2 À
juges avoient deux tablettes, fur l’une defquelles ils
écrivoient l’a , qui eft la première lettre aabfolvo ;
& fur l’autre ils écrivoient le c , première lettre de
condtmno. Voyez A , ligne d’abfolution ou de condamnation.
Et l’accufé étoit abfous ou condamné, félon
que le nombre de l’une de ces lettres l’emportoit fur
le nombre de l’autre.
On a fait quelques ufages de cette lettre qu’il ell
utile d’obferver.
1 . L’a chez les Grecs étoit une lettre numérale qui
tnarquoit un. Voyez A , lettre numérale.
2. Parmi nous les villes oh l’on bat monnoie, ont
chacune pour marque une lettre de l’alphabet : cette
lettre fe voit au revers de la piece de monnoie au-
deffous des armes du Roi. A ell la marque de la mon-
noie de Paris. Voyez A numifmatique.
3. On dit de quelqu’un qui n’a rien fait, rien écrit,
qu’il n’a pas fait une panfe d’a. Panfe, qui veut dire
ventre, fignifie ici la partie de la lettre qui avance ; il
n’a pas fait La moitié d’une lettre.
A , mot, ell i . latroilieme perfonrie du préfent de
l ’indicatif du verbe avoir. IL a de L’argent, il a peur,
i l a honte , i l a envie, & avec le fupin des verbes,
elle a aimé, elle a vu , à l’imitation des Latins, habeo
perfuafum. V. Supin. Nos peres écrivoient ceta avec
une h; il ha, à’habet. On ne met aucun accent fur a
.verbe.
Dans cette façon de parler U y a , a eû verbe.
Cette façon de parler ell une de ces exprelîions figurées
, qui fe font introduites par imitation, par abus,
ou catachrefe. On a dit au propre , Pierre a de l'argent
, il a de l ’efprit ; & par imitation on a dit, il y a
de l ’argent dans la bourfe , il y a de l'efprit dans ces vers.
I l , eft alors un terme abllrait & général comme ce,
on. Ce font des termes métaphyfiques formés à l’imitation
des mots qui marquent des objets réels. L’y
vient de l’ibi des Latins, &c a la même fignifîcation.
I l , y , c’ell- à-dire là , ic i, dans le point dont il s’agit.
Il y a des hommes qui, &Cc. I l , c’eft-à-dirè, l’être
métaphyiîque, l ’être imaginé ou d’imitation, a dans
le point dont il s’agit des hommes qui, &c. Dans les
autres Langues on dit plus Amplement , des hommes
font, qui , Scc.
C’ell aufli par imitation que l’on dit, là raifon a
des bornes. Notre Langue n ’a point de cas 3 la Logique
a quatre parties, &c.
2. A , comme mot, ell aufli une prépolition, &
alors on doit le marquer avec un accent grave à.
A , prépolition vient du latin à , à dextris, à Jinif-
tris , à droite, à gauche. Plus fouvent encore notre
à vient de la prépolition latine ad , loqui ad , parler
a. On trouve aufli diceread. Cic. It lücrum ad me ,
(Plaute) le profit en vient à moi. Sinite parvulos ventre
ad me, laiflez venir ces, enfans à moi.
Obfervez que a mot, n’ell jamais que ou la troilieme
perfonne du préfent de l’indicatif du verbe
avoir, ou une fimple prépofition. Ainfi à n’ell jamais
adverbe, comme quelques Grammairiens l’on crû,
quoiqu’il entre dans pluüeurs façons de parler adverbiales.
Car l’adverbe n’a pas befoin d’être fuivi d’un
autre mot qui le détermine, ou-, comme difent communément
les Grammairiens , l’adverbe n’a jamais
de régime ; parce que l’adverbe renferme en foi la
prépolition & le nom , prudemment , avec prudence. ( V . Adverbe) au lieu que la prépofition atoûjours
lin régime, c’ell- à-dire, qu’elle ell toujours fuivie
d’un autre mot , qui détermine la relation ou l’efpece
de rapport que la prépofition indique. Ainfi la prépofition
à peut bien entrer, comme toutes les autres
prépofitions, dans des façons de parler adverbiales :
mais comme elle ell toujours fuivie de fon complément
, o u , comme on dit, de fon régime, elle ne peut
jamais être adverbe.
A n’ell pas non plus line fimple particule qui mar-
A
oue le datif ; parce qu’en françois nous n’avons nî
déclinaifon, ni cas , ni par conféquent de datif. Vûy\ Cas. Le rapport que les Latins marquoient par la
terminaifon du datif, nous l’indiquons par la prépa-
fition à. C ’ell ainfi que les Latins mêmes fe font fervis
de la prépofition ad, quod attinet ad me. Cic. Accedit
ad, referre ad aliquem , & alicui. Ils difent aufli également
loqui ad aliquem , &(. loqui alicui, parlera quel-*;
qu’u n , &c.
A l’égard des différens ufages de la prépofition à ,
il faut obferver i. que toute prépofition ell entre
deux termes, qu’elle lie & qu’elle met en rapport.
2. Que ce rapport ell fouvent marqué parlafigni-’
fieation propre de la prépofition même, comme avec 9
dans, fur, &c.
3. Mais que fouvent aufli les prépofitions, fur-tout
à , de ou du, outre le rapport qu’elles indiquent quand
elles font prifes dans leur fens primitif & propre, ne
font enfuite par figure & par extenlion, que de Amples
prépofitionsunitives ou indicatives,qui ne font
que mettre deux mots en rapport ; enforte qu’alors
c’ell à l’efprit même à remarquer la forte de rapport
qu’il y a entre les deux termes de la relation unis en-
tre-eux par la prépofition : par exemple, approchez-
vous du feu : du, lie feu avec approchez-vous, & l’efprit
obferve enfuite un rapport d’approximation,
que du ne marque pas. Eloignez-vous du feu ; du , lie
feu avec éloignez-vous, & l’efprit obferve-là un rapport
d’éloignement. Vous voyez que la même prépofition
fert à marquer des rapports oppofés. On dit
de mêm edonnera & ôter à. Ainfi ces fortes de rapports
different autant que les mots different entre-eux.
Je crois donc que lorfque les prépofitions ne font ,1
ou ne paroiflent pas prifes dans îe fens propre de leur
première dellination , & que par conféquent elles
n’indiquent pas par elles-memes la forte de rapport
particulier que celui qui parle veut faire entendre j
alors c’ell à celui qui écoute ou qui l i t , à reconnoître
la forte de rapport qui fe trouve entre les mots liés
par la prépofition limplement unitive & indicative.
Cependant quelques Grammairiens ont mieux aimé
épuifer la Métaphyfique la plus recherchée
fi je l’ofe dire , la plus inutile & la plus vaine, que
d’abandonner le ledleur au difcernement que lui donne
la connoiflance & l’ufage de fa propre Langue.
Rapportde caufe, rapport d'effet, cCinflrument, deSituation,
d'époque , table à piés de biche , c’ejl-là un rapport
de forme, dit M. l’abbé Girard, tom. II. p. 199. B afin
à barbe , rapport de fervice , ( id. ib. ) Pierre à feu , rapport
de propriété productive , ( id. ib. ) &c. La prépofition
à n’ell point deflinée à marquer par elle-même
un rapport de propriété productive, ou de fervice ,
ou de forme, & c . quoique ces rapports fe trouvent
entre les mots liés par la prépofition à. D ’ailleurs
les mêmes rapports font fouvent indiqués par des
prépofitions différentes, & fouvent des rapports op-
pofes font indiqués par la même prépofition.
Il me paroît donc que l’on doit d’abord obferver la
première & principale dellination d’une prépofition.
Par exemple : la principale dellination de la prépofition
à , eft de marquer la relation d’une chofe à une
autre , comme, le terme oîi l’on va , ou à quoi ce
qu’on fait fe termine , le b u t , fe fin , l’attribution ,
le pourquoi. Aller à Rome, prêter de l'argent à ufure,
à gros intérêt. Donner quelque chofe à quelqu’un , & c .
Les autres ufages de cette prépofition reviennent en-
fuite à ceux-là par catachrefe, abus, extenlion, ou
imitation : mais il ell bon de remarquer quelques-uns
de ces ufages , afin d’avoir des exemples qui puiffent
fervir de réglé, & aider à décider les doutes par analogie
& par imitation. On dit donc :
A p r è s un n om s u b s t a n t if .
Air à chanter. Billet à ordre , ç’ell-à-dire, payabld
A A 3
i ordre. Chàife à deux. Doute À éclaircir. Ehtreprife à
exécuter. Femme \à la hotte ? ( au vocatif ). Grenier à
Jel. Habit à la mode. Injlrumentà vent. Lettre de change
à vue , à dix-jours de vue. Matière à procès. Nez a ^u~
nette. OEufs à la coque. Plaine à perte de vue. Queftion
à juger. Route à gauche. Fâche à lait.
A APRÈS UN ÀUJÈCTlF*
Agréable à la vue. Bon à prendre & à laiffer. Contraire
à la fantè. Délicieux a manger. Facile à faire.
- Obfervez qu’on dit : I l eft facile dé faire cela:
Quand on le veut il ejl facile
De s'affurer un reposplein d’appas. Quinault;
La raifon de cette différence ell que dans le dernier
exemple de n’a pas rapport à facile, mais à i l, i l ,
hoc, cela, à fa voir de faire , & c . eft facile, ell une
chofe facile. Ainfi, i l , de s ’affûrer un repos plein d’appas
, ell le fujet de la propofition, & eft facile en ell
l ’attribut.
Qu’i l ejt doux de trouver dans un amant qu’on aime
Un époux que l ’on doit aimer / (Idem. )
I l , à fa voir, de trouver un époux dans un amant,
ôcc.eji doux,eû une chofe douce (/^.Proposition)*
I l ejt gauche à tout ce qu’il fait. Heureux à la guerre.
Habile à dejjiner, à écrire. Payable à ordres Pareil à , &C. Propre à , & c. Semblable à , &c. Utile à lafantè.
A p r è s u n v e r b e *
S ’abandonnerafespaffions. S ’amufer à des bagatelles.
Applaudir à quelqii un. Aimer à boire , à faire du bien.
Les hommes n’aiment point à admirer les autres ; ils
cherchent eux-mêmes à être goûtés & à être applaudis.
. La Bruyere. Aller à cheval, à califourchon, c’ell-à-
dire, jambe deçà , jambe delà. S ’appliquer à , & c . S ’attacher
à , &cc. B lejfèr à , il a été bleffèàla jambe. Crier
à l ’aide , au feu , au fecours. Confeiller quelque chofe à
quelqu’un. Donner à boire à quelqu’un. Demander à
boire. Etre à. I l ejt à écrire , à jouer. IL ejl à jeun. I l
ejt à.Rome. I l ejt à cent lieues. H ejt long-tems à venir.
Celaejlà faire , à taire , à publier , à payer. C’ejt à vous
à mettre le prix à votre marchandée. J ’ai fait cela à votre
çonjîderation , à votre intention. I l faut des livres à votre
fils. Jouer à Colin Maillard,jouer à l'hombre,aux échecs.
Garder à vue,. La dépenfe fe monte à cent écus , & la recette
à, & c . Monter à cheval. Payer à quelqu'un. Payer
à vue , à jour marqué. Perfuader à. Prêter à. Puifer à
la four ce. Prendre garde à. foi. Prendre à gauche. Ils
vont; un à un , deux à deux , trois à trois. Voyons à qui
l'aura, c’ell-à-dire, voyons à ceci, ( attendamus ad
hoc nempe ) à favoir qui l'aura.
A AVANT UNE AUTRE PRÉPOSITION.
. A fe trouve quelquefois avant la prépofition de
comme en ces exemples.
Peut-on ne pas céder à défipuiffans charmes ?
E t peut-on refufer fon coeur .
A de beaiix yeux qui le demandent A
Je crois qu’en ces occafions il y a une ellipfe fym
thétique. L’efprit ell occupé des charmes particuliers
qui l’ont frappé ; & il met ces charmes au rang des
charmes puiffans , dont on ne fauroit fe garantir.
Peut-on ne pas céder à ces charmes qui font du nombre
des charmes fi puiffans, & c . Peut-on ne pas céder
à l’attrait, au pouvoir de fi puiffans charmes?Peut-on
refufer fon coeur à ces yeux , qui font de laclaffe
des beaux yeux? L’ufage abrégé enfuite l’expreflion,
& introduit des façons de parler particulières auxquelles
on doit fe conformer, & qui ne détriiifent
pas les réglés*
Ainfi, je crois que de ou des (ont toujours des prépofitions
extrafrives, & que quand on dit des Savans
foûtiennent, des hommes m'ont dit, & c. des Savans,des
hommes-, ne font pas au nominatif. Et de même quand
on dit, j’ai yû des hommes, j’ài vu des femmes, êcc< des
Tome I,
hommes , des femmes , ne font pas à l’accufatif ; car ,
fi l’on veut bien y prendre garde , ôn reçonnoîtra
cjue ex homnibus , ex mulieribus , ê>Cc. ne peuvent
etre ni le fujet de la propofition, ni le terme de l’action
du verbe ; & que celui qui parle veut d ire, que
quelques-uns des Savans foûtiennent, &c. .quelques-
uns des hommes, quelques-unes des femmes, dif ent, &a
A APRÈS DÉS AOVERBÈS:
On ne fe fert de la prépofition à après un adverbe,’
que lorfquê l’adverbe marqué relation. Alors l’ad-
yerbe exprime fe forte de relation, & fe prépofition
indique 1e corrélatif. Ainfi , on dit conformément à.
On a jugé conformément à l’Ordonnance de 1667. On
dit aufli relativerhent à.
D ’ailleurs l’adverbe ne marquant qu’une circon-
llance abfolue & déterminée de l’aéîion, n’eft pas
fuivi de la prépofition à.
A en des façons de parler adverbiales, & en celles qui
font èqûivaléiltes à des prépofitions Latines , ou dt
quelqïi’autre Langui.
A jamais, à toujours * A C encontre. Tour à tour*
Pas à pas. Vis-à-vis. A pleines mains. A fur & à me-
fure. A la fin , tandem, aliquando. Cefi;à-dire, nempe
, fçilicet j Suivre à la pijle. Faire le diable à quatre„
Se faire tenir à quatre. A caufe, qu’on rend en latin par
la propofition propier. A raifon de. Jufqu’à , ou jufques
à. Au-delà. Au-deffuS. Au-deffous. A quoi bon , quor-
siim. A la vue , à la préfence, ou en préfence , coram.
T elles font les principales occafions oh l’ufage a
confacré la prépofition à. Les exemples que nous venons
de rapporter , ferviront à décider par analogie
les difficultés que l’on pourroit avoir fur cette pré1*
pofition*
Au relie la prépofition bu eft la même que la pré-
.pofition à. La feiile différence qu’il y a entre l’une
& l’autre , c’eft que à eft un mot fimple , & que ait
eft un mot compofé.
Ainfi il faut confidérer la prépofition à en deux
états différens* I . Dans fon état fimple : i° . Rendez à Céfar ce
qui appartient à Céfar ; z°. fe prêter à l’exemple ;
30. fe rendre à la raifon. Dans le premier exemple
à eft devant un nom fans article* Dans le fécond
exemple à eft fuivi de l’article mafculin , parée que
le mot commence par une voyelle : à Vexemple, à
l ’efprit, à Vamour. Enfin dans le dernier,, la prépofition
à précédé l’article féminin, à la raifon , à l’autorité.
II. Hors de ces trois cas, la prépofition à devient
un mot compofé par fa jonfrion avec l’article le ou
avec l’article pluriel les. Lferticle le à caufe du fon
fourd de Ve muet a amené au ,• de for te, qu’au lieu
de dire <z le nous difonsaa , fi le nom ne. commence
pas par une voyelle. S’adonner au bien-, & au pluriel
au lieu de dite à les, nous changeons / en « , ce qui
arrive fouvent dans notre Langue , &.nous.difQns
au x, foit que le nom •coinmence par une voyelle ou
par une confonde : aux hommes, aux femmes ,- & c .
ainfi au eft autant que à le, & aux que à les.
A eft aufli une prépofition inféparable qui entre
dans la compofition des mots : donner , s'adonner,
porter , apporter, mener , amener, & c . ce quilert o.u à
l’énergie,ou à marquer d’autres points de vûe ajoû-;
tés à la première fignifîcation du mot. f
Il faut encore obferver qu’en Grec d marque
1. Privation , & alors on l’appelle alpha privatir
ce que les Latins ont quelquefois imité, comme dans
amens qui eft compofé de mens, entendement, intel-'
ligenc-e, & de l’alpha privatif. Nous avons confervé
plufieursmots oîi fe trouve l’alpha privatif, pomme
amazone, afyle, abyfme, &c. l’alpha privatif vient
de la prépofition «r*/>, Jin*, fens, • - ; _