» les ennemis ont pris ou qu'ils peuvent prendre.
» On n’entreprend point ici de donner tous les dif-
» férens ordres de bataille ou exécutés ou poffibles :
» on fe contentera pour en donner une idée, d’en fup-
» pofer un qui foit le plus conforme aux maximes en
» ufage, & qu’on regardoit encore dans la guerre de
» 1701, comme des réglés dont on ne devoit point
» s’écarter. On eft fondé à en ufer ainfi fur ce qui fe
» pratique réellement lorfqu’on affemble une armée.
» On fuppofe d’abord un ordre à peu-près tel qu’on
» va le décrire, pour afligner & pour apprendre à
» chaque troupe le polie où elle doit être : on en fait
» un état dont on diftribue des copies aux officiers
» principaux. Cet ordre n’eft pas pour cela regardé
» comme quelque chofe de fixe, & le générai y fait
» dans la mite les changemens qu’il juge à propos.
. » Voici les maximes qui dans les dernieres guerres
» fervoient de bafe à l’ordre de bataille.
Principes ou maximes qui fervent de fondement à l'or*
dre de bataille. Première maxime. « Former Varmée fur
» deux lignes de troupes.
» La ligne la plus proche des ennemis eft appellée
» la première ligne; celle qui fuit immédiatement, la
» fécondé ; celle qui fuit la fécondé , la troifieme; &
» ainfi de fuite fi l’on a un plus grand nombre de li-
» gnes : ce qui arrive lorfque le terrein ne permet pas
» que Varmée foit feulement fur deux lignes.
I I . maxime, « Garder quelques troupes outre cel-
» les qui compofent les deux lignes, pour s’en fervir
» au befoin:, à porter du fecours dans les endroits
» où il eft héceffaire. Le corps compofé de ces trou-
» pes, ou de bataillons & d’efeadrons, eft appellé
» réferve dans l’ordre de bataille. Gn en a vû jufqu’à
>> trois dans les grandesarmées. Le pofte le plus natu-
» rel des réferves eft derrière la- fécondé digne.
I I I . maxime. « Mettre toute l’infanterie au milieu
» de Varmée. L’efpace qu’elle occupe ainfi placée fe
» nomme le .centre.
IF . maxime. « Placer la cavalerie également fur
» les deux flancs de l’infanterie. Cette cavalerie de
» chaque ligne fe nomme alors ailes de cavalerie.
F . maxime. « Laiffer entre les bataillons un inter-
» valle égal à leur front, & obferver la même chofe
» entre les efcadrons ; enforte que par cette difpofi-
» tion les lignes ayent autant de vuide que de plein :
» ce qui fait que les bataillons & les efcadrons peu-
» vent fe mouvoir facilement, & exécuter les diffé-
» rens mouvemens qui leur font ordonnés par le gé-
» néral, fans que pour cela ils s’embarraffent les uns
» les autres.
F I . maxime. <* Placer les bataillons & les efca-
» drons de la fécondé -ligne vis-à-vis les intervalles
» de ceux de la première, afin qu’en cas de befoin les
» troupes de la fécondé ligne puiffent fecourir aifé-
» ment celles de la première ; & que fi les troupes de
» cette première ligne font battues & mifes en defor-
» dre, elles trouvent les intervalles de la fécondé ,
» par où elles peuvent fe retirer fans caufer de défi-
» ordre à cette ligne, & qu’enfin elles puiffent fe
» rallier ou reformer derrière.
F II. maxime. « Placer la fécondé ligne environ à
» trois cents pas, ou cent cinquante toifes de la pre-
» miere, afin que le feu des ennemis ne parvienne
» pas jufqu’à l’endroit qu’elle occupe. Dans le mo*
» ment du combat, la leconde ligne s’approche da-
» vantage de la première ; mais à cent toifes elle perd
» du monde , Sc elle en perd beaucoup plus à cin-
» quante toifes & à vingt-cinq.
Obfervations fur les maximes précédentes. « Suivant
» ces maximes une armée doit avoir une très* grande
» étendue de la droite à la gauche, & très-peu de
» profondeur de la tête à la queue.
» Pour connoître cette étendue, il faut favoir le
» nombre des bataillons & des efcadrons dont la pre-
» miere ligne doit être compofée , & quel doit être
» l’intervalle qui les fépare. Comme on connoît l’ef-
» pace qu’occupe un bataillon & un efeadron , il ne
» s’agit plus que d’une fimple multiplication pour fa-
» voir l’étendue-du terrein de cette première ligne,
» & par conféquent celui du front de Varmée.
» Si l’on objeéte à cela que les bataillons & les ef-
» cadrons peuvent être fort différens les uns des au-
» très, & qu’ainfi le calcul qu’on vient d’indiquer ne
» peut être exaél, on répondra à cette objeûion, que
» fi ces troupes different confidérablement entr’élles,
» c’eft aux officiers à qui il importe particulièrement
» de connoître le terrein que Varmée doit occuper, de
» s’inftruire de ces différences pour y avoir égard
» dans le calcul. Si ces différences ne font pas confi-
» dérables, oir fi elles ne viennent que du nombre
» complet des troupes, on peut fans erreur fenfible
» ajoûter la moitié de la différence des plus fortes'
» troupes aux plus petites, & regarder enfuite com-
» me égales celles de la même elpece : autrement il
» faut calculer l’étendue de chaque troupe en parti-
» culier, & les additionner- enfemble avec les inter-
» valles convenables. Ce calcul eft un peu plus long
» que le précédent : mais il faut convenir auffi qu’il
» n’a rien de difficile.
»M. le maréchal de Puyfegur propofe dans fort
» excellent livre de Vart de la guerre, pour déterminer
» exactement le terrein nééeffaire à une arméet de ré-
» gler au commencement de la campagne le nombre
» de rangs que les bataillons & les efcadrons doivent
» avoir. Pour cela il faut examiner la force où lé nom-
» bre des hommes de chacune de fes troupes, & fixer
» ce qu’il peut y en avoir à ehâqiie rang pat le plus
» grand nombre des bataillôns & des efcadrons. S’i l :
»(s’ep trouve quelques-uns qui ayent un front beau-*
» Coup plus grand que les autres, Cet ilïuôré général
» prétend qu’il faut leur donner un rang de plus, &
» en donner un de moins à ceux qui auront trop peu
» de front. De cette façon on pourroit regarder les
» bataillons & lés efcadrons, comme occupant toû-
» jours le même front, & faire le calcul du terrein
» que toute Varmée doit Occuper avec une très-gran-
» de facilité.
» Pour donner une idée du calcul qu’on vient d îrt-
» diquer, c’eft-à-dire de celui qui eft utile pour trou-
» ver l’efpacé néceffaire pour le front d’une armée,
» foit une armée de 48 bataillons & 80 efcadrons , &
» foit fuppofé auffi que fuivant l’ufage Ordinaire les
» intervalles font égaux au front de chaque troupe ,
» & qu’on veut dilpofér ou placer Varmée fur deux
» lignés. On aura 24 bàtaillôfis & 40 efcadrons pour
» chaque ligne» On fuppofe que lès bataillons font
» de 650 hommes à 4 de hauteur, & les efcadrons
» de 150 à 3 de hau teur ; ce qui donne, en comptant
» 2 pies pour chaque foldat dans ie rang, & 3 piés
» pour le cavalier, 54 toifes pour le front du bàtail-
» Ion , & 25 pour celui de l’ëfcàdron. Multipliant
» donc 24 par 54, on àïïra 1296 toifes pour le front
»d e 24 bataillons, c i , » ' . » . 1296
» On aura la même étèrtduè pour les intervalles,
» c i , . . . . . 1296
» Pour le front dés efcadrons, On multipliera 40
» par 25 : :ce qüi donnera 1000 tôifès pour le front,
» c i , . . . -. . . 1000
» Il faut obferver les mêmes efpaces pour les iriter-
» valles, c i , » . . . « 1000
Total dit front de chaque ligne , 459i
» A Pégard de la profondeur du terrein occupé par
» Varmée , elle né contient que cellë de deux batail-
» lonsoude deux efcadrons, avecladiftànce de deux
» lignes, qu’on peut régler de 1 jo toifes \ ainfi cette
» profondeur n’auroit guere que 160 toifes. On n’a
» point parlé des réferves dans ce calcul, parce qu’el-
» les n’ont point de pofte fixe & déterminé.
» II eft difficile de ne pas convenir qu’une étendue
» de 4592 toifes, ou de deux lieuès communes de
» France, telle qu’ëft celle du front dé Varmée qu’on
» vient defuppofer, eft exorbitànté par rapport à la
» profondeur dé tétte même armée. Auffi d’habilés
» généraux penfént-ils qu’ilfferoit à propos de dimi-
» nuer ce front eti retranchant quelque chofe de la
» grandeur des intervalles.
» M. lé maréchal de Püyfegür éft non-feulement
» de l’avis de ceux qui croyent que les grands inter-
» valles font préjudiciables & qu’il faut les diminuer :
» mais il pehfé encore qu’il feroit à-propos de faire
» combattre lés troupës à lignes pleines, c’eft-à-dire
» fans intervalle.
» Il fuppofe, pour en démontrer l’avantage > 20
» bataillons de 129 hommes de front fur fix de hau-
» teur, rangés à côté les uns des autres fans aucun
» intervalle, & que chaque bataillon occupe un ef-
» pace de 40 toifes dë front : il fuppofé auffi 10 ba-
» taillons dépareille force, qui leur foient oppofés
» & rangés à l ’ordiriaîfe avec des intervalles égaux
» à leur front cela pofé, il patoit évident que lés
» iobatailiôhs battront fans difficulté les 10 oppo-
» fés, & même ï 5 qui occupéroierit un pareil front ;
» car lorfqùe deux troupes combattent l’une contre
» l’autre, l’âvàntâgè doit être du côté de celle qui a
» le plus de cômbattaris qui agiffent enfemble dans
»le même lieu.Il eft arrivé cependant quelquefois
» que des lignes pleines ont été battues par des lignes
» tant pleines qüè vuides : mais l’évenemerit en doit
» etre attribué aux troupes de la ligne pleine , qui
» n ont pa‘S fu entrer dans les intervalles de l’autre
» ligne, & attaquer le flanc des bataillons de cette
»ligne.
» M. de Puyfegur examiné encore, fi une armée
» rangée fur une feule ligne pleine fera placée plus
» avantageufement qu’une autre armée de pareil nom*
» bre de bataillons oc d’efeadrons rangée fur deux
» lignes tant pleines que vuides. Il eft clair qu’alors
» les deux armées occuperont le même front : mais
» il ne l’eft pas moins que fi des deux troupes qui ont
» à combattre, l’une joint tout fon monde & l’autre
» le fépare, celle qui attaque avec tout le fien a in^
» conteftablement un avantagé confidérable fur lâ
» partie qu’elle attaque , & qu’elle doit battre en
» détail toutes celles de la troupe dont le monde eft
» Réparé»
» S’il eft difficile de ne pas penfer là-deffus com-
» me l’illuftre maréchal qui fait cette obfervation,
» on peut lui objeéter, & il ne fe le diffimule pas *
» que fi la première ligne eft rompue , la fécondé
» vient à fon fecours pour en rétablir le défordre »
» & que la première peut alors fe rallier derrière la
» fécondé ; au lieu qu’en combattant à ligne pleine *
» fi l ’effort de cette ligne ne réuffit pas, Varmée fé
» trouve obligée de plier fans pouvoir fe réformer
» derrière aucun autre corps qui la couvre & qui la
» protégé. A cela M. le maréchal de Puyfegur, d’ac«
» cord avec le favant marquis de Santa-Crux, pré-
» tend que tout le fuccès d’une bataille dépend dé
» l’attaque de la première ligne , & que fi elle eft
» rompue, la fécondé ne peut guere rétablir le com-
» bat avec avantage. Ajoutez 'à cela, que cette fe-
» conde ligne s’avançant avec la même foibleffe dans
» fon ordre de bataille que la première , elle fera
» battue avec la même facilité par la ligne pleine ,
» qui a prefque le même avantage fur cette ligne que
» fur la première ; on dit prefque, parce qu’il n’eft
» pas poffible à la ligne pleine, de battre celle qui
» lui eft oppofée, fans déranger un peu fon ordre, &
» que la fécondé ligne arrivant dans ce moment, eft
» en état d’attaquer la ligne pleine avec plus d’avan*
» tage que la première ne le pourroit faire. II faut
» voir plus en détail dans l’ouvrage de M. le maré-
» chai de Puyfegur, totis les raifonnemens par lef-
*> quels il démontre en quelque façon ce qu’il dit à
» l’avantage des lignes pleines. Ce détail n’eft point
» de la nature de ce traité ? Ôc nous n’en avons dit
» un mot, que pour exciter lés militaires à ne pas
» négliger l’étude d’un livre auffi utile pour l ’intelli-
» gence de leur métier, & dont ils peuvent tirer les
» plus grands avantages, pour en pofféder parfaite-»
» ment les principes.
Des divijions de l'armée, appellées brigades » « S’il n’ÿ
» avoit point de divifiort dans Varmée que celle des
» bataillons & des efcadrons, c’éft-â-dire fi elle etoït
» feulement partagée ehplufieurs parties par cés dif-
» férentes troupes, ou bien en partie du centre & ea
» aîles, on pourroit dire que la première de ces dù*
» vifions donneroit de trop petites parties , & la fe-
» conde de trop grandes. Mais comme on a vû par
» la formation dés troupes en particulier qu’il né
» convient pas de les compofer , ni d’un trop petit-
» nombre d’hommes, ni d’un trop grand ; il s’enfuit
» que les divifions de Varmée doivent être propor-
» tionnées de même d’un nombre de bataillons ou,
» d’efeadrons affez confidérable pour produire dé
» grands effets dans le combat, mais trop petit pour
» donner de l’embarras dans le mouvement de l’<zr-
» mée. Ce qu’on appelle divifion dans Varmée n’étant
» autre chofe que l’union ou la liaifon de plusieurs
» corps dé troupes deftinés à agir enfemble ; l ’union
» de plufiéurs bataillons ou efcadrons peut donc être
» confidérée comme une divifipn deVàrmee.
» Chaque régiment peut auffi être confidéré com-*
» me une divifion : mais comme les régimens font
» très-différens en France les uns- dés autres par le
» nombre d’hommes dont ils font compofés, la di*
» vifion de l’ordre de- bataille jpar régimens ne con**.