Parfait eft encore tfir adjectif métaphyfiqüé. L\i-
fage etc la vie nous fait Voir hil’il y a dès e'trôS dui
ont des avantages que1 d’autres n'ont pas: nous trouvons
qtf’à- cet égardeeux’-ci y ale nf m ieux qu e tèitx-
1 A. LeS plantes, les fleurs, tes arbres, valent Mietix
que les pierres. Les animaux ont encorendes qualités
préférâmes à ce|les des plantés , & FhÔninfe a des1
conhoïffanteS qui i’élevefit aü-deffus des ^animaux.
D ’ailleurs né fentonsmôuS '^ s tous les jours qu’il
vaut mieux avoir que'de n’avoir pas ? Si Fon nous
montre derix portraits de la même perfonne, & qu’il
y en ait uh qui? nous rappelle avec plus d’exaftitude
& de vérité limage de cette perfonne, nous difons
que Le portrait ejl parlant, qit’i/ eft parfait , c’eft-à-
dire qu’il eft tel qu’il doit être»
Tout Ce qui nous paroît tel que nous n’apperce-
Vons pas qu’ilpuiffe avoir un degré de bonté ÔC d’excellence
au-delà, nous l’appelions parfait.
Ce qui èft parfait par rapport à certaines perfonnes
> ne l’eft pas par rapport à d’autres , qui ont acquis
des idées plus juftes & plus étendues.
Noüs acquérons ces idées infenfiblement par Fu-
iàge de la vie ; car dès notre enfance, à mefure que
nous vivons , nous appercevons des plus ou des
moins , des bien & des mieux, des mal & des pis :
ijiais dans ces premiers tems nous ne fommes pas en
état de réfléchir fur la maniéré dont ces idées le forment
par degrés dans notre,efprit ; & dans la fuite,
comme l’on trouve cès connoiffances toutes formées,
quelques Philofophes.fe font imaginé qu’elles naif-
loient avec nous : ce qui veut dire qu’en venant au
monde nous favons ce que c’eft que l’infini, le. beau,
le parfait, &c. ce qui eu également contraire à l’ex-
perience & à là raifon. Toutes ces idéps abftraites
liippofent un grand nombre d’idées particulières que
çes mêmes Philofophes comptent parmi les idées ac-
quifes : par exemple,, comment peut-on fa voir qn’i/
faut rendre à chacun ce qui lui ejl dû,ii. l’on ne fait pas
encore ce que c’eft que rendre, ce qüe c’eft que chacun
& qu’il y a des biens & des choies particulières,
qui, en vertu des lois delà fociété, appartiennent
aux uns plûtôt qu’aux autres ? Cependant fans ces
connoiffances particulières , que ces Philofophes
même comptent parmi les idées acquifès , peut-on
comprendre le principe' général }
Voici encore d’autres 'adjectifs métaphyfiques qui
demandent de l’attention.
Uii nom eft adjectif quand il qualifie un nom fubftantif:
of qualifier un nom fubftantif, ce n’eft pas feulement
dire qu’il eft rouge ou bleu, grand ou petit,
c’eft en fixer l’étendue, la valeur, l’acceptioh, étendre
cétté acception OU la reftraindre, enforte pourtant
que toujours ŸadjeSifSL le fubftantif, pris enfem-
lile, ne préfentent qü’un même objet à Fefprit; au
lieu que fi jé dis liber Pétri, Pétri fixe à la vérité l’étendue
de la lignification de liber : mais ces deux mots
préfentent à refprit deux objets différens, dont l’un
rl’eft pas l’autre ; au contraire, quand je dis le beau
livré 3 il n’y a là qu’un objet rlel, mais dont j ’énonce
qu’il eft beau. Ainfi tout mot qui fixe l’acception du
nibftantif, qui en étênd oü qui eh reftraint la valeur,
& qui ne préfente que le même objet à Fefprit, eft
Un véritable adjectif. Ainfi néceffaire, accidentel, pof-
fiblè , impojfible , tout, nul, quelque , aucun, chaque ,
t ïl, quel y certain ce, cet, cette , mon,ma, ton , ta,
Vos y vôtre y nôtre , & même le y la y Us, font de véri-'
tables adjectifs métaphyfiques puifqu’ils modifient
des fubftantifs, & les font regarder fous des points
de vue particuliers. Tout homme préfente homfnt&ms
un fens général affirmatif : nul homme l’annonce dans
Un fens général négatif : quelque homme préfente un
fens particulier indéterminé :fon , f a , fesi vos, & c.
fbnt Confidérer le fubftantif fous un fens d’apparte-
jpance & de propriété j car quand je dis mus enfis,
i meus eft autant fifflplVaâj'eUif qu’Evaùdrius, dans cc
Ver5: oé Virgile : '
Namtibi, Tirnfyrc y caput, Evandrius abftulit enfis,
Æn. Liy. X . v . 394.
: meus Marque Fappartenânce par rapport à m oi, &
| Evandrius la marque par rapport à Ev andre.
Il Faut ici obfeitver que'les mots changent de valeur
félon les différentes vues due l’wlàge leur donne
à exprimer : boire, .manger, font des verbes ; mais
quand on dit le bpire,, le manger, ôcc. alors boire &
, manger font des noms. Aimer eft un verbe a&if : nyiiy
dans ce vers de l’opéra d’A ty s ,
J'aime y défi mon deflin d'aimer toute ma viel
aimer eft pris dans un fens neutre. Mien, tien, fienÿ
étoient autrefois adjectifs ; on difoit unfien frere, un
mien ami : aujourd’hui, en Ce feiis, il n’y a que mon,
ton, fon , qui foient adjectifs ; mien, tien, fien, font
de vrais fubftantifs de là claffe des pronoms, le mien,
U tien, le fien. La Difcorde, dit la Fontaine, vint,
A vec, Quefi-que non, fon frere ;
A v e c , Le tien-le mien , fon pere.
Nos , vos, font adjectifs : mais vôtre, nôtre,
font fouvent adjectifs , & fouvent pronoms , le vôtre,
le notre, Vous & les vôtres j voilà le Vôtre , voici U fien
& le mien : ces pronoms indiquent alors des objets
certains dont on a déjà parlé. Voye^ Pronom.
Ces réflexions fervent à décider fi ces mots Pere ,
R o i, & autres femblables, font adjectifs ou fubftantifs.
Qualifient-ils? ils font adjectifs. Louis X F , eft Roi,
Roi qualifie Louis X V ; donc Roi eft-là adjectif Le
Roi eft à l'armée : le Roi défigne alors un individu : U
eft donc fubftantif. Ainfi Ces mots font pris tantôt ad-
I je&ivement, tantôt fubftàntivement ; cela dépend de
1 leur fefvice, c’eft-à-dirè de la valeur qu’on leur’
donne dans l’eihploi qu’on en fait.
Il refte à parler de la fyntaxe des adjectifs. C e qu’on’
peut dire à ce fujet, fe réduit à deux points.
ï : La terminaifon de Y adjectif z. La pofition de
! 1 adjectif
10. A l’égard du premier p o in t il faut fe rappellef
ce Drincipe dont nous avons parlé .ci-deflus, que V<ii>
jtSif&L le fubftantif mis enfemble en conftruflion, ne
préfentent à l ’efprit qu’un feul St même individu, ou
pjlyfiqué, ou-métaphyfiqiie. Ainfi l'adjcSif n’étant
réellement que le fubftantif même confidéré avec la
qualification que Vadjtiïif énonce, iis doivent avoir
l’un & l ’autre lesmêmes lignes des vûesparticulières
fous lefquelles l’efprit confidere la chofe qualifiée.
Parlé-t-qnd’un objet fingulier } l’tf<ÿe&/doit avoir là
terminaifon deftinée à marquer le fingulier. Le fuiw
ftantif eft-il de la claffe des noms qu’on appelle maß
M ia ? ^adjectif doit avoir le figne deftiné à marquer
les noms de cette claffe. Enfin y a-t-il dans une Langue
une maniéré établie.pour marquer les rapports
Ou points de vue qu’on appelle cas ? Ÿadjcclif doit
encore fe conformer ici au fubftantif : en un mot il
doit énoncer les mêmes rapports, & f e préfenter
fous les mêmes faces que le fubftantif, parce qu’il
n eft qu un a vec lui. C eft ce que lés Grammairiens
appellent la concordance de Vadjectif avec le fubftantif '
qui n’eft fondée que fin- l’identité phyfique de l’adà
jte tif avec le fubftantif.
1°. A l’égard de la pofition de YadjtUif, c’eft-à-
dits-, s’il faut le placer avant oü après le fubftantif,
s’il doit être au commencement ou àla fin de laphra-
f e , s’il peut être féparé du fubftantif par d’autres
mots : je répons que dans les Langues qui ont des
cas, c’eft-à-dire, qui marquent par des terminaifôns
les rapports que les mots ont entre eux, la pofition
ü’cft d’aucun ufage pour faire connoître l’identité de
l’aÿeSi/ayec fon fubftantif ; ç’çft l’ouvrage, ouplfty
tôt la deftination de la terminaifon, elle feule a ce
privilège. Et dans ces Langues on confulte feulement
l'oreille pour la pofition de Vadjectif, qui même peut
être féparé de fon fubftantif par d’autres mots.
Mais dans les Langues qui n’ont point de cas, comme
le François, Vadjectif n’eft pas féparé de fon fubftantif.
La pofition fupplée an défaut des cas.
Parvc , nec invideo ,fine me , Liber, ibis inurbem.
Ovid. I. Trift. j. 1.
Mon petit livre, dit O vide, tu iras donc à Rome fans
moi ? Remarquez qu’en François l'adjectif eft joint
au fubftantif, mon petit livre ; au lieu qu’en Latin
parve qui eft l ’adjectif de liber , en eft féparé, même
par plufieurs mots : mais parve a la terminaifon convenable
pour faire connoître qu’il eft le qualificatif
de liber.
Au refte, il ne faut pas croire que dans les Langues
qui ont des cas, il foit néceffaire de féparer Y adjectif
du fubftantif ; car d’un côté les terminaifôns les rapprochent
toujours l’un de l’autre, & les préfentent à
l’efprit, félon la fyntaxe des vûes de Fefprit qui ne
peut jamais les féparer. D ’ailleurs fi l’harmonie ou
le jeu de l’imagination les féparé quelquefois, fouvent
auffi elle les rapproche. Ovide, qui dans l’exemple
ci-deffus féparé parve de liber, joint ailleurs ce même
adjectif avec fon fubftantif.
Tuque cadis , patriâ , parve Learche, manu.
Ovid. IV. Faft. v . 490.
En François Y adjectif ri eû. féparé du fubftantif que
lorfque Y adjectif eft attribut ; comme Louis eft ju jle,
Phebus eft fourd, Pégafe efi rétif ; de encore avec rendre
, devenir, paroître, &c.
Un vers étoit trop foible, & vous le rende{ dur.
J'évite d'être long, & je deviens obfciir.
Defpreaiix, Art. Poët. c. j.
Dans les phrafes, telles que celle qui fuit, les adjectifs
qui paroiffent ifolés, forment leuls par ellipfe
une propofition particulière. '
Heureux , qui peut voir du rivage
, Le terrible Océan par les vents agité.
Il y a là deux propofitions grammaticales : celui
( qui peut voir du rivage le terrible Océan par les vents
agité) eft heureux, ôii vous voyez que heureux eft
l ’attribut de la propofition principale.’
Il n’eft pas indifférent en François, félon la fyntaxe
élégante & d’ufage d’énoncer le fubftantif avant
Y adjectif on Y adjectif avant le fubftantif. Il eft vrai
que pour faire entendre le fens, il eft égal de dire
bonnet blanc ou blanc bonnet : mais par rapport à l’élocution
& à la fyntaxe d’ufage, on ne doit dire que
bonnet blanc. Nous n’avons fur ce point d’autre réglé
que l’oreille exercée , c’eft-à-dire accoûtumée au
commerce des perfonnes de la nation qui font le bon
ufage. Ainfi j e me contenterai de donner ici des exemples
qui pourront fervir de guide dans les occafions
analogues. On dit habit rouge, ainfi dites habit bleu
habit gris, & non bleu habit, gris habit. On dit mon
livré , ainfi dites toto livre ,fon livre , leur livre. Vous
verrez dans la lifte fuivante çone torride, ainfi dites
par analogie ^one tempérée & qone glaciale ; ainfi des
autres exemples.
L i s t e d e p z v s i e u r s A d j e c t i f s
qui ne vont qu*après leurs fubftantifs dans les exemples
qu'on en donne ici. r t i
'i HH Gaf c°h- Aclmn 'bafli. Air ÏMohiu. Air modcjte.
Ange gardien. Bcatai parfaite. Beauté Romaine
tun-rief. Bonnet blanc. Cas diréB. Cas oblique. Chà-
FJ ‘‘Uf Z r' Contrat
tlandeftin. Couleur jaune. Coutume ibufiye, Diable
boiteux. Dune royale. Dîner propre. Difcours concis,
Empire Ottoman. Efprit invijible. Etat Eccléfiaftique.
Etoiles fixes. Exprefjion littérale. Fables choifies. Figuré
ronde. Forme ovale. Ganif aiguifé. Gage touché.
Geniefuperieur. Gomme arabique. Grammaire raifon*
Va’ ^ 0mmaëc rf ndu. Homme inftruit. Homme jufie.
Ifie deferte. Ivoire blanc. Ivoire jaune. Laine blanche-,
Lettre anonyme. Lieu inaccejjible. Faites une ligne droite.
Livres choifis. Mal néceffaire. Matière combuftible. Méthode
latine. Mode françoife. Morue fraîche. Mot ex-
prefiif Mufique Italienne. Nom fubftantif. Oraifon dominicale.
O raifonfunebre. Oraifon mentale. Péché mortel.
Peine mutile. Penfée recherchée. Perle contrefaitç.
Perle orientale. Piè fourchu. Plans defiînés. Plants
plantés. Point mathématique. Poijfon J'alé. Politique
angloife. Principe obfcur. Qualité occulte. Qualité fen-
fible. Quefiion métaphyfique. Raifins f i e s . Raifon dé-
cifive. Raifon péremptoire. Raifonnement recherché. Régime
abj'olu. Les Sciences exactes. Sens figuré. S ubftant
i f mafeulin. Tableau original. Terme abfirait. Terme
obfcur. Terminaifon féminine. Terre labourée. Terreur
panique. Ton dur. Trait piquant. Urbanité romaine.
Urne fatale. Ufage abufif. Verbe actif. Verre concave.
Verre convexe. Vers iambe. Viande tendre. Vin blanc.
Vin cuit. Vin verd. Voix harmonieufe. Vue courte.
Vue baffe. Des yeux noirs. Des yeux fendus. Zone
torride, & c.
Il y a au contraire des adjectifs qui précèdent toujours
les fubftantifs qu’ils qualifient, comme
Certaines gens. Grand Général. Grand Capitaine.
Mauvaife habitude. Brave Soldat. Belle Jîtuadon. Jufie
définfi. Beau jardin. Beau garçon. Bon ouvrier. Gros
arbre. Saint Religieux. Sainte Thérefi. Petit animal.
Profond refpect. Jeûne homme. Vieux pécheur. Cher
ami. Réduit à la derniere mifire. Tiers-Ordre. Triple
alliance , &CC.
Je n’ài pas prétendu inférer dans ces liftes tous les
adjectifs qui fe placent les uns devant les fubftantifs
& les autres après : j ’ai, voulu feulement faire voir
que cette pofition n’étoit pas arbitraire.
Les adjectifs métaphyfiques comme*, la , lis , ce,
cet, quelque , un tout, chaque, tel, quel .fort,fa,fes\
votre, nos , leur . Je placent toujours avant les Juki
tantifs cu’ils qualifient.
Les adjectifs de nombre précèdent auffi les fubf-
tantifs appellatifs , & fuiveiit les noms propres • U
premier-homme , François premier, quatre perfonnes ,
Henri quatre, pour quatrième : mais en parlant dû
nombre de nos Rois, nous difons .dans un fens appel-
la t lf, qn’i ly a eu quatorze Louis , & que nous en fom-
ruesauqmnqjeme. On dit auffi, dans les citations
livre premier s chapitre fécond ; hors.de là, on dit *
premier livre , le fécond livre.
D’autres enfin fe placent également bien devant
ou après leurs fubftantifs, c’eft un fievunt homme',
c’èft un homme favam; c'eft un habile avocat ou un avo-
cut habile j h encore m ieux, deft un homme fort fuyant,
c'eft Un avocat fort habile : mais on-ne dit point
c ’eft un expérimenté avocat, au lieu qu'on dit, c’eft un
avocat expérimenté, on fo n expérimenté; deft un beau
Livre, c’eft un livre fort beau; ami véritable , véritable
ami; de. tendres regards, dis regards tendres : Cintelligencefuprlme
, lafuprïme intelligence ; favoir profond
profond Jdvoir ; affaire malheureufe, malhtureuft a{-
faire , & c .
Voilà des pratiques que le feul bon ufage peut
apprendre ; & ce font-là de ces fineffes qui nous
échappent dans les langues mortes, & qui étoient
fans doute très-fenfibles à ceux qui parloient ces langues
dans le tems qu’elles étoient vivantes.
La poéfie, oii les tranfpofitions font permifes, &
même oü elles ont quelquefois des grâces, a fur ce
point plus de liberté que la profe.
Cette pofition de Y adjectif dey ant ou après le fub