fi fupérieur, n’a adopté un fyftème fi peu conforme
à nos idées, que comme un jeu d’efprit, & dans la
feule vue de contredire les Péripatéticiens, dont en
effet le fentiment fur la connoiffance des bêtes n’$ft
pas fojûtenable. Il vaudroit encore mieux s’en tenir
aux machines de Defcartes, fi l’on n’avoit à leur
oppofer que la forme fubftantielle des Péripatéticiens
, qui n’eft ni efprit ni matière. Cette fubftance
mitoyenne eft une chimere, un être de raifon dont
nous n’avons ni idée ni fentiment. Eft-ce donc que
les bêtes auroient une ame fpirituelle comme l’homme
? Mais fi cela eft ainfi, leur ame fera donc immortelle
& libre ; elles feront capables de mériter ou de
démériter, dignes de récompenfe ou de châtiment ;
il leur faudra un paradis ou un enfer. Les bêtes feront
donc une efpece d’hommes, ou les hommes une
efpece de bêtes ; toutes conféquences infoûtenables
dans les principes de la religion. Voilà des difficultés
à étonner les efprits les plus hardis, mais dont on
trouve le dénoiiement dans le fyftème de notre Jé-
fuite. En effet, pourvu que V’on fe prête à cette fup-
pofition, que Dieu a logé des démons dans le corps
des bêtes, on conçoit fans peine comment les bêtes
peuvent penfer, connoître, fentir, & avoir une ame
fpirituelle, fans intéreffer les dogmes de la religion.
Cette fuppofition n’a rien d’abfurde ; elle coule même
des principes de la religion. Car enfin, puifqu’il eft prouvé par plufieurs paffages de l’Ecriture, que
les démons ne fouffrent point encore les peines de
l’enfer, & qu’ils n’y feront livrés qu’au jour du jugement
dernier, quel meilleur ufage la juftice divine
pouyoit-elle faire de tant de légions d’efprits réprouvés
, que d’en faire fervir une partie à animer des
millions de bêtes de toute efpece, lefquelles rempli
fient l’Univers, & font admirer la fageffe & la tou-
te-puiffance du Créateur ? Mais pourquoi les bêtes,
dont Vame vraiffemblablement eft plus parfaite que
la nôtre, n’fcsnt-elles pas tant d’efprit que nous ? Oh ,
dit le P. Bougeant, c’eft que dans les bêtes, comme
dans nous, les opérations de l’efprit font affujetties
aux organes matériels de la machine, à laquelle il eft
uni ; & ces organes étant dans les bêtes plus greffiers
& moins parfaits que dans nous, il s’enfuit que la
connoifiance, les penfées , & toutes les opérations
fpirituelles des bêtes, doivent être auffi moins parfaites
que les nôtres. Une dégradation fi honteufe
pour ces efprits fuperbes, puifqu’elle les réduit à
n’être que des bêtes, eft pour eux un premier effet
de la vengeance d ivine, qui n’attend que le dernier
jour pour fe déployer fur eux d’une maniéré bien
plus terrible.
Une autre raifon qui prouve que les bêtes ne font
que des démons métamorphofés en elles, ce font les
maux excelfifs auxquels la plûpart d’entr’elles font
expôfées, & qu’elles fouffrent réellement. Que les
chevaux font a plaindre, difons-nous, à la vûe d’un
cheval qu’ un impitoyable charretier accable de
coups ? qu’un chien qu’on dreffe à la chaffe eft mi-
férable ! que le fort des bêtes qui vivent dans les
bois eft trifte ! Or fi les bêtes ne font pas des démons,
qu’on m’explique quel crime elles ont commis pour
naître fujettes à des maux fi cruels ? Cet excès de
maux eft dans tout autre fyftème un myftere incom-
préhenfible ; au lieu que dans le fentiment du pere
Bougeant, rien de plus aifé à comprendre. Lps efprits
rébelles méritent un châtiment encore plus
rigoureux : trop heureux que leur fupplice foit diffère
; en un mot, la bonté de Dieu eft juftifiée ; l’homme
lui-même eft juftifié. Car quel droit aurait- il de
donner la mort fans néceflité , &c fouvent par pur
divertiffement, à des millions de bêtes , fi Dieu ne
l’avoit autorifé ? & un D ieu bon & jufte auroit-il pû
donner ce droit à l’homme , puifqu’après tout, les
bêtes font auffi fenfibles que nous-mêmes, à la douleur
& à la m ort, fi ce n’étoient autant de coupable?
victimes de la vengeance divine ?
Mais écoutez, continue notre philofophe,quelque
chofe de plus fort & de plus intéreffant.Les bêtes font
naturellement vicieufes : les bêtes carnacieres & les
oifeaux de proie font cruels ; beaucoup d’infeâes de
la même efpece fe dévorent les uns les autres ; le s ,
chats font perfides & ingrats ; les linges font malfai-,
fans ; les chiens font envieux ; toutes font jaloufesfic
vindicatives à l’excès, fans parler de beaucoup d’au-,
très vices que nous leur connoiffons. 11 faut dire d e .
deux chofes l’une : ou que Dieu a pris plaifir à former
les bêtes auffi vicieufes qu’elles font, & à nous -
donner dans elles des modèles de tout ce qu’il y a
de plus honteux ; ou qu’elles ont comme l’homme un
péché d’origine, qui a perverti leur première nature.
La première de ces propofitions fait une extrême peine
à penfer, & eft formellement contraire à l’Ecritu-
re-fainte, qui dit que tout ce qui fortit des mains de
Dieu à la création du monde, étoit bon & même fort
bon.Or fi les bêtes étoient telles alors qu’elles font aujourd’hui
, comment pourroit-on dire qu’elles fuffent
bonnes & fort bonnes ? Oh eft le bien qu’un finge foit
fi malfaifant, qu’un chien foit fi envieux, qu’un chat
foit fi perfide?ll faut donc recourir à la fécondé proportion,
& dire que la nature des bêtes a été comme celle
de l’homme corrompue par quelque péché d’origine
; autre fuppofition qui n’a aucun fondement & qui
choque également la raifon & la religion. Quel parti
prendre ? Admettez le fyftème des démons changés
en bêtes, tout eft expliqué. Les âmes des bêtes font des
efprits rébelles qui fe.lont rendus coupables envers
Dieu. Ce péché dans les bêtes n’eft point un péché
d’origine ; c’eft un péché perfonnel qui a corrompu
& perverti leur nature dans toute fa fubftance : delà
tous les vices que nous leur connoiffbns.
Vous êtes peut-être inquiet de favoir quelle eft la
deftinée des démons après la mort des bêtes. Rien
de plus aifé que d’y fatisfaire. Pythagore enfeignoit
autrefois qu’au moment de notre mort nos âmes
paffent dans un corps, foit d’homme, foit de bête,
pour recommencer une nouvelle vie , & toujours
ainfi fucceflivement jufqu’à la fin des fiecles. C e f y f tème
qui eft infoûtenable par rapport aux hommes ,
&c qui eft d’ailleurs profcrit par la religion, convient
admirablement bien aux bêtes, félon le P. Bougeant,
& ne choque ni la religion, ni la raifon. Les démons
deftinés de Dieu à être des bêtes, furvivent néceffai-
rement à leur corps , & cefferoient de remplir leur
deftination, fi lorfque leur premier corps eft détruit,
ils ne paffoient auffi-tôt dans un autre pour reconv,
mencer à vivre fous une aütre forme.
Si les bêtes ont de la connoifiance & du fentiment,’
elles doivent» conféquemment avoir entr’elles pour,
leurs befoins mutuels, un langage intelligible. La
chofe eft poflîble; il ne faut qu’examiner fi elle eft
néceffaire. Toutes les bêtes ont de la connoifiance ,
c’eft un principe avoué ; & nous ne voyons pas que
l’auteur de la nature ait pû leur donner cette connoifiance
pour d’autres fins que de les rendre capables
de pourvoir à leurs befoins, à leur conferva-
tion , à tout ce qui leur eft propre & convenable
dans leur condition, & la formé de v ie qu’il leur a
prefcrite. Ajoutons à ce principe, que beaucoup d’e f
peces de bêtes font faites pour vivre en fociété, &
les autres pour vivre du moins en ménage, pour ainfi
dire, d’un mâle avec une femelle, & en famille avec
leurs petits jufqu’à ce qu’ils foient élevés. Or, fi l’on
fuppofe qu’elles n’ont point entr’elles un langage ,
quel qu’il foit, pour s’entendre les unes les autres ,
on ne conçoit plus comment leur fociété pourrait
fubfifter : comment les caftors, par exemple, s’aideraient
ils les uns les autres pour le bâtir un c|omicile ,
s’ils n’avoient un langage très-net & auffi intelligible
pour eux que nos langues .le font pour noiis ? La
connoifiance fans, une communication réciproque
par un langage fenfible & connu, ne fiiffit pas pour
entretenir la fociété , ni pour exécuter une entre-
prife qui. demande de l’union & de l’intelligence.
Comment les loups concerteraient-ils enfemble des
rufes de guerre dans la chaffe qu’ils font aux troupeaux
de moutons, s’ils ne s’ cntendoient pas? Comment
enfin.cjes hirondelles ont-elles pû fans fe parler,
■ former toutes enfemble le deffein de claquemurer
un moineau qu’elles trouvèrent dans le nid d’une de
leurs camarades, voyant qu’elles ne pouvoient l’en
çhaffer ? On pourrait apporter mille autres traits
fiemblables pour appuyer ce raifonnement. Mais ce
qui ne fouffre point ici de difficulté , c’eft que fi la
nature les a faites capables d’entendre une langue
é.trangere, comment leur aurait-elle refufé la faculté
d*entendre & de parler une langue naturelle ?
car les bêtes nous parlent & nous entendent fort
bien.
Quand on fait une fois que les bêtes parlent &c
s’entendent, la curioiité n’en eft que plus avide de
connoître quels font les entretiens qu’ elles peuvent
avoir entr’elles. Quelque difficile qu’il foit d’expliquer
leur langage & d’en donner le dictionnaire, le
pere Bougeant a ofé le tenter. Ce qu’on peut affûrer,
ç’eft que leur langage doit, être fort borné, puifqu’il
ne s’étend pas au-delà des befoins de la vie ; car la
nature n’a donné, aux bêtes la faculté de parler, que
pour exprimer entr’elles leurs defirs & leurs fenti-
mens, afin de pouvoir fatisfaire par ce moyen à leurs
befoins Sc à tout ce qui eft néceffaire pour leur con-
fervation : or tout ce qu’elles penfent, tout ce qu’elles
fentent, fe réduit à la vie animale. Point d’idées
abftraites par çonféquent, point de raifonriemens
métaphyfiques , point de recherches curieufes fur.
tous les objets qui les environnent, point d’autre
fcience, que celle de fe bien porter, de fe bien con-
ferver, d’éyiter tout ce qui leur nuit, & de fe procurer
du bien. Ce principe une fois établi, que les
çonnoiffançes, les defirs, les befoins des bêtes, &
par çonféquent leurs expreflions , font bornées à ce
qui eft utile ou néceffaire pour leur eonfervation ou
la multiplication de leur efpece ; il n’y a rien de plus
aifé que d’entendre ce qu’elles veulent fe dire. Placez
vous dans les diverles circonftançes oh peut être
quelqu’un qui ne connoît & qui ne fait exprimer que
tes befofns : & vous trouverez dans vos propres discours
l’interprétation de ce qu’elles fe difent. Comme
la chofe qui les touche le plus, eft le delir de multiplier
leur efpece, ou du moins d’en prendre'les
moyens , toute leur converfation roule ordinairement
fur ce point. On peut dire que le P. Bougeant
a décrit avec beaucoup de vivacité leurs amours, &
que le di&ionnaire qu’il donne de leurs phrafes tendres
& voluptueufes , vaut bien celui de l’Opéra.
Voilà ce qui a révolté dans un Jéfuite, condamné
par état à ne jamais abandonner fon pinceau aux
mains de l’aiuour. La galanterie n’eft pardonnable
dans un ouvrage philofophique, que lorfque l’auteur
de l’ouvrage eft homme du monde ; encore bien des
perfonnes l’y trouvent-elles déplacée. En prétendant
ne donner aux raifonnemens qu’un tour léger propre
à intéreffer par «ne forte de badinage, fouvent
on tombe dans le ridicule ; & toûjours on cauife du
fcandale, fi l’on eft d’un état qui ne permet pas à l’imagination
de fe livrer à fjss faillies. Il paraît qiforç
a cenfuré trop durement notre Jéfuite, fur ce qu’il dit
que les bêtes font animées par des diables. Il eft aifé
de voir qu’il n’a jamais regardé ce fyftème que comme
une imagination bifarre & prefque folle. Le titre
Üamufement qu’il donne à fon livre, & les plaifante-
ries dont il l’égaye, font affez voir qu’il ne le croyoit
pas appuyé fur des fondemens affez folides pour opé-
Torne I,
rer une Vraie pérfuafiori. Ce n’eft pas que ce fyftème
ne reponde à bien des difficultés, & qu’il ne fût affez
difficile de le convaincre de faux : mais cela prouve
feulement qu’on peut affez bien foûtenir une opinion
chimérique , pour embàrraffer des perfonnes d’ef-
prit, m%is; non pas affez biçn pour les perfuader. Il
n y a , ditM. de Fontenelle dans une oçcafion à-peu-
près. femblable , que la vérité qui perfuade, même
fans avoir befoin de paraître avec toutes fes preuves
; elle entre fi naturellement dans l’efprit, que
quand on 1 apprend pour la première fois, il femble
qu on ne faffe que s’en fou venir. Pour moi, s’il m’eft
permis de dire mon fentiment, je trouve ce petit ouvrage
charmant & très-agréablement tourné. Je n’y
vois que deux défauts ; celui d’être l’ouyrage d’un
Religieux ; & l’autre, le bifarre âfl'ortiment des plai-
fanteries qui y font femées, avec des objets qui touchent
à la religion, & qu’on ne peut jamais trop ref-
peaer. (AT)
Ame des Plantes , {Jardinage.) Les Phyficiens
ont toûjours été peu d’accord fur le lieu oh réfide
Vame des plantes; les uns la placent dans la plante,
ou dans la graine ayant d’être femée ; les autres dans
les pépins ou dans le noyau des fruits.
La Quintinie veut qu’elle confifte dans le milieu
des arbres, qui eft lejiége de la v ie , & dans des racines
faines qu’une chaleur convenable & l’humidité
de lafeve font agir. Malpighi veut que les principaux
organes des plantes foient les , fibres ligneufes, les
trachées , les utricules placées dans la tige des arbres.
D ’autres difent que Vame des plantes'n eft. autre
chofe que les parties fubtiles de.lg terre, lefquelles
pouffées parla chaleur, paffent à-travers les
pores des plantes, oh étant ramaffées, elles forment
îa fubftance qui les nourrit, f^oye^ T r a ché e.
Aujourd’hui, en faifant revivre le fentiment de
Théophrafte, de Pline & de Çolumelle , on foûtient
que Vame des végétaux réfide dans la moelle qui s’étend
dans toutes les branches & les bourgeons- Gette
moelle qui eft une efpece à'ame, & qui fe trouve dans
le centre du tronc & des branches d’un arbre, fe remarque
plus aifément dans les plantes ligneufes , telles
que le fureaii , le figuier, & la vigne, que dans
les herbacées ; cependant par analogie ces dernieres
n’en doivent pas être dépourvûes. Voye{ Ligneux ,
Herbacée, & c.
Cette ame n’eft regardée dans les plantes que comme
végétative ; .& quoique Redi la croye fenfitive,
on ne l’admet qu’à l’égard des animaux : on reftraint
à l’homme, comme à l’être le plus parfait, les trois
qualités de Vame, favoir de végétative, de fenfitive,
& de raifonnable; (K )
Ame DE-Saturne, anima Saturai; félon quelques
Alchimiftes, eft la partie du plomb la plus parfaite,
qui tend à la perfcttion des métaux parfaits ;
laquelle partie eft, félon quelques - uns , la partie
régnante. (Al)
Am e , terme a" Architecture & de Deffdn; c’eft l’ébauche
de quelques ornemens , qui fe fait fur une armature
de fer, avec mortier compofé de chaux ôc
de ciment, pour être couverte & terminée de ftuc ;
on la nomme auffi noyau. Ame eft auffi une armature
de quelque figure que ce fo it , recouverte de
carton. On dit auffi qu’un deffein a de Vame, pour
dire que fon exquiffe eft touchée d’a r t , avec feu &
légèreté.
Am e , (Stuccateur.) Oïl appelle ainfi la première
forme que l’on donne aux figures de ftuc, lorfqu’on
les ébauche groffierement avec du plâtre , ou bien
avec de la chaux Sc du fable, ou du tuileau caffé ,
avant que de les couvrir de ftuc, pour les finir ; c’eft
ce que Vitruve , liv.VII. chap.j. appelle nucléus,
ou noyau. Voye7 la jig. tz. Planche de Jluc. On nomme
auffi ame ou noyau, les figures de terre ou de
Y x