la Byzantine ont donné par corruption aux hordes
d 'Ig o u r s , qui font paffés à l’occident du Volga,
fe font confondus avec les Turcs leurs compatriotes,
8c les ont fuivis dans leurs conquêtes.
Dans la pofition où fe trouvoient alors ces Turcs
Hongrois, ils a voient à l’orient les Patzinacites,
qui .habitoient entre le Tanaïs & le Volga, 8c
confinoient avec les Uzes 8c les Bulgares noirs.
Au midi des Turcs & des Patzinacites, en allant
d'orient en occident, on trouvoit d’abord, vers la
mer Cafpienne, lés Uzes, les Cabares, tribu des
Çhazares , dont j’ai déjà parlé, & qui occupoient
les deux Cabartas. À-peu-près dans lès temps dont
je parle, il s’éleva chez ces peuples une difcorde
civile, & il fe forma deux partis qui fe livrèrent
bataille ; ceux des vaincus qui ne furent pas tués
dans l’a&ion, fe réfugièrent chez les Turcs dans
la terre des Patzinacites, où ils s’établirent. Les
deux nations s’accommodèrent à merveille enfemble ;
les Cabares enfeignèrent même aux Turcs la langue
des Çhazares, & occupèrent en communauté avec
çux le terrein qui avoit auparavant appartenu aux
Patzinacites.
Après les Cabares venoient dans la même direction
d’orient en occident, les Alains dont j’ai
fait mention, 8c les Ziques ; 8c apres ceux - ci
Jes Papages 8c ,les Chazaks, dont les pays for-
inoient partie de ce qu’on appelle aujourd’hui
la Circaffie proprement dite. C’eft, je penfe,
dans la Chazakée qu’il faut chercher forigine
des Cofaques d’aujourd’hui, qui furent vraifem-
blablement du nombre des divers. peuples qui,
fous les noms d’Uzes, de Madgiars, de Cabares
, 8cc. vinrent s’établir dans les terres fituées
entre le Don 8c le Boryfthène, après en avoir chaffé
les Patzinacites, comme on le verra ci-après. Je
h’olèrois combattre l’opinion du favant auteur de
l’hiftoire des Huns, qui penfe que le mot de C o -
J aq u e vient par corruption du nom du pays de
K a p t c h a k , fitué à l’orient du Volga , d’où il prétend
que les Cofaques font originaires. Il me paroît
cependant qu’il n’eft pas néceflàire d’avoir recours
à cette étymologie , puifque dès le temps de Conf-
fantin Porphyrognète ces peuples avoient déjà le
nom de Chazaks, que les Turcs 8c tous les Orientaux
leur donnent encore aujourd’hui, 8c qu’ils
diftinguent parfaitement de celui de. K a p t c h a k . Cela
même n’a rien de contradictoire avec leur première
origine. Il eft certain en effet qu’avant d’occuper
la contrée connue du temps de Conftantin fous
je nom de Chazakie, ils doivent être venus de
plus loin , 8c être fortis des pays au-delà du Volga,
homme tous les autres Barbares de cette région,
qui fe font infenfiblement avancés d’orient en occident.
Quelques-uns croient que les Polonois-
ont donné aux Cofaques ce nom, du mot C o fa k ,
qui fignifie une chèvre, parce qu’ils s’habilloient *
anciennement de la peau de cet animal. Il eft certain
au refte, que cette nation n’eft guère connue fous
ce nom en Europe, que depuis le milieu du feizième
ftècle. Elle eft ajijourd’hui divifée en quatre branche*
principales: les Cofaques d’Ukraine, les Zaporowki
ou Zuporoviens, les üonski ou Cofaques du Don ,
8c ceux du Jaïk, Il y en a une cinquième branche, qui
forme une petite tribu dépendante du khan des Tar-
tares de Crimée ; on les appelle S a r i- In a d ou $ari-ka-
m ich e -C a ça k l; ils habitent au nord du fleuve Couban,
vers la côte orientale de la mer de Zabache. Les
Cofaques d’Ukraine font les plus nombreux ; on
comprend fous ce nom tous ceux qui occupent la
province d’Ukraine, 8c une partie de la Podolie &
de la Ruflie Rouge. Je crois devoir hafarder ici une
obfervation que j’ai faite fur le nom de la province
d’Ukraine, dont je ne trouve l’étymologie
nulle part ; il me femble. l’avoir découverte dans
une ancienne infcription rapportée par le père Mont-
faucon dans fon recueil d’antiquités. Il y eft fait mention
du maufolée de la famille Plautia, fur lequel on
lit l’épitaphe de Tibérius Plautius, conçue en ces
termes :
P rop r&tor M a f ia , in quâ p lu fq u am centum m ilita
e x numéro tran fd an u v tanwum a d p ræfianda tributa
cum con ju g ibu s ac liberïs & p r in c ip ib u s a ut regibus
f u i s t r a n fd u x it , & c . Scy th arum quoque regem, Ache-
ronenfl, quæ eft ultra Boruftenem, o b fidion é fu jn -
moio . Prirn u s e x eâ p r o v in c id magno tr i t i c i modo an*
non am . P . R . a d lev a v it.
Cette province d’Acherone, qui étoit en-delà
du Boryfthène , reffemble beaucoup à l’Ukraine ,
8c il eft très-vraifemblable que du mot ' A c h e r o n ia
on aura fait par corruption O k r d in ia , nom que
les Rufles 8c les Polonois lui donnent actuellement.
Les Çhazares habitoient, dans les temps dont
je parle, fur la côte orientale de la mer de Zabache
, depuis le Couban jufques vers Azoph ; ils
occupoient aufli cette étendue de pays coupée par
le Bofphore Cimmérien 8c lès bouches du Couban,
qui forment des efpèces dites, où çes peuples
étoient établis en neuf différens diftriCts, qu’on appe?
loit nov em regiones Chaçarioe. Ils confinoient avec les
Patzinacites, les Uzes 8c les Alains; leur principale
ville étoit Sa r c e l fur le petit T a n d is ou le
D o n e t ç .. Conftantin Porphyrogénète obferve que
le prince des Alains peut porter la guerre chez
les Çhazares, parce que la contrée appelée N o v em
Regione s fè trouve limitrophe avec l’Alanie. Il
ajoute qu’une femblable guerre réduirait la Cha-
zarie à la dernière extrémité, parce qu’elle tire fa
fubfiftance de cette petite contrée des N o v em
Region e s. On peut juger de-là, comme je. l’ai
déjà dit, que les Çhazares habitoient le long de
la rive orientale du Palus Moeotide 8c du Tanaïs.
De forte que pour pouvoir commercer avec les
Cherfonites, les Bofphoriens 8c les neuf régions,
il falloit que les Alains leur donnaflent le paflage ;
8c lorfqu’ils étoient en guerre avec ceux - ci, la
communication étoit interceptée. D’où Çonftaptfii
conclut qu’il eonvenoit aux premiers de maintenir,
la paix 8c la bonne intelligence. Î1 y a lieu de
penfer, ainfi que je l’ai déjà obfervé, que les
neuf régions étoient les îles de T am a n , d A c h o u ,
& les autres îles que forment les branches du
Couban, entre la mer de 'Zabache 8c la mer
Noire.
Au midi des Çhazares, fur la rive du Pont-
Euxin, étoient les A b a f g i i , qui font les Abafes
d’aujourd’hui.
C’eft-là à-peu-près l’idée que l’on doit fe former
de la pofition où fe trouvoient les peuples barbares
qui environnoient le Palus Moeotide, vers
la fin du neuvième fiècle, lorfqu’ils commencèrent
de fe chafler les uns les autres, 8c que leur déplacement
donna lieu à l’irruption des Turcs*dans la
Pannonie.
Les Uzes étoient, comme on l’a déjà vu, les
peuples le&plus voifins de la mer Cafpienne; ils
font les auteurs des Tartarès Usbeks; on les ap-
peloit aufli M a d g ia r s , nom que les Turcs donnent
encore aux Hongrois d’aujourd’hui, 8c qui montre
vifiblement les progrès de ces peuples orientaux.
Vers le commencement du neuvième ftècle les
Uzes fe liguèrent avec les Çhazares, 8c firent enfemble
la guerre aux Patzinacites. Ce démêlé eft
le principe de cette fameufe tranfmigration des
Turcs Hongrois , qui s’avança des bords de la
mer Cafpienne jufqu’à la Pannonie, appelée alors
M o ra v ie .
| Les Patzinacites habitoient la pointe du triangle
que formènt V A t e l 8c le G è e k , en fe rapprochant
l’un de l’autre. V A t e l eft le V o lg a ; les Tartarès
l’appellent encore E d e l , 8c dans la relation de
Rubraquis , envoyé par S. Louis au grand khan
des Tartarès, ce fleuve eft appelé E t i l ia . Le Gèek
eft le Don ; 8c M. de Fuie a obfervé que le
D o n e t i , ou le pet’* Don, eft le véritable T a n d is
des anciens. Les Patzinacites, dans cette pofition,
avoient au midi les Uzes vers la mer Cafpienne ;
les Cabares, les Alains 8c les Ziques fur le mont
Caucafe ; 8c les Çhazares fur là mer de Zabache.
Au commencement du neuvième fiècle, ces Patzinacites
furent attaqués par les Uzes joints aux
Çhazares ; 8c ayant été mis en déroute, 8c chaffés
de leur pays , ils fe virent contraints de fe jeter
fur les Turcs, qui habitoient, comme on l’a vu
ci-devant, entre le Don 8c le Boryfthène, fur la
côte feptentrionale du Palus Moeotide. Quelques-
uns d’entre eux fuivirent les Uzes leurs vainqueurs,
'8c fe confondirént avec euX.
La guerre s’alluma' bientôt entre les Patzinacites
8c les Turcs; ceux-ci ayant été vaincus, fe
divifèrent en deux bandes ; les uns paffèrent en
Orient,’ 8c fe répandirent clans la Pèrfe, d’où ils
vinrent dans l’Afie mineure fonder l’empire des
Ottomans. Ceux-ci rectfmnoiffént encore aujourd’hui
pour leurs frères les Turcs 'Madgiars ou
. Hongrois, qui, lors dé cette fé^ârâtion, prirent te
chemin dé Èpccident, 8c. fe1 jeftèrê'nt fur la rive
occidentale ‘.du Pont-Euxin. Ce font les Barbares
qui commencèrent à ravager les terres de*
Romains fous l’empereur Théophile. Ils étoient
conduits par Lébidias leur chef. Conftantin Porphyrogénète
nous apprend que le cagan de*
Çhazares voulut mettre ce général à le tête de
tous les Turcs ; mais il refufa cet honneur, 8c
aima mieux qu’il fût conféré à Arpad, fils d’Almus ,
que les hiftoriens Hongrois font defcendre d’Attila.
Par ce premier déplacement des Barbares, les
Uzes fe trouvèrent établis dans le pays qu’ils conquirent
fur les Patzinacites, entre le Volga 8c lè
Don. Les Çhazares leurs alliés, profitèrent de cette
révolution pour s’étendre vers le Donetz ou le
Tanaïs, fur le bord duquel ils fondèrent la ville
de S a r c e l, avec le fecours de l’empereur Théophile.
Les Patzinacites s’établirent entre le Don 8c le
Boryfthène, dans le territoire d’où ils avoient chaffé
les Turcs. Ceux-ci s’arrêtèrent le loïig cia Pont-
Euxin , dans la province t fO k ç a k o w , 8c dans la
Beffarabie ou le Boudgeak, jufques au Danube ;
iis s’étendirent même jufques dans la Moldavie &
la Walaquie. Ces deux provinces étoient habitées
alors, comme aujourd’hui, par les defeendans des
légions romaines, mêlés avec le refte des Barbares
qui avoient fucceffivement inondé ces contrées.
Les écrivains de l’hiftoire de Hongrie né font
point mention de ces démêlés des Turcs avec les
différentes nations ; ils les fuppofent partis du fond
de la Sarmatie, avec le deffein formé de conquérir
la Pannonie ; 8c ils nous donnent le détail
de leur route, depuis qu’ils ont paffé le Tanaïs.
| jufques à leur arrivée dans la-Moravie. Suivant
le rapport de Bonfinius, ils traverfèrent le paÿs
des R o x o la n s , des H am a x o b e s , des Sarmates 8c
des T a u r o - S c y t h e s comme des voyageurs, 8c fans
commettre lé moindre aCte d’hoftifîté. Bien loin
de-là, ils brûloient d’un fi violent defir d’arriver*
dans la Pannonie, qu’ils diflimuloienf les infultes
qu’on pouvoit leur faire en chemin, crainte que
la néceffité d’en tirer vengeance ne les engageât
dans quelque guerre qui auroit pu retarder leur
voyage. Ils paffèrent enfuite chez les Baftarnes ,
8c s’avancèrent chez les B e jfe s 8c les A lb a n o i s .
Plufieurs auteurs ont affuré que les S ic u le s ou lès
H u n s , qui, fous la conduite d’Attila, s’étoient emparés
de cette partie de la Dacie qui eft aujourd’hui
la Tranfylvanie; 8c l’avoient occupée jufques
alors, vinrent au-devant de leurs prétendus compatriotes,
jufques chez les Roxolans 8c les Hamaxobes
, qui font les Rufles d’aujourd’hui. Les
Turcs fatigués d’une fi longue route, s’arrêtèrent
fous les monts Am ad o r es 8c les. monts P e u c in s , 8c
fe feroient peut-être déterminés à fe fixer dans
cette contrée, 8c à la cultiver, s’ils n’en avoient
été détournés par la fabuleufe aventure des aigles ,
dont une multitude innombrable vint fondre fur
leurs chevaux 8c leurs beftiaux, & enlever même les
viandes fur leurs tables. Ils prirent cela pour ini
mauvais augure, 8c un avertiffement de pourfuivre
leur entreprife. Ils paffèrent en effet les monts ,