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Je ne me répandrai pas en conjefitire fur. ce
qui précéda le temps de Galon.; car a peine
trouve-t-on dans quelques j'.iftoriens de fimples
appcrçus. C’eft.à' Uii-proprement que commence
Vlilloire de cette, république iiîtéreffante.
Gélon defcencloit d’une famille qui avoir éprouve
plufieurs. de cas viriffitudes qui font ù communes
dans les petites républiques. Il étoit de Gela, &
l’un de les ancêtres y av.cit été pontife' des dieux
infernaux. Il s’étoit lignais dansles,guerres qu’Hip-
pocrate, .tyran de Géla , fit aux. états voiiins.
Après la mort dû tyran ( i ) il feignit de vomoir
faire conferver l’autorité à fes fils, & 1 ufurpa pour
■ Uîkmême. ■ 1.» j c
Peu apres, en fevorifartt une_des factions de by-
raeufe, il parvint à s’emparer des forces de tome
la ville. Alors., il fe fixa dans cette v ille , «Jaifla
■ Géla à foii frère, Hiéron. „ .
Il faut convenir que lorfqu’U éft neceffiure d agir,
foit pour étendre des conquêtes, Toit pour des
opérations intérieures du gouvernemtnt, le geme
d’un homme y met plus d'activité quun conietl
compofé de fages. On s’en apperçut a Syracu e.
Il vouloit-donner à cette ville de Teclat & de la
force. En même temps qu’il travailloit a 1 embellir
& à l’augmenter en étendue-, il fit la guerre aux
habitans de Camarina, lés vainquit, & les amena
à Syracufe, dont il augmenta ainfi la population.
Il en fit autant des plus riches habitans de Megare.
Mais, en tyran, c’eft-à-diré, en vainqueur ablolu
qui méconncît tous les droits de l’homme & les
premières conventions fociales , non-feulement il
enleva le petit peuple de fes foyers, mais il le difperfa
& le vendit comme efclave. Encore y mit-u cette
condition , qu’il exigeoit des. acheteurs que ces
efclaves feraient tranfpcrtés hors de la .
11 en arriva de ces ufurpations ce qnil avoit
prévu, ç’eft- à - dire, que fa puiffance contraindrait
les Syracufains , 8c que les autres nations
le refpeôeroient. La plupart des villes de Sicile
& les deux plus puiffantes villes de la Grèce recherchèrent
fon alliance. Athènes & Lacedemone lui
promit le fsèoûrs. Mais, comme ft dès ce moment
il fe fut propofé d’en abufer, en leur offrant 2.00
galères., 20000 hommes armés, 2000 chevaux,
2000 archers ’& 2000 frondeurs, 8cc. 8c des fub-
fiflahces pour toute l’armée, il en demanda le commandement
envoyèrent des ambaffadeurs pour Y engager a les
fecoiiir contre Xerxès, prêt à fe jeter fur la
Grèce avec une armée formidable. Cette démarché
étoit prefque inconfidêrée.,. car ces républiques lui
avoient refufè du fecours dans un temps ou «a pmi-
.fance n’étoit pas suffi formidable. Cependant Gelon
Comme j’emploie ici ce mot dapreî? ÿ s auteurs
Grecs, il convientque j’explique le fens qu’ils y atta-
choient. Cette épithète avoit moins de rapport a la manier e
de gouverner, qu’au titre'en vertu duquel on gouvernoit.
unwran chez les Grecs, eût été appelé usurpateur'.
Il fuffifoit de s’^re-empare de 1 autorité dans
une ville célèbre, pour etre appelé
: suffi de l’avoir reçu de fon pere, qui 1 a voit ufurpee.
Dès qu’une fois une ville avoit ete libre, . -,
oui la gouvernoient feuls, étoient repûtes y
p’y avoit qu’une longue habitude qui |>\it leur obtenir
tenqm4f?9.i»
; il voulut bien enfuite fe contenter
de commander ou la flotte, ou les troupes de terre.
Toutes fes demandes furent également rejetées: il
renvoya les ambaffadeurs. ■
Lorfquil fut que Xerxès étoit entré dans fa
Tliracç 8c la Macedôine, 8c qu’il marchoit contre
les Grecs, il envoya des pérfonnages diftingués
avèc des pr éfens pour le rci de Perfe , en cas qu il
fût vainqueur. Les préfens lui revinrent ^ les Grecs
furent vainqueurs, 8c les envoyés tres-fideles. Hérodote
rapporte la chofe un . peu différemment, en
difrnt que ce fut une irruption de la part des
Carthaginois qui l’empêcha de. fecourir les Grecs.
Les Carthaginois s’étoient ligués avec les Perfes
pour écçafer les Grecs , s’il étoit poffible. Ils def-
cendirent en Sicile fous la conduite^ dAmilcar,
Mais une rufe employée par Gelon lui procura le
moyen de défaire; abfolument cette'première armée.
Il périt quinze mille hommes dans l’un dès camps
des Carthaginois.. Cette défaite eût lieu, félon
Diodore, le jour du combat des Thermopyles;
félon Hérodote, le jour du combat de Salamine.
-Ce fut à l’oçcafton de cette viftoire que les Agri-
eentins bâtirent ce fameux temple dont j’ai parle
précédemment. Les Carthaginois demandèrent, la
paix 8c l’obtinrent. ^ . ,
On remarque entre les conditions du traite, que
: Gélon exigea d’eux qu’ils renonceraient aux facrifices
humains. . ,
Les traits fuivans ne font pas moins d honneur
à fon caractère. .
Renonçant à- toute efpèce de prétention a 1 egard
du commandement, il alloit conduire une flotte
au fecours des Grecs, lorfqii’il apprit la défaite
entière des Perfes. Toute apparence de guerre
étant évanouie, il licencia les troupes étrangères,
convoqua une affemblée gèijérale de tous les Syracufains
en armes, & fe préfentant devant eux,
leur remit le pouvoir. Je ne fais fi l’offre -étoit tres-
fincère, s’il n’y avoit pas dans l’affemblée des
gens apoftés pour entraîner les autres dans le parti
que -l’on prit, ou fi les Syracufains étoient alors
fi peu dignes du bien qu’on leur offroit ; feulement
oh peut dire .qu’ils étoient ou trahis, ou
imbécilles. Et, comme.la multitude a toujours des
chefs plus'en état de juger de la fuite des démarches
, je ne puis croire que dans cette- occafion
les Syracufains ne furent pas trahis. Non-feulement
on força Gélon de fe revêtir du-pouvoir
fuprême ; mais même on pafla un décret pa
lenuel cette même puiffance etoit affurée fuccelli-
vement à.fes deux,frères, Hiéron & Thrafybuje.
Ainfi , pendant qu’aux Thermophyies & a Calamine
on rrioüroit pour affiner la liberté, de
•1 pays , à Syracufe on renonçoit, pour lo t« P°
les fiefls, à utle liberté qui étoit offerte. Une preuve
même que Gélon n’étoit pas de bonne-foi c’eft
«u’il accepta. Il eft vrai qu’il n’ufa de.fa puiffance
«ue pour faire des travaux utiles. Cétoit la. feule
manière de fe faire pardonner. Sous fon règne ,
ta rd eut-le titre de ro i, Syracufe augmenta
beaucoup fa population & fes richèffes, & jouit
du fort le plus heureux. Mais ce règne ne fut que
de fept ans. , , .. . . . , , -
Hiéron, frère aine de Gélon, hu fucceda.
L’hîftoire, de fon pinceau fidèle, l’a peint comme
un tyran qui fe mettoit au - deffus des loix, &
qui facrifia à fes goûts & à fon avarice le lang 8c
les biens de fes Sujets. Les prêtres & quelques
philofophes qu’il a Careffés, & auxquels il a fait
du bien , ont parlé de lui avec éloge, 8c en ont cité
de beaux traits; tout cela fait honneur à leur
ireconnoiflanee. Mais on doit juger les fouveràins
d'aurès leur conduite publique, & l'on a le droit
de leur reprocher de n’y avoir pas montré les mêmes
vertus que dans leur conduite privée.
On y voyoit Hiéron I , toujours occupé de
guerre contre différentes villes de la Sicile. On
ne trouve pas une de ces guerres affez néceflàire pour
y facrifier le fang de fes fujets. Je ne mets pas
dans ce nombre celle'qu’il fit aux corfaires qui
infeftoient les côtes de la Sicile. Il eut la vanité
de fe montrer & de vaincre à la courfc des chars
aux jeux olympiques ; -niais les Grecs ont fenti que
ce n’étôit pas l’efpèce de gloire à laquelle devoit
afpirèr un fouverain.
Thrafybu'le lui fuceéda. Ce fut un _ tyran cruel
& fanguinaire , dont le règne dut bien faire repentir
les Syracufains des fuites de leur enthou-
ïiafme pour les vertus de Gélon. Sa cruauté fe-
condoit fon avarice-, & fon avarice nourrîffoit fa
cruauté. Il faifoit mettre à mort les gens riches pour
s’emparer de leurs biens, & faifoit plier tout le
refte fous le poids de fa tyrannie.' On fe fouleya ,
& il fut réduit à fe cantonner dans une des parties
«le la ville , pour ne pas tomber entre les riiains
dû peuple, devenu furieux & impitoyable par fes
injuftices. D’autres villes de la Sicile joignirent leurs
armes à celles des Syracufains. Il obtint de meilleures
Conditions qu’il n’auroit ofé l’efpérer. On
fai laiffa la vie fauve, à condition que, renonçant
à toute prétention au trône , il fe retirerait en
pays étranger. Il avoit régné dix mois.
, Les Syracufains recouvrèrent une liberté dont
ils n’étoient pas réellement dignes. Tous les Grecs
avoient le fentiment de la liberté, le counrge qui
la procure ; mais ils manquoient des lumières qui
en affurent la jouiffance. On commença par ériger-
une ftatue coloffale 4 Jupiter, & l’on inftitua une
fête en l’honneur de ce dieu, dans laquelle on
immola quatre cens cinallante taureaux ; cérémonie
iqui devoit fe célébrer chaque année. C ’çfr bien la
joie d’un peuple enfant qui fe prive ci’un bien réel,
pour un bi'çn imaginaire. Enfuite ©n irrita les
étrangers établis à Syraçufe par Gç.ion. fis prirent
Géographie ancienne. Tome 111.
les armes , 8c malhéureufement n’étant pas les plus
forts, ils furent taillés en pièces.-
Le nouveau gouvernement étoit la démocratie ,
& les magrftrats étoient choifis par le peuple. Mais
les vues ambitieufes de pluiieurs particuliers qui
avoient occupé des places éminentes fous Gelon ,
Hiéron & Thrafybule, troublèrent fouvent la tranquillité
qui eût dû être la fuite de ce gouvernement.
On crut y remédier en inffituant une toi
appelée le Pétalijme (1) , parce qü’elie permettoit
à tout citoyen convoqué à cet effet , d’inferire c
fur une feuille le nom de celui qu’il, crovoit af-
■ pirer à la tyrannie. Celui qui portoit ombrage à
un plus grand nombre de citoyens, étoit banni
pour cinq ans. On voit, qu’au nom près, c’étoit.
l’oflracifme des Athéniens.
Dans cet Intervalle de liberté , qui dura foixante
ans ,4es Syracufains éprouvèrent d’abord des pertes
considérables contre Ducétius, chef des Sicules,
qui s’étoient maintenus. indépendans, 8c qui ha--
bitoient l’intérieur de Pile. C’eft à ces Sicules que
l’on doit attribuer les grands travaux que j’ai dit
avoir été faits dans les montagnes. Ducétius, d’abord
vainqueur, fut enfuite battu, 8c implora la
clémence des Syracufains.
Fier de.ee luccès,- ce peuple, que des forces
de terre 8c de mer mettoient à la tête de tous
ceux de la Sicile , voulut en abufer pour les tenir
clans une dépendance offenfante. Cent fois heureux
le peuple fage qui, après avoir recouvré fa liberté,
annonce qu’il ne prendrai jamais les armes que pour
reponffer une ufurpation, 8c non pour fe venger
d’une prétendue offenfe î
Mais les anciennes républiques de la Grèce
avôient la fureur de la domination. Je fuppofe
que ce goût avoit pour premier principe le befoin
‘ de la guerre, entretenu par le goût du luxe &
des commodités de tout genre qui néceffitoient un
• très-grand nombre d’efclaves. O r , comme malgré
la culture des lettres, des arts, 8c d’une certaine
-philofophie, ils méconnoiffoient tous le premier 8c le
plus précieux des droits de l’homme, la liberté;
qu’un barbarè, qu’un grec, dès qu’il étoit prifon-
nier, étoit efclave, - le moyen de s’en procurer
étoit de frire une guerre heureufe, & d’avoir
beaucoup defprifonniers. De quelque façon que fes
frfient les' partages, il eft fûr qu’en regardant les
hommes fous ce rapport révoltant, c’étoit une
denrée dont une vi&oire conftdérabie pouvoit,
d’un innant à l’autre, frire infiniment bailler le
prix. Lorfque d’après les inftitutions de l’Europe
moderne , un prince a fait la conquête d’un pays ,
fon état eft plus conftdérabie, fans que personnellement
il en foit beaucoup plus riche, 8c même
la puiffance de fon état n’en devient plus grande'
que parce qu’il joint de nouvelles rétributions aux
anciennes. Mais, chez lès anciens Grecs ou Rq- 1
(1) Du mot grec pétalon , une feuille.
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