
400 A N A des caractères extérieurs les chofes intérieurement
différentes. Ces apparences font deftinées à nous fer-
vir d’étiquette pour fuppléer à la foiblefle de nos
fens, qui ne pénètrent pas jufqu’à l’intérieur des objets
: mais quelquefois nous nous méprenons à ces
étiquettes. Il y a des plantes venimeufes qui reflem-
blent à des plantes très-falutaires. Quelquefois nous
fommes furpris de l’effet imprévu d’une caufe , d’où
nous nous attendions à voir naître un effet tout op-
pofé : c’eft qu’alors d’autres caufes imperceptibles
s’étant jointes avec cette première à notre infu, en
changent la détermination. Il arrive aufli que le fond
des objets n’eft pas toujours diverfifîé à proportion
de la diflemblance extérieure. La réglé de Y analogie
n’eft donc pas une réglé de certitude, puifqu’elle a
fes exceptions. Il fuffit au defl’ein du Créateur, qu’elle
forme une grande probabilité, que fes exceptions
l'oient rares, & d’une influence peu étendue. Comme
nous ne pouvons pénétrer par nos fens jufqu’à l’intérieur
des objets, l'analogie eft pour nous ce qu’eft le
témoignage des autres, quand ils nous parlent d’objets
que nous n’avons ni vus , ni entendus. Ce font-
là deux moyens que le Créateur nous a laifles pour
étendre nos connoiflances. Détruifez la force du témoignage
, combien de chofes que la honté de Dieu
nous a accordées , dont nous ne pourrions t)rer au"
cune utilité ! Les feuls fens ne nous fuflifent pas : car
quel eft l’homme du monde qui puifle examiner par
lui-même toutes les chofes qui font néceflaires à la
vie ? Par conféquent dans un nombre infini d’occa-
fions, nous avons befoin de nous inftruire les uns les
autres, & de nous en rapporter à nos obfervations
mutuelles. Ce qui prouve en paflant, que le témoignage
, quand il eft revêtu de certaines conditions,
eft le plus’ fouvent une marque de la vérité ; ainfique
l'analogie tirée de la reffemblance extérieure des objets
, pour en conclure leur reffemblance intérieure
, en eft le plus fouvent une réglé certaine. Voye^
Varticle C o n n o is s a n c e , oii ces réflexions font plus
étendues.
En matière de foi on ne doit point raifonner par
analogie ; on doit fe tenir précifément à ce qui eft
révélé , & regarder tout le refte comme des effets
naturels du méchanifme univerfel dont nous ne cOn-
noiflons pas la manoeuvre. Par exemple , de ce qu’il
y a eu des démoniaques, je ne dois pas m’imaginer
qu’un furieux que je vois foit poffédé du démon ;
comme je ne dois pas croire que ce qu’on me dit de
Léda ,.de Sémelé, de Rhéa-Sylvia, foit arrivé autrement
que félon l’ordre de la nature. En un mot Dieu
comme auteur de la nature, agit d’une maniéré uniforme.
Ce qui arrive dans certaines circonftances,
arrivera toujours de la même maniéré quand les
circonftances feront les mêmes ; & lorfque je ne vois
que l’effet fans que je puifle découvrir la caufe, je
dois reconnoître ou que je fuis ignorant, ou que je
fuis trompé , plutôt que de me tirer de l’ordre, naturel.
Il n’y a que l’autorité fpéciale de la divine réve-
lation qui puifle me faire recourir à des caufes fur-
riaturelles. Voyeq_ le I. chapitre de l'Evangile de faint
Matthieu, ÿ . ic/. & 20. où il paroît que-faint Jofeph
garda la conduite dont nous parlons.
En Grammair^, l'analogie eft un rapport de reflem-
blance ou d’approximation qu’il y a entre une lettre
& une autre lettre, ou bien entre un mot & un
autre m ot, ou enfin entre une exprefîion, un tour,
line phrafe , & un autre pareil. Par exemple, il y a
de l’analogie entre le B & le P. Leur différence ne j
vient que de ce que les levres font moins ferrées Tune
contre l’autre dans la prononciation du B; & qu’on
les'ferre davantage lorfqu’on veut prononcer P. Il y
a aufli de l'analogie entre le B & le P'. Il n’y a point
dû analogie entre notre on dit & le dicitur des Latins, ou
Jîdice des Italiens : ce font-là des façons de parler pro*
A N A près & particulières à chacune de .ces langues. Mais
il y a de Vanalogie entre notre on dit & le. man Jagt des
Allemands : car notre on vient de homo, :& man fagt
lignifie l’honime dit; man kan, l’homme peut. L’analogie
eft d’un grand ufage en Grammaire pour tirer
des induftions touchant la déclinaifon , le genre St
les autres accidens. des.mots. (F&cX)
A n a l o g ie , en. Mathématique i eft la même chofe
que proportion y OU égalité de rapport, f^oye^ PROPORTION
, R a p p o r t , R a is o n . (O )
A n a l o g ie . On fe fert de ce mot en Medecine pour
lignifier la connoiflance de l’ufage des parties dè
leur ftruôure & de leur liaifon, eu égard à leurs fonctions:
elle donne dé grandes vues dans les maladies,
foit pour en expliquer la caufe 8t Taftion, foit pour
déterminer les remèdes qui y font néceflaires. C ’eft
à Y analogiequeTon- doit l’utilité de la faignée dans
différentes maladies inflammatoires & éruptoires;
c’eft par Y analogie que Ton a reconnu les effets de
différentes préparations chimiques tirées du mercure
,-de l’antimoine & du fer. (N)
ANALOGUE, adj. ( Gram. ) qui a de l ’analogie •
par exemple , les étrangers fe fervent fouvent d’ex-
prefliens, de tours ou phrafes dont fous les mots à
la vérité font des mots François, mais l’enfemble ou
conftrtiélion de ces mots n’eft point analogue au tour,
à la maniéré de parler de ceux qui favent la langue.
Dans la plupart des auteurs modernes qui ont écrit
en grec ou en latin , on trouve des phrafes qui font
analogues au tour de leur langue naturelle , mais
qui ne font pas conformes au tour propre à la langue
originale qu’ils ont voulu imiter. Voye^ ce que
dit Quintilien de Y analogie , au chap. vj. liv. I. de fes
Infiit. (F') •
ANALYSE, ( Ordreencyclop. Entend. Raifon. Pht-
lofoph. ou Science y Science de la Natqre , Mathématiques
pures , Arithmétique littérale, ou Algèbre , Ana-
lyji. } eft pro prement la méthode de réfôudre les
problèmes mathématiques , en les réduifant à des
équations. P o y e ^ Pr o b l è m e 6* E q u a t io n .
L’Andlyfe, pour réfôudre les problèmes , employé
lè fecours de i’Aigeb're , ou calcul des grandeurs en
general : aufli ces deiix mots, Analyfe, Algèbre, font
lôuvent regardés comme fynonymes.
L'Analyfe eft l’inftrument ou le moyen général
par lequel on a fait depuis près de deux fiecles dans
les Mathématiques de fl belles découvertes. Elle
fournit les exemples ies plus parfaits de la maniéré
dont on doit employer l’ârt du raifonnement, donne
à Tefprit une merveilleiile promptitude pour découvrir
des chofes inconnues, au moyen d’un petit nombre
de données ; & en employant des Agnes abrégés
& faciles pour exprimer les idées , elle préfente
à l ’entendement des chofes, qui autrement femble-
roient etre hors de fa fpheré. Par ce moyen les dé-
monftrations géométriques peuvent être finguliere-
ment abregeés : une longue fuite d’argumens, oii
Tefprit ne pourroit fans le dernier effort d’attention
découvrir la liaifon des idées , eft convertie en des
Agnes fenfibles , & lesdiverfes opérations qui y font
requifes font effeftuées par la cômbinaifon de ces
Agnes. Mais ce qui eft encore plus extraordinaire,
c’eft que par le moyen de cet art un grand nombre
de vérités font fouvent .exprimées par une feule ligne
; au lieu que A on fuivoit la maniéré ordinaire
d’expliquer & de démontrer , ces vérités rempli-
roient des volumes entiers. Ainfi par la feule étude
d’une.ligne de calcul, on peut apprendre en peu de
tems des fcierices entières, qui autrement pourroient
à peine être apprifes en plufieurs années, foye^ M a -
t e m a t iq u e , C o n n o is s a n c e , T h é o r è m e , A l g
è b r e , &c.
VAnalyfe eft divifée, par rapport à fon objet,
en
A N A
en Analyfe des quantités finies , & Analyfe. des quantités
infinies. _ .
Analyfe des quantités finies , eft te qtie rtoufc appelions
autrement Arithmétique fpécieufe ou Algèbre.
Voye{ ALGEBRE.
Analyfe des quantités infinies ou des infinis , ap-
pellée aufli la nouvelle Analyfe, eft celle qui calcule
les rapports des quantités qu’on prend pôur infinies,
ou infiniment petites. Une de fes principales branches
eft la méthode des fluxions ou le calcul différentiel.
Poyei Fl u x io n , I n f in im e n t p e t it , & D if f
é r e n t ie l .
Le grand avantage des Mathématiciens modernes
fur les anciens, vient principalement del’ufage qu’ils
font de Y analyfe*
Les anciens auteurs d’Analyfe font nommés par
Pappus, dans la préface de fon feptieme livre des
collerions mathématiques ; favoir , Euclide, en fes
Data & Porifmata ; Apollonius , de Seclione Rationis,
& dans fes Coniques ; Ariftæus, de Locis folidis ; &
Eratofthenes, de Mediisproportionalibus. Mais les anciens
auteurs d’Analyfe étoient très - différens des
modernes. V o y e ^ A r it h m é t iq u e .
L’Algèbre appartient principalement à ceux-ci :
on en peut voir l’hiftoire, avec fes divers auteurs,
fous Y article ALGEBRE.
Les principaux auteurs fur Y Analyfe des infinis,
font Wallis , dans fon Arithmétique des infinis; Newton
, dans fon Analyfis per quantitatum fériés yfiuxiô-
nes & differentias , &.dans fon excellent traité qui a
pour titre de quadraturâ curvarum : Leibnitz, ait. eru-
ditor. an. 1684. le marquis de l’Hôpital, en fon Analyfe
des infiniment petits y 1696. Carré, en fa méthode
pour la mefure des furfaceSy la dimenjion des folides ,
& c . par l 'application du calcul intégral, 1700. G.
Manfredi, dans fon ouvrage de conftruclione equatio-
num difftentialium primi gradus, 1707. Nie. Merca-
t o r , dans fa Logarithmotecknia, 1668. Cheyne, dans
fa Methodus fluxionum inver fa , 1-703. Craig, Metho-
dus figurarum lineis reclis & curvis comprehenfarum ,
quadraturas determinandiy 1685 » & de quadraturis figurarum
curvilinearum & locis y &c. 1693. Dav. Gré-
gory , dans fon Exercitaiio geometrica , de dimcnfîone
figurarum y 1684. & Nieuwentijt, dans fes Confide-
rationes circd analyfeos ad quantitates infinité parvas
applicatat, principia , 1695.
L’Analyfe démontrée du P. Reynau de l’Oratoire
, imprimée pour la première fois à Paris en 1708,
en 2 volumes in-40. eft un livre auquel ceux qui
veulent étudier cette fcience ne peuvent fe difpen-
fer d’avoir recours. Quoiqu’il s’y foit glifle quelques
erreurs , c ’eft cependant julqu’à préfent l’ouvrage
le plus complet que nous ayons fur Y Analyfe.
Il feroit à fouhaiter que quelque habile Géomètre
nous donnât fur cette matière un traité encore plus
exaft & plus étendu à certains égards, & moins étendu
à d’autres, que celui du P. Reynau. On pourroit
abréger le premier volume, qui contient fur la théorie
des équations beaucoup de chofes afîez inutiles,
& augmenter ce qui concerne le calcul intégral, en
fe fervant pour , cela des différens ouvrages qui en
ont été publiés, & des morceaux répandus dans les
mémoires des Académies des Sciences de Paris, de
Berlin , de Londres & de Petersbourg, dans les aftes
de Leipfic , dans les ouvrages de MM. Bernoulli,
Euler ,Maclaurin, &c. Foye^ C a l c u l in t é g r a l .
Cet article Analyfe eft deftiné au commfln des lecteurs
, & c’ eft pour cela que nous l’avons fait aflez
court : on trouvera à Yarticle A r it h m é t iq u e u n iv
e r s e l l e un détail plus approfondi ; & à Y article
A p p l ic a t io n , on traitera de celle de Y Analyfe à
la Géométrie. Varticle A lg è b r e contient Thiftoire
de Y Analyfe. 1 0 )
A n a l y s e , 1, f. (Gram.) ce mot eft grec , «V«Av-
ifome ƒa
A N A 4®*
«vf, formé d’aW, rurfum, & de Xvu9Jblvo, je ré-
foüs. Il Agnifie , à proprement parler, la réfolùtioii
ou le développement d’un tout en fes parties : ainfî
on appelle analyfe d’ün Ouvrage, l’extrait dé cet
ouvrage, oîi Ton en développe les parties principales
; analyfe d’ün raifo'nrtertieht, Texâmen qu’ôn fait
d’un raifonnement eh le partageant en plufieurs parties
Ou propoAtions, pour en découvrir plus facilement
la vérité Oïl la fauffeté. (O)
L’Analyse , f. f. en Logique, c’eft cé qii’on âp->
pelle dans les écoles la méthode qu'on fuit pour découvrir
la vérité ; oh la nônime autrement la méthode de
révolution. Par cette méthode, On pafle du plus com-
pofé au plus Ample ; au lieu que dans la fynthefe ÿ
on va du plus Ample au plus compofé. Comme cette
définition n’eft pas des plus exaftes, on nous permettra
d’en fubftituer une autre. L’analyfe confine à
remonter à l’origine de nos idées, à en développer
la génération & à en faire differentes compofitions
ou décompofitions pour les comparer par tous leà
côtés qui peuvent eh montrer l'es rapports. \Yanalyfe
ainfi définie, il eft aifo de voir qu’elle eft le
vrai fecret des découvertes. Elle a cet avantage fur
la fynthefe, qu’elle n’offre jamais que peu d’idées à-
la-fois, & toujours dans la gradation la plus Ample*
Elle eft ennemie des principes vagues, & de tout ce
qui peut être contraire à Texaélitude & à la préci-
fion. Ce n’eft point avec le fecours des propoAtions
générales qu’elle cherche la vérité, mais toujours par
une efpece de calcul ; c’eft-à-dire , en' compofant ôc
décompenfant les notions pour les comparer, de la
maniéré la plus favorable, aux découvertes qu’on a
en vue. Ce n’eft pas non plus par des définitions ,
qui d’ordinaire ne font que multiplier les difputes r
mais c’eft en expliquant la génération de chaque
idée. Par ce détail on voit qu’elle eft la feule méthode
qui puifle donner de l’évidence à nos raifon-
nemens ; & par conféquent la feule qu’on doive fui*-
vre dans la recherche de la vérité, & dans la maniéré
même d’en inftruire les autres ; honneur qu’on
fait ordinairement à la fynthefe. Il s’agit maintenant
de prouver ce que nous avançons.
Tous les Philofophes , en général, conviennent
qu’il faut dans l’expofition, comme dans la recherche
de la vérité, commencer par les idées les plus
Amples & les plus faciles ; mais iis ne s’accordent
pas fur la notion qu’ils fe forment de ces idées Amples
& faciles. Prefque tous les Philofophes, à la
tête defquels on peut mettre Defcartes, donnent ces
noms à des idées innées, à des principes généraux,
& à des notions abftraites, qu’ils regardent comme
la fource de nos connoiflances. De ce principe, il
s’enfuit néceflairement qu’il faut commencer par définir
les chofes , & regarder les définitions comme
des principes propres à en faire découvrir les propriétés.
D ’autres en petit nombre, tels que Loke
& Bacon, entendent par des idées Amples, les premières
idées particulières qui nous viennent par fen-
fation & par réflexion : ce font les matériaux'de nos
connoiflances que nous combinons félon les circonftances
, pour en former des idées complexes, dont
Y analyfe nous découvre les rapports. Il ne faut pas
les confondre avec les notions abftraites, ni avec
les principes généraux des Philofophes ; ce font au
contraire celles qui nous viennent immédiatement
des fens, & à la faveur defquelles nous nous élevons
enfuite par degrés à des idées plus Amples oü
plus compofées. Je dis plus compojées , parce que
Yanalyfe ne confifte pas toujours, comme on fê
l’imagine communément, à paflerdu pluscompofé
au plus Ample.
Il me femble que fi on faififloit bien le progrès
des vérités, il feroit inutile de chercher des raifon-
nemens pour les démontrer, & que ce feroit afle*
E e §