Us Per fans , les hommes favans, Us favans philofophes.
30. Dans les propofitions particulières, quelques
hommes y certaines personnes foutiennent, &c. un /avant
nta dit y & c. on m'a dit y des favans m'ont dit, en fous-
entendant quelques-uns, aucuns , ou des favans philofophes
, en fous - entendant un certain nombre, ou
quelqu’autre mot.
40. Dans les propofitions fingulieres, le foleil ejl
levé y la lune ejl dans fon plein , cet homme, cette femme,
ce livre.
Ce que nous venons de dire des noms qui font fu-
jets d’une propofition, fe doit aufli entendre de ceux
qui font le complément immédiat de quelque verbe
ou de quelque prépofition : détejlons tous les vices,pratiquons
toutes les vertus,6cc. dans le cielyfur la terre,& c.
J’ai dit le complément immédiat ; j’entens par-là tout
fubftantif qui fait un fens avec un verbe ou une prépofition
, fans qu’il y ait aucun mot fous - entendu
entre l’un 6c l’autre ; car quand on dit, vous aime%
dés ingrats , des ingrats n’eft pas le complément immédiat
de aime{ ; la conftruâion entière eft, vous ai-
me[ certaines perfonnes qui font du nombre des ingrats ,
OU quelques-uns des ingrats , de les ingrats, quofdam ex ,
ou de ingratis : ainfi des ingrats énonce une partition:
c’eft un fens partitif, nous en avons fouvent parlé.
Mais dans l’une ou dans l’autre de ces deux occa-
fions, c’eft-à-dire, i°. quand l’adjeôif 6c le fubftantif
font le fujet de la propofition ; 20 ou qu’ils font
le complément d’un verbe ou de quelque prépofition
: en quelles occafions faut-il n’employer que cette
fimple prépofition , & en quelles occafions faut-il
y joindre l’article & dire du ou de le & des, c’eft-à-dire
de les ?
La Grammaire générale dit (pag. 54.) qu'avant
les fubflantifs on dit des , des animaux, & qu'on dit de
quand U adjectif précédé, de beaux lits : mais cette réglé
n’eft pas générale, car dans le fens qualificatif indéfini
on fe fert de la fimple prépofition de, même devant
le fubftantif, fur-tout quand le nom qualifié eft
précédé du prépofitif un , & on fe fert de des ou de
les , quand le mot qui qualifie eft pris dans un fens
individuel, les lumières des philofophes anciens , ou des
anciens philofophes.
Voici une lifte d’exemples dont le leâeur judicieux
pourra faire u fage, 6c juger des principes que
nous avons établis.
Noms avec /’article com-
pofé, c'efl-à-dirc avec la
prépofition & /’article.
Les ouvrages de Cicéron font
pleins des idées les plus Jaines,.
(De les idées.)
Voilà idées dans le fens individuel.
Faites - vous des principes ,
(c’eft le fens individuel).
Défaites-vous des préjugés de
l’enfànce.
Cet arbre porte dés fruits ex-
cellens.
Les efpeces differentes des animaux
qui font iur la terre,
(fens individuel univerfel).
Entrez dans le détail des réglés
d’une faine dialeéfcique.
Noms avec la feule prépofition.
\
Les ouvrages de Cicéron font
pleins d’idées faines.
Idées faines eft dans le fens
fpécifiqüe indéfini, général
de forte.
Nos connoiflances doivent
être tirées de principes évi-
( Sens fpécifiqüe ) où vous
voyez que le fubftantif précédé.
N'avez-vous point de préjugé
far cette queftion ?
Cet arbre portz -dexcellent
fuits ( fens de forte).
Il y a différentes efpeces d’animaux
fur la terre.
Différentes fortes de poijfons,
&c.
Il entre dans un grand détail
de réglés frivoles ( voilà le
fubftantif qui précédé ,
e'eft le fens fpécifiqüe indéfini
; on ne parle d'aucunes
réglés particulières , c’eft
le fens de forte )t
Ces raifons font des eanjefîu-
res bien fbibles.
Faire des mots nouveaux.
Choifir des fruits excellent.
Chercher des détours.
Se fervir des termes établis par
l’ufage.
Evitez l’air de Validation
( fens individuel métaphy-
fique ).
Charger fa mémoire des phra-
fes de Cicéron.
Difcours foûtenu par des ex-
pr»f ions fortes.
Plein des fentimens les plus
beaux.
Il a recueilli des préceptes pour
la langue de pour la morale.
Servez-vous des fignes dont
nous fommes convenus. .
Le choix des études. *
Les connoiflances ont toujours
été l’objet de tejlime ,
des louanges 6* de ladmiration
des hommes.
Lesrichejfes de l'elprit ne peuvent
être acquifes que par
l'étude.
Les biens de la fortune font
fragiles.
L'enchaînement des preuves
fait qu’elles plaifent &
qu’elles perfüadent.
C’eft par la méditation fur ce
qu’on lit qu’on acquiert des
connoiffances nouvelles.
Les avantages de la mémoire.
La mémoire des faits eft la
plus brillante.
La mémoire eft le thréfbr
de l’efprit, le fruit de l’attention
fit de la réflexion.
Le but des bons maîtres doit
être de cultiver l’efprit de
leurs difciples.
On ne doit propofer des difficultés
que pour faire triompher
la vérité.
Le goût des hommes eft fujet
à des viciflitudes.
Il n’a pas befoin de la leçon
que vous voulez lui donner.
Ces raifons font de foibles.con-
jedures.
Faire de nouveaux mots.
Choifir iexcellens fruits.
Chercher de longs détours pour
exprimer les chofes les
plus aifées.
Ces exemples peuvent fervir
de modèles.
Evitez tout Ce qui a un air
d’ajfeélation.
Charger fà mémoire de phra»
Difcours foûtenu par de vives
expreffions.
Plein d*fentimens.
Plein de grands fentimens.
Recueil de préceptes pour la
langue fit pour la morale.
Nous fommes obligés d’ufèr
de fignes extérieurs p our nous
faire entendre.
Il a fait un choix de livres qui
font, &c.
C’eft un fujet d’eflimt , de
louanges & d'admiration. 11 y a au Pérou une abondance
prôdigieufe de richéjfes
inutiles.
(Des biens de fortune, la Bruyère
> caraflères , page 176).
Il y a dans ce livre un admirable
enchaînement de preuves
folides. (fens de forte.)
C'eft par la méditation qu’on
acquiert de nouvelles connoiffances.
Il y a différentes fortes de mémoire.
U n’a qu’une mémoire défaits,
fit ne retient aucun raifon*
nement.
Préfence d'efprit ; la mémoire
defprit fit de raifon eft
plus utile que les autres
fortes de mémoire.
Il a un air de maître qui choque.
Il a fait un recueil de difficultés
dont il cherche la folu-
tion.
Une fociété d'hommes choifis
(d’hommes choifis qualifie
la fociété adjectivement ).
Céfar n’eut pas befoin d’exemple.
Il n’a pas befoin de leçons.
Remarque. Lorfque le fubftantif précédé, comme
il fignifie par lui-même, ou un être rée l, ou un être
métaphyfique confidéré par imitation , à la maniéré
des êtres réels, il préfente d’abord à l’efprit une idée
d’individualité d’être féparé exiftant par lui-même;
au lieu qu« lorfque Padjeâif précédé, il offre à l’efprit
une idée de qualification, une idée de forte, un
lens adjeétif. Ainfi l'article doit précéder le fubftant
if, au lieu qu’il fuffit que la prépofition précédé l’ad-
je&if, à moins que l’adjeâif ne ferve lui-même avec
le fubftantif à donner l’idée individuelle, comme
quand on dit : les favans hommes de C antiquité: le fen-
timent des grands philofophes de l'antiquité , des plus favans
philofophes : on fait la defeription des beaux lits
qu'on envoyé en Portugal.
Réflexions fur cette réglé de M. Vaugelas, qu'on ne
doit point mettre de relatif après un nom fans article.
L’auteur de la Grammaire générale a examiné cette
réglé (II. partie, chap. x .j . Cet auteur paroît la ref-
traindre à l’ufage préfent de notre langue ; cependant
de la maniéré que je la conçois, je la crois de
toutes les langues & de tous les tems.
En
Eh toute Iangué & en toute cönftruttión, Ü y a
une jufteffe à obferver dans l’emploi que l’on fait des
fignes, deftinés par l ’ufage pour marquer non-feulement
les objets de nos idées , mais encore les différentes
vues fous lefquelles l’efprit confidéré ces objets.
article, les prépofitions ,_les conjonctions, les
verbes avec leurs différentes inflexions, enfin tous
■ les mots qui ne marquent' point, des chofes , n’ont
d’autre deftination que de faire connoître ces diffé*-
: rentes vues de l’efprit.
D ’ailleurs, c’eft une regie des,plus communes du
ràifonnement, que , lorfqu’au commencement du
difcours on a donné à un mot une certaine fignifica-
.tion, on ne doit pas lui en. donner une autre dans la
.fuite du même difcours. II.eh eft de même par rapport
au fens grammatical ; je .veui dire que dans la
même période, un mot qui eft au fingulier dans le
.premier membre de cette période*;ne doit pas avoir
dans l ’autre membre un corrélatif ou adje&if qui le
fuppofe au pluriel : en voici un exemple tiré de la
.princeffe' de Cleves , tom. II. pag; 119. M. de Nemours
ne laiffoit échapper aucune occajîon de voir madame
de Cleves , fans laijftrparaître néanmoins qu'il les
■ cherchât. Ce les.du fécond membre étant au pluriel,
ne de voit pas être deftiné à rappeller occafion, qui
eft au fingulier dans le premier membre de la pério-
. de. Par la même raifon,. fi dans le premier membre
de la phrafe ,:yous m’avez d’abord préfentc le mot
dans un fens fpécifiqüe, c’eft-à-dire comme nous l’avons
dit, dans un fens qualificatif adjeCtif, vous ne
devez p as, dans le membre qui fu it, donner à ce
mot un relatif,. parce que le relatif rappelle toujours
l’idée d’une perfonne ou d’une chofe, d’un individu
reel ou métaphyfique,6c jamais celle d’un fimple qualificatif
qui n’a aucune exiftence, 6c qui n’eft que mode
; c’eft uniquement à un fubftantif confidéré fub-
ftantivement, 6c non comme mode* que le qui peut
fe rapporter : l’antécédent de qui doit être pris dans
le même fens aufli - bien dans toute l’étendue de la
période, que dans toute la fuite du fyllogifme.
Ainfi, quand on dit, il a été reçu, avec politeffe, ces
deux mots, avec politeffe, font une expreflion adverbiale
, modificative, adjeâive, qui ne préfente aucun
être réel ni métaphyfique. Ces mots , avec politeffe
, ne marquent point une telle politeffe individuelle
: fi vous voulez marquer une telle politeffe ,
vous avez befoin d’un prépofitif qui donne à politeffe
un fens individuel réel, foit univerfel, foit particulier
, foit fingulier, alors le qui fera fon office.
Encore un coup, avec politeffe eft une expreflion
adverbiale, c’eft l’adverbe poliment décompofé* • ■
Or ces fortes d’adverbes font abfolus, c’eft-à-dire
qu’ils n’ont ni fuite ni complément; 6c quand on veut
les rendre relatifs , il faut ajouter quelque mot qui
marque la corrélation ; il a été rcçûji poliment que ,
6cc. il a été reçu avec tant de politeffe , que , 6cc. ou
bien avec une politeffe qui, 6ic.
En latin même ces termes corrélatifs font fouvent
marqués, is qui, ea q ue, id quod, &c.
Non eriim is es,- Catilina , dit Cicéron, ut ou qui,
ou quem, félon ce qui fuit ; voilà deux corrélatifs is ,
ut, ou is , quem, 6c chacun de ces relatifs eft conf-
truit dans fa proportion particuliere : il a d’abord un
fens individuel particulier dans la première propofition
, enfuite ce fens eft déterminé fingulierement
dans la fécondé : mais dans agere cumaliquo, inimice,
ou indulgenter, ou atrociter , ou violenter, chacun de
ces adverbes préfente un fens abfolu fpécifiqüe qu’on
ne peut plus rendre fens relatif fingulier, à moins
qu’on ne répété 6c qu’on n’ajoûte les mots deftinés à
marquer cette relation 6c cette fingularité : on dira
alors ita atrociter ut, 6cc. ou en décompofant l’adverbe
, cum eâatrocitate ut Ou que , & c . Comme la
langue latine eft prelque toute elliptique * il arrive
Tome I,
fouvent que ces corrélatifs ne font pas exprimés en
latin : mais le fens & les adjoints les font aifément
fuppléer. On dit fort bien en latin ,funt qui putent *
Cic. le corrélatif de qui eft philofophi ou quidam funt (
mitte cui dem litteras, Cic. envoyez-moi quelqu’un à
qui je puifle donner mes lettres ; où vous voyez que
le eorrelatifeft mittefervum, oupuorum, ou altquem. Il
n’en eft pas de même dans la langue françoife ; ainfi
je crois que le fens de la regie de Vaugelas eft que
lorfqu’eii un premier membre de période un mot eft
pris dans un fens abfolu, adjectivement ou adverbia*
lement, ce qui eft ordinairement marqué en françois
par la fuppreflîon de l'article 6c par les circonftances ^
on ne doit pas dans le membre fuivant ajoûter un relatif,
ni même quelqu’autre mot qui fuppoferoit que
la première expreflion auroit été prife dans un fens
fini & individuel -, foit univerfel, foit particulier ou
fingulier ; ce feroit tomber dans le fophifme que les
Logiciens appellent puffer de l'efpece à T individu, paf»
fer du général au particulier,
■ Ainfi je ne puis pas dire Yhomme ejl animal qui rai-
Jbnne , parce que animal, dans le premier membre
étant fans article, eft un nom d’efpece pris adjectivement
6c dans un fens qualificatif ; or qui raifonne ne
peut fe dire qüe d’un individu réel qui eft ou déterminé
ou indéterminé, c’eft-à-dire pris dans le fens
particulier dont nous avons parlé ; ainfi je dois dire
Y homme ejl lefeul animal, ou un animal qui raifonne.
Par la même raifon, on dira fort bien, il n'a point
de livre qu'il naît lû. ; cette propofition eft équivalente
à celle-ci : il n’a pas un feul livre qu’il n’ait lû ;
chaque livre qu’il a , il l’ a lû. llrVy a point Tinjuflïcc
qiiil ne commette ; c’eft-à-dire chaque forte d’injufti-
ce particuliere , il la commet. E jl- i l ville dans le
royaume qui foit plus obéiffante ? c’eft-à-dire eft- il
dans le royaume quelqu’autre v ille , une ville qui
foit plus obéiffante que, &c. I l n'y a homme qui fa+
cke cela ç aucun homme ne fait cela.
Ainfi, c’eft le fens individuel qui autorife le relatif,
6c c’eft le fens qualificatif adjeCtif ou adverbial
qui fait fupprimer Y article ; la négation n’y fait
rien, quoi qu’en dife l’auteur de la Grammaire générale.
Si l’on dit de quelqu’un qu’il agit en roi, enpere ,
en ami, 6c qu’on prenne roi, pere, ami, dans le fens
fpécifiqüe, 6c félon toute la valeur que ces mots
peuvent a v o ir , on ne doit point ajoûter de qui:.-
mais fi les circonftances font connoître qu’en difant
roi,pere , ami, on a dans l’efprit l’idée particuliere
de tel roi, de tel pere , de tel ami, 6c que l’expref-
fion ne foit pas confacrée par l’ufage au feul fens
fpécifiqüe ou adverbial , alors on peut ajoûter le
qui } il fe conduit en pere tendre qui ; car c'eft autant
que fi l’on difoit comme un pere tendre ; c’eft le fens
particulier qui peut recevoir enfuite une détermina»
tion finguliere.
I l ejl accablé de maux ; c ’eft-à'-dire de maux particuliers
ou de dettes particulières qui, &c. Une forte de
fruits qui * 6cc. une■forte .tire ce mot fruits de la généralité
du nom fruit ; une forte eft un individu lpé*
cifique , ou un individu collectif.
Ainfi, je crois que la vivacité, le feu , l’enthou-
fiafme, que le ftyle poétique demande, ont pû au-
torifer Racine à dire (Efther, aét. II. fc. viij. ) nulle
paix pour l'impie ; il la cherche , elle fuit : mais cette
expreflion ne feroit pas réguliere en profe, parce que
la première propofition étant univerfelle négative ,
& où nulle emporte toute paix pour l’impie, les pronoms
la 6c elle des propofitions qui fuivent ne doivent
pas rappeller dans un fens affirmatif & individuel
un.mot qui a d’abord été pris dans un fens négatif
univerfel. Peut-être pourroit-on dire nulle paix
qui foit durable n'efl donnée aux hofnmes : mais on feroit
encore mieux de dire une paix durable n’ejl point
donnée aux hommes,
A A a a a