Ces Dotteurs furent appellés Mafforetes, du mot
itiajforc, qui veut dire tradition ; parce que ces Docteurs
s’attachèrent dans leur operation à conferver,
autant qu’il leur fut poffible , la tradition de leurs
Peres dans la maniéré de lire & de prononcer.
A notre égard, nous donnons le nom $ accent premièrement
aux inflexions de voix , & à la maniéré
de prononcer des pays particuliers ; ainfi , comme
nous l’avons déjà remarqué , nous difons Y accent gaf-
con , &c. Cet homme a C accent étranger, c’eft-à-dire,
qu’il a des inflexions de voix & une maniéré de parler
, qui n’eft pas celle des perfonnes nées dans la capitale.
En ce fens , accent comprend l’élévation de la
v o ix , la quantité & la prononciation particulière de
chaque mot & de chaque fyllabe.
En fécond lieu, nous avons confervé le nom $ accent
à chacun des trois Agnes du ton qui eft ou a igu,
ou grave, ou circonflexe : mais ces trois lignes ont
perdu parmi nous leur ancienne deftination ; ils ne
font plus, à cet égard, qùe des accens imprimés :
voici l’ufage que nous en faifons en Grec, en Latin,
& en François.
A l’égard du Grec , nous le prononçons à notre
maniéré, & nous plaçons les accens félon les réglés
que les Grammairiens nous en donnent, fans que ces
accens nous fervent de guide pour élever, ou pour
abaiffer le ton.
Pour ce qui eft du Latin, nous ne faifons fentir
aujourd’hui la quantité des mots que par rapport à
la pénultième fyllabe ; encore faut-il que le mot ait
plus de deux fyllabes ; car les mots qui n’ont que
deux fyllabes font prononcés également, foit que la
première foit longue ou qu’elle foit breve : par exemple
, en vers, Va eft bref dans pater, & long dans mater
; cependant nous prononçons l’un & l’autre comme
s’ils a voient la même quantité.
Or , dans les Livres qui fervent à des leftures publiques
, on fe fert de l'accent aigu, que l’on place
différemment, félon que la pénultième eft breve ou
longue : par exemple, dans matutinus, nous ne faifons
fentir la quantité que la pénultième ti ; & parce
que cette pénultième eft longue , nous y mettons
Y accent aigu , matutinus.
Au contraire cette pénultième ti eft breve dans
feràtinus ; alors nous mettons l’accent aigu fur l’anté-
pénultieme ro, foit que dans les vers cette pénultième
foit breve ou qu’elle foit longue. Cet accent aigu
fert alors à nous marquer qu’il faut s’arrêter comme
fur un point d’appui fur cette antépénultième accentuée
, afin d’avoir plus de facilité pour paffer légèrement
fur la pénultième, & la prononcer breve.
Au refte, cette pratique ne s’obferve que dans les
Livres d’Eglife deftinés à des leâures publiques. Il
feroit à fouhaiter qu’elle fut également pratiquée à
l’égard des Livres claflïques , pour accoutumer les
jeunes gens à prononcer régulièrement le Latin.
Nos Imprimeurs ont confervé l’ufage de mettre un
accent circonflexe fur l’a de l’ablatif de la première
déclinaifon. Les Anciens relevoient la voix fur l’a
du nominatif, & le marquoient par un accent aigu,
mufd ; au lieu qu’à l’ablatif ils l’elevoient d’abord,
& la rabaifloient enfuite comme s’il y avoit eu mu- i
fdà; & voilà Y accent circonflexe que nous avons con-
'fervé dans l’écriture, quoique nous en ayons perdu
la prononciation.
On fe fert encore de Y accent circonflexe en Latin
quand il y a fyncope , comme virûm pour virorum;
fefiertiùm pour fefiertiorum.
On employé Y accent grave fur la derniere fyllabe
des adverbes, malh, benè, dut, & c. Quelques-uns
même veulent qu’on s’en ferve fur tous les mots indéclinables
, mais cette pratique n’eft pas exactement
fuivie.
Nous avons confervé la pratique des Anciens à
l’égard (de Y accent aigu qu’ils marquoient fur la fyllabe
qui eft fuivie d’un enclitique , arma virümque ca-
no. Dans virümque on éleve la voix fur Yu de virum,
& on la laifle tomber en prononçant que, qui eft un
enclitique. Ne, ve, font aufli deux autres enclitiques
; aeforte qu’on éleve le ton fur la fyllabe qui
précédé l’un de cês trois mots, à-peu-près comme
nous élevons en François la fyllabe qui précédé un
e muet : ainfi quoique dans mener Ye de la première
fyllabe me foit muet, cet e devient ouvert, & doit
être foûtenu dans je mene , parce qu’alors il eft fuivi
d’un e muet qui finit le mot ; cet e final devient plus
aifément muet quand la fyllabe qui le précédé eft
foutenue. C’eft le méchanifme de la parole qui produit
toutes ces variétés , qui paroiffent des bifarre-
ries ou des caprices de l’ufage à ceux qui ignorent les
véritables caufes des chofes.
Au fe fte , ce mot enclitique eft purement G re c, &
vient d’iynxim, inclino, parce que ces mots font comme
inclinés & appuyés fur la derniere fyllabe du mot
qui les précédé.
Obfervez que Iorfque ces fyllabes, que , ne , ve ,
font partie eflentielle du m ot, deforteque fi vous les
retranchiez, le mot n’auroit plus la valeur qui lui eft
propre ; alors ces fyllabes n’ayant point la lignification
qu’elles ont quand elles font enclitiques , on
met Y accent , comme il convient, félon que la pénultième
du mot eft longue ou breve ; ainfi dans ubi-
que on met Y accent fur la pénultième , parce que Yi
eft long ; au lieu qu’on le met fur l’antépénultieme
dans dénique , /,'indique , inique.
On ne marque pas non plus Y accent fur la pénultième
avant le ne interrogatif, lorfqu’on éleve la
voix fur ce ne , ego-ne ?Jîcci-ne ? parce qu’alors ce ne
eft aigu.
Il feroit à fouhaiter que l’on accoûtumât les jeunes
gens à marquer les accens dans leurs compofi-
tions. Il faudroit aufli que Iorfque le mot écrit peut
avoir deux acceptions differentes, chacune de ces
acceptions fut diftinguée par Y accent ; ainfi quand
occido vient de cado, Yi eft bref & Y accent doit être
fur l’antépénultieme ; au lieu qu’on doit le marquer
fur la pénultième quand il lignifie tuer ; car alors Yi
eft long, occido , & cet occido vient de cado.
Cette diftinâion devroit être marquée même dans
les mots qui n’ont que deux fyllabes : ainfi il faudroit
écrire légit, il l i t , avec Y accent aigu ; & légit
il a lu , avec le circonflexe : vénit, il vient ; & vênit,
il eft venu.
A l’égard des autres obfervations que les Grammairiens
ont faites fur la pratique des accens, par
exemple, quand la Méthode de P. R. dit qu’au mot
muliéris, il faut mettre Y accent lur Ye, quoique bref,
qu’il faut écrire fiôs avec un circonflexe,/»« avec
un a igu, &c. cette pratique n’étant fondée que fur
la prononciation des Anciens, il me femble que non-
feulement elle nous feroit inutile, mais qu’elle pour-
roit même induire les jeunes gens en erreur en leur
faifant prononcer muliéris long pendant qu’il eft bref,
ainfi des autres que l’on pourra voir dans la Méthode
de P. R. pag. 7 3 3 .7 3 6 , & c .
Finiflons cet article par expofer l’ufage que nous
faifons aujourd’hui, en François, des accens que nous
avons reçûs des Anciens.
Par un effet de ce concours de circonftances, qui
forment infenfiblement une langue nouvelle, nos
Peres nous ont tranfmis trois fons différens, qu’ils
écrivoient par la même lettre e. Ces trois fons, qui
n’ont qu’un même ligne , ou carattere, font,
i° . Ve ouvert, comme dans fer , Jupiter , la mer ,
Venfer, &c.
2°. Ve fermé, comme dans bonté, charité, &c.
30. Enfin Ye muet, comme dans les monofyllabes
me, n t ,d e ,t e ,f e ,le , & dans la derniere de donne -,
ame, vie, & c . c .
Ces trois fons différens fe trouvent dans ce leui
mot, fermeté; Ye eft ouvert dans la première fyllabe
f e t , il eft muet dans la fécondé me, & il eft ferme
dans la troifieme té. Ces trois fortes d’e fe trouvent
encore en d’autres mots , comme netteté, évêque ,fé -
xère , repêché, &C.
Les Grecs avoient un cara&ere particulier pour
Ye bref « qu’ils appelloient épfillon, t-\iXov, c’eft-à-
dire e petit ; & ils avoient une autre figure pour Ye
long, qu’ils appelloient éta, Uto. ; ils avoient aufli un
o b ref, omicron, êf/.inpov, Sc un 0 long, omegdfo ay.nyct.
Il y a bien de l’apparence que l’autorité publique,
ou quelque corps refpeéfable , & le concert des co-
piftes, avoient concouru à ces établiflemens.
Nous n’avpns pas été fi heureux : ces fineffes &
cette exactitude grammaticale ont paffé pour des minuties
indignes de l’attention des perfonnes élevées.
Elles ont pourtant occupé les plus grands des Romains,
parce qu’elles font le fondement de l’art oratoire
, qui conduifoit aux grandes places de la république.
Cicéron, qui d’Orateur devint Conful, compare
ces minuties aux racines des arbres. « Elles ne nous
» offrent, dit-il , rien d’agréable: mais c’eft de-là ;
» ajoûte-t-il , que viennent ces hautes branches êc
» ce verd feuillage, qui font l’ornement de nos cam-
» pagnes ; & pourquoi méprifer les racines, puifque
» fans le fuc qu’elles préparent & qu’elles diftri-
» buent, vous ne fàuriez avoir ni les branches, ni
» le feuillage» ? De fyllabispropemodum denumeran-
dis & dimetiendis loquemur •,* qua etiamji fu n t, ficut
mihi videntur , necejfaria , tamen fiunt magnificentiiis ,
quam docentur. EJl enim hoc omninb verum , fed pro-
prié in hoc dicitur. Nam omnium magnarum artium,
ficut arborum, latitudo , nos deleciat ; radices ftirpefque
non item : fed, ejfe iliafine his , non potefi. Cic. Orat.
n. XLiiii ■
Il y a bien de l’apparence que ce n’eft qu’infenfi-
blement que Ye a eu les trois fons différens dont nous
venons de parier. D’abord nos peres conferverent
le cara&ere qu’ils trouvèrent établi, & dont la valeur
ne s’éloignoit jamais que fort peu de la première
inftitution.
Mais Iorfque chacun des trois fons de Ye eft devenu
un fon particulier de la langue, on auroit dû
donner à chacun un figne propre dans l’écriture.
Pour fuppléer à ce défaut, on s’eft avifé, depuis
environ cent ans , de fe fervir des accens , & l’on
a cru que ce fecours étoit fuffifant pour diftinguer
dans l’écriture ces trois fortes d’e , qui font fi bien
diftingués dans là prononciation.
Cette pratique ne s’eft introduite qu’irtfenfible-
ment, & n’a pas été d’abord fuivie avec bien de
l’exaâitude : mais aujourd’hui que l’ufage du bureau
typographique & la nouvelle dénomination des lettres
ont inftruit les maîtres & les éleves , nous
voyons que les Imprimeurs & les Ecrivains font bien
plus exaas fur ce point, qu’on ne l’étoit il y a même
peu d’années ; & comme le point que les Grecs ne
mettoient pas fur leur iota, qui eft notre i , eft devenu
effentiel à Y i, il femble que Y accent devienne,
à plus j ufte titre, une partie eflentielle à Ye fermé,
& à Ye ouvert, puifqu’il les caraûérife.
i° . On fe fert de Y accent aigu pour marquer le fon
de Ye fermé, bonté, charité , aimé.
20. On employé Y accent grave fur Ye ouvert, procès
, accès, fuccès.
- Lorfqu’un e muet eft précédé d’un autre e , celui-
c i eft plus ou moins ouvert ; s’il eft Amplement ouvert
, on le marque d’un accent grave , il mène , il
pèfe ; s’il eft très-ouvert, on le marque d’un accent
circonflexe ; & s’il ne l’eft prefque point & qu’il foit
feulement ouvert b ref, on fe contente de Y accent
Tome I,
aigu, mon père, une régie t quelques-uns pourtant y
mettent le grave.
Il feroit a fouhaiter que l’on introduisît Un actent
perpendiculaire qui tomberoit fur Ye mitoyen, & qüi
ne feroit ni grave ni aigu.
Quand Ye eft fort ouvert, onfe fert de l’accent circonflexe
, tête, tempête, même, &c.
Ces mots, qui font aujourd’hui ainfi accentués
furent d’abord écrits avec une f , befie ; on prenons
çoit alors cette/comme on le fait encore dans nos
provinces méridionales,befie, telle, &c. dans la fuite
on retrancha Y f dans la prononciation , & on la
laifla dans l’écriture , parce que les yeux y étoient
accoutumés , & au lieu de cette ƒ , on fit la fyllabé
longue ; &: dans la fuite on a marqué cette longueur
par l’accent circonflexe. Cet accent ne marque dorui
que la longueur de la voyelle, & nullement la fup-*
preflîon de Yf
On met aufli cet accent fur le vôtre, le nôtre, apôtre,
bientôt, maître , afin qu’i l donnât, & c . oîi la voyellé
eft longue : votre S>c notre, fuivis d’un fubftantif, n’ont
point d’accent.
On met Y accent grave fur Y à , pfépofitiôn ; rende£
à Céfar ce qui appartient à Céfar. On ne met point
d’accent fur a , verbe ; il a , habet.
On met ce même accent fur là, advetbë ; il efi là.
On n’en met point fur la, article ; la raifon. On écrit
holà avec Y accent grave. On met encore Y accent grave
fur où, adverbe ; où efi-il ? cet où vient de Ytibi des
Latins , que l’on prononçoit oubi , & l’on ne met
point #accent fur ou , corijort&ion alternative ; vous
ou moi, Pierre ou Paul : cet Ou vient de aut.
J’ajouterai, en finiflant, que l’ufage n’a point en*
core établi de mettre un accent fur Ye ouvert quand
cet e eft fuivi d’une confonne avec laquelle il ne fait
qu’une fyllabe ; ainfi on écrit fans accent, la mer, U
fe r , les hommes , des hommes. On ne met pas non
plus d’accent fur Ye qui précédé Yr de l’infinitif des
verbes , aimer , donner.
Mais comme les maîtres qui mohtfetit à lir e , fe-J
Ion la nouvelle dénomination des lettres, en faifant
épeler, font prononcer Ye ou ouvert ou fermé , félon
la valeur qu’il a dans la fyllabe, avant que de
faire épeler la confonne qui fuit cet e , ces maîtres
aufli-bien que les étrangers, voudroient que, comme
on met toûjours le point fut Y i, on donnât toujours
à Ye, dans l’écriture, Y accent propre à en marquer
la prononciation; ce qui feroit, difent-ils, &:
plus uniforme & plus utile. (.F)
Accent aigu '.
Accen t bref, ou marque de la brié- I
vêté d’une fyllabe ; on l’écrit ainfi u I
fur la voyelle. I y .
Acunt Circonflexe & . V Acc' .
Accent grave I
Accent long —, qu’on écrit fur une 1
voyelle pour marquer qu’elle eft Ion- .1
gue. -J
Àccent, quant à la formation ; c’eft difent les
Ecrivains, une vraie virgule pour l’aigu , un plain
oblique incliné de gauche à droite pour le grave ,&
un angle aigu, dont la pointe eft en haut, pour le circonflexe.
C et angle fe forme d’un mouvement mixte
des doigts & du poignet. Pour Y accent aigu & Y accent
grave, ils fe forment d’un feul mouvement des
doigts.
ACCEPTABLE, adj. fe dit, au Palais , des offres,
des propofitions, des voies d’accommodement qui
font r.aifonnables, & concilient autant qu’il eft pof-
fible les droits & prétentions refpe&ives des parties
litigeantes. (N )
ACCEPTATION-, f. f. dans urî fens général,
l’aôion de reçevOir & d’agréer quelque chofe qu’on
I i j