
Mais ce motif eut été infenlé. Mcïfe netoit
qu’un fugitif Jorfquilépoufa Zipporali ; 8c Zippo-
rah avoit pour père le grand - prêtre de Madian ,
chef de tout un peuple. De plus elle étoit auffi
juive , 8c finement plus attentive alors à' confer-
ver les prédeeptes de la loi des juifs, que Moïie
lui-même. Il ne pouvoir donc y avoir en cela
aucune raifon qui parlât contre Zipporali « laquelle
fembîoit certainement à tous égards, fupérieure à
Moue.
Mais fi les tradu&enrs avoient entendu ce paf-
faoe , & qu’ilsi’euffent rendu, en difant qu’Aaron
Miruun firent querelle à Mcïfe pour avoir
époufé unenégreffe , une maure , le^reproche eût
été fondé, & la tradiiéfion eût été exade. ;
En effet, quelque mérite particulier qu’eut Zip-
porah, & qu’on pût lui reconnoître par la fuite,
elle dut parottre au premier abord, une de ces
femmes étrangères , de ces payennes avec lesquelles
il étoit défendu de fe marier. En outre, u
malgré le défavantage de leur couleur, les négrelfes
ont°étê 8c font encore recherchées par- des hommes
de couleur différente, ce n’eft guère , ea
général, par des^égiflateurs , qui ne chcfchoient
dans les plaifirs des fens que des compagnes dignes
eÔn peut citer pour fécond exemple Zérah, roi
de Géfar, qui vint pour combattre A fa , roi d’If-
raë l, avec un armée d’un million d hommes &
trois cens charriots : & cette querelle femble avoir
été décidée en un moment. _
Géfar étoit un petit diffrid qui ne produiloit
que des acacia? , arbre d’où découle la gomme
arabique, 8c dont il a tiré foa nom. Il n’y2.voit
dans ce canton d’autre eau que celle de quelques
puits qu’Abraham y creiifa , & qui V oçcafron-
iièrent plufieurs débats entre lui & les habitans
du pays, qui voulurent le priver de fes puits,
comme on raviroit un trefor. 4
c fon neveu Lotli , à leur retour
purent , quoiqu’ils ne fùffent que
" 1 '"1er enfemble dans le
Abraham 8c fon
d’Egypte, ne purem
de pauvres paiHeurs,
pays de Gerar,
dé pâturage, <
iai ,^ -ü n__y manquèrent d’eau 8c
s & ils fe réparèrent d’un commun
parce
3ç ils
ccoru. ,
On doit avouer que, comme il n y a point de
miracle annoncé, on ne trouvera pas dans tout
Hérodote une fable plus ipYraifemblable que ce
pafla^e de la tradudion dé la Bible. Lès traduc-
teurs^ appellent itrah un -éthiopien, ce qui_figmfic
qu’il vivoit en Arabie, où il demeuroit effectivement
accord.
; féjour qui ne lui donnoit pas plus d’àyan-
- taee; ou bien il lignifie qu’il étoit -étranger, &
q S fortoit originairement des contrées lituees
-au-deffii? de l’Egypte. , I . , ,
Mais de quelque pays qu il fu t, il lui auroit ete
jmpoffible de raffembler un million d’hommes,
c’eft-à-dire, une des plus grandes années qui aient
jamais couvert la face de la^ terre, il^n’eut
pas pu les nourrir, quand même il leur eut fait
fait manger tous les acacias qui croiffoient cïanÿ
fon petit territoire. Il y a plus ; il n’auroit pas
eu de quoi donner un. feul verre d’eau à boire
par jour à chaque homme, en prenant celle qui
ctoit dans tous fes puits.
Comme donc il n’eft pas queffion de miracle
dans ce combat & cette vi&oire , non plus que
dans les moyens d’entretenir une fi grande année,
ne pouvant loupçonner l’écriture d’avoir dit des
extravagances, il faut donc croire que les traduc--
teurs ont mal rendu çe paffage. Il eût donc fallu,
félon M. Bruce, traduire que Zerah étoit un Maure,
un cushite, un prinçe des Gushites qui faifoit le
commerce de l’ifïhme , un paftem^etKiopien enfin,
la difficulté s’évanouiroit. Vingt couriers montes
fur des chameaux, pouvoient faire raffembler, eu
très-peu de temps, un million d’hommes ; 8c comme
Zerah étoit l’agreffeur, il étoit le maître de çhoifir
le moment qui lui. convenoit le mieux pour 1 attaque.
Chacun de ces pnffeurs pouvant avoir avec
lui fa provifion d’eau 8c de farine, fuivant l’in*
variable, coutume du pays, il auroit pu combattre
Afa à Gérar fans conter à Zerah, ni un morceau
de pain ni une pinte d’eau.
Un paffage, dont je ferai auffi .mention , eft
celui-ci. « Le labourage de l’Egypte, 8c; les mar-
» chandifes de l’Ethiopie 8c des Sabéens, hommes
» de haute taille, reviendront chez toi 8c t’appar-
» tiendront ( I f aie, c. 4$ , v. 14 ) ». Ici lesdiftérentqs
nations font très-diftihélement 8c fepavement caraç*
térifées; mais tout le fens du paffage auroit été
perdu, fi la fituation de ces différentes nations
«’avoit pas été parfaitement conque, ou fi les
Sabéens n’avoient pas été mentionnés féparément ;
car les Sabéens 8cles Cushites étoient certainement
Ethiopiens. Ce verfet fignifie donc que de. fruit de
l’agriculture d’Egypte , c’eft-a-dire , le bled 8c lçs.
productions du nègre-, l’o r , l’argent , livoire 8c les
parfums , feroient portés par les payeurs f .Lems 9
nation très-puiffante , qui fe joindront ; u p.euplç
de Dieq. t ®
Ezéçkiel dit ( ch. 30 , v. 8 & 9 ) • « Us connoi-
„ tront oue je fuis le Seigneur, lorfquc jVi.rai aliiuné
jj un grand feu en Egypte, 8c que tout fes,dé?*
» fenfeurs feront confiâmes, En ce jour j’enverrai
jj des vaiffeaux avec des meffages poimépouvanter
jj les infolens Ethiopiens ». Alors Nabuchodon.ofor
ou Nébuchadrezar, étoit prêt à' détruire l’Egyptq
depuis les frontières de la Paleftine jufqu aux montagnes
qui font au-deffus de i’Atbara, première
réfidence des cushiffes. Entre ce pays Sc 1 Egypte
il y a un grand défert. Le pays qnj eft au-delà
ou au fud., étoit poffé.dé par qn de {ni million
d’hommes. Le Cushite , ou nègre marchand émit
par conféquent tranquille. ", il ne crai^noit pas d être
attaque par terre-, mais la mer reffoit ouverte. Il
n’avoir point de defenfeurs de ce cote \ 8ç d-s
meffages venus fur des vaiffeaux, pouvoient avoir
un accès libre chez lui, afin de le tenir en alarmes
8c d’empêcher qtfil ne marchât en Egypte contre
Nabucha^nezar,
Nèbuchadnézar, 8c qu’il n’interrompît les cantons
des projets que le prophète avoit en vue.
Mais rien de tout cela n’eft exprimé dans la
tradu&ion de la Bible, qui rend Cusfi par Ethio- j.
pien. Les Ethiopiens les. plus approchés de Nebu-
chadnézar, les plus puiftans, les plus capables de
s’arrêter dans fes conquêtes , étoient les pafteurs
éthiopiens,, de la "T h éb a ïd e8 c certainement i’s
n’avoient rien à craindre des vaiffeaux ; mais ces
pafteurs, qui vivoient à côté du théâtre où dévoient
s’exécuter les fcènes fanglantes préparées par Ne-
buchadnézar, étoient ennemis des Cushites, ha-
-bitans des villes ; ils les avoient eux-mêmes battus
plufieurs fois. Ainfi, ils n’avoient d’autre envie que
d^reffer tranquilles fpeffateurs de ces deftruélions.
Le même prophète parle des Cushites dans plufieurs
autres .endroits, comme d’une nation commerçante,
qui vivoit en bonne intelligence avec
les habitans des villes de l’Egypte, 8c indépendante
des pafteurs, qui étoient réellement leurs ennemis,
tant par rapport à la différence de leurs moeurs,
que par rapport à celle de leur religion : « Et le
« glaive fe promènera fur l’Egypte, 8c une^ grande p
j j douleur fe reffentira en Ethiopie, quand l’Egypte
jj tombera fous les coups de la mort jj. C’eft donc,
comme je l’ai déjà d it, PEthiopie-qui eft la baffe
contrée des pafteurs, les plus près de 1 Egypte ;
mais ceux-ci n’avoient rien de commun avec les
Cushites qui habitoient les villes ~ égyptiennes.
Ç ’étoïent les autres Cubistes d’Ethiopie, qui étoient
marchands 8c qui deraeuroient dans les cites, lefqueis
dévoient s’affliger pour le peuple d’Egypte.
Je ne citerai plus qu’un feul paffage de récriture-,
ajoute M. Bruce : « L’Ethiopien peut-il changer fa
j j couleur, ou le léopard fa peau mouchetée » ?.
^ J cran, cap: 13 , v. 23). Ici Cush eft rendu par
éthiopien ; 8c plufieurs Ethiopiens étant blancs ,
©n ne voit pas pourquoi ce peuple a été choifi
plutôt qu’un autre, pour fervir d’exemple de ce
eue le prophète vent exprimer. Mais fi Cush avoit
été traduit par nègre ou Maure noir, l’idée de
Jérémie auroit été bien comprife ; lé nègre peut-il
changer fa couleur, ou le léopard fa peau mouchetée
? , , .
Jérémie parle des chefs du peuple mélange qui
demeuroit dans les déferts. Ezéchiel dit auffi qu’ils
étoient indépendans de tous les autres, tant Cushites
que pafteurs, ou Libyens leurs voifins ; 8c il les
défigne par le nom de peuple mélangé. Jfiûe
( cap. 18 , v. 2 ) , les appelle une nation difperfée
& dépouillée de fa peau ; un peuple terrible
depuis fon origine jufqu’à çe moment ; une nation
rejetée, foulée aux pieds, 8c dont la rivière a
gâté les terres. Voilà affurément une defeription
cara&ériftique qui explique qu’ils avoient été chaffes ,
de leur patrie , 8c que le lieu de leur nouvel èta-
tabliffement avoit fouffert, peu de temps auparavant,
les ravages d’un déluge. ^
Je vais joindre à tout ce que je viens de dire
fur les premiers habitans de cette ancienne parti* ‘
Géographie ancienne. Tome 111,
du globe” et que je trouve enfuite dans le même
ouvrage de M. Bruce , fur lancienne écriture de
ce pays. J’aurai foin d’avertir, dans un mot d’aver-
tiflement, de tout ce que peut renfermer d inté-
reffant cet article T rù g lo d y r x , trop long, fans doute,
fi je n’y parfois que de ce peuple, mais qui mérite
fon étendue, par ce qu’il peut jeter de lumières
fur ce qui, concerne les premiers âges de l’Egypte
8c de l’Ethiopie. V o y e ç le V oy a g e en A b y j f in i e , in-40-
v o t . ƒ, p . 4 7 \.
On doit obferver, dit M. Bruce, que j’ai
déjà dit, en parlant du langage des Habefch, ou
des peuples mêlés de l’Abyffmie qu’ils n’ont point
de caraâères qui leur foient propres ; mais que,
quand iis écrivent, çe qui eft très - rare, il*feut.
qu’ils fe fervent de l’alphabet Dgi{. Cependant
Kirker dit que l’on trouve deux fortes de carac-.
tères en Abyffinie, 8c il nomme l’un le Syriaque,
ancien 8c' facré ; 8c l’autre, h vulgaire ou le Dgiç
commun, dont il eft queftion en ce moment. Mais
certainement c’eft une méprife, pour ne pas dire»
une erreur. Je ne fâche pas, dit expreffémenc
M. Bruce, qu’il y ait jamais eu plus de deux
caractères originaux venant d’Egypte. Le premier
eft le Dgi^, le fécond , le Sàitique, 8c tous deux
font les plus anciens cara&ères du monde, 8c
dérivent des hiéroglyphes.
Quoiqu’il me foit impoffihle d’éviter de dire
ici quelque chofe concernant l’origine des langues ,
on n e to i t pas attendre que je veuille me con-,
former aux opinions à la mode, que l’on a débitées
fur ce füjet, ni admettre que toutes les anciennes-
divinités du paganifme, font les patriarches de
l’ancien Teftament. Malgré tout le refpeâ que j’ai
pour Sanchoniaton 8c pour ceux qui ont adopté
fes idées, je ne croirai pas plus qu’Ofiris , le
premier roi d’E gypte, 8c que Thot ait été fon.
miniftre , que je ne puis, croire que Saturne étoit
le patriarche Abraham ; Rachel, Minerve, 8c Lia ,
Vénus. Je ne veux point fatiguer mes le&eurs
raifonnables ; mais fi Offris étoit un perfonnage
s’il étoit roi -d’Egypte , Sc que Thot fût fon fe—
■ crétaire ou fon miniftre , certainement ils voyagèrent
dans de bonnes intentions, puifque tous les
peuples de l’Europe 8c de l’Affe femblent s’ac~
corder à dire que ces deux perfonnages fiirent
les premiers qui leur communiquèrent euxr-mêmes
les lettres 8c l’art d’écrire , quoiqu’à la vérité à des
époques très-différentes & très-éloignées.
Thèbes fut bâtie par une coloniè d’Ethiopiens l
qui fortoient de Siré, c’eifi-à-dire, de la ville de Séir ,
; ou de la Canicule. Diodore de Sicile dit que les
Grecs, en mettant un O devant Sirjs, avoient rendu
ce mot inintelligible pour les Egyptiens. Siris étoit
donc Offris ; mais il n’étoit ni le foleil, ni Abraham ,
ni un perfonnage réel, C’étoit l’étoile Syrius ,
ou la canicule, défignêe par la figure d’un chien ,
à caufe de l’avertiffement qu’il donnoit à l’Atbara ,
où furent faites les premières obfervations du le?
vçr héh^qwe j ou de fon dégagement des rayons