long-temps le théâtre des guerres des Hongrois;'
des Polonois, des Tartares & des Turcs. On l’a
vue plufieurs fois conquife par les uns & les
autres, & la nation des Comains s’eft infenfible-
ment confondue avec les Walaques, les Moldaves
& les Tartares, qui font enfin demeurés
en poflèftion de ces pays, & y habitent encore
aujourd’hui.
Je renvoie le leôeur à l’hiftoire des Huns &
aux autres hiftoriens pour ce qui concerne la
fuite des opérations des Tartares en Europe, leur
érabliffenient dans la Crimée , la fondation de la
monarchie, connue aujourd’hui fous le nom de
petite Tartarie, & la fucceilion des princes qui
ont occupé ce trône jufqu’à nos jours, & qui
depuis Mahomet II, fe font fournis aux empereurs
Turcs.
Après que la Bulgarie eut été conquife par les
rois d’Hongrie, & rendue tributaire de cette couronne
, il paroît que la Walaquie en fut démembrée,
& devint un état à part, qui eut fes foaverains
particuliers. Cromérus, dans fon hiftoire de Pologne
, avoue' qu’il n’y a rien de fi obfcur que
l’origine de cette principauté ; il dit que la nation
des Walaques an été prefqu’entiérement inconnue,
& que l’on ne trouvé fon nom dans les hiftoriens
de Hongrie, que fous le règne de Charles. Il n’a
pas tout-à-fait raifon fur ce point, puifque Ni-
cétas en parle environ deux fiècles auparavant.
Il eft vrai que l’époque de l’établiflement de cette
principauté n’eft pas fixée par les hiftoriens, &
que l’on ne voit nulle part comment elle s’eft formée.
Il paroît indubitable que dès fon origine
eile étoit, comme la Bulgarie , dépendante &
tributaire du royaume de Hongrie, puifque Bazarad
* le premier vaïvode de la Walaquie dont
l’hiftoire faffe mention , payoit un tribut annuel
au roi Charles.
Bonfinius nous apprend que l’an 1330, Thomas,.
vaïvode de Tranfilvanie , & un nommé Denis,
fils de Nicolas, homme ambitieux, qui avoit des
Vues fur la Walaquie, & qui efpéroient s’emparer
de cet état, s’ils pouvoient en chaffer Bazarad ,
engagèrent le roi à lui intenter une guerre. Il
iî’y avoit aucun reproche légitime à lui faire, il
ne s’étoit jamais écarté de la fidélité qu’il devoit
à fon fouverain, lui avoit toujours payé le tribut
avec la plus fcrupuleufe exaâitude, &,ne l’avoit
fruftrè d’aucun de fes droits. Charles fe laifîà cependant
entraîner par les infinuations de Thomas &
de Denis, & après avoir mis de bonnes garnifons
fur fes frontières, il marcha en perfonne contre
les Walaques avec une armée nombreufe. Il s’empara
en peu de jours de la ville de S e v e r in o , &
mit à feu & à fang tous les villages des environs ;
il donna à Denis le domaine de cette, place, dont
la conquête lui ouvrit tout le vafte pays qui
eft depuis les frontières de le Tranfylvanie juf-
qu’au Pont - Eux in. Bazarad , informé & furpris
de rinjufte procédé du roi , voulut, ayant de
prendre les armes pour la défënfe de fon pays }
tenter les voies de la négociation ; il fit dire à
Charles que s’il confentoit à fe retirer, & à lui
accorder la paix, il lui abandonnerait la ville de
Severino, avec fes dépendances , & lui céderoît
à jamais tous fes droits fur le domaine de cette
place ; qu’il lui rendrait comme auparavant l'hommage
, £k lui paierait le tribut. annuel. Il lui offrit
de plus fept mille livres d’argent, pour le dédommager
des frais de fa campagne, & promit
de lui envoyer à fa cour, fon propre fils en
otage de fa fidélité. Mais il ajouta que fi le roi
refufoit des offres fi avantageufes, il devoit s’attendre
de fa part à la. plus yigoureufe réfiflance, &
qu’il pourroit peut-être fe repentir de l’injufte querelle
qu’il lui avoit intentée. Ces menaces irritèrent
Charles, & l’empêchèrent d’écouter les propo-
fitions qui les avoient précédées. Il fe mit en
marche pour aller attaquer Bazarad. Il lui fallut,
pour s’avancer vers l’ennemi, conduire fon armée
à travers les montagnes & les forêts; les vivres
lui manquèrent, il ne trouva fur la route que
des villages abandonnés, la fatigue & la faim
réduifirent fes troupes à une extrémité fi aftïeufe ,
qu’il fe vit contraint de faire la paix, &. de fe
borner à demander l’humiliante permilfion de retourner
chez lui. Bazarad, pour mieux fe venger
du roi, feignit de confentir à fa retraite , & tandis
que ce prince rétrogradoit avec une parfaite fé-
curité, il occupa tous les défilés & les fommets
des montagnes, & dès que les Hongrois fe furent
enfoncés dans les paffages les plus étroits,'il les-
enveloppa de tous côtes, les accabla de flèches
& de pierres, & en fit un horrible maflacre.
Les perfonnages les plus diftingués de l’armée
périrent dans l’a&ion ; le roi lui-même eut beaucoup
de peine à fe fauver par un ftratagême^-Jl
changea d’habit & d’armure avec Defeus, fils de
Denis, qui avoit été un des principaux auteurs
de cette fatale expédition ; il trouva par - là le
moyen de s’enfuir fans être reconnu. Le malheureux
Defeus fut pris pour le roi, & mis à mort
par les ennemis. C’eft ici le premier fait d’armes
que l’on connoiffe des Walaques proprement dits ,
& fous la conduite d’un fouverain particuliar. On
pourroit foupçonner de-là que ce Bazarad fut le
premier qui démembra la Walaquie du royaume
de Bulgarie, auquel elle avoit fans doute été
annexée jufqu’à ce temps - là, ■ puifque les hiftoriens
qui ont parlé des événemens relatifs au
douzième & treizième fiècles , ont confondu & dé-
figné par le même nom les Walaques & les Bulgares.
Si l’on en croit l’auteur anonyme de l’hiftoire
de • Moldavie, c’eft aufli au règne de Charles,
roi de Hongrie, que l’on doit rapporter l’origine
de cette principauté , & l’époque de fon établif-
fement. Cette province, qui fàifoit autrefois partie
de la Dacie, portoit, dans le temps dont je
parle, le nom de Walaquie cifalpine, celui de
Moldavie ne lui a été donné que fous le règne
T A U
fie Dragon Voda , le premier de f e fouverams;
5 a été tiré de la MoUava, rivière- qui arrofe
dérivl de celui d’une chienne célébré appelée
Molda qui, après avoir pourfuivi une bete fat-
boire à cette rivière, & mourut de
lalitu’de fur le bord. Bonfinius donne au nom de
Moldavie une autre origine; fi le b « *
un abrégé de Mollis David, parce que les Uaces
ont nul. été appellés Davis
temps. Mais cette étymologie eft bien halardêe■
& le nom de Moldavie ne date pas de feloin.
Les Turcs appelloient autrefois les Moldaves Ak
vom les diftinguer des WalaquesW parkoqpirieemse 1nt 1dit1s,
K nommem Cara Iflak, ou Walaques noirs.
Ss donnent aujourd’hui aux M oU « “ “ ^ ù f ë
eues feptentrionaux, le nom de Bogdans, a cauie
T W p r in c e Bogdan-Voda, le prem.er qm fe
rendit dépendant des empereurs Turcs, ou, fut
L u t quelques-uns, du mot turc Bogdai, qui figmfie
froment , parce que cette province en produit une
frè-grande quantité. L’auteur anonyme avance
t èL S-à -p rop os que la Moldayte eft appelée
nnffi111, & il rapporte à ce fujet, fansaucur.e
âurarité , une fàble tout-à-feit abfurde. Dragon-
Voda auquel il attribue la fécondé habttation de
b°Moidav?e, étant, fùivant fei , J g M g
les daines de cette province , alors deierte oc WÊÊÊ arriva dans un endroit « é j u r -
d’hui le monaftère de Jasant, il y trouva des
ruches gardées par un homme originaire de la
Ruffie lolonoife, qui s’appeloit kt^i, & du nom
d u ’uel le pays fut nommé par Dragon-Voda
B I II eft Faux que la Moldavie aiyamais ete
S e Æ L ni dans les fiècles paffes, m de
? I s ours- on ne comprend fous cette dénominatdioepnu
iqsu eB eündc rP lajuinfqeus’ àt iuOik Vfoknotw Mr E«lle1s Bont nouvel-
to e n t tiré ce nom d’une des tmatre hordes des
Nogaïs foumifes au khan des Tartares, qm s y
eftétablie. Cette horde s’appelle Icdfan,_ ou Iidi-
San c’eft-à-dire , fept mille, parce qu elle etoit
originairement compofée de feptmdle hommes^
elle a depuis extrêmement multiphe, & elle eit
auiourd’hui fort nombreufe. Cette feu:le ho:rde
révoltée a dépoffédè Alim Guerai-Khan, & placé
fur le trône Crim - Gueraï - Khan , mort .1 y a
quelque temps à Batchèféraï. C’ètoit un prmee dun
,rèLaêMofdàvie, fuivant un auteur anonyme s a été
peuplée deux fois. Trajan y fonda les Pie™ei“
S B R rS srirès avoir vaincu les Daces. Cette
province’ fmf depuis ravagée par les Bulgares fous
Feur roi Darabaf ou Terbelle , & demeuraBeferte
depuis lors environ 700 ans. Lautem a fait ici
une11erreur de chronologie.; il a fixe-l’époque de
la dévaftation de la Moldavie par les Bulgares
T A U 18 f
n’a commencé de régner que vers l’an 700, &
a été contemporain de Juftinien IL Cette pro-
v....» fui cnftilre repeuplée par Dragon-V oda ,
qui eft reconnu pour le premier prince de Moldavie.
L’auteur anonyme eft .embarraffé pour
déterminer le temps de cet événement, & fe
contredit allez mal-à-propos à ce fujet. Il lui etoit
bien facile , en fuivant fon propre raifonnement,
de retrouver cette époque; il n’avoit qu'a calculer
les années du règne de Dragon-vuüa & de it»
de fes fucceffeurs, jufqu’à Eftienne I , qui mourut
du temps de Cafimir-le-Grand, roi de Pologne.
Ces années - font, très-précifément indiquées par
Vréké Vornico, qu’il cite lui-meme. Suivant le
rapport de ce dernier , Dragon-Voda régna deux
ans , SaffVoda quatre ans, Lafco-Voda huttans,
Bogdan-Voda fix ans, Pierre Voda feize ans .R o main
Voda & Eftienne Voda fon fucceffeur,
régnèrent fept ans; ce qui fait en tout quarante-
trois ans. On voit dans Cromérus que cet Eftienne
Voda mourut vers l’an 13 58, & que Cafimir-le-
Grand prit part au démêlé qui s’éleva pour la -
principauté entre fes deux enfans Pierre & Eftienne.
Il faudrait donc fouftraire de 1358 les quarante-
trois ans qui font la fomme des règnes tl’Eftienne
& de fes prédéceffeurs. Il relie 1315 , qui devoit
être l’époque précife de la fécondé habitation de
la Moldavie fous Dragon-Voda. L’on devrait par
conféquent rapporter cet événement au règhe
d’Andronic Paléologue, empereur de Conftanti-
nople, & non pas à celui de Michel fon père,
comme le prétend Vréké Vornico. Cet èvéne-
ment répond pareillement au fécond régné de
Ladiflas Loketik en Pologne , & à celui de Charles
en Hongrie. L’époque de l’étabUffement de U prin-
cipauté de Moldavie ferait bien exaftement fixée
par ce Calcul, fi l’on pouvoir fe rapporter à l’auteur
anonyme & à Vréké Vornico ; mais par malheur
ces écrivains fe trouvent contredits en plufieurs
points par nos hiftoires , qui font bien plus authentiques
, appuyées fur de bien plus folides autorités.
Il paroît par le témoignage de Bonfinius & de
Michel R i t iu s , hiftoriens de ' Hongrie, que la
Moldavie fut de nouveau abandonnée , à caufe
de l’irruption des Tartares, & que Bog-dan-
Voda y amena une troifième peuplade, que
l’auteur anonyme confond avec la fécondé habitation*.
-
Les hiftoriens ne nous apprennent aucune ctr-
conftance du règne de Dragon-Voda , fondateur
de la principauté de Moldavie; l’auteur anonyme
débite fur fon compte quelques fables, fans aucune
autorité. J’en ai déjà rapporté une , au fujet
du nom de Itijan, qu’il prétend mal - à - propos 1
appartenir à la Moldavie. Il ajoute avoir oui dire
à des vieillards du pays, qui tenoient cette tradition
de leurs ancêtres, que ce Dragon-Voda
fit conftruire une églife de bois dans un lieu
appelé Olowuii, & y.fut.enterré. Eftienne Voda,
le Débonnaire . fit tranfporter cette